LES MACHINES A CARTES PERFORÉES
II. - LA TABULATION
PAR
F. MAURICE, Professeur à l'École des Hautes Etudes Commerciales



1, L'INTERPRéTEUSE
Vous avez pu constater que l'usage de la carte perforée, en statistique et en comptabilité, est une application immédiate de la Méthode Cartésienne, qui se résume en quatre mots : analyse, classification, dénombrement, synthèse.
L'analyse est matérialisée par la carte perforée, qui représente individuellement un fait élémentaire. La classification, de même que certains dénombrements primaires, sont réalisés par la trieuse, éventuellement complétée par l'interclasseuse. Il me reste à vous parler des machines « tabulatrices », dont le but est le dénombrement complet et le regroupement des faits en vue des synthèses les plus diverses.



Fig. 45. - Interpréteuse électrique.


Fig. 43.44 - Carte perforée interprétée intégralement et partiellement.


 


Mais avant, d'aborder la tabulatrice, je dois mentionner une machine auxiliaire qui est l'interpréteuse , qu'on appelle aussi traductrice. Cette '
machine reçoit les cartes déjà perforées, et imprime sur chaque carte les renseignements numériques ou alphabétiques qui s'y trouvent perforés ; le passage se fait à la vitesse de 80 cartes à la minute.
Une carte peut être interprétée intégralement, c'est-à-dire qu'au-dessus de chaque colonne se trouve imprimée la signification de la perforation. Mais on peut disposer les connexions de la machine pour n'imprimer qu'une partie des renseignements, et sans obligation de correspondance verticale entre la colonne perforée et le signe imprimé.
Par exemple on disposera l'interprétation de sorte que la zone alphabétique qui se trouve perforée vers le milieu de la carte soit traduite à l'extrémité droite du bord supérieur, constituant ainsi un véritable « index alphabétique » qui nous permettra éventuellement de classer la carte par ordre alphabétique comme une fiche quelconque en classement vertical, en vue d'une documentation purement visuelle. Dans l'exemple d'une carte représentant un contrat d'assurances, en cherchant dans , 1e fichier classé alphabétiquement le nom du client, assuré, on trouvera sur la carte le N° de sa police.
Je vous signale en passant que l'interprétation complète des cartes permet d'opérer la vérification du poinçonnage, par collationnement entre les cartes perforées et interprétées d'une part, et, les documents de base d'autre part.

Remarquez aussi que 1a carte interprétée complètement se présente comme une carte perforée avec une poinçonneuse imprimante, mais cette dernière machine est lente et coûteuse, tandis qu'une seule interpréteuse peut à elle seule traduire les cartes qui ont été poinçonnées sur plusieurs poinçonneuses simples ; l'interpréteuse a, en outre, l'avantage, sur la poinçonneuse imprimante de permettre la traduction partielle.



LA TABULATRICE

La tabulatrice est la machine la plus importante de l'équipement, non seulement parce qu'elle est la plus complexe et la plus volumineuse, mais parce que son travail a, par rapport à celui des autres machines, un rôle conclusif ; toutes les autres machines de l'équipement mécanographique n'ont fait que préparer le travail de la tabulatrice.
La masse des cartes, perforées, vérifiées, reproduites, calculées, triées, interclassées est encore impénétrable à nos sens, le travail de dénombrement et de synthèse, qui est le but à atteindre, a été subtilement préparé, mais c'est à la tabulatrice qu'il appartient de faire apparaître les résultats.

Dans sa constitution générale, la machine comporte essentiellement, les groupes d'organes suivants, que nous trouverions aussi bien sur une machine électrique, que sur une machine mécanique
Un dispositif d'exploration ;
Un dispositif d'impression ;
Un dispositif de calcul ;
Un ensemble bâti, moteurs, organes de liaison et de commande qui coordonnent les mouvements des trois précédents dispositifs.


