Histoire de la CII

 
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1970-1971

Cette page est pour l'instant incomplète.  Les informations spécifiques de chaque ordinateur seront disponibles dans les pages appropriées relatives aux systèmes d'origine CII. Les documents de référence les plus encombrants sont disponible sur ce site via des hyperliens.

A partir d'un ensemble de documents extraits des archives Bull-CII, collectés sous forme chronologique, j'ai essayé d' en regrouper la teneur par sujets.

Stratégie

La période 1970-1971 correspond à la période de maturité du premier plan calcul et au développement de la commercialisation des produits conçus dans le cadre de ce plan. En 1972, entrera en vigueur le second plan calcul qui sera suivie par la naissance de Unidata.
Les deux années virent une très grade activité dans la recherches d'alliances tantôt sur le plan français avec une tentative de remettre Honeywell-Bull sous le giron français et une autre sur Logabax, mais surtout sur le plan international avec le partenaire SDS repris par Xerox, avec Control Data, avec ICL en Grande Bretagne et surtout avec Siemens.

janvier 1970 : établissement des " Prévisions 1970 – 1976 ",
Ce document, classé secret,  a servi à la Délégation pour remettre au Ministère des Finances le plan de sept ans avec création d’une société de financement. Il fait un point sans complaisance sur la situation.
Le 30 septembre 1970: il est établi un avenant Activité Périphériques aux " Prévisions 1970 – 1976 ", document aussi classé Secret. . .

 

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Organisation interne

 

L’année 1970 voit l’arrivée de nouveaux responsables et des modifications de fonctions ou de structure.

janvier 1970 (CII Informations n° 8).

- Secrétariat Général : Monsieur François Jacquemin est entré à la Compagnie le 1er janvier 1970 pour occuper un poste nouveau, dépendant de la présidence, celui de secrétaire général chargé des affaires extérieures. A ce titre, il assume les fonctions précédemment exercées par le directeur des relations extérieures dont les services lui sont rattachés. Il assure d’autre part les relations de la Compagnie à haut niveau, notamment avec les grandes administrations, les sociétés-mères et les syndicats professionnels

- Direction de la Politique des Produits : Monsieur Gazalé est nommé directeur de la politique des produits. A ce titre, il est responsable de l’établissement des dossiers d’objectifs de produits futurs et doit éclairer la direction générale sur l’orientation probable du marché de l’informatique d’où pourraient découler de nouvelles formes d’activités de la Compagnie.

- Direction des Études Avancées : Monsieur Louis Brousse est nommé directeur des études avancées.

- Monsieur Chambolle, directeur de la division des études, prend sous son autorité la direction commerciale civile dirigée par Monsieur Renondin.

- Monsieur Guichet, directeur de la division militaire et spatiale, prend en plus l’étude, le développement et la commercialisation des petits ordinateurs civils.

- Monsieur Waroquier a été nommé gérant de la filiale allemande, CII GmbH, à compter du 1er janvier.

Au troisième 1970 sont annoncées les nominations suivantes:

- M. Henri Grumel a été nommé directeur de l’usine de Toulouse en juillet 1970, remplaçant à ce poste M. Chaussedoux, nommé directeur de l’exploitation de la division " Périphériques ".

- Dans le cadre de la Direction du Software et des Applications, M. Pierre Mounier-Kuhn a été chargé de la direction de D.F.I. (Direction Formation Informatique).

- Dans le cadre de la Direction Commerciale, M. Jean Prades a été nommé chef du département marketing.

- M. Philippe Renard, précédemment à la Délégation à l’Informatique, prend en charge dans le cadre de la Direction Centrale Industrielle les fonctions relatives à l’automatisation de la gestion dans la compagnie.

10 novembre 1970:

" A la suite du départ de M. Chambolle, M. Gaudfernau prend les fonctions de Directeur Délégué de la Compagnie.

 M. Toutain est nommé Directeur Central Industriel en remplacement de M. Gaudfernau ; il continuera d’apporter à M. Gest et à M. Guichet son appui pour l’exécution des dispositions concernant la division périphériques.

 M. Gaudfernau, dans le cadre de ses nouvelles fonctions, continuera d’assurer le pilotage de l’informatique interne de la CII, jusqu’à la mise en œuvre des étapes définies par ma note du 13 octobre 1970. "

Signé : Michel Barré

Note : M. Toutain, avant son entrée à la CII, était Directeur Général de la Sperac.

 

 

décembre 1970

- Détachée de DOSI, la Division Militaire Spatiale et Aéronautique devient une division opérationnelle rattachée à la Direction Générale et placée sous la direction de M. Peyroles.

- M. Ponty a été nommé Directeur des Affaires Internationales de la CII. Il était précédemment Directeur adjoint des Opérations Internationales à la Thomson-CSF, branche Équipements.

- La Direction des Affaires Civiles est prise en charge par M. Girolami-Cortona, précédemment directeur commercial de Honeywell-France.

 


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Consolidation CII-SPERAC

23 avril  1970: communiqué laconique de Fininfor : " La CII va absorber la SPERAC. " ; c’est le regroupement des activités " matériels périphériques " des deux compagnies.  La répartition du capital CII + SPERAC  sera la suivante:

juin 1970 : Éditorial du Président -directeur général Michel Barré.

Le premier semestre de l’année 1970, qui s’achève, marquera probablement une période importante dans l’histoire de la CII.

– Nous avons vu intervenir la fusion des activités CII et SPERAC.

– Nous avons mis en place une organisation décentralisée.

– Nous avons entrepris avec les Pouvoirs Publics une négociation fondamentale pour l’avenir de la CII.

La fusion CII / SPERAC est l’aboutissement logique des discussions menées par les sociétés-mères et les Pouvoirs Publics. Elle concentre sous une autorité unique le développement de l’informatique française, dans le cadre des conventions Plan Calcul et Périphériques ; elle fait disparaître des problèmes de frontières et garantit une politique coordonnée des études de périphériques et de conception de systèmes.

La décentralisation de l’organisation de la Compagnie, prévisible du fait de son expansion, concentre entre les mains de plusieurs autorités toutes les responsabilités concourant au succès des domaines qui leur sont confiés ; cette décentralisation était indispensable pour que les décisions mettant en jeu simultanément des considérations techniques, commerciales, industrielles et financières, puissent être prises rapidement à des niveaux bien informés.

Après six mois de travail, la CII a défini un programme de développement étendu jusqu’en 1975, construit sur des hypothèses raisonnables et très étudiées ; ce rapport, bien accueilli successivement par les sociétés-mères de la Compagnie et par les pouvoirs Publics, fait l’objet de la mise au point d’une convention dont on peut espérer la signature prochaine, et qui fournit à notre Compagnie une assise solide pour travailler avec la garantie d’une ligne de conduite concertée et clairement admise par tous.
Les moyens nous sont maintenant donnés, il nous reste à nous en bien servir.

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La CII face à Bull

20 mai 1970 : une nouvelle tombe : General Electric se retire du marché de l’informatique !
Ses activités vont être regroupées avec celles d’Honeywell, au sein d’une nouvelle compagnie nommée Honeywell Information Systems (HIS). Honeywell en possédera 81,5 % et General Electric 18,5 %. En ce qui concerne le transfert à H.I.S. des actions que G.E. détient dans Bull General Electric, il faudra obtenir l’aval du gouvernement français.

22 mai 1970: article paru dans Le Monde (signé Jacqueline Grapin).

L’informatique et les concentrations
Bull - General Electric ne devrait pas souffrir de son rattachement à Honeywell

La General Electric va céder à une autre société américaine, Honeywell, ses intérêts dans l’équipement pour l’informatique, y compris la participation qu’elle détenait dans la société française Bull - General Electric et ses filiales. Les deux grandes affaires américaines vont créer une filiale commune qui regroupera toutes les activités d’Honeywell dans l’informatique et les apports de la General Electric. Cette dernière conservera en propre ses réseaux de time-sharing et ses systèmes de commande de processus industriels.

Le capital de la nouvelle société sera détenu à raison de 81,5 % par Honeywell et de 18,5 % par la General Electric. Celle-ci recevra en outre un million et demi d’actions Honeywell représentant environ 10 % du capital de cette entreprise et une valeur de 110 millions de dollars (605 millions de francs). En d’autres termes, la General Electric conserve non seulement un intérêt financier dans le secteur cédé, mais prend pied dans la compagnie Honeywell. La majorité de la société Bull - General Electric que détenait la General Electric sera transférée à la nouvelle société américaine.

...

" Cette nouvelle est un constat d’échec de la General Electric qui renonce à poursuivre la lutte avec IBM. Elle surprend, quelques semaines après la campagne de presse de Bull - General Electric célébrant le redressement de ses affaires. La collaboration des équipes françaises de Bull et américaines de la General Electric n’avait certes pas été des plus faciles à organiser après les péripéties financières et politiques qui avaient abouti, il y a cinq ans, au passage de la majorité de Bull de l’autre côté de l’Atlantique. Mais l’espoir n’était pas perdu de voir cette majorité retraverser un jour l’océan en sens inverse. La transaction entre la General - Electric et Honeywell semble faire évanouir cette perspective.

Il est peu probable que le gouvernement français s’oppose à la transaction, et la Compagnie Internationale pour l’Informatique (CII), qui fabrique des ordinateurs dans le cadre du plan-calcul français, va trouver en face d’elle un concurrent plus puissant, tandis que le personnel de Bull - General Electric va devoir faire face, une fois de plus, à une situation nouvelle dont il a été tardivement informé. Il y a quelques semaines, Bull - General Electric annonçait triomphalement que non seulement elle ne faisait plus de pertes, mais avait réalisé en 1969 un bénéfice net de 2,39 millions de francs, tandis que sa filiale, la Société industrielle Bull - General Electric, enregistrait un profit net de 1,17 million. Les provisions et les amortissements représentent 139 millions : un gros effort d’autofinancement. Sur le passif de 500 millions accumulé les années précédentes, il restait toutefois encore près de 300 millions de pertes à éponger.

Les affaires de Bull - General Electric se redressent en effet. L’année dernière, ses commandes ont augmenté de 40 %, et, quoi qu’il arrive, on affiche toujours à l’étage de la direction, un solide optimisme. Pourquoi tout n’allait pas pour le mieux ces derniers temps dans le département d’informatique de la maison-mère General Electric, qui, dans l’ensemble, n’est pas encore parvenu au seuil de la rentabilité. Avec ses 400 000 salariés, ses 3 000 types de produits et ses dix départements d’activité, la quatrième affaire mondiale avait aussi d’autres chats à fouetter. Son état-major était moins concentré sur les problèmes de l’informatique que celui d’Honeywell, qui, de son côté, faisait de confortables bénéfices sur le marché des ordinateurs. Nul ne peut d’ailleurs prétendre concurrencer sérieusement aux côtés d’IBM (qui domine 60 % de ce marché) sans rassembler des moyens importants. L’informatique reposait à la General Electric sur un budget annuel de l’ordre de 1,5 milliard de francs, mais, en dépit de ses efforts, le groupe consacrait encore trois fois moins d’argent à ses investissements qu’IBM…

… Alors que la General Electric, qui vient – paraît-il – de faire une bonne affaire financière en cédant une partie de ses activités à Honeywell, est gérée " à l’américaine ", Honeywell est plutôt gérée " à la japonaise ".

Cela tient surtout à son fort taux d’expansion. Alors que la General Electric avait choisi, pour attaquer le marché des ordinateurs, la politique dite des " créneaux ", qui consiste à exploiter des produits différents de ceux d’IBM, Honeywell avait choisi d’imiter IBM en améliorant ses machines et en les proposant moins cher…

… Il est difficile de prévoir si le nouveau tandem franco-américain ira plus vite et plus loin que le précédent. Mais il est vraisemblable qu’il sera plus facile à Honeywell qu’à la General Electric de créer un esprit d’équipe avec les ingénieurs de Bull… Les ingénieurs de Bull vont rencontrer chez Honeywell des collègues moins épris de technique que de résultats économiques et commerciaux. Et ceux-ci trouveront chez Bull de bonnes équipes de chercheurs. Alors que le réseau commercial d’Honeywell est bien tissé aux États-Unis, celui de Bull est particulièrement bien implanté en Europe. La complémentarité des deux affaires apparaît ainsi à tous égards. Il reste à souhaiter pour elles que des barrières psychologiques ne s’élèvent pas entre leurs personnels.

En tout cas, la Compagnie internationale de l’informatique va trouver en face d’elle, à côté d’IBM, un concurrent unique, dont la puissance sera plus grande que celle de deux concurrents séparés. Honeywell seul fournit déjà 11 à 12 % du marché mondial des ordinateurs, Bull - General Electric 30 % du marché français…, alors que la CII n’approvisionne pas 10 % du marché national… "


Juin 1970 : reprendre Bull sous une majorité française en lui apportant la CII et en lui attribuant le programme financier accordé par le Plan Calcul paraît au gouvernement une opération intelligente.

Sur demande donc du gouvernement, une réunion a lieu au siège de Bull-G.E., à Gambetta, entre MM. Desbruères, Président Directeur Général de Bull, et Brulé, son adjoint, d’une part, et MM. Schulz et Barré, d’autre part. M. Brulé s’opposera formellement à l’opération, soutenant qu’aucun espoir de succès ne peut être entretenu dans l’industrie informatique sans une collaboration avec une grande entreprise américaine. (M. Barré, colloque du 7 juin 1995)

2 juillet 1970: note de Michel Barré à MM. Richard, Schulz et Danzin après sa rencontre avec des dirigeants du Groupe Honeywell-Bull.

"Au cours de conversations privées, la position des dirigeants du Groupe Honeywell-Bull m'a été expliquée de la manière suivante :

- Honeywell n’a aucune envie de bénéficier du Plan Calcul français ; travaillant à l'échelle mondiale, cette société ne voit que des inconvénients à donner à un Gouvernement européen un droit, même moral, d'intervenir dans ses options. 
Admettre de telles interventions conduirait probablement à des problèmes avec les autres Gouvernements européens, sans parler des interventions éventuelles du Gouvernement américain, du fait des relations politiques entre les pays en cause.

- Dans ces conditions, l'objectif du Groupe Honeywell-Bull est actuellement d'obtenir le démantèlement du Plan Calcul et de la CII de manière à faire disparaître l'obstacle qu'elle constitue entre Bull et les Administrations françaises.
Cet objectif est considéré comme largement préférable à la prise de contrôle de CII.

Une campagne d'information au niveau politique et dans la presse appuie cette idée directrice.
Ces commentaires ont été faits par une personne qui a gardé des contacts avec les milieux dirigeants de Bull-GE. Ils me paraissent correspondre très bien à l'attitude que nous avons rencontrée chez nos interlocuteurs."

29 juillet 1970 : communiqué du Ministère des Finances : " M. Valéry Giscard d’Estaing, ministre de l’Économie et des Finances, a autorisé, au titre de la réglementation des investissements étrangers, l’opération selon laquelle General Electric cède à la société Honeywell sa participation dans le groupe Bull General Electric. "

30 juillet : article paru dans Le Monde (signé Nicolas Vichney).

