Georges ADAMOFF
Georges Adamoff vient de nous
quitter. Ses obsèques ont été célébrées en l’Église du Val de Grâce
le 18 février 2004. Il était entré à la Compagnie des Machines Bull en
1961. Une première partie de sa carrière se déroula aux Études,
notamment dans l’équipe de développement du CMC 7. Il se réorientera
vers des fonctions de pricing, puis entrera en 1977 au Product Planning de
la ligne GCOS 7. Nombreux sont ceux qui se souviennent de son travail méticuleux
de positionnement des systèmes du marché sur des diagrammes
logarithmiques, afin de ne jamais dévaluer « nos produits ».
On s’enrichissait toujours en dialoguant avec lui, car son esprit très
curieux faisait de lui un puits de science. Adieu Georges.
En sa mémoire, nous vous communiquons
ci-dessous l’éloge prononcé par le Capitaine de Vaisseau (H)
Aymery de Loubens de Verdalle, président d’honneur de
l’association Intra-Marine.
|
Ainsi donc, mon cher Georges, te voilà parti pour le monde des étoiles,
le monde du ciel et de la beauté intégrale. Toi qui aimais tant le panache et
l'élégance, te voilà parti aujourd’hui pour le pays de la vérité infinie.
Tu es venu au monde à Paris voici soixante quinze ans, d'un père et
d'une mère russes, lui né à Bakou et elle à Moscou. Tous deux s’étaient
connus à Paris dans le monde des émigrés de la révolution bolchevique de
1917, celui aussi des artistes, des ballets russes, des chorégraphes et des
danseuses étoile. Ton enfance a été bercée par la fierté familiale
d’avoir pour cousin Georges Skibine, le meilleur danseur du monde, en 1920,
avant Nijinski et Serge Lifar. Tu étais entouré aussi par ces peintures que ta
mère ne cessait de créer, de ravissantes peintures naïves. Il est donc évident
que, dès l’origine, tu as reçu le sens de l’esthétique, le goût de
l'art, du très beau, du très bien fait, de l’excellence.
Comme ces dons du ciel tombaient avec toi dans un terrain propice, tu en
as bénéficié toute ta vie : chez les scouts-éclaireurs de ta jeunesse, ton
totem, déjà, est révélateur : « mustang entreprenant ». Tu sais
tout faire avec tes mains, se tortiller en œuvre
d'art un morceau de fil de fer, tu dessines très bien, tu t’essayes à
la sculpture, tu aimes toucher à tout. Avec ta tête et ton cœur aussi, tu
sais tout faire, tu aimes essayer, regarder, écouter : la sociologie à la
Sorbonne, le russe aux Langues O, les icônes, les belles expositions, les
concerts de quatuor à cordes.
Quand arrive le moment du Service National, c’est la Marine que tu
choisis, avec sa cravate noire sur chemise blanche que, déjà tu portais chaque
jour, en mémoire de l’assassinat de ton tzar, et que tu porteras toute ta
vie. Dans la Marine, le chiffre te passionne, avec notre Monsieur Daniélou. Tu
poursuis avec Jérome Peignot. Avec lui, tu co-écriras un livre, paru en 69, «
Le Chiffre à travers les âges », qui va depuis les hiéroglyphes jusqu’à
nos jours. Tu collabores aussi en 62 à « La valeur fondamentale du Patriotisme
français », titre qui dit bien tes centres de pensée. Quant à la Marine
Nationale, pour tous ses contacts avec la Marine Soviétique de la guerre
froide, elle apprécie et sait t’utiliser
: missions à Leningrad avec le Surcouf, à Mourmansk avec le D’Entrecasteaux,
à Sébastopol, visite officielle de l'Amiral Gortchkov, tu es partout
l’interprète secret.
Dans ces années-là, notre ancienne AORIC se transforme en Intra-Marine.
Tu deviens l’esthète de son animation et de son rayonnement dans la Marine :
tu imagines le dauphin, le sigle, les bulletins, les annuaires, les réceptions,
les voyages, les décorations. Tu souhaites que tout soit fait avec qualité,
avec classe, avec panache. Les recrutements de valeur ne cessent alors de se développer.
L’Intra-Marine sera ta grande réussite, nos présences ici en témoignent.
Merci au Ciel, à cette époque, tu fais la connaissance et tu
t’attaches une douce féminité, Martine, dont tu feras ta femme. Quand les
vaches deviendront folles en 95, et qu'une dégénérescence cérébrale se
manifestera, que nul ne sait soigner, elle seule, par sa présence affective,
fidèle, quotidienne pendant 9 années, saura te soutenir, surveiller ton
souffle, comprendre les battements de tes paupières, le poids de ton regard.
Pour ton dernier embarquement, mon cher Georges, à la coupée de
l'escorteur au ciel Val de Grâce, sous un pavillon tricolore, nous pensons que
tu es heureux de nous voir tous, en « tenue 22, coiffe blanche, gants
noirs », te saluer avec émotion.
Aimery
de Loubens de Verdalle