1° Le dispositif d'exploration. - La machine étant constamment alimentée par des paquets de cartes placés dans la case d'alimentation, les cartes sont prises une par une et « explorées », c'est-à-dire soumises à une espèce de lecture des renseignements représentés par les perforations. Cette lecture se fait, dans les machines électriques, par le passage de la carte sous une rangée de balais dont chacun explore une colonne ; le mouvement de la carte étant synchronisé à l'entraînement mécanique des dispositifs d'impression et de lecture, on conçoit que de la position de la perforation sur la hauteur de la carte, c'est-à-dire du temps où se produit, dans le cycle de passage de la carte, l'impulsion qui résulte du passage d'une perforation devant le balai, puisse dépendre la nature de la commande transmise aux dispositifs d'impression et de calcul.
Dans les machines mécaniques au contraire, la carte est explorée à l'arrêt, et non pas en mouvement comme dans les machines électriques. J'y insiste parce que je considère qu'entre machines électriques et machines mécaniques, la différence essentielle ne réside pas précisément dans le fait que la commande des organes emprunte la mécanique ou l'électricité, ce qui n'est qu'une modalité organique des machines ; mais bien dans le fait que les machines électriques lisent la carte au passage, c'est-à-dire font intervenir dans leur conception cinématique la quatrième dimension « temps », tandis que les machines mécaniques lisent la carte à l'arrêt.
Là se trouve la véritable différence de principe entre les deux types de machines ; ce n'est pas ici le lieu d'en tirer des conséquences, mais je signale le fait aux techniciens que la question intéresse.

Après son exploration, la carte est dirigée vers une case d'éjection ; cependant on trouve quelquefois une seconde case d'éjection qui double la première, pour recevoir certaines cartes sur lesquelles l'exploration a découvert des renseignements particuliers : par exemple une perforation à laquelle on a affecté une signification spéciale (débit,, crédit, etc...), ou bien la présence d'un numéro déterminé dans une zone d'indicatifs. Ainsi apparaît dans certaines tabulatrices, au niveau du dispositif d'exploration, et à titre accessoire, une fonction « séparatrice », qui, vous le savez, est, essentielle dans l'interclasseuse, et apparaît également accessoirement dans certaines reproductrices.


Le dispositif d'impression. - Il imprime sur une feuille de papier qui l'alimente en rouleau continu les renseignements lus sur les cartes par le dispositif d'exploration, et en principe, à raison d'une ligne par carte ; c'est ce qu'on appelle le travail « en liste ». Le mode d'impression est caractérisé par le fait que tous les caractères d'une ligne s'impriment en même temps, et non pas un par un comme clans une machine à écrire ; donc une tabulatrice qui, par exemple, possède 92 colonnes d'impression et fait défiler les cartes à la vitesse de 150 cartes à la minute, travaillant en liste, imprimera 13.800 caractères à la minute : remarquable capacité de production.


Fig. 46. - Tabulatrice électrique.


Fig. 47. - Imprimante de tabulatrice électrique.



Le dispositif d'impression comporte souvent plus de positions d'impression que la carte ne comporte de colonnes ; c'est que certains renseignements pris sur une zone de la carte peuvent être imprimés simultanément en plusieurs colonnes différentes sur le bordereau créé par la machine. D'ailleurs la disposition des colonnes du bordereau ne correspond pas forcément à la disposition des zones sur la carte ; certaines zones peuvent ne pas être imprimées sur le bordereau ; d'autres interverties, déplacées d'une façon quelconque ; enfin certaines peuvent être répétées en plusieurs colonnes différentes.

Dans l'impression d'un bordereau de commission de courtier d'assurances, avec relevé détachable destiné au courtier, par exemple, les zones s'impriment dans un ordre différent de celui de la carte, certaines sont supprimées, d'autres s'impriment en deux endroits différents (le N° de police, le nom de l'assuré, le montant de la commission).
Certaines particularités dans l'impression sont à relever Dans la date de règlement, une seule colonne est utilisée pour perforer les 31 jours du mois, parce que 0 représente 10, 11 représente 20, 12 représente 30 ; par exemple pour obtenir l'impression 25, on a perforé dans la colonne un 11 et un 5.
Pour le mois également : 0 représente 10, 11 représente 11, et 12 représente 12.
Le 4 du millésime (année 41) s'imprime quoique non perforé.
Le zéro des centimes de la prime nette s'imprime quoique non perforé. Ce sont là des " trucs » de métier qui donnent une idée de la souplesse d'utilisation de la machine en tant, qu'appareil d'impression.
Autre exemple emprunté à une machine mécanique : le bordereau du payeur avec la répartition monétaire. Un 9 dans la colonne des mille se traduit par 1 billet de 500 francs et 4 billets de 100 francs, etc...