Bull reste américain mais le plan-calcul est relancé.

" La majorité du capital du Groupe Bull va être transférée de la General Electric à la " nouvelle compagnie ", qui fusionne la production des ordinateurs General Electric et Honeywell et qui, on le sait, a reçu le nom de Honeywell Information Systems Incorporated.

Simultanément le gouvernement va faire connaître son intention de poursuivre le plan-Calcul et de prolonger, à cet effet, les accords qui le lient à la Compagnie internationale pour l’informatique (CII). La CII va d’ailleurs officiellement annoncer son accord avec la firme américaine CDC. et elle fera connaître son intention de rechercher, en accord avec elle, une coopération avec la firme anglaise ICL. Les premiers fondements du " club " triangulaire, qui réunira la CII, CDC et ICL, seront ainsi posés.

Sitôt connue la décision de la General Electric et de Honeywell de fusionner leur production d’ordinateurs, on s’est interrogé dans certains milieux gouvernementaux sur la possibilité de tirer parti de l’opération pour effacer l’erreur commise, de laisser le groupe Bull, le plus grand constructeur français de calculateurs, tomber entre des mains américaines. Mais la situation de la CII, la firme créée ensuite pour lancer en France une production d’ordinateurs indépendante de toute ingérence étrangère, laissait à désirer. Simultanément, dans les cercles industriels et financiers intéressés à l’affaire, on s’est donc pris à envisager l’hypothèse d’un rapprochement entre la CII et la " nouvelle compagnie " – la Honeywell Information Systems Incorporated – qui rapproche les activités informatiques de la General Electric et de Honeywell.

Mais à ce désir de certains milieux officiels d’effacer les conséquences d’une fausse manœuvre et à cette intention de quelques cercles privés de ne pas faire supporter par l’industrie française un effort qui n’est pas à sa taille, s’est juxtaposé un troisième facteur : la volonté du gouvernement britannique de tirer profit de la situation pour constituer un grand groupe européen qui regrouperait ICL, Bull et, naturellement, CII.

Ces diverses éventualités n’ont pu prendre corps. Deux faits ont été déterminants :

· D’abord, et aussi étonnant qu’il y puisse paraître, le résultat des élections britanniques. Le ministre anglais de la technologie avait offert à Paris d’apporter l’appui financier de son gouvernement au rachat de Bull, mais l’arrivée inopinée des conservateurs au pouvoir a empêché qu’une suite ne soit donnée à cette proposition. Dès lors, tout le poids de l’opération serait retombé sur le gouvernement français… Avec l’attitude inattendue de l’électorat britannique, l’hypothèse d’une reprise en main de Bull par des intérêts européens s’effaçait.

· Ensuite, mais cela pouvait être prévu, le refus de Honeywell d’envisager une fusion de Bull et de la CII. Il s’en faut que la branche informatique de la General Electric soit florissante, et sa fusion avec le département correspondant de Honeywell va certainement poser des problèmes difficiles. Du côté américain on sait que l’on aura fort à faire pour les résoudre, et l’idée de compliquer encore la situation en adjoignant à Bull la CII ne pouvait être faite pour plaire aux responsables de Honeywell. Aussi ceux-ci n’ont-ils pas tardé à faire connaître qu’ils ne pouvaient envisager l’opération.

Avec cette décision, c’était l’éventualité d’une entrée de la CII dans la Honeywell Information Systems Incorporated qui s’effondrait.

Il ne restait plus à Paris qu’à donner son accord au transfert de Bull… "


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La CII à la recherche d'autres partenaires

21 juillet 1970 : article paru dans Le Monde (signé Nicolas Vichney).

En France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis

Trois constructeurs d’ordinateurs envisagent d’harmoniser leurs efforts

En-tête :

Sans préjuger la décision qu’il prendra prochainement pour ce qui concerne le transfert à la " nouvelle compagnie " formée par la General Electric et Honeywell de la majorité du capital du groupe Bull, le gouvernement français paraît décidé à poursuivre le plan-calcul, en promettant à la société qui en est responsable, la Compagnie Internationale pour l’Informatique (C.I.I.), de continuer à lui accorder dans les prochaines années un important soutien financier.

Le maintien de ce soutien devrait permettre à la firme française, quelle que soit la décision arrêtée à l’égard de Bull, de persévérer dans ses efforts. Si d’autre part, Paris accepte le transfert demandé par les Américains, on peut envisager la création d’un " club " de constructeurs d’ordinateurs qui grouperait des firmes françaises, anglaises et américaines.

...

" C’est, en principe, l’année prochaine que, d’après la convention signée pour cinq ans en 1967, devrait cesser l’aide accordée par l’État à la Compagnie internationale pour l’informatique. Sans doute prévoyait-on à l’époque que cette aide pourrait être reconduite, mais les circonstances ne sont plus aujourd’hui ce qu’elles furent lors du lancement du plan-calcul. Depuis on s’est fait une idée plus précise des conditions dans lesquelles un constructeur d’ordinateurs peut jouer un rôle sur le marché et la CII a eu quelque mal à prendre son départ… Aussi certains pouvaient-ils penser qu’une analyse des perspectives offertes à la compagnie pousserait les services publics et les milieux industriels à rechercher un jour ou l’autre les moyens de mettre un terme à l’entreprise.

En fait, c’est l’orientation contraire qui paraît devoir prévaloir. Bien qu’on n’en ait aucune confirmation officielle, il semble acquis que le gouvernement soit résolu à reconduire l’aide qu’il apporte à la CII. M. Giscard d’Estaing, ministre de l’économie et des finances, et M. Ortoli, ministre du développement industriel et scientifique, ont, du moins, fourni conjointement des assurances qui devraient rassurer tous ceux auxquels l’avenir de la CII apparaissait sous des jours plutôt sombres.

Le gouvernement serait-il donc résolu à poursuivre ne varietur la politique dans laquelle s’était engagé M. Galley alors qu’il était délégué général à l’informatique ? A l’époque, l’objectif déclaré était de doter la France d’une capacité de production d’ordinateurs qui serait, dans toute la mesure du possible, indépendante des États-Unis. Sans doute envisageait-on une collaboration européenne, mais dans des conditions et à une date qui n’étaient pas précisées. Aujourd’hui, il est malaisé de définir avec clarté la politique de la délégation à l’informatique dans ce domaine. Certains propos donnent à penser que son orientation générale n’a guère changé ; mais il y a également de bonnes raisons de croire à une évolution. Pour certains, en effet, il faudrait surtout voir aujourd’hui dans le plan-calcul l’outil qui permettra de développer en France un indispensable potentiel technologique et d’insérer l’industrie française, sans s’aliéner, dans une des formations internationales ou multinationales qui se partageront, à l’avenir, le marché mondial des ordinateurs.

C’est une conception sensiblement plus réaliste mais qui serait restée utopique si la CII avait continué à donner des signes de faiblesse. Aujourd’hui on a l’impression que la compagnie a au moins été reprise en main, et si elle se heurte toujours à de redoutables difficultés de financement, elle a réussi à produire un matériel qui est généralement apprécié…

Quoi qu’il en soit, l’idée s ‘est progressivement imposée de ne pas attendre plus longtemps pour entreprendre des conversations exploratoires avec d’autres constructeurs d’ordinateurs ouverts à la concertation…

…C’est au moment où se déroulaient ces divers entretiens (entre CII et ICL, et entre CII et CDC) qu’éclata la nouvelle de l’accord entre la General Electric et Honeywell.

Ce fut, on le sait, pour ouvrir une nouvelle fois le dossier Bull. En commettant la faute d’avoir laissé cette entreprise tomber aux mains de la General Electric, on s’était condamné à lancer quelques années plus tard et dans des conditions difficiles le plan-calcul. L’occasion était bonne de reprendre l’affaire à zéro – ou presque. Ce fut aussi pour souligner aux yeux de tous la nécessité, toujours plus impérieuse, pour les constructeurs d’ordinateurs de faire bloc. On ne pouvait laisser la CII isolée.

Avec qui pouvait-on la marier ? Pour les uns, Bull s’imposait. Il suffisait de proposer à la " nouvelle compagnie " formée par l’alliance General Electric et Honeywell un nouveau partenaire français – et peut-être au-delà aussi un partenaire britannique : ICL.

En revanche, pour les artisans d’un rapprochement progressif entre la CII, ICL et CDC, poser la question c’était – ou presque – empêcher de pouvoir y répondre. La possibilité apparaissait de former une entente tripartite, une sorte de " club ", et l’éventualité d’un rapprochement de la CII avec la " nouvelle compagnie " ne faisait qu’entraver le processus.

Tout dépend donc aujourd’hui de la réponse que le gouvernement fera connaître – avant le 29 juillet en principe – à la demande de transfert à la " nouvelle compagnie " de la part de capital de Bull détenue jusqu’ici par la General Electric...

...L’accord mis au point entre CII et ICL porte, pour l’essentiel, sur une standardisation au niveau des interfaces et des langages. Celui prévu entre la CII et CDC implique la mise à la disposition de la firme américaine de certaines recherches avancées effectuées par Thomson, et l’occasion à la firme française de la licence de certains composants – visualisation, mémoires à disques...

… Il s’en faut donc de beaucoup que les trois firmes actuellement intéressées au " club " ne puissent pas trouver d’autres possibilités de coopération. Il s’en faut aussi que ces trois firmes en soient déjà à coordonner leur politique de production. C’est d’ailleurs ce qui explique leur démarche : plutôt que de chercher à négocier d’entrée de jeu des accords de participation, elles préfèrent examiner dans quelle mesure elles peuvent effectivement s’entendre. C’est prendre acte des difficultés parfois considérables qu’appellent les fusions d’entreprises et s’attacher à les prévoir et, si possible, à les éviter, en donnant pour une fois le pas aux techniciens sur les financiers. La formule est donc celle d’un " pas à pas " qui pourrait conduire, si tout va bien, à un renforcement des alliances et, dans le cas contraire, laisserait les intéressés libres de chercher d’autres partenaires… "

 

29 juillet  1970: la CII publie deux communiqués de presse :

Communiqué n° 1

La CII, la Compagnie Thomson-CSF et la Société américaine Control Data Corp. viennent de signer des accords aux termes desquels la Compagnie américaine recevra le bénéfice d’un certain nombre de travaux scientifiques de la Compagnie Thomson-CSF en échange d’un appui technique concernant le développement par la CII d’un nouvel équipement de mémorisation à disques magnétiques et d’un équipement de lecture optique.

Communiqué n° 2

La CII et la Société anglaise " International Computers Limited I.C.L. " annoncent qu’elles étudient, en commun, la mise en œuvre d’une étroite collaboration dans le domaine de l’informatique.

 

30 octobre 170 : du software français aux USA : CII vend SIRIS 7 à XDS.

(communiqué de presse CII du lundi 9 novembre 1970)

La Compagnie Internationale pour l’Informatique – C.I.I. – ayant étudié et réalisé pour les applications de gestion de son ordinateur 10070, construit sous licence XDS, un système d’exploitation en multiprogrammation appelé SIRIS 7, vient, aux termes d’un accord signé le 30 octobre, de le vendre à la Société américaine Xerox Data Systems Inc. Cette cession a été conclue après une série d’évaluations très complètes du système SIRIS 7 dont les résultats ont confirmé ceux déjà obtenus par les utilisateurs français.

Malgré cet accord, Xerox Data Systems ne commercialisera pas Siris 7 aux Etats-Unis.

15 novembre 1971 : lettre du président Barré au président de Xerox.

SDS, licencieur de CII, a été repris par XEROX Corporation. Cependant, les accords existants sont toujours en vigueur et les relations entre les deux Compagnies se poursuivent. Cette lettre, en date du 15 novembre, fait suite à une visite du président Barré au président de XEROX.

Cher Monsieur Mac Colough,

A mon retour des États-Unis, je tiens à vous faire part de mes remerciements pour le caractère exceptionnellement cordial de nos conversations,

Si les relations antérieures entre XDS et CII ont été des relations classiques de licencieur à licencié, il me semble que les changements importants intervenus tant en ce qui concerne CII que XDS permettront maintenant de placer les relations entre XEROX et CII sur le plan d'une coopération beaucoup plus fertile. Mon trop rapide passage auprès de vous me permet cependant de penser que d'intéressantes voies de complémentarité sont possibles. Les mesures que nous avons prises au cours de notre réunion nous amènerons à mieux en apprécier les modalités et à conclure, je l'espère dans un proche avenir, un protocole général d'intention.

Monsieur Gaudfernau se joint à moi pour vous remercier, ainsi que Monsieur Flavin et l'ensemble de vos collaborateurs, pour la cordialité de nos conversations.

Je vous prie de croire, Cher Monsieur Mac Colough, à l'expression de mes sentiments, personnels les meilleurs.

Michel Barré

 


 

12 novembre  1970: création de Multinational Data, Société d’Études communes constituée par CII, ICL et Control Data Corporation avec pour objectif l’élaboration de standards acceptables par les trois créateurs, et dont on espère qu’ils se généraliseront plus tard. Société anonyme de droit belge. Capital de 6 MF, réparti par 1/3 entre les trois sociétés composantes.

. Après 4 mois de travaux dans le cadre de Multinational Data, il apparaît que la détermination des américains et des français est beaucoup plus grande que celle des anglais dans la voie de la coopération.

Sans qu'on puisse discerner s'il s'agit d'une méfiance pour les constructions cartésiennes à long terme ou bien si cette attitude dissimule des projets incompatibles avec nos objectifs communs, il est évident que les Anglais participent d'une façon constructive à tous les travaux de standardisation et de normalisation du software et du hardware, mais qu'ils se refusent régulièrement à tout progrès dans la voie de la complémentarité des catalogues.

Après nos propres efforts, Control Data a cherché à traiter le problème en groupe et en tête-à-tête sans obtenir plus que nous. Nous sommes bien obligés, dans ces conditions, de considérer que les Anglais n'estiment pas indispensable de reconnaître dès maintenant leur impossibilité à établir et à entretenir un catalogue complet d'unités centrales et de périphériques.

2. Dès que les Américains de Control Data ont reconnu cet état de fait, ils ont agit énergiquement auprès de nous pour aboutir à un accord bipartite, autorisé d'ailleurs dans l'accord ayant conduit à la création de Multinational Data.

La vigueur de l'action de Control Data est motivée par la situation actuelle de la compagnie qui exige la relève rapide de ses calculateurs moyens, chose qui n'a pas été faite en temps utile par suite des efforts considérables qui ont été consacrés à la sortie du "STAR", le plus gros calculateur du monde.

Après plusieurs réunions entre Control Data et CII, il apparaît aujourd'hui très probable qu'une ligne unique de produits pourrait être inscrite au catalogue des 2 compagnies.

Ce catalogue commun serait établi de la façon suivante :

  Puissance par rapport au 360/50 x 10 Date de disponibilité
STAR ou PL 80 (CDC)

PL65 (CDC)

PL50 (CDC)

R3-2 (CII)

P2 (CII)

R1 (CII)

R0 (CII)
 

1000

400

150

70

27

17

5

1974

1974

1973

1974-1975

1972

1974

1973

Le tableau précédent fait ressortir 4 calculateurs CII dans le catalogue commun, soit 3 machines de la génération R et la machine P2 que nous nous apprêtons à annoncer en septembre prochain. Nous économisons avec un tel schéma l'étude des machines R2 ou R3, celles-ci étant remplacées par une machine de dimensions intermédiaires.

3. La signature d'un tel accord est susceptible d'intervenir dans 2 mois si les dernières vérifications en cours s'avèrent positives. Les modalités de l'accord restent à débattre, mais les dispositions de Control Data semblent favorables à nos idées et nous pouvons être assurés que Control Data considère qu'il lui appartiendra de diffuser aux États-Unis tous les éléments du catalogue commun étudié et réalisé par CIl.

P2 étant annoncé au prochain SICOB, la CII tirerait très rapidement de cet accord un avantage commercial, sans parler d'un avantage de prestige international ; malgré cela, bien des points sont à discuter, la réciproque de l'action commerciale extérieure à la France et aux États-Unis, par exemple. Ces questions seront certainement abordées par M. NORRIS lors de notre prochaine rencontre à Minneapolis le 22 mars.

4. Je considère que cet accord est extrêmement bénéfique pour la CIl, mais il pose un problème sérieux : il est sans aucun doute mauvais sur le plan psychologique d'entreprendre notre politique de coopération internationale par un accord avec une société américaine ; cette démarche risque de donner prise à la critique en étant présentée comme la première étape d'une inévitable glissade de la CII entre des mains américaines.

C'est pour éviter une pareille interprétation que nous avions poussé jusqu'à présent à la création d'un "club" comportant 2 européens. L'inertie d'ICL me paraît rendre ce projet irréalisable et il vaut mieux examiner la situation sans tenir compte d'un possible retournement de sa part.

5. Les conversations avec les autres sociétés européennes ont évolué de façons très différentes depuis mon précédent mémorandum.

Du côté de PHILIPS, après une visite de M. EGNELL, Directeur Commercial et Technique du département ordinateurs, un silence complet s'est instauré dans nos relations malgré un rappel de ma part pour m'assurer que "la balle était bien dans le camp de PHILIPS". L'atmosphère de la conversation avec M. EGNELL m'avait cependant laissé penser que ce dernier était assez intéressé par nos idées, et M. JURASZYNSKI avait jugé bon de me le confirmer quelques jours après. Il est possible que les hésitations ou le freinage proviennent des échelons les plus élevés du Groupe PHILIPS.

 

6-Quoi qu'il en soit, les contacts entrepris plus récemment avec SIEMENS se sont développés d'une façon très intéressante. Au cours de mon dernier voyage à Munich, j'ai trouvé une attitude très positive qui laisse espérer une possibilité de collaboration au niveau de la technique et des catalogues.

 Il est inutile d'insister sur le poids que représenterait une alliance SIEMENS / CII en Europe du fait de l'appui des Gouvernements des marchés captifs et de la dynamique actuelle des 2 compagnies par rapport à celles d'ICL ou de PHILIPS.

SIEMENS est aujourd'hui liée à RCA par des accords qui ne facilitent pas un rapprochement, et les négociations qui s'ouvrent dureront sans aucun doute plusieurs mois. Or, un accord CII / SIEMENS n'a pas de raison de gêner considérablement une collaboration avec Control Data : le domaine des machines de Control Data se situe au-dessus des visées de SIEMENS et de CII ; quelques ajustements de puissance dans le haut d'une gamme européenne seraient seulement nécessaires. Le véritable problème se situe au niveau des compatibilités de softwares.

7 En résumé, la question qui se pose est la suivante :

Un accord intéressant et important pour l'avenir de la CII est réalisable à court terme avec Control Data ; est-il possible de profiter de l'occasion en prenant le risque de rendre un peu plus difficile la négociation en cours avec SIEMENS et de donner prise à la critique des américanophobes ("dès la signature de la Convention, ils vendent la CII aux États-Unis") et des américanophiles ("on l'avait bien dit") ?

La réponse à cette importante question doit tenir compte du fait que j'ai informé SIEMENS de l'état de nos conversations avec Control Data et que la perspective de l'accord ne leur paraît pas contraire à l'esprit d'une collaboration SIEMENS / CII.

 

 

23 décembre 1970 : Logabax.
Note personnelle de M. Barré à MM. Gest et Gaudfernau sur une approche faite par Logabax.

OBJET : LOGABAX

1. M. TRYSTRAM, principal actionnaire de LOGABAX, est venu rendre visite à M. DANZIN le 22 décembre pour lui parler d'un rapprochement de LOGABAX et de CII.

M. DANZIN a très clairement exprimé d'abord le fait qu'un tel rapprochement ne pouvait découler que d'une décision CII et qu'aucune articulation mettant LOGABAX et CII sur le même plan par rapport à une autorité THOMSON n'était à envisager.
Il nous appartient donc de réfléchir à la suite qu’il convient de donner à l'offre du Groupe ELECTROBEL.

Les actionnaires de LOGABAX ont compris qu’ils n'avaient aucune chance de traiter avec nous en revendiquant de conserver la majorité de leur affaire ; d'entrée de jeu, ils ont donc indiqué qu'ils avaient changé d'opinion sur ce point et qu'ils étaient prêts à céder la majorité de cette affaire qui leur appartient aujourd'hui à 100 %.
En ce qui concerne les conditions financières, ils ont déclaré être ouverts à toute solution, étant entendu qu'ils souhaitaient simplement ne pas être payés en titres CII.

2. J'ai accueilli cette proposition avec un enthousiasme limité en faisant valoir qu'elle arrivait tard et que nous achevions la conclusion avec l’État d'une Convention qui ne prenait plus en compte des activités du genre de celles de LOGABAX et qu'il me paraissait impossible de traiter actuellement ce problème.
Par ailleurs, j'ai indiqué d'une façon vague que nos projets actuels rendaient moins indispensable un rapprochement avec L0GABAX, le domaine de leurs activités n'étant pas limitrophe du nôtre.
M. TRYSTRAM estime que M. ALLÈGRE est très attaché au rapprochement CII/LOGABAX et qu'il verra probablement d'un œil favorable l'allocation de certains crédits pour faciliter l'opération.

3. Je suis revenu sur le fait que les domaines des 2 Sociétés n'étaient pas limitrophes et que cette action serait bonne dans la mesure où nous serions en état d'assurer le succès d'une branche LOGABAX en parallèle avec la nôtre, jusqu'au jour où les extensions des 2 domaines les conduiraient à se rejoindre.
J'ai insisté sur le fait que nous étions actuellement hors d'état de juger du poids financier que représente LOGABAX et des investissements qu'il conviendrait d'y faire dans les années à venir.

4. Il a été décidé qu'une réunion interviendrait le jeudi 7 janvier 1971 à l3h, avec M. OFFERGELD (Administrateur-Directeur d'ELECTROBEL) et M. CATTÉ (Directeur Général de LOGABAX), avec vous-même.

Je demande à M. GAUDFERNAU de bien vouloir rassembler avant cette réunion toutes les informations dont vous disposez au sujet de LOGABAX, et de réfléchir aux questions fondamentales qu'il conviendra de poser.

M. BARRÉ

14 avril 1971 : affaire LOGABAX. Note de M. Barré au Délégué à l’Informatique.

Monsieur le Délégué,

Le groupe ELECTROBEL, qui contrôle la société française LOGABAX, nous a approchés pour nous proposer la vente ou la prise de contrôle de cette dernière compagnie.

Il ressort de ces premiers contacts que la société LOGABAX a connu, depuis plusieurs années, une expansion importante dans le domaine de la petite gestion, en partant d'un fonds de commerce initial axé sur les machines à calculer électromécaniques.
Au cours de cette expansion, la société LOGABAX a été amenée à mettre à son catalogue des produits informatiques de plus en plus élaborés, et les derniers systèmes mis sur le marché, ou sur le point de l'être, utilisent un petit ordinateur universel susceptible d'être connecté à des moyens plus importants, tels que ceux que réalise la CII.

Dans son action, la société LOGABAX attaque donc par le bas de la gamme le domaine de la petite et de la moyenne gestion qui constitue pour la CII un objectif difficile à atteindre rapidement en raison du caractère commercial et privé de ce secteur.
L'importance de ce dernier n'a fait que croître depuis plusieurs années et l'expansion rapide de la société LOGABAX est partagée et même dépassée par certains concurrents européens qui ont pris, tel NIXDORF, des dimensions très importantes.

D'après nos informations, d'ailleurs, SIEMENS serait pressée par le Gouvernement allemand de s'intéresser à NIXDORF, et IBM a, assez récemment, décidé de prendre des positions dans la petite informatique par la sortie de ses matériels Système III. IBM a expliqué son action par l'importance de ce marché comme préparation à l'introduction des plus grosses machines.

LOGABAX qui a démontré au cours des dernières années une forte vitalité, se trouvera elle-même en position très vulnérable dès que son marché traditionnel requerra l'accès à des matériels plus puissants que LOGABAX pourra difficilement étudier et produire, ce qui ne serait pas le cas si elle avait l'appui technique de la CII.

En résumé, je pense que l'opération envisagée est, compte tenu des informations dont je dispose aujourd'hui, très intéressante pour la CII, comme pour LOGABAX, mais elle pose 2 questions fondamentales :

- La CII, principal véhicule industriel du Plan Calcul, disposera prochainement d'une Convention dont les termes sont attachés à une structure qui ne comporte pas d'activité de la nature de celles de LOGABAX.
Il m'importe donc de savoir, avant toute poursuite de notre projet, si l'État, représenté par la Délégation à l'Informatique, approuve un rapprochement entre la CII et la société LOGABAX, ce qui implique en dehors de toute considération financière, que la politique de l'une tienne compte de l'existence de l'autre et réciproquement, aussi bien sur les plans technique, industriel et commercial que sur celui de la coopération internationale.

- Sur le plan financier, il convient de rappeler que la nouvelle Convention est construite d'une façon cohérente autour d'un certain nombre d'hypothèses qui ne font pas place au développement d'une branche nouvelle pour la CII, telle que celle de la société LOGABAX.

Notre intention serait donc de conserver à cette société, dont nous serions simplement majoritaires, son caractère actuel. Elle deviendrait simplement une filiale à majorité CII mais devrait conserver sa liberté d'accès à tous les organismes de financement et de crédit qu'une société indépendante de la CII peut espérer utiliser.

Il est donc tout aussi essentiel de connaître avant de nous décider si une société LOGABAX contrôlée par la CII ne risque pas de se voir refuser les marchés ou les crédits qu'elle aurait pu obtenir normalement, sous prétexte qu'elle est la filiale d'une CII dont tous les problèmes financiers sont réglés par une Convention particulière.

Je me permets d'insister, Monsieur le Délégué, sur l'importance des 2 questions précédentes qui conditionnent, comme je vous l'ai dit, la poursuite de nos négociations.

Dans l'attente de votre réponse, je vous demande de croire, Monsieur le Délégué, à l'assurance de ma considération distinguée.

M. Barré

 

20 septembre 1971 : affaire LOGABAX. Note de la Direction Branche Informatique de Thomson-CSF qui donne la position de cette Direction sur cette affaire.

Note sur l’affaire LOGABAX

L'achat éventuel de LOGABAX a fait l'objet d'une investigation approfondie de la CII. Après analyse de cette affaire, nous donnons ici brièvement les conclusions auxquelles nous avons abouti aux plans politique et financier, et les réponses aux questions qu'elle peut soulever.

1 - QUESTIONS POSÉES

L'achat éventuel de LOGABAX constitue pour la CII un acte important de politique d'ensemble pour la société qui peut conduire, dès l'abord, aux observations critiques suivantes :

1) Une telle opération conduit la CII à affronter un secteur de l'informatique où la concurrence est très vive, sans qu'elle puisse bénéficier d'une protection efficace de l'État. Ceci peut-il peser sur la rentabilité et compromettre le succès général de l'affaire ?
2) La gamme partielle de la CII se trouve fort éloignée du domaine assez ponctuel de LOGABAX ; face à l'élévation constante des besoins de la clientèle, désire-t-on combler cet écart en mettant en place une gamme complète (afin de ne pas perdre la clientèle) avec des conséquences importantes aux plans humain et financier, devant se traduire par des modifications importantes du Plan, encore tout récent, adopté pour la CII ?
3) Même dans le cas d'une option de politique de produits relativement modeste, l'ensemble CII-LOGABAX possède-t-il les moyens humains nécessaires pour mener à bien cette opération ?
4) En cas de difficultés relatives à la marche de LOGABAX, comment peut-on imaginer la résorption de cette affaire par la CII ?
5) Le financement actuel et futur de LOGABAX ne risque-t-il pas de grever dangereusement la marche et l'expansion de la CII ?
6) La prise de contrôle de LOGABAX ne risque-t-elle pas de gêner la CII dans un accord européen ?

Bien évidemment, il ne s'agit pas de questions véritablement indépendantes, les unes et les autres possédant des " intersections ".

2 - ANALYSE DES DIFFÉRENTS PROBLÈMES

1) Il est exact que l'achat de LOGABAX conduit la CII à affronter le secteur difficile de la petite informatique. Il faut cependant remarquer qu'il lui est probablement difficile, sinon impossible, d'agir autrement au cours des cinq prochaines années. En effet, le quota propre à la CII dans les commandes de l'Administration atteindra au mieux 50 % alors qu'il est déjà de 30 à 35 % à l'heure actuelle.
On sait de plus que la petite informatique croît plus rapidement que l'informatique supérieure (à l'exception de la très haute informatique) et particulièrement l'informatique moyenne, domaine de la CII.

Il s'ensuit que l'expansion de la CII à la fin de la présente Convention sera, en bonne partie, fonction de son succès auprès des PME sous-informatisées à l'heure actuelle, alors que le secteur public finira par connaître une certaine saturation.
Tout au plus pourrait-on remarquer qu'une date plus opportune pour l'entrée de la CII dans ce secteur correspondrait probablement à 1973 où la CII se serait encore consolidée.

Cependant, les positions se prennent rapidement dans ce secteur commercial en pleine expansion ; l'achat de LOGABAX constitue pour la CII une occasion unique en France de prendre une part valable (15 à 20 % du marché français dans le domaine correspondant) dans le secteur des PME, secteur dans lequel la CII éprouve des difficultés à pénétrer.

Il est exact que le problème de la rentabilité se pose avec plus d'acuité que dans le secteur relativement protégé de la CII ; mais on peut répondre que LOGABAX, sans profiter des moyens supplémentaires que lui apporterait l'appui de la CII, s'est déjà correctement comportée dans les cinq années passées.