 



Fig. 48. - Impression en liste. Suppression, répartition, répétition des zones,


Fig.-49 Bordereau du payeur


Comment obtient-on cette distribution des colonnes de bordereau, et ces diverses interprétations des perforations ? Cela résulte de ce que l'on appelle la « Connexion » entre le dispositif d'exploration et le dispositif d'impression ; dans les machines électriques ces connexions sont faites par fiches et jacks sur un tableau ; dans les machines mécaniques par des tiges-poussoirs réunies dans une boîte, et dont la forme est étudiée pour réaliser la correspondance voulue entre les organes de commande et les organes d'exécution.


Fig. 50-Boîte de connexion d'une machine mécanique

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Fig. 51. - Tableau de connexion d'une machine électrique.


Naturellement, tableaux de connexions électriques ou boîtes de connexions mécaniques sont amovibles, on en prépare un pour chaque travail prévu, et on le monte sur la machine au moment d'exécuter le travail.
 


Fig.. 52 - Additions simultanées. Totaux progressifs.


3e Le dispositif de totalisation ; - il est constitué par une espèce de machine à additionner qui fait partie constitutive de la tabulatrice. Sa capacité est considérable, elle va jusqu'à 120 roues de calcul dans certaines machines, que l'on peut grouper à volonté pour réaliser indépendamment plusieurs additions simultanées dans des colonnes différentes, à condition que le total des capacités de chaque addition n'excède pas la capacité totale de la machine.
Dans un bordereau d'expédition où figurent 3 additions simultanées dans 3 colonnes différentes, on remarque la particularité du « total progressif » : quand la machine a posé un total, elle le conserve et les valeurs suivantes s'y ajoutent. On obtient cette particularité, à volonté, en supprimant la Remise à Zéro du totalisateur après la prise de Total.
Bien entendu, c'est toujours par le tableau de connexion que nous obtenons la répartition des valeurs à additionner dans les organes calculateurs de la machine et dans les différentes colonnes du bordereau imprimé.

4e Les dispositifs divers qui mettent en relief la grande automaticité de la tabulatrice.
Reprenons l'exemple précédent où chaque carte représente une expédition de charbon faite par une Compagnie minière ; nous voulons connaître le total des montants bruts expédiés à chaque compagnie. Pour cela, nos cartes sont d'abord triées sur la zone « compagnie » ; c'est-à-dire que dans la série ininterrompue des cartes qui vont alimenter la tabulatrice, se trouveront groupées les cartes de la compagnie n° 1, puis celles de la compagnie n° 2, et ainsi de suite dans l'ordre croissant.
Entre les cartes de la compagnie 25 et celles de la compagnie 29, il y a une interruption. J'insiste sur le fait, que cette interruption se produit
automatiquement : quand la machine a imprimé la ligne correspondant à la dernière carte du groupe 25, elle s'aperçoit que la carte suivante porte un numéro différent (ici 29), c'est-à-dire qu'un nouveau groupe va succéder au groupe 25.
Alors joue un dispositif qu'on appelle le contrôle ; dans l'exemple, contrôle commande l'impression du total des montants bruts du groupe Le total s'imprime, le totalisateur se remet à zéro, et les cartes recommencent à défiler pour constituer le total du groupe suivant, tout cela sans aucune intervention de l'opérateur, et à la vitesse de 150 cartes à la minute
Egalement automatiquement, la tabulatrice est susceptible de nous fournir des totaux à plusieurs « étages ». Reprenant la même carte que précédemment, nous désirons obtenir les sommes des montants à facturer par produit, puis grouper ces sommes par client, et enfin grouper 1 collectivités les sommes obtenues par client. Nous aurons eu soin de mettre nos cartes à trois tris superposés : par produit, par client, puis 1 collectivité, ainsi les produits sont répartis par clients, et les clients par collectivité. Alimentons la tabulatrice avec les cartes ainsi disposés par le tri, en faisant jouer le contrôle à chacun des « étages » ainsi constitués, respectivement sur les 3 zones : Numéro de code, client, collectivité. Chaque fois le contrôle déclenchera un total à l'étage correspondant, et le fera imprimer dans une des 3 colonnes disposées à cet effet.
L'exécution de ce travail est absolument automatique, et l'opérateur n'a pas d'autre souci que de remplir de cartes la case d'alimentation avant qu'elle ne soit complètement vide. Si d'ailleurs il ne remplit pas ce soin, la machine s'arrête d'elle-même quand il n'y a plus de cartes dans la case.


Fig. 53. - Contrôle : Totaux automatiques.


Fig. 54. - Totaux étagés : Indication.


Naturellement il doit aussi enlever les cartes de la case d'éjection ; s'il oublie de le faire, la machine s'arrête d'elle-même quand la case est trop pleine.
A propos du travail précédent, vous remarquerez que la machine n'a imprimé qu'une fois, en tête de chaque groupe, l'indicatif correspondant ; c'est ce qu'on appelle l'impression en indication.

Nous allons maintenant faire connaissance avec une autre dispositif celui de la Sélection. En principe général, il fonctionne au profit de certaines cartes privilégiées, désignées par une perforation convenue, en modifiant momentanément, au passage de chacune de ces cartes, les relations établies par la connexion entre le dispositif d'exploration d'une part, les dispositifs d'impression et de calcul d'autre part.
L'usage de la sélection donne lieu à des applications extrêmement nombreuses, et vous concevez que la combinaison entre elles de plusieurs sélections auxquelles on a assigné des rôles différents ouvre un champ absolument illimité aux possibilités de la tabulatrice; en fait, une machine qui vraiment semble douée d'une sensibilité propre, de jugement, d'intelligence pourrait-on dire d'une façon imagée, s'il n'y avait pas antinomie absolue entre la machine et l'intelligence. En réalité, il n'y a pas plus bête qu'une machine : elle ne sait même pas se tromper.

Dans la tenue d'un « Journal de Stock », chaque carte représente un « Mouvement » et les « Sorties » indiquées par une perforation 2 dans la colonne « Type Carte » commandent une sélection, qui fait imprimer et calculer les quantités et les valeurs sorties dans une colonne et un totalisateur autre que ceux affectés aux entrées, bien que, sur la carte, les entrées et les sorties soient indifféremment perforées dans la même zone. Les fiches étant triées par nature de produit, nous obtenons pour chaque produit un total d'entrées et un total de sorties.

Dans le bordereau, intervient aussi le dispositif de balance, qui, chaque total, nous donne le solde, c'est-à-dire la différence entre le des entrées et le total des sorties.
Dans l'exemple encore, nous avons fait fonctionner le solde à deux étages, car les cartes ont également été triées par « magasin » (première colonne du bordereau) ; le contrôle sur cette zone déclenche automatiquement le 2e étage, par magasin, qui s'imprime dans la dernière colonne.
Dans tous les exemples qui précédent, nous avons imprimé une pour chaque carte, c'est le travail en liste. Mais nous pouvons procéder  autrement, et n'imprimer qu'une ligne pour chacun des groupes par la trieuse ; c'est le travail en tabulation.
Pour l'établissement d'une balance de débiteurs et créanciers la trieuse a groupé les cartes de chaque client : remarquez que chaque carte peut porter à la fois un débit et un crédit. La première carte de chaque groupe imprime seulement le nom du client, et toutes les cartes du groupe alimentent seulement les totalisateurs (mais non l'imprimante). Quand toutes les cartes du groupe sont passées, le contrôle joue sur la zone « Nom du client " et la machine imprime le total des débits (pour ce client), le total de crédits, et le solde débiteur ou créditeur. En bas de page, quand tous les groupes de cartes ont passé, la machine imprime le total général des débits, des crédits, des soldes de chaque nature, effectue et imprime la balance capitaux et la balance soldes, réalisant ainsi à titre de vérification, ce que la comptabilité classique appelle la « balance carrée ». Si vous vous représentez que l'ensemble de ces opérations est absolument automatique et se poursuit sans interruption, quel que soit le nombre -de cartes, des milliers et des milliers, vous commencez à avoir une petite idée de la puissance comptable de ce matériel.



Fig. 55. - Sélections. Soldes 1er et 2ème étages



Fig. 56. - Travail en tabulation. Balance carrée.