[…]

Par ailleurs, lorsque l'on parle de concurrence dans ce secteur de la petite informatique, on ne peut évidemment oublier la véritable explosion japonaise dans ce secteur. La manifestation du Japon se caractérise à l'heure actuelle dans le petit matériel de bureau situé tout à fait à la partie inférieure des activités de LOGABAX. Dans ce domaine, LOGABAX importe du matériel japonais (machines à calculer de bureau et facturières).
Dans ces conditions, on peut dire, vis-à-vis de ce danger du Japon, que l'on se trouvera dans l'une ou l'autre des situations suivantes :
- le Gouvernement français aura adopté une politique de protection vis-à-vis des produits japonais et LOGABAX en tirera partie en tant que société française ayant une position relative importante sur le marché français,
- les produits japonais pourront entrer librement en France, auquel cas la position d'importateur important de LOGABAX et la valeur de son réseau commercial lui assureront une situation intéressante et pourront même permettre à la CII de posséder une plus grande liberté dans ses relations internationales avec le Japon par l'intermédiaire de LOGABAX.

2) La CII pense qu'elle pourra satisfaire l'élévation obligatoire des désirs de la clientèle des PME pour des opérations plus complexes, en connectant les petits systèmes locaux à des unités centrales importantes.

Il y a là une position intéressante qui devrait permettre de faire le " pont " entre les produits LOGABAX et la gamme partielle CII, en évitant de lancer une gamme complète. […]

3) A partir de cette option de politique de produits qui permet de considérer les productions CII et LOGABAX comme des ensembles disjoints reliés par un pont de téléinformatique dans l'avenir, on peut probablement considérer que l'opération LOGABAX ne constitue pas un handicap en ce qui concerne les moyens humains, mais constitue un avantage pour la CII. Ce dernier résulte de l'appui que le réseau commercial de LOGABAX peut apporter pour les opérations propres à la CII, tout particulièrement pour l'alimentation de la nouvelle clientèle des PME, et en tant qu'implantation à l'étranger où LOGABAX possède des représentations efficaces (Belgique, Allemagne, Suisse, Autriche, Espagne, Japon, etc.).

4) La résorption de cette affaire par la CII, dans le cas de difficultés relatives à la marche de LOGABAX, paraît présenter pour la CII relativement moins de difficultés que l'absorption de la SPERAC.

Il faut en effet considérer que LOGABAX possède des produits très appréciés sur le marché. (3200, 4200, etc.), une participation élevée dans le marché français, des moyens humains particulièrement importants au plan commercial alors que ces derniers sont difficiles à recruter et constituent un élément déterminant dans l'expansion de la CII.

5) Le programme financier présenté par la CII est cohérent avec la politique générale de produits (cf. § 2) et avec l'expansion prévue de LOGABAX qui paraît convenable ; cette expansion (prévue de 25 % par an environ) est, sur le produit proprement informatique, égale à celle du marché (30 à 35 %) étant donné l'extinction ou la diminution d'activités annexes existant encore à l'heure actuelle.
Par ailleurs, on peut estimer que le programme financier de LOGABAX présenté par la CII (coût total de 60 M.F. environ sur quatre ans) paraît convenable. On remarquera que ces besoins financiers correspondent à 10 % environ de ceux nécessités dans la même période par la CII, et que la CII les assure sans faire appel à ses actionnaires.
Ajoutons qu'une bonne partie de l'acquisition d'actif (12 M.F.) devrait être couverte par une subvention du Ministère du Développement Industriel, grâce à un crédit de restructuration de l'industrie d'une valeur de 7 à 8 M.F.

6) Les conséquences de la prise de contrôle de LOGABAX, vis-à-vis d'un accord européen, présentent un caractère nettement positif :

- Vis-à-vis de partenaires éventuels tels que Siemens et ICL qui n'ont pas d'action dans le domaine de la petite informatique, l'apport par la CII du domaine correspondant constituerait pour celle-ci un argument important.

– Vis-à-vis de concurrents de la CII, l'achat de LOGABAX interdit son absorption par une société telle que Nixdorf qui pourrait espérer posséder une force très importante en France dans le domaine de la petite informatique ; ceci présenterait un danger d'autant plus grand que les prétentions de Nixdorf, à se hausser de la petite informatique à l'informatique moyenne, ne sont nullement un secret.

Ajoutons que certaines sociétés françaises, par l'achat éventuel de LOGABAX et leur montée progressive dans l'informatique, pourraient devenir aussi des concurrents dangereux de CII.

3 - CONCLUSIONS

A l'issue de cette analyse, l'achat de LOGABAX par la CII constitue une opération que nous appuyons car elle constitue un élément très important dans la conquête d'un marché indispensable à l'expansion de la CII.
Une telle affaire réalisée par la CII, elle-même, sans appel à ses actionnaires, est cohérente avec l'option générale de politique de produits choisie par la CII.
Notre avis favorable est cependant strictement subordonné à la certitude de l'obtention des crédits du Ministère du Développement Industriel.

Nous n’avons trouvé aucune trace, dans les archives CII-Bull, des suites données à cette note. La seule certitude, c’est que la CII n’a pas acheté LOGABAX.


23 mars 1971: article paru dans Le Monde (signé Nicolas Vichney).

Vers une entente multinationale de constructeurs d’ordinateurs
La firme française C.I.I. pourrait bénéficier d’un soutien ouvert de l’État

Alors  qu’elle s’apprête à annoncer la sortie d’un nouvel ordinateur qui élargira la gamme des matériels qu’elle peut offrir à sa clientèle, la Compagnie internationale pour l’informatique (C.I.I.) poursuit sur deux fronts des conversations difficiles : à Paris, elle débat avec ses sociétés mères et le gouvernement des conditions dans lesquelles le Plan-calcul sera prolongé, et notamment des modalités de création d’une société de location ; à Bruxelles, elle poursuit avec la firme britannique I.C.L., et la compagnie américaine Control Data l’étude des modalités d’un éventuel rapprochement des trois entreprises. Mais les facilités dont elle bénéficie pour placer son matériel auprès de certains organismes publics ou proches de l’État commencent à provoquer quelques remous chez quelques-uns de ses grands concurrents.

.....

Au mois de juillet de l’année dernière, la C.I.I., I.C.L. et Control Data s’étaient entendus sur l’idée de créer un " club " où leurs représentants débattraient régulièrement des problèmes communs. Dans le même temps, on créerait à Bruxelles une filiale commune, International Data, où l’on procéderait à une étude technique poussée des conditions d’un éventuel rapprochement.

Mais le " club " et la filiale commune de Bruxelles, qui devaient en être l’émanation, risquaient de faire double emploi. En outre, les trois firmes étaient convenus d’entreprendre, comme première étape de leur coopération, l’étude de " standards " qui leur seraient communs mais différeraient de ceux utilisés par IBM. Comment rallier d’autres fabricants d’ordinateurs tentés par une même démarche ?

Aussi International Data devint-il, sous le nom de Multinational Data, un pont jeté seulement entre les trois firmes intéressées à l’entreprise, et on réservera désormais le nom de " club " à l’association des constructeurs qui adhéreraient aux nouveaux standards.

…Les travaux que la C.I.I., I.C.L. et Control Data poursuivent sous l’égide de Multinational Data progressent d’une manière encourageante.

...Pour le moment, les représentants des trois firmes ne s’emploient qu’à définir des standards communs et à étudier comment infléchir leurs prochains matériels pour qu’ils puissent atteindre à un certain degré de compatibilité. A ce stade, on se heurte déjà à des problèmes techniques délicats suivant l’avancement des matériels et il est quelquefois trop tard pour infléchir leurs caractéristiques. D’autres, par contre, sont encore en cours d’études et c’est sur eux que doit porter l’effort de compatibilité. Mais rapprocher son futur matériel de celui d’un autre constructeur, c’est miser sur une entente aujourd’hui souhaitée, bien sûr, mais que des faits nouveaux peuvent rompre.

...L’autre sujet à l’ordre du jour, et celui dont l’étude a entraîné de si longs délais, est la création d’une société de leasing. Sa nécessité pour les constructeurs d’ordinateurs qui ne disposent pas d’une trésorerie très aisée tient aux exigences du marché : on loue les ordinateurs bien plus qu’on ne les vend, et après avoir engagé les dépenses nécessaires à leur fabrication, on ne touche la contrepartie que sous forme de versements échelonnés sur des années. Le paradoxe de cette situation est qu’elle conduit le constructeur à investir d’autant plus d’argent sans contrepartie immédiate qu’il se trouve en présence de débouchés plus importants. A la limite, on peut se trouver en faillite pour avoir trop bien réussi.

Dans ces conditions, le rôle de la société de leasing est celui d’un relais financier... Quelque difficulté qu’elle rencontre, la création de la société de leasing paraît indispensable au maintien du taux d’expansion actuel de la C.I.I., que la firme estime à 22 %, et qui autrement devrait être stabilisé à quelque 15 %…

 

22 avril 1971: lettre du Dr. H. Gumin, responsable de la division " Data processing " chez Siemens à M. Barré, suite à sa visite à Munich . Cette lettre confirme que des contacts étaient déjà pris entre CII et Siemens. Nous ne donnons ci-après que quelques extraits de cette lettre de 5 pages.

Dear Mr. Barré,

I would like to thank you very much for your last visit to Munich and for the ideas and suggestions, which were presented in such a frank and friendly manner. We agreed upon exchanging viewpoints by personal letters. We had a long period of thinking, a meeting with the RCA management on other subjects and discussions in between.

As a result of my thinking over and discussing this far reaching project I can say that I am interested and see possibilities of a closer cooperation to be developed step by step. In order to give you the background to understand our situation and the possible ways of cooperation as we see it, I think it best simply to describe some of the principles and problems of our business policy in this connection.

A fundamental thesis is that Siemens data processing is an integrated part of the Siemens Company, concerning the development and production of components, multilayer and connection technique and parts of or total products, coming from other divisions or flowing over to them, including computer systems or parts of them for process and traffic control, for communication networks, for medical applications etc., or concerning the opportunity to use and expand our sales and maintenance organization and the customer relations in many countries.

This situation may represent a certain limitation for our possibilities to cooperate, on the other hand it was and is a decisive precondition to build up this business with its high starting costs, financial requirements and risks, especially resulting from the leased equipment. So far, we invested more than 1.600 Mill. DM.

We always felt the necessity for a technical cooperation with other companies. […] An important precondition for such a cooperation is an identical or similar interface for peripheral equipment for cost reasons. A similar structure of central units and operating systems is a further step for the technical cooperation and an important precondition for joint sales organizations.

[…] Considering Europe I think it desirable to come to a close cooperation with a European company, thus reducing competition and increasing our ressources…

[…] Coming to the end I must apologize for the length of this letter. But the subject is very complex. I would be highly interested in learning your comments on these ideas. My suggestion is to meet in Paris during June.

With kind regards I am yours sincerely

H. Gumin

 


août 1971 : RCA annonce qu’elle abandonne ses activités dans le domaine de l’informatique. Ceci met Siemens, licencié de RCA, dans une position difficile. Heinz Gumin, patron du département informatique de Siemens, vient voir M. Barré, fin août (ou début septembre), pour savoir si CII et Siemens peuvent faire quelque chose ensemble. C’est le point de départ de négociations qui, d’abord à deux puis à trois, aboutiront à UNIDATA.

18 octobre 1971 : lettre de Michel Barré au Professeur H. Gumin, suite à une visite de CII à Munich. Cette lettre aborde les problèmes à résoudre. On notera l'utilisation des noms de codes R (ligne CII devant succéder à la ligne P) et K (architecture Siemens-RCA)

Cher Monsieur Gumin,

Nous vous remercions beaucoup M. Gaudfernau et moi de l'accueil que vous nous avez réservé jeudi dernier ; j'ai été en particulier très heureux de l'occasion qui m'a été donnée de rencontrer M. Plettner et de voir l'intérêt qu'il portait à nos projets.

Notre conversation nous a montré qu'il restait encore d'assez nombreux points dans l'ombre et qu'il convenait de préciser plus clairement à nos techniciens les directions dans lesquelles nous voudrions les voir rechercher une solution acceptable pour les deux parties.

Nous avons mis au point, en rentrant à Paris, un texte qui résume les idées que M. Gaudfernau a exposées lors de notre entretien ; nous pensons que c'est dans ce sens que nous avons le plus de chance d'aboutir à une première étape satisfaisante à l'occasion de la sortie de la génération RK.

En ce qui concerne les problèmes de commercialisation, vous trouverez à la fin du document ci-joint un résumé de ce que j'ai pu vous exposer trop rapidement dans la voiture en allant à l'aéroport.

Si cette conception de notre collaboration vous paraît convenable, je suggère que les groupes de travail approfondissent également cette matière, de telle sorte que nous puissions, lors de notre prochaine rencontre, rédiger un projet d'accord préliminaire posant les bases de notre collaboration future.

Cette réunion pourrait intervenir à la fin de ce mois ou au début de novembre.

Veuillez agréer, Cher Monsieur Gumin, l'expression de mes sentiments les plus distingués.

M. BARRÉ

juillet 1971:  Cassure des relations avec ICL qui proposait à la CII d’adopter les spécifications de sa nouvelle série d’ordinateurs, la série " P " [nom de code de la série NewRange future ICL 2980], et qui ne voulait pas modifier ces spécifications. Ceci n’était évidemment pas acceptable par CII, cette nouvelle série " P " n’offrant pas la compatibilité avec les machines existantes en parc CII  (CII continuera cependant à causer avec ICL un certain temps).


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12 juin 1970: note DGA/670-263 du Robert Gest, Directeur Général Adjoint.
NdlR : nous citons de larges extraits de cette note car elle donne des règles de base, gage d’une réussite dans la réalisation d’un produit. Cela peut paraître évident, mais notre expérience industrielle nous a montré que l’évidence n’est pas toujours appliquée.

INTERFACE D.OSI division des ordinateurs et systèmes informatiques (c'est-à-dire les études)
avec           
– D.PRO division production (c'est-à-dire la fabrication).

DÉVELOPPEMENT ET INDUSTRIALISATION

1.- Définitions

Le développement englobe tous les travaux nécessaires à :

A ce titre, le développement recouvre l’établissement du dossier de plans et de la documentation (plans d’ensemble et de détails, schémas, nomenclatures, spécifications, plan qualité, définition des moyens de contrôle et d’essais, etc.). Le dossier établi par le développement doit être utilisable pour la fabrication en série et compatible avec les impératifs de gestion des programmes industriels et commerciaux.

L’industrialisation recouvre les travaux complémentaires nécessaires à la détermination et à la mise en place des méthodes et moyens de production adaptés à l’importance des séries (gammes et instructions, procédés de fabrication, adaptation des moyens de contrôle et d’essais à la série, étude des temps, etc.).

2.- Responsabilités

D’une façon générale, la division opérationnelle a la responsabilité de l’étude et du développement du produit en tenant compte des nécessités de l’industrialisation et de la gestion des programmes, la division de production celle de la fabrication en série et des études complémentaires d’industrialisation. Le centre de production désigné pour la production d’un matériel est responsable de son industrialisation.

3.- Règles d’industrialisation

Il est nécessaire que la Division Production puisse faire bénéficier l’étude du produit, dès ses premières phases, de sa compétence en matière de fabrication, de mise au point et d’intégration, et s’engage, au fur et à mesure de l’élaboration du dossier, sur la " fabricabilité " du produit, compte tenu des moyens dont elle disposera et des objectifs fixés, notamment en matière de coûts, d’investissements et qualité.

A cet effet, la Division Production définira les règles et contraintes à respecter pour l’élaboration du dossier des nouveaux produits de la Compagnie et en assurera la mise à jour :

Ces règles devront être établies en conformité avec les méthodes générales de gestion des programmes (ordonnancement, gestion des approvisionnements, fichiers de base...) définies par la direction Centrale Industrielle.
Pour faciliter et s’assurer de la mise en œuvre de ces règles au cours du développement, le centre de production à qui le produit considéré sera confié désignera un responsable et détachera une équipe d’industrialisation dont l’importance sera précisée au départ pour chaque produit. Sous la conduite de l’équipe de développement, l’équipe d’industrialisation participera aux travaux de conception des produits et d’élaboration du dossier, en effectuant les tâches préparant l’industrialisation.

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Nouvelles commerciales
N.B. les commandes et livraisons sont répertoriées sur les pages relatives aux lignes de produits correspondantes

17 juin 1970 visite du Président de la République Socialiste de Roumanie, Monsieur CEAUCESCU, et Madame, accompagnés de Monsieur Ortoli, Ministre du Développement Industriel et Scientifique, ont visité l’usine de Toulouse. Accueillis par Monsieur Barré, ils se sont vivement intéressés à nos moyens industriels et notamment pour la gamme IRIS. La Roumanie a acquis la licence de fabrication de l'Iris 50 qu'elle produit sous le nom de Felix C256.

 

- Salon naval du Bourget

L’exposition a été inaugurée le 16 septembre 1970 par le Ministre des Forces Armées, Monsieur Michel Debré, accompagné de M. François Ortoli, Ministre de l’Industrie, et entouré des plus hautes personnalités militaires françaises et étrangères. Le stand de la CII a été présenté au Ministre par M. François Jacquemin, secrétaire général, et M. Raymond Cabessa, directeur commercial militaire.
Cette présentation mettait l’accent sur l’ordinateur IRIS 35M, utilisé non seulement dans les programmes de l’Armée de Terre (Pluton, Serpel, calculateurs d’artillerie) mais aussi pour la conduite des torpilles du sous-marin Daphné. D’autre part, cette exposition a marqué la première présentation au public de l’ordinateur IRIS 55M dont l’étude est en cours et qui complète par le haut la gamme militaire CII.

A la suite du salon, le Président Barré a reçu de M. Michel Debré une lettre reproduite ci-après.

Le Ministre d’État
chargé de la Défense Nationale

Monsieur le Président,

Je n’ai pu, au cours de ma trop brève visite au Salon, vous exprimer, comme il l’eut fallu, les compliments du gouvernement et mes compliments personnels pour l’effort remarquable qui a été accompli et qui ne cesse d’être accompli quant à la technique, la fabrication, l’exportation des matériels indispensables à une marine moderne. Mais sachez que je suis tout à fait conscient de cet effort, que je vous en félicite et que je vous demande de poursuivre avec ténacité la politique qui fait de votre industrie une activité de pointe dont notre pays peut être fier.

Recevez, Monsieur le Président, je vous prie, l’expression de mes sentiments les plus distingués.

Signé Michel Debré

Le 17 septembre 1970, le simulateur d’entraînement des sous-marins nucléaires (SOUMENT), conçu autour d’un 10070, installé provisoirement sur une plate-forme à Louveciennes, a été présenté à l’état-major de la Marine et à la Direction des Constructions Navales avant d’être transféré à l’Arsenal de Brest, où il sera implanté dans un bâtiment construit spécialement à cet effet.

29 septembre 1970 : importante conférence de presse du président Barré devant les principaux journalistes de la grande presse française et étrangère ainsi que la presse spécialisée.

Ci-après, la presque totalité de cet exposé.

L’année écoulée

L’année " Informatique " qui s’achève aura présenté une grande importance pour la CII : bien que notre société ne présente pas au Sicob 1970 de nouveau produit dans le domaine des unités centrales, elle a fourni au cours des douze mois passés un effort considérable dont les résultats sont perceptibles aujourd’hui.

Le lancement d’IRIS 50 et la mise en route industrielle de sa fabrication se sont déroulés correctement ; 40 systèmes ont été pris en commande depuis un an, soit un chiffre plus élevé que celui des prévisions. Les notifications reçues sont toutes dans le domaine de la gestion (à une exception près), qu’il s’agisse de paie ou de quittancement administratif (Finances, EDF, P et T), de tenue de compte bancaire (BREC) ou d’approvisionnement (Montréal).

IRIS 80 a été présenté en recette à la Délégation ; celle-ci s’est passée remarquablement bien ; la machine a suscité dès son apparition un gros mouvement d’intérêt en France et à l’étranger. Malgré le prix élevé des systèmes correspondants, 4 affaires sont sur le point de se conclure. La version multiprocesseur de l’IRIS 80 entrera en recette dans les prochaines semaines.

La CII, qui avait abordé le domaine des ordinateurs industriels avec des matériels de la série 90, diffuse depuis 3 ans les ordinateurs 10010 et 10020 qui lui permettent d’occuper aujourd’hui la première place en Europe parmi les constructeurs de ce type de machine. A la fin de 1970, deux cents 10010 et cent 10020 seront en service en France ou à l’étranger.

En ce qui concerne le 10070, les ventes se sont poursuivies dans le domaine qui lui était traditionnel : Universités (Rennes), Écoles (Sup. Élec., DSET), applications techniques (P et T). Les applications de gestion commencent avec les disponibilités de SIRIS 7 (Communautés Économiques, Florence, Caisses Centrales de Sécurité Sociale, DCAN et Thomson-CSF).

Dans le domaine militaire, les activités informatiques de la CII ont été poursuivies ; ces activités connaissent une certaine décroissance due à la réduction des programmes ; on peut toutefois noter l’arrivée au stade de la production série de l’IRIS 35M, et la fabrication en cours du premier prototype IRIS 55M...

...Par ailleurs, dans le domaine des périphériques, la CII rassemblant les efforts de la SPERAC avec les siens propres, a poursuivi son programme, et les mémoires magnétiques de masse, disques à têtes fixes, disques à têtes mobiles et bandes magnétiques entrent aujourd’hui en production. De même, un effort particulier a été fait dans le domaine du couplage des lignes de transmissions.

Enfin, l’année qui s’achève a vu la mise au catalogue du nouveau système d’exploitation SIRIS 7, destiné au 10070 qui en autorise l’utilisation en multiprogrammation pour les applications de gestion. Ce moniteur qui connaît déjà en France de nombreux clients, intéresse vivement l’un de nos confrères américains. Rappelons au passage que SIRIS 7 sera directement utilisable sur IRIS 80.

Le chiffre d’affaires du 1er semestre 1970 est en augmentation de 71 % sur celui de 1969, alors que l’effectif s’est seulement accru de 4 % ; ceci montre bien la mutation intervenue à la CII au cours de l’année ; après 3 années de mise en place, les moyens de production ont commencé à tourner et la compagnie fait aujourd’hui figure d’une société industrielle de dimensions appréciables ; le chiffre d’affaires 1970 devrait approcher 600 millions de F TTC.

La CII occupe sur le marché français une place croissante ; son coefficient d’expansion en 1969 et 1970 approche 30 %, alors que le domaine d’activités de la compagnie est attaché à un secteur dont la progression moyenne est de l’ordre de 20 %. A la fin de l’année 1970, la CII aura produit depuis l’origine près de 600 calculateurs.

L’année qui vient de s’écouler a vu l’absorption de la SPERAC par la CII. Cette opération fait disparaître une ambiguïté en matière de responsabilité dans la promotion des systèmes d’informatique français ; elle permet en outre de corréler plus facilement les programmes de périphériques avec les besoins des systèmes associés aux unités centrales de la CII. Ceci était d’ailleurs devenu indispensable du seul fait que la CII n’avait pu attendre la sortie des produits SPERAC pour mettre à son catalogue des périphériques réalisés sous licence ou comportant d’importants sous-ensembles extérieurs, de façon à faire face à ses besoins en temps utile ; il devenait urgent de définir étroitement la poursuite des développements de SPERAC par rapport aux projets de CII en cette matière.

Enfin, conformément aux dispositions de la Convention de 1967, la CII a présenté au Gouvernement, l’an dernier, une analyse de sa situation et une proposition de programme de travail pour les années à venir. Ce plan directeur, mis au point avec beaucoup de soin dans un esprit aussi raisonnablement commercial et industriel que possible, a été longuement discuté et constitue aujourd’hui la base de la nouvelle Convention annoncée la semaine dernière par M. Chaban-Delmas à l’inauguration du Sicob.

Les problèmes

Si la CII sort de l’adolescence, elle n’a pas encore le cuir épais que nécessite la compétition internationale ; si les résultats précédents peuvent être considérés comme assez satisfaisants, après moins de 4 années d’existence, il faut convenir que de nombreux problèmes se posent et que la CII n’est pas au bout de ses efforts.

Au fur et à mesure que les années passent, la compétition s’accroît dans le domaine informatique et il y a tout lieu de penser que la " masse critique " des entreprises correspondantes grandit ; il n’est donc pas possible que la CII borne son expansion à se laisser porter par celle du marché. Elle doit se développer plus vite que ses concurrentes. C’est ce qu’elle a fait depuis sa création mais cette tâche est extrêmement difficile si l’on veut que l’expansion se fasse avec un minimum de désordre et un maximum d’efficacité.

Une première tâche concerne l’action commerciale de la Compagnie ; il convient de faire subir à celle-ci une mutation analogue à celle qu’a connue en 1970 notre action industrielle. Il convient de passer rapidement à une structure qui permette d’atteindre une clientèle plus dispersée que celle qui a d’abord été l’objectif de la Compagnie. S’il existe aujourd’hui 30 centres régionaux de maintenance, il est nécessaire de les compléter progressivement pour qu’une part importante d’entre eux devienne des délégations régionales autonomes ; 6 délégations régionales seront ainsi créées prochainement, le chiffre devrait tripler dans les 5 années à venir.

La situation est la même à l’étranger où les implantations solides peuvent difficilement se faire sans la création d’une société ; deux filiales de la Compagnie existent aujourd’hui, en Allemagne et en Italie ; là aussi, il en faudrait 6 ou 8 avant 5 ans.

L’important effort consacré par la CII aux problèmes de software doit être poursuivi et amplifié. Si le soft de base qui accompagne les machines peut être considéré comme très complet, il est certain que la réalisation de softwares d’application standard demande un effort continu et prolongé. La CII pratique depuis la mise au point de ses produits le développement systématique d’un certain nombre de softs d’application, en fonction des besoins de ses principaux clients ; gestion comptable, gestion d’ateliers, recherche documentaire, ont fait ainsi l’objet de travaux importants à l’intérieur desquels des modules standards peuvent être identifiés et employés isolément. Cet effort que nous ne comptons pas relâcher nous paraît essentiel pour l’avenir d’une Compagnie comme la nôtre, car nous ne pensons pas qu’il soit possible de réaliser des matériels convenables sans disposer en propre de moyens de software permettant un contact direct avec les problèmes de la clientèle.

Ceci ne signifie pas que la CII recherche l’isolement et la possibilité de réaliser la totalité de ses affaires par ses seuls moyens. Bien au contraire, notre Compagnie continuera de rechercher une collaboration régulière, avec les Sociétés de software, en s’attachant à traiter avec chacune d’entre elles des problèmes de nature homogène, de façon à ce que les deux parties bénéficient au maximum de l’expérience acquise en commun.

Les efforts particuliers que nous devons consacrer à l’action commerciale et aux travaux de software ne doivent pas nous faire négliger le reste de nos activités. Dans le domaine de la création des produits, les liaisons mises en place avec les laboratoires d’État et les laboratoires privés devraient permettre à la CII de bénéficier des meilleures perspectives d’application des techniques nouvelles ; des accords techniques permettront ainsi la réalisation de certaines études en commun. La CII, avec cet appui, devra s’efforcer d’entretenir son catalogue et de l’étendre dans des conditions raisonnables de façon à tirer, dans les nouvelles étapes, le meilleur parti des étapes précédentes.

Si un effort considérable a été fait dans le domaine de l’après-vente, puisque aujourd’hui notre direction après-vente comprend 500 personnes, avec une présence dans 30 villes de province qu’habitent 150 agents de la Compagnie, le développement de nos ventes exigera que la direction de l’après-vente suive de près l’augmentation de sa charge.

Si les moyens financiers paraissent devoir être rassemblés de façon convenable, on ne peut pas ne pas mentionner une source de difficultés à laquelle il est plus difficile de répondre rapidement : il s’agit du problème des hommes. Dès à présent la Compagnie voit hors des frontières des possibilités d’extension d’activité efficaces et importantes auxquelles elle ne peut donner suite, du fait d’un manque de moyens. Un programme de promotion interne, d’embauche et de formation, va constituer un élément déterminant dans la réussite de l’expansion de la CII.

L’avenir

Comme M. Chaban-Delmas l’a dit à l’inauguration du Sicob, les groupes industriels qui sont actionnaires de la CII, l’État et la CII elle-même, achèvent la mise au point d’une nouvelle Convention qui devrait nous conduire jusqu’en 1975 et qui garantirait à notre Compagnie un certain nombre d’éléments fondamentaux :

  • - le financement des études nécessaires au renouvellement et à l’élargissement du catalogue, ainsi que le développement et le lancement de ses produits ;
  • - la trésorerie considérable qu’exige le mécanisme des locations ;
  • - l’aide financière à la création des points d’appuis étrangers qui comporte inévitablement de lourds investissements.

Cet appui important conditionne la poursuite et ultérieurement le succès de l’opération Plan Calcul ; la France n’est pas la seule à faire ce raisonnement et à en tirer les conséquences ; sous une forme ou sous une autre, des grands pays comme l’Allemagne, l’Angleterre, le Japon, apportent à leurs industriels informatiques une assistance directe ou indirecte égale ou supérieure.

La nouvelle Convention laissera à la Direction Générale de la Compagnie la souplesse nécessaire pour faire face à l’évolution du marché ; contrairement à la première Convention qui avait défini au départ un programme technique assez détaillé, elle permettra plus facilement de faire évoluer l’action technique et commerciale de la CII en fonction des circonstances ; seuls les grands axes sur lesquels nos efforts doivent porter ont fait l’objet d’une discussion, aussi bien dans le domaine des unités centrales que dans celui des périphériques.

Il est hors de doute que la grande question que soulève cette Convention est le point d’aboutissement de tous ces efforts. Comme l’a dit M. Chaban-Delmas, l’objectif du Plan Calcul n’a pas été de reconstituer sur le territoire français une IBM nationale. Pour bien des raisons, une telle chose est impossible. Il est inscrit dans la première Convention que l’objectif du Plan Calcul est de constituer en France un foyer technique et industriel dans le domaine informatique tel que notre pays puisse conserver sur son sol des forces vives créatrices et une certaine liberté d’options dans les problèmes fondamentaux posés par son équipement.