La carte récapitulative. - A la base de l'organisation par les cartes perforées, se trouve la détermination du « fait élémentaire », qui est l'atome, la partie indivisible de notre analyse, et se représente par une carte.
Dans une vente, par exemple, le fait élémentaire est constitué par l'ensemble des renseignements qui donneront lieu à une ligne de facture ; nous ne pouvons concevoir autrement notre analyse si l'un des buts de nos synthèses futures est, entre autres, le regroupement de notre chiffre n'affaires par nature de marchandises, car une vente déterminée peut porter sur plusieurs marchandises à la fois, ruais une ligne de facture ne porte que sur une seule nature de marchandise.
Entre autres synthèses, nous pourrons nous servir de nos cartes ainsi conçues pour faire nos factures ; les cartes étant triées par numéro de Commande et passées en tabulatrice, chaque groupe nous donne les éléments d'une facture.
Mais alors nous demanderons à la tabulatrice, à l'occasion de ce travail de facturation, de condenser sur une carte unique les renseignements qui caractérisent chaque facture : nom du client, du vendeur, numéro de commande, date, montant brut de la facture, escompte, frais de port, d'emballage, etc... ; cette carte dite « récapitulative » est obtenue automatiquement, par la connexion d'une poinçonneuse avec la tabulatrice. A la fin de chaque groupe, en même temps que la tabulatrice fournit, les résultats qui constituent la synthèse du groupe, elle les transmet à la poinçonneuse qui établit automatiquement cette carte de synthèse, la carte récapitulative.




Fig. 57. - Tabulatrice électrique connectée à poinçonneuse.



La figure représente une tabulatrice électrique; connectée électriquement avec une poinçonneuse électrique qui perfore colonne par colonne, la perforation dure quelques secondes pendant lesquelles la tabulatrice s'arrête.
 La figure suivante représente un modèle également électrique ; la poinçonneuse est du type « bloc n, toutes les colonnes sont perforées ensemble, et le travail de la tabulatrice ne marque aucun arrêt. Enfin la dernière figure représente un dispositif analogue, connexion mécanique entre une tabulatrice mécanique d'une part, et une poinçonneuse bloc mécanique d'autre part.



Fig. 58. - Tabulatrice électrique connectée à poinçonneuse " bloc "


La carte récapitulative constitue donc un étage de Synthèse, puisqu'elle va pouvoir servir de base à une nouvelle synthèse plus générale, et ceci plus rapidement, plus économiquement qu'en partant des cartes primitives. Dans l'exemple précédent, les cartes récapitulatives, triées par client, vont nous permettre de comptabiliser par exemple les débits au client, bien plus clairement, bien plus rapidement aussi que si nous faisions cette opération à partir des cartes primitives.
Il n'est d'ailleurs pas exclu, à cet étage de synthèse, de compléter la carte récapitulative par d'autres renseignements, soit par une perforation manuelle à partir de nouveaux documents de base, soit à partir d'autres cartes par reproduction, soit enfin que la carte récapitulative donne les éléments d'un calcul dont on confie le soin à la calculatrice.
Si la carte récapitulative est un étage de synthèse, elle peut être aussi le départ d'un mouvement (compte de client, état de stock, etc ... ). Supposons que nous perforions une carte pour chaque mouvement (entrée ou sortie) d'un magasin matières ; trions nos cartes par numéro de matière, tabulons en tirant le solde par groupe, et prenons une carte récapitulative qui représente ce solde. Le mois suivant nous opérons de même, y compris la carte récapitulative qui représente l'ancien solde, et nous obtenons une nouvelle carte récapitulative qui représente le nouveau solde, et ainsi de suite de mois en mois.
 


Fig. 59. - Tabulatrice mécanique connectée à poinçonneuse « bloc ".


Fig. 60. - Carte récapitulative.


Dans la confection d'une fiche de « Salaire brut » en vue de l'établissement d'une feuille de paie, la trieuse a constitué des groupes qui comprennent chacun:
- Une carte matricule qui désigne un ouvrier, établie une fois pour toutes ;
- Une carte pointage et retenues, établie pour la quinzaine pour cet ouvrier;
- Un nombre indéterminé de cartes Salaires, dont chacune correspond à une fiche de travail ou à une cause de rétribution quelconque, toujours pour le même ouvrier au cours de la quinzaine.
Le bordereau résultant donne lieu à une carte récapitulative, à propos de laquelle je vous soumets les remarques suivantes
Elle peut comporter des éléments constants ne figurant pas sur les cartes tabulées, et introduits systématiquement dans la perforation.
Elle peut recevoir directement des cartes tabulées des éléments qui n'ont pas à figurer sur le bordereau.
Elle peut recevoir des éléments figurant sur le bordereau à l'état condensé, mais ventilés sur la carte, au moyen de la sélection, en rubriques détaillées.
Dans cet exemple, la carte récapitulative sera terminée par d'autres machines, calculatrice et reproductrice, et la tabulation définitive de toutes les cartes récapitulatives donnera naissance il la feuille de paie et aux documents accessoires, ainsi qu'à l'établissement (les synthèses comptables et statistiques dont on aura besoin ultérieurement, pour tout ce qui concerne la main-d'œuvre.