Cet objectif est en bonne voie d’être atteint, mais il est hors de doute que la survivance de la Compagnie passera un jour par une collaboration internationale. Nul ne conteste cet état de choses et les conversations que nous tenons en ce sens avec des partenaires étrangers remontent maintenant bien loin. Il est aujourd’hui prématuré de parler de ces conversations qui doivent se dérouler avec le calme et le sérieux nécessaires en raison de leur importance ; il est évident cependant que les solutions qui pourront être apportées au problème de notre collaboration internationale devront respecter les idées initiales des signataires du Plan et que la CII ne pourrait participer à une combinaison dans laquelle la représentation des intérêts français se bornerait à la présence dans une affaire étrangère de capitaux français dispersés en un grand nombre d’actionnaires, sans poids économiques propres.

J’espère que cet exposé vous laisse comprendre que la Direction Générale de la Compagnie a parfaitement conscience des efforts à faire et des problèmes qui l’attendent.

Il est évident que les produits IRIS ne pouvaient envahir le marché trois ans après le démarrage de leur étude. S’ils commencent à être appréciés, les années qui viennent devront marquer le succès complet de l’opération.

 


8 octobre 1970 : Cercle des Utilisateurs.

Réuni pour son assemblée générale le 8 octobre, sous le patronage de M. Maurice Allègre, Délégué à l’Informatique, le Cercle des Utilisateurs a consacré l’essentiel de son ordre du jour aux problèmes liés au software. Ouvrant la séance, le Président Moch a annoncé la nouvelle politique que va suivre la CII en matière de tarification séparée du hardware et des services.

M. François Sallé, Directeur du Software et des Applications, prit ensuite la parole pour préciser le rôle que la CII pense devoir jouer en matière de software, rappeler l’évolution de ses moyens, les produits réalisés et l’organisation mise en place à l’intérieur de la compagnie.

Monsieur Gérard Bauvin, Directeur Général de Cegos-Informatique, exposa ensuite le rôle des sociétés de conseils et de services en informatique, la nature des services que ces sociétés peuvent apporter, leurs avantages et termina en donnant des conseils quant aux relations devant exister entre l’utilisateur et ces sociétés.

Dans l’exposé qui suivit, Monsieur Jean Gravot, Directeur Adjoint à EDF-GDF et Président du groupe IRIS 50 au Cercle, s’attacha à la compatibilité souhaitée entre les softwares des différents ordinateurs et insista sur l’importance des langages conversationnels, pour faciliter l’accès des fichiers aux non-informaticiens.

Les débats furent ouverts par Monsieur Philippe Renard qui, au nom de la Délégation à l’Informatique, précisa la répartition des moyens financiers mis en œuvre dans le cadre du Plan Calcul, dont 35 % du budget a été affecté au développement du software ; ce chiffre sera de 45 % en 1970.

L’assemblée générale se termina, après présentation du rapport moral et du rapport financier, par un vote qui reconduisit le bureau précédent, à l’exception de Monsieur Jacques Vanrenterghem, démissionnaire, qui a été remplacé par Monsieur Claude Thubert, Directeur Adjoint à la Direction Commerciale et des Relations Extérieures à la Sagem.

Au cours du déjeuner amical qui réunit les participants, MM. Raymond Moch, Michel Barré et Maurice Allègre prirent la parole. Leurs allocutions sont données ci-après.

ALLOCUTION DE MONSIEUR RAYMOND MOCH

Monsieur le délégué à l'informatique, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, rassurez-vous, je ne vais point faire un discours. Je voudrais simplement être l'interprète du Cercle des Utilisateurs de la C.I.I. pour exprimer à nos invités le plaisir que nous avons à les accueillir parmi nous aujourd'hui. Monsieur Maurice Allègre, délégué à l'informatique, nous fait l'honneur de présider ce repas amical. Il renouvelle ainsi le geste de Monsieur Robert Galley qui, le 7 mai 1968, avait tenu à nous apporter, au Palais des Congrès de Versailles, un encouragement qui avait pour nous une valeur exceptionnelle. Monsieur Maurice Allègre l'accompagnait alors à titre de délégué adjoint. Je suis heureux que notre double continuité me permette aujourd'hui d'accueillir en lui le représentant du Gouvernement.

J'ai suffisamment insisté ce matin sur la volonté d'indépendance de notre Cercle pour n'avoir pas à souligner que l'adhésion que nous avons apportée à la politique dite du Plan Calcul est raisonnée et mesurée, mais sûrement pas inconditionnelle. C'est ce qui fait, je crois, sa valeur. L'action que nous avons menée, volontairement, je le répète, est née de cette conviction que j'évoquais ce matin, que notre pays ne peut pas être de ceux qui se contentent de consommer le progrès et l'innovation sans participer à leur élaboration. A la modeste place que nous avons offert de tenir dans le dispositif général, nous n'avons peut-être pas été complètement inutiles. La présence ici du délégué à l'informatique et de ses nombreux collaborateurs qui nous ont fait l'amitié de l'accompagner, nous autorise, tout au moins, à l'imaginer.

Monsieur le Président André Danzin, Vice-Président Directeur Général de Thomson C.S.F. et Président de la Compagnie Financière pour l'Informatique, devait nous faire le très grand plaisir d'être parmi nous. Il en a été empêché au dernier moment. Il est remplacé ici par quelqu'un que nous connaissons bien : Monsieur Dorléac qu'il m'est agréable de saluer. Le Président Michel Barré a bien voulu accepter de venir nous adresser quelques mots. Nul n'est mieux placé que lui pour nous dire très franchement quelle est la productivité réelle de notre effort bénévole. Quel que soit son diagnostic, je l'en remercie à l'avance, comme je lui exprime notre gratitude pour l'accueil à la fois ouvert et constructif que nous avons trouvé auprès de la Direction Générale de la C.I.I. depuis qu'il la préside. Il m'est impossible de citer tous les collaborateurs de la Compagnie qui l'accompagnent. Ils sont tellement liés à l'action du Cercle que nous avons dû les doter d'un badge d'une couleur spéciale pour ne pas les confondre avec les membres du Cercle. Parmi la délégation C.I.I., qu'on m'excuse si je relève seulement la présence de Monsieur Dony, de Monsieur Guichet, de Monsieur Peyroles, de Monsieur Toutain, tous membres du Comité de Direction.

Je remercie de sa présence ici le Général Vallet, délégué général du syndicat national des Fabricants d'ensembles d'informatique et de machines de bureau, le SFIB, qui est un ami de longue date du Cercle et dont nous nous rappelons qu'il est également un collaborateur occasionnel du TRUC. Je rappellerai, mais est-ce bien utile, que nous avons parmi nous Monsieur Philippe Dreyfus, directeur général du CAP dont l'absence s'est si douloureusement fait sentir ce matin. Il était retenu, paraît-il, par les brumes anglaises... de Monsieur Jean Carteron qui a été obligé de nous quitter tout à l'heure, président de la STERIA, de Monsieur Gérard Bauvin, bien entendu, directeur général de CEGOS INFORMATIQUE et président de CEGOS-TYMSHARE, de Monsieur Vidard, directeur de la SEMA, représentant Monsieur Robert Lattès qui m'a prié de vous présenter ses regrets pour n'être pas ici aujourd'hui.

Vous avouerez que l'informatique n'est pas si mal représentée dans cette salle et que nous n'avons pas craint de nous remettre au jugement des experts. Et encore, ni Monsieur le Professeur Namian, qui devait être ici, ni Monsieur le Professeur Laudet, directeur de l'IRIA, n'a pu venir, ce dernier représenté par Monsieur Malagardis, je l'en remercie. Monsieur Gilbert Dennery, sous-directeur de la Téléinformatique au Ministère des Postes et Télécommunications, nous avait laissé espérer sa venue, il en a été empêché au dernier moment et a demandé à Monsieur Picquart de le représenter. Mais il me faut également revenir de notre côté de la barricade, dans le camp des utilisateurs. Monsieur l'Ingénieur Général Thiénnot, directeur technique des constructions et armes navales, qui a appuyé de son autorité des initiatives informatiques du plus haut intérêt, nous fait l'honneur d'être à cette table. Nous n'en sommes pas surpris, car nous savons ce qu'il pense de nous, mais nous sommes très sensibles au fait qu'il soit venu lui-même nous le rappeler. Monsieur le président Guillaumat, président d'ELF-ERAP, dont un mot personnel m'a dit son regret de ne pouvoir assister à ce déjeuner. Il y est représenté par Monsieur Rastoul, directeur à l'ERAP, dont la présence a une valeur d'autant plus significative qu'ELF-ERAP n'est pas un très gros client de la C.I.I. Monsieur le président Bloch-Lainé n'a pu se libérer des tâches écrasantes qui sont les siennes, il est représenté ici par Monsieur de Corbière, inspecteur général adjoint au Crédit Lyonnais, bien connu dans les milieux de l'informatique et qui, chacun le sait, est un des responsables de l'Association des Utilisateurs I.B.M. De très nombreux autres utilisateurs sont présents dans cette salle mais vous me permettrez de ne pas énumérer tous les membres du Cercle, qu'ils soient ou non en règle avec notre trésorier. Que Monsieur Gravot donc ne m'en veuille pas si je ne fais même pas d'exception pour lui qui représente pourtant le plus gros consommateur d'informatique en France. Je vais donc me limiter à vous présenter pour terminer les regrets du Président Jacques Maillet, président d'honneur de la Compagnie Internationale pour l'Informatique, du président Paul Delouvrier, président de l'Électricité de France, de Monsieur Jean Auricoste, président d'EUROSOFT, de Monsieur Jean Ballereau, chef du service de traitement de l'information de l'armée de terre, président de la commission pédagogique nationale des unités d'informatique, de Monsieur de Latil, journaliste au Figaro, de Monsieur Vincendon, rédacteur en chef à la revue l'Informatique, et de Monsieur Garric son adjoint, qui n'ont pu venir et qui vous demandent de les excuser.

Il y a tout de même dans cette salle d'autres journalistes. Nous les remercions d'avoir eu la curiosité de venir jusqu'à nous et nous espérons qu'ils auront été intéressés par ce qu'ils auront peut-être appris de nous.

Dans cette salle où s'écrivirent des pages dramatiques de l'histoire contemporaine, il me reste l'agréable mission de saluer nos hôtes étrangers, nos collègues hongrois, venus tout spécialement de Budapest sous la conduite de Monsieur Noszek, Monsieur le Conseiller Constantin Simbotin du Secrétariat permanent de la Commission gouvernementale pour les équipements de calcul et l'automatisation du traitement de l'information de la République Socialiste de Roumanie, qui dirige une délégation qu'il nous est particulièrement agréable de recevoir aujourd'hui car, vous le savez, les relations informatiques franco-roumaines ont trouvé un terrain exceptionnellement favorable à leur développement dans la vieille et traditionnelle amitié franco-roumaine. Je saisis cette occasion pour prier Monsieur le Conseiller Simbotin de transmettre les très cordiales salutations du Cercle des Utilisateurs de la C.I.I. au Cercle des Utilisateurs des ordinateurs C.I.I. et des calculateurs CRU 256 de Roumanie.

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, je vous remercie une dernière fois de votre patience et donne la parole à Monsieur Michel Barré, Président Directeur Général de la Compagnie Internationale pour l'Informatique.

ALLOCUTION DE MONSIEUR MICHEL BARRÉ

Mesdames, Messieurs,

Je voudrais d'abord remercier Monsieur Moch de me donner l'occasion de prononcer quelques mots devant vous. Je vous parlerai seulement de la CII car il ne m'appartient pas de traiter les questions générales touchant l'informatique en France. Ces problèmes ont été largement abordés ce matin et Monsieur le délégué est beaucoup mieux placé que moi pour vous parler de la finalité du Plan Calcul.

Lorsque Monsieur Moch est venu me voir pour la première fois en juillet 1969, je ne m'étais pas encore fait une idée très claire sur ce que pouvait être un Cercle des Utilisateurs, du rôle qu'il pouvait jouer et ma première réaction était une certaine inquiétude. Après avoir réfléchi, j'ai pensé que peut-être nous trouverions, dans ce Cercle des Utilisateurs, autre chose que des censeurs, mais aussi des gens capables de nous aider par le fait qu'utilisant notre matériel ils constituent en quelque sorte le club de nos références. Or il est absolument évident que ce dont la CII manque le plus, c'est de références. Les hommes et l'argent, ça se trouve, les références, il faut les faire. Et par conséquent le fait d'avoir une unité qui rassemblait les utilisateurs de la CII, contents ou mécontents, mais en tout cas gens capables de s'exprimer, m'a paru finalement être une très bonne chose. C'est pourquoi j'espère que le président Moch a pu constater que nous avons toujours regardé les initiatives du Cercle des Utilisateurs comme des initiatives constructives.

En fait, il a mentionné ce matin une certaine hache de guerre, mais il m'a confirmé qu'il ne s'agissait pas d'une hache de guerre entre lui et nous; il s'agissait d'autre chose. Je tiens à le préciser.

Voyons maintenant la situation actuelle de la CII. En examinant rapidement le passé et la situation présente. La CII a des détracteurs. Certains, quoi que l'on fasse, ne changeront pas d'avis, mais à la plupart, il est tout de même possible de faire remarquer un certain nombre de choses, d'avancer un certain nombre de résultats, qui peuvent être de nature à les faire réfléchir.

La CII a trois ans et trois mois d'âge. C'est extrêmement peu dans une histoire industrielle, et j'en appelle à tous ceux d'entre vous qui appartiennent à une industrie, pour leur faire remarquer qu'en un si court laps de temps, il est très difficile de mettre au catalogue un produit nouveau aussi compliqué qu'un calculateur de grande dimension, avec son soft, et d'en inonder le marché. En fait, cette société est partie de zéro, au point de vue des calculateurs du Plan calcul. Elle a réussi en trois ans à les mettre à son catalogue, à les fabriquer en série et elle commence à les diffuser. Le Plan Calcul initial prévoyait cinq produits à réaliser dans ces trois années. Un programme aussi télescopé était quelque chose de tout à fait exceptionnel ; dans l'électronique professionnelle je n'avais jamais rencontré un tour de force comme celui-là et je trouve, étant donné que je n'y suis absolument pour rien, assez remarquable que, avant le terme de la quatrième année, sur ces cinq produits, il y en ait trois qui soient au stade de la production, un qui soit achevé et qui risque d'être passé à la production un jour ou l'autre, et le dernier qui a été simplement remplacé sciemment, avec l'accord de la Délégation, par une modification sur un autre produit. On peut dire, par conséquent, que le programme initial, malgré la difficulté qu'il représentait, a été à peu près tenu.

Ces trois ans et demi ont été mis à profit également pour mettre en route une usine à Toulouse que le Cercle des Utilisateurs a pu visiter dans le courant de l'année. Cette usine, d'un seul coup, a donné à la Compagnie le caractère industriel qu'elle n'avait pas encore. Il est peut-être intéressant de savoir qu'entre le premier semestre 1969 et le premier semestre 1970 il y a eu une augmentation de la production de la société de 70 %, alors que l'effectif de la société n'augmentait que de 4 %. Cela représente quand même la preuve que le virage industriel a été pris. Les effectifs, en trois ans, sont passés de 1.800 personnes à 5.600 personnes. Il est facile d'imaginer les problèmes d'encadrement, de formation, de hiérarchie, d'organisation administrative, que représente une progression aussi explosive. Les matériels, eux, ont subi une promotion commerciale dont on peut, à un certain point, s'estimer satisfait.