Fig. 61. - Saut automatique sur tabulatrice mécanique.


Dans cette très rapide revue, je me suis efforcé de vous donner une idée du genre de travail effectué par la tabulatrice ; arrêtons-nous un peu maintenant sur la forme du document produit par la tabulatrice.
Jusqu'ici, je vous ai représenté le dispositif imprimant alimenté par un rouleau de papier en continu, pour produire ce que j'ai appelé le bordereau. Ce genre d'alimentation et de produit convient en effet parfaitement à l'automaticité et à la rapidité de la tabulatrice : d'un côté on lui fournit des cartes perforées d'une façon continue, et de l'autre, elle produit un bordereau de longueur quelconque, une bande de papier qui a une longueur de plusieurs dizaines de mètres, s'il y a lieu ; document bien encombrant qu'on découpe ensuite en feuilles plus maniables, susceptibles d'être réunies dans une reliure.
Donc, en principe, l'alimentation « en continu » est celle qui convient le mieux à la tabulatrice ; lorsqu'on veut lui faire faire des documents distincts, on les imprime les uns à la suite des autres sur une bande continue, disposée soit en rouleau, soit en accordéon, et on fait intervenir le dispositif du Saut automatique. Par exemple, des quittances de compagnies d'assurances sont imprimées d'avance en continu, la tabulatrice exécute chaque quittance par l'impression successive de deux ou trois cartes, puis le saut se produit automatiquement pour amener la ligne d'impression de la tabulatrice au niveau de la quittance suivante. En sortant de la tabulatrice, les quittances sont séparées par massicotage.

Le saut automatique est quelquefois plus compliqué ; par exemple, il dispose en tête d'un bordereau une adresse, saute de quelques lignes pour commencer le bordereau à proprement parler, et, arrivé au total, saute à l'adresse du bordereau suivant. Si la fin arrive avant le bas de la page, un compte-ligne déclenche le saut pour passer à la page suivante, jusqu'au total, qui lui, déclenche le saut au bordereau suivant.

Certains dispositifs ont été aussi réalisés pour alimenter la tabulatrice avec des documents discontinus, superposés à un bordereau continu, avec repérage en hauteur, c'est le « front feed » déjà décrit à l'occasion des machines comptables.
Ainsi les dispositifs d'impression des tabulatrices rejoignent ceux des machines comptables, et permettent, comme ces dernières, de produire des documents discontinus, tels que factures, relevés, comptes courants, etc...

J'espère que ce court exposé vous aura donné une première idée de la puissance de travail de la tabulatrice, en tant qu'instrument de synthèse à partir de l'analyse des faits élémentaires, matérialisés par les cartes perforées.
En terminant, je désire attirer votre attention sur le principe même de l'organisation comptable par cartes perforées.
Vous savez que dans cette branche de la technique du travail de bureau qui concerne la création des documents, un principe d'économie fondamental est celui de l'opération unique ; principe extrêmement général et fécond, dont, nous trouvons l'application à chaque instant, et sous les aspects les plus divers.
La technique de la carte perforée est un de ces aspects, sans doute le plus caractéristique. Ici l'application du principe est absolue et intégrale : la perforation de la carte avec sa vérification qui en est le complément naturel, est réellement la seule opération manuelle dans la chaîne des opérations, souvent très complexe, dont tout le développement est confié aux machines. L'opération unique : perforation de la carte dûment vérifiée, contient en puissance les développements les plus complexes, prépare la solution de tous les problèmes statistiques et comptables grâce à la puissance et à la souplesse d'un matériel propre à réaliser les synthèses les plus subtiles et, les plus complètes, d'une façon entièrement automatique et sans autre intervention humaine. L'application du principe est donc absolue.

Évidemment le système ne vaut que ce que vaut le plan de travail. Son établissement demande des études très approfondies, et son application progressive permet une mise au point qui de proche en proche lui fera atteindre la perfection dans l'ensemble de l'organisation entreprise.
Mon ambition sera réalisée si j'ai pu, par ce court exposé, éveiller chez vous quelque intérêt à l'égard des applications de la carte perforée et du matériel qui l'emploie.