Les 10.010-10.020 : je pense qu'il y en aura plus de 300 produits à la fin de cette année-ci. Les 10.070 : qui sont tout de même de gros calculateurs puisque chaque système vaut actuellement plus de cinq millions de francs ont déjà fait l'objet d'une cinquantaine de commandes. Quarante commandes et intentions ont été obtenues en une seule année pour IRIS 50 qui a été montré pour la première fois en fonctionnement au SICOB de l'année dernière, c'est-à-dire plus que nous espérions. Le portefeuille de la Compagnie excède, toutes taxes comprises, actuellement, 700 millions de francs. Le chiffre d'affaires de la CII cette année-ci, va approcher 600 millions, c'est-à-dire à peu près la moitié de celui de l'un de nos très grands concurrents dont on a beaucoup parlé au mois de juillet. La croissance de la CII au cours des deux dernières années a été de 30 %. Le concurrent dont je vous parle a pendant ce temps-là augmenté de 14 %. Je ne voudrais pas que vous pensiez que ce cri de victoire signifie qu'il n'y a plus aucun problème, que la CII est arrivée et qu'il n'y a plus qu'à la laisser faire. Ce ne serait pas exact. Il y a probablement encore plus de travail devant nous qu'il n'y en a derrière. Dans les années qui viennent nous allons avoir des problèmes de tous ordres. Il y a celui qui consiste à coller à la technique et quand on voit les grands concurrents sortir des matériels nouveaux, avec des idées nouvelles, on imagine facilement l'effort en matière de technologie hardware que nous avons à faire pour pouvoir suivre la cadence. Nous avons aussi à faire des efforts sur le plan industriel, car le problème des prix de revient est un problème fondamental dans notre industrie et si nous voulons rejoindre le peloton de tête, nous devons pouvoir arriver à obtenir des rapports entre nos prix de vente et nos prix de revient qui nous permettent de caser, de plus en plus de dépenses de services.

Nous avons, et c'est probablement la tâche la plus importante, à accroître notre réseau commercial, en France et à l'étranger. Aujourd'hui nous avons trente points de maintenance en France, avec 150 agents. Il faut que la majorité de ces points de maintenance se transforment dans les quatre ou cinq années qui viennent, en agences de vente indépendantes et ceci représente encore des dépenses et des hommes. Tout ceci s'accompagnera inévitablement de réorganisations, mais c'est parfaitement normal pour une entreprise moderne. Pour revenir à ce que disait Monsieur le président Moch ce matin, il y a eu des réorganisations à la CII et je vous préviens : il y en aura d'autres. Une entreprise n'est pas le " ministère des dons et legs " de Courteline. Une entreprise, c'est quelque chose qui doit vivre, qui s'adapte aux conditions extérieures, dont les hommes changent en fonction de leurs qualités, en fonction de ce qu'ils sont capables d'apporter, et à l'instar de toute entreprise moderne, il faut considérer comme normal que la CII change, évolue et apporte au Cercle des Utilisateurs, périodiquement, de nouvelles têtes.

Enfin, et c'est là-dessus que je voudrais terminer, il est certain que se pose, aux yeux de beaucoup, le problème de la place de la CII dans l'économie occidentale. La première convention était essentiellement attachée à faire naître, à partir de presque zéro, une unité capable de s'implanter sur le marché français, de créer un foyer d'activité technique et industrielle dans le domaine de l'informatique. On peut penser que ce premier objectif est maintenant atteint : la CII existe. Et elle a une valeur, un poids, qui n'est pas négligeable. Ce qui reste à faire, c'est à l'insérer à l'intérieur d'un schéma qui soit économiquement viable, et il est évident aux yeux de tous qu'un tel schéma ne peut pas être exclusivement français. Nous cherchons donc, en plein accord avec le Gouvernement, la possibilité de faire coopérer la CII à un système international. Il en a été beaucoup parlé dans les journaux ; sans le développer, je voudrais simplement dire que nous pensons qu'il doit être possible de trouver des formes de coopération internationale qui conservent à l'industrie d'un pays sa physionomie propre et qu'il n'est pas suffisant de considérer que la participation d'un capital français dispersé à l'intérieur d'une société étrangère suffit pour défendre des intérêts français., Nous nous efforcerons donc, dans la combinaison de coopération internationale que nous voulons monter, de conserver un visage français pour nos techniciens et une forme française à la solution des problèmes qui pourront se poser à notre pays.

Voilà, peut-être ai-je été un peu long, mais je tenais à évoquer où nous en étions dans cette longue tâche, où d'ailleurs il faut souligner combien nous sommes aidés par la Délégation à l'Informatique qui veille, en quelque sorte, à ce que dans l'application la politique du Gouvernement reste fidèle aux principes qui ont présidé à la création du Plan Calcul.

Je tiens à vous remercier tous des opinions que peut formuler autour de nos efforts, le Cercle des Utilisateurs. Je n'ai jamais demandé à Monsieur Moch d'être le résonateur de louanges. Je ne le ferai pas plus aujourd'hui, et en plus, je suis sûr qu'il s'y refuserait avec beaucoup de fermeté. Ce que je souhaite c'est que, lorsqu'il y a des louanges, vous les fassiez résonner avec au moins autant d'énergie que quand il y a des critiques. Ce qui sera, je n'en doute pas, et a toujours été le cas. Je vous en remercie par avance.

 

ALLOCUTION DE MONSIEUR MAURICE ALLEGRE

A cette heure de la journée la principale qualité de mon discours sera d'être bref, mais je commencerai par deux choses importantes. C'est d'une part, comme l'a fait tout à l'heure Monsieur Moch, saluer la présence ici de Monsieur Simbotin qui représente le Cercle des Utilisateurs roumains, et vous savez pourquoi nous y attachons un intérêt tout particulier. Je voudrais d'autre part, et devant vous tous, rendre hommage, je trouve que le terme n'est pas du tout trop fort, à la qualité et à l'ampleur du travail accompli par votre président depuis qu'il s'occupe de ce Cercle qu'il a su animer d'une manière remarquable. Monsieur Barré a dit tout à l'heure tout l'intérêt que sa société pouvait trouver en ce contact, et je voudrais m'associer à lui et dire encore une fois, si vous me permettez un mauvais jeu de mots, à Monsieur Moch, qu'il a réussi vraiment un TRUC formidable.

Cela étant, le Cercle des Utilisateurs est sans aucun doute une institution indispensable car elle est en quelque sorte le miroir le plus proche dans lequel la C.I.I. peut se regarder. Je dis bien " se regarder " et non pas " contempler son image " et s'auto-admirer, mais bien se regarder avec tout ce que l'image a d'agréable et de perfectible et surtout en tirer les enseignements pour perfectionner ladite image. C'est comme cela qu'a commencé à fonctionner, que fonctionne depuis toujours, le Cercle des Utilisateurs et tel doit bien être en effet l'un de ses rôles essentiels. Il est question, m'a-t-on dit, de relancer des études dans le domaine de la prospective et dans ce domaine, le rôle qui avait été joué par le Cercle au moment de la définition de l'Iris 50 pourrait être rejoué pour les futurs matériels. Il y a certainement maints autres exemples sur lesquels je n'ai encore une fois, vu l'heure, pas le temps de m'étendre.

Monsieur Moch a dit tout à l'heure que le Cercle des Utilisateurs était composé d'adhérents non inconditionnels et je crois qu'il a eu parfaitement raison de souligner ce point, et il faut qu'il le soit, au Plan Calcul, mais je retiens tout de même qu'il s'agit bien d'adhérents à l'idée du Plan Calcul. En un petit nombre de minutes je vais essayer de vous redire où nous en sommes. Vous savez tous quelle est l'idée principale qui a présidé au lancement du Plan Calcul : il y aurait au fond deux idées : l'informatique est quelque chose d'important donc il faut développer son utilisation, et d'autre part l'industrie de l'informatique est quelque chose d'important également, donc il faut qu'il existe une industrie nationale de l'informatique. Sur le plan de l'utilisation (qui se relie d'ailleurs aux problèmes de software, dont vous avez, je crois, beaucoup débattu ce matin) je me bornerai à signaler deux faits récents : d'une part, dans le domaine de la formation, il y a eu des décisions, je crois, assez importantes, ou tout au moins des débuts de réalisation notable, qui ont été annoncées il y a quelques temps au congrès de l'AFCET, par exemple introduction progressive de l'initiation à l'informatique dans l'enseignement secondaire ; je crois que c'est une date qui mérite d'être notée. D'autre part, je vous signale qu'en vue de progresser vers l'objectif quasi-inaccessible que l'on pourrait appeler une sorte de management information system de l'ensemble de l'administration française (c'est pourquoi je dis qu'on ne l'atteindra jamais), il vient d'être créé une Commission Interministérielle de l'Informatique que j'appelle d'une façon amusante ma C.I.I. bis. Je ne l'ai pas fait exprès mais les initiales sont également celles de la C.I.I. ; n'y voyez aucune allusion particulière. Avec l'aide de cette Commission, nous allons poursuivre en l'amplifiant, le travail qui a déjà été fait en vue d'homogénéiser lentement mais sûrement, je l'espère, la " sauce informatique administrative " dont vous connaissez tous la grande diversité.

Sur le plan industriel, vous savez que l'objectif est d'avoir une véritable industrie de l'informatique. Le point d'application essentiel de cette politique est bien entendu dans le domaine le plus significatif qui est celui de la grande informatique, c'est-à-dire de l'informatique de gestion ; je veux bien sûr parler de C.I.I. Mais ce n'est pas parce que nous sommes au Cercle des Utilisateurs de la C.I.I. qu'il faut oublier l'existence d'une autre informatique, une sorte d'humus industriel informatique, constitué par des fabricants de mini-calculateurs, ou de petits périphériques, sans oublier bien sûr un secteur fortement représenté ici même, j'ai nommé les sociétés de software. Et je voudrais souligner à nouveau qu'il n'y a jamais eu sur ce simple plan du software, par exemple, antinomie entre le Plan Calcul et le software. Certains ont voulu opposer hardware et software, prétendre que le Plan Calcul industriel s'est déjà beaucoup intéressé aux problèmes de software et que, soit directement soit par le biais de sous-traitance, lesdites sociétés de software ont déjà eu des retombées notables de l'opération industrielle d'ensemble Plan Calcul. A l'heure actuelle, nous mettons en place, en vue d'un fonctionnement à partir de la fin de l'année, un mécanisme plus précis et plus étoffé, en vue d'accentuer cette action spécifiquement software. Mais ceci ne doit pas nous éloigner de l'opération C.I.I. qui est, comme je l'ai dit, la pièce maîtresse, qui est la condition sine qua non de la réussite d'une véritable opération industrielle Plan Calcul ; vous savez – le Premier Ministre l'a d'ailleurs annoncé au Sicob il y a quelques jours – que nous sommes en train de négocier avec les industriels, c'est-à-dire avec la C.I.I. et ses maisons-mères, le renouvellement de la Convention, qui va se traduire par une prolongation et un renforcement de l'action de l'État de manière à faciliter le développement de cette industrie française de l'informatique que symbolise la C.I.I. La chose a été dite de façon suffisamment claire par Monsieur Chaban-Delmas sans que j'aie à m'étendre là-dessus aujourd'hui. L'option ainsi prise ne souffre aucune contestation possible.

Lorsque le Plan Calcul a été lancé il y a maintenant à peu près quatre ans, l'idée était d'aboutir, comme je l'ai dit, à une véritable industrie nationale, et certains ont dit à ce moment là " mais pourquoi n'avez-vous pas fait tout de suite un Plan Calcul européen ? ", je crois que la réponse est simple : si on avait voulu commencer par faire un Plan Calcul européen, on serait peut-être encore en train de discuter - ce n'est pas moi qui dirais l'inverse, ayant été assez souvent à Bruxelles ces temps derniers et chacun sait la lourdeur de discussions de ce genre - ou alors, dans le meilleur des cas, on aurait abouti à une sorte d'ELDO qui ne serait pas conforme à l'objectif poursuivi. Cet objectif est essentiellement de nature industrielle. Il n'est pas de démontrer la capacité des européens de faire de la technologie évoluée cela, on le sait, il était inutile de le prouver.

Mais je reprendrai à mon compte la fin de l'intervention de Monsieur Barré tout à l'heure, avec laquelle je suis tout à fait d'accord. Je rappellerai simplement que l'orientation indiquée par lui quant à des rapprochements avec d'autres compagnies, sur un plan européen par exemple, n'est pas du tout, comme certains ont bien voulu le laisser croire, un quelconque changement d'orientation dans la politique suivie jusqu'à présent par le Plan Calcul. Je vous demande de me donner acte du fait suivant : et certains d'entre vous, et malheureusement pour eux ils ont déjà dû me subir, ont eu l'occasion de m'entendre parler du Plan Calcul à une occasion ou à une autre au cours des deux années que je viens de passer en tant que Délégué à l'informatique, eh bien je ne pense pas qu'ils m'aient entendu varier d'une ligne sur ce point. Il y a deux ans, quand l'occasion m'était donnée, de répondre à des questions concernant des problèmes de collaboration européenne, je disais déjà que nous devions d'abord commencer par exister sur un plan national, parce que tant qu'on n'existe pas sur le plan national on ne peut pas parler sur un plan international, on ne peut pas se faire entendre, on ne peut pas avoir un certain poids et on ne peut participer valablement à une construction finale. J'ajoutais que, dès la preuve faite de notre "existence" - et la C.I.I., vous êtes là pour le prouver, veut dire démontrer qu'elle existait réellement - eh bien dès ce moment là, il faudrait alors essayer de se placer sur la scène internationale et de voir s'il était possible de bâtir des constructions dépassant le cadre national, mais n'aboutissant évidemment pas à des solutions du style de celles que l'on a trop vu dans le passé, que ce soit dans l'informatique ou dans d'autres domaines et qui aboutissent finalement à un transfert de responsabilités et à un transfert du centre de prise des décisions hors du territoire national. Lorsqu'on s'associe, lorsqu'on constitue ce que j'appellerai une véritable société multinationale et non pas une société pseudo multinationale comme beaucoup le disent, eh bien lorsque l'on constitue une véritable société multinationale, certes l'on aliène une certaine part de sa liberté de manœuvre, puisqu'on s'associe étroitement avec quelqu'un d'autre, mais on ne devient pas pour autant subordonné, on n'en devient pas soumis à l'autre. On réalise quelque chose ensemble, chacun apporte quelque chose, on met ses forces en commun et c'est en ce sens que nous parlons d'une possibilité d'extension de l'opération Plan Calcul et pas du tout au sens où on l'a trop souvent entendu par le passé. Alors ceci aussi est parfaitement clair, et je ne fais là que redire, probablement moins bien d'ailleurs, ce qu'a dit le Premier Ministre toujours dans ce discours du Sicob auquel je pense certains d'entre vous assistaient.

Je vais maintenant m'arrêter et souhaiter que le soleil qui a bien voulu être des nôtres aujourd'hui soit un heureux présage et continue à briller longtemps sur l'avenir du Cercle des Utilisateurs de la C.I.I.

2 décembre 1971 : assemblée générale du Cercle des Utilisateurs (CII Informations n° 16)

Le Cercle des Utilisateurs a tenu son assemblée générale annuelle le 2 décembre dans les salons de l’hôtel Trianon Palace à Versailles. La séance statutaire a été consacrée à l’approbation du rapport moral et financier – que présentait le Président Moch – et à l’élection du nouveau bureau.

Devant les 300 participants, une table ronde animée par F. de Closets (ORTF) a permis de débattre du " rôle des utilisateurs dans le développement de l’informatique ", en faisant notamment ressortir l’influence positive que peuvent avoir les groupements d’utilisateurs dans un dialogue permanent avec les constructeurs. Au cours du déjeuner qui suivit la réunion, le Président Barré et M. Allègre, Délégué à l’informatique, prononcèrent des allocutions.

La composition du bureau est la suivante :

- Président : R. Moch, Président du Directoire de la Société ICEM,
- Vice-Président : C. Corge, Physicien informaticien au CEA,
- Secrétaire Général : J.-P. Chatelard, Ingénieur à la CII.

Membres :
- J. Gravot, Directeur adjoint à EDF, Chef du service du traitement de l’information,
- F. Jacquemin, Secrétaire Général de la CII,
- J. Lepidi, Directeur du GETI, filiale informatique du groupe des Charbonnages de France,
- F. Sallé, Directeur adjoint de la Division des Ordinateurs et Systèmes Informatiques de la CII,
- C. Thubert, Directeur adjoint à la direction commerciale et des relations extérieures à la SAGEM.

Ci-après les allocutions de MM. Barré et Allègre.

ALLOCUTION DE MONSIEUR MICHEL BARRÉ

Mesdames, Messieurs,

Je voudrais être très bref pour ne pas gêner l'exercice de votre appétit, parce que nous n'en sommes pas encore au dessert, contrairement aux traditions. Je voudrais remercier Monsieur MOCH de son invitation d'abord et lui présenter mes félicitations pour le succès de cette réunion. C'est une chose que je n'ai pas eu l'occasion de dire tout à l'heure, c'est que je tiens à témoigner publiquement l'admiration que j'ai pour le Président du Cercle des utilisateurs et pour le bureau de cercle pour leur sens de l'organisation, pour leur dynamisme, pour le calme avec lequel ils affrontent des entreprises difficiles dans le genre de l'organisation de la réunion de Timisoara et pour le succès qui parait accompagner toutes leurs entreprises. Je tenais à le dire et y ajouter en plus que nous avons toujours trouvé auprès d'eux un très grand esprit de coopération et que je souhaite que cet esprit de coopération se prolonge aussi longtemps que possible. Je ne voudrais pas terminer cet exposé sans vous dire deux mots de la CII puisque vous en êtes les utilisateurs, par conséquent les amis. L'année 1971 s'achève. Elle a été une année dans laquelle il est arrivé beaucoup de choses. Nous avons mis en service nos premiers gros matériels et nous avons rencontré, comme il fallait s'y attendre, des difficultés inhérentes à ce genre d'opération. Deux systèmes d'exploitation nouveaux, avec les plâtres correspondants qu'il a fallu essuyer, des difficultés avec le hard, et vous savez que nous nous sommes donné beaucoup de mal, pour dominer ces problèmes et pour leur porter remède. Je tiens à vous remercier pour l'intelligence et la compréhension avec laquelle vous nous avez vu attaquer et j'espère vaincre les problèmes quand ils se sont présentés,

L'année a été satisfaisante sur d'autres points. Nous avons d'abord mis à notre catalogue un nombre assez important de matériels, nous avons maintenant un catalogue vraiment complet, digne d'une grande entreprise d'informatique.

Nous avons également fait un très gros effort commercial. Il était temps de sortir de nos efforts je dirai un peu trop parisiens. Nous avons créé 7 délégations régionales en France. Ces 7 délégations régionales font dès maintenant apparaître un très grand nombre d'affaires que nous n'aurions pas pu faire naître depuis Paris. Cette politique de décentralisation commerciale va s'amplifier ; j'espère qu'elle sera efficace.

Nous l'avons pratiqué également à l'étranger puisque cette année nous avons créé deux filiales étrangères nouvelles, ce qui double leur nombre. Enfin nous avons signé cette année une nouvelle convention avec l'état. C'est un évènement majeur qui nous donne la garantie d'un appui pour les 4 ou 5 ans qui viennent, qui nous fournit une aide dans le financement de nos études nouvelles nous permettant de renouveler notre catalogue. Il nous a permis également de régler un problème particulièrement épineux qui est celui des locations grâce à la création d'une société spécialisée qui s'est vue doter des moyens financiers nécessaires.

Enfin cette année a été également particulièrement active sur le plan des relations internationales. Nous nous sommes fait beaucoup d'amis ; nous avons pris beaucoup de contacts et nous avons matérialisé ces efforts d'abord par la création d'une société d'études communes avec ICL notre confrère anglais et Control Data, avec comme objectif de mettre au point le plus rapidement possible des standards qui font gravement défaut aux nains qui entourent le géant de la profession. De même nous avons abordé des accords internationaux que je qualifierai de ponctuels dans le genre de celui qui a été publié il y a quinze jours et qui voit un de nos produits, IRIS 60, appelé très probablement à une commercialisation en Amérique, ainsi que celui qui devra lui succéder un jour.

J'ai fait un très, très rapide aperçu de cette année qui n'a pas été une année facile mais qui n'a pas été non plus une mauvaise année et je souhaite que nous continuions comme les choses se sont déroulées depuis quelque temps. Nous entrons dans une période où la situation américaine apporte quelques ... peut-être quelques inquiétudes pour la conjoncture du côté européen. La CII en perçoit les signes, mais actuellement nous ne pouvons pas dire que nous en souffrons. Nous pensons qu'avec une gestion stricte et une énergie commerciale renouvelée, nous traverserons cette période de stabilisation, de crise mondiale, qui a peut-être l'air de se dessiner actuellement. J'en ai terminé. Je remercie encore Monsieur MOCH de l'excellent déjeuner que je vais faire et je passe la parole à Monsieur ALLEGRE.

ALLOCUTION DE MONSIEUR MAURICE ALLÈGRE

Chaque année la rencontre du Cercle des Utilisateurs nous permet de faire le point entre les Utilisateurs ; ce sont naturellement les premiers concernés par un matériel qui n'est après tout qu'un outil, qu'on l'appelle ordinateur, périphérique ou autre. J'ai constaté cette année que le nombre des Utilisateurs de la CII s'est accru, comme le Président lui-même vient de le déclarer et je m'en réjouis. Cette année qui a vu la mise en place d'un nombre notable de premiers gros matériels n'a pas toujours été facile et des difficultés inévitables se sont présentées. Ces difficultés, Messieurs les Utilisateurs, vous êtes bien sûr les premiers à les connaître et il est donc inutile d'en parler davantage. Je crois qu'elles sont malheureusement inévitables dans ce monde difficile qu'est l'informatique. Mais au travers de ces difficultés j'ai l'impression que la CII a pu, sur le terrain, commencer à administrer la preuve qu'après une période de gestation, elle était vraiment entrée dans la voie d'être une véritable industrie française de l'informatique. De cela, je ne peux que me réjouir et souhaiter que cela continue. Elle a fait la preuve qu'elle était capable de construire certains instrument avec un clavier assez étendu de possibilités ; certes on ne peut pas encore appuyer sur toutes les touches de ce clavier ; certes quelquefois les touches se coincent encore un petit peu, mais de moins en moins.

Si vous me permettez cette image osée : un avion roule sur une piste, il le faisait jusqu'à présent avec d'énormes cahots, on ne savait pas très bien ce qui allait se passer au bout de la piste. J'ai l'impression, maintenant, qu'il a pris son vol ; certes il y a encore des trous d'air, les moteurs n'ont peut-être pas encore atteint leur plein régime, mais enfin il est parti et il continue à s'élever et c'est l'essentiel. Il n'y a plus d'arbres en bout de la piste, à condition de ne pas redescendre bien sûr.

Le. Cercle des Utilisateurs que nous devons à l'action de son Président, puisque c'est lui qui depuis le début a su le créer et l'animer (je m'associerai à cette occasion et de tout cœur à l'hommage tout à fait mérité que vient de lui adresser Monsieur BARRÉ), remplit au fond me semble-t-il deux fonctions : une fonction de dialogue avec le Constructeur, et bien sûr de dialogue constructif, parce qu'on espère que ceux qui ont décidé de prendre un matériel ont pour objectif que celui-ci soit le meilleur possible. Il semble que ce soit bien le cas et que ce dialogue ne cesse de progresser ; d'un autre côté je crois qu'il y a une autre mission que doit avoir un cercle des Utilisateurs, c'est une mission d’entraide entre Utilisateurs. Et ceci peut prendre diverses formes : je pense par exemple à certains efforts de normalisation, de mise en commun de software. Ceci rejoint certaines idées que nous avons par ailleurs à la Délégation à l'Informatique concernant les packages, l'action sur le software que vous connaissez ; ceci rejoint également nos idées en ce qui concerne la promotion de Centres Coopératifs par exemple à l'usage de moyennes et petites Industries et ceci rejoindra dans l'avenir une autre idée de base qui est celle de l'utilisation de l'informatique par l'intermédiaire de réseaux, ce que l'on appelle la téléinformatique et qui devra nécessiter là aussi un gros effort de normalisation et d’entraide. Je saisis cette occasion pour vous indiquer que nous avons franchi un pas de plus dans la voie de l'étude en vraie grandeur des problèmes que pose un réseau complexe d'ordinateurs et que nous avons décidé après un certain nombre de réflexions préparatoires de passer à l'étude beaucoup plus détaillée d'un projet de réseau informatique qui aura des aspects recherches très poussés puisqu'il va être financé en partie par le Comité de Recherche en Informatique et en partie par d'autres Organismes tels que la D.R.M.E. ; ce réseau comprendra pour une large part des matériels CII, mais pas uniquement des matériels CII et c'est pour cela que les problèmes de normalisation et de communication entre machines vont bien entendu se poser pour une très large part. J'avais promis de ne pas vous ennuyer trop longtemps, je vais donc tenir cette promesse en souhaitant que l'an prochain nous nous retrouvions encore ici.

 


13 novembre : conférence de M. Barré aux cadres de la CII.

Nous donnons ci-après une synthèse de cette conférence rassemblée  par le Secrétariat Général.

Éléments permettant de répercuter les informations auprès des non-participants.
Cette réunion aurait dû se tenir plus tôt, mais a été retardée par des événements dont les conséquences sont importantes pour la Compagnie :

Affaire Honeywell-Bull et ses répercussions sur notre politique d'alliances,

Analyse de l'activité "Périphériques" après l'absorption de la SPERAC,

Négociations pour le renouvellement de la Convention avec l’État.

Le Président se propose de traiter ces sujets et de décrire ensuite la situation interne actuelle de la Compagnie, mais auparavant il est un point important dont il faut parler, c'est celui de l'information à l'intérieur de la Société.

Informations et image de marque interne

Au début de l'année, une étude de l'image de marque a été effectuée par une entreprise spécialisée. Sur le plan intérieur, une vingtaine de jeunes ingénieurs ont participé à une table ronde et ont parlé très librement avec un anonymat strictement respecté.
Le résultat de l'étude est que l'image de marque interne n'est pas bonne. Les vingt ingénieurs ont fait un certain nombre de critiques sur la Compagnie et ils se sont plaints d'un manque d'informations.
Le Président insiste particulièrement sur ce dernier point en demandant à tous les responsables hiérarchiques assistant à ces conférences de faire descendre l'information aussi loin que possible, en tenant eux-mêmes des réunions où ils doivent faire des exposés adaptés à l'auditoire auquel ils s'adressent.

Image de marque externe

Sur le plan externe, l'image de marque de la C.I.I. n'était pas non plus satisfaisante au début de l'année. Beaucoup de Français assimilent la Compagnie à une Administration, doutent de sa rentabilité et de ses capacités industrielles. Or, il n'y a aucun espoir de réussir le Plan Calcul, de réussir la C.I.I., si nous ne sommes pas entourés de gens qui croient que l'opération est possible, que la C.I.I. agit d'une façon valable.
A l'origine des critiques faites, il y a presque toujours une méconnaissance profonde de la Compagnie. Pour rétablir la vérité, pour transmettre les informations exactes, un très gros effort continu reste à faire sur le plan des relations publiques.

Position de la Compagnie dans le monde Informatique

Affaire Honeywell-Bull

Cette affaire a fait du mal à l'image de marque de la C.I.I., car beaucoup de choses inexactes ont été dites ou écrites. Il est bon de rappeler aujourd'hui les faits.
General Electric avait décidé fin 1969 de se séparer de son informatique et cherchait un acquéreur.
Des négociations très secrètes ont été menées avec plusieurs acquéreurs possibles et le Gouvernement français a été informé en mai dernier, après que l'opération eut été décidée avec Honeywell.
Le Gouvernement s'est alors tourné vers les groupes Thomson et CGE pour leur demander de réfléchir à la possibilité de reprendre la Compagnie Bull et de la joindre à la C.I.I. Or, l'informatique de GE était dans une situation médiocre et il n'était pas possible de la dissocier de Bull. L'opération était ainsi beaucoup trop importante et les maisons mères de la C.I.I. sont arrivées à la conclusion qu'elles ne pourraient suivre, même avec des concours de l’État.
Pendant la période d'examen, nous avons, à la demande du Gouvernement, gardé le secret absolu sur l'opération alors que l'autre partie menait une active campagne de presse qui devenait gênante.
Finalement, nous avons réagi fin juillet en rétablissant, avec l'aide de la Presse, un certain nombre de faits, en révélant les contacts ou accords que nous avions avec d'autres partenaires internationaux, en montrant la place à laquelle C.I.I. pouvait prétendre dans le monde de l'informatique.

Adhésion de la C.I.I. à un Club International de Constructeurs

Un résultat positif de l'affaire Honeywell-Bull a été une meilleure prise de conscience de la nécessité de donner à la C.I.I. une position internationale, tout en tenant compte de la situation particulière de la C.I.I. et de son rôle pour la Nation.
Ce que le Gouvernement n'a cessé de souhaiter depuis la mise en place du Plan Calcul, c'est de disposer en France d'un foyer technique et industriel assorti d'un centre de décision. Une fusion du genre Honeywell-Bull n'était donc pas acceptable.
Ceci nous a amenés à réfléchir à un certain nombre d'associations possibles et nous a conduits à la formule d'un Club de Constructeurs sauvegardant la personnalité et l'indépendance de chacun des partenaires. Cette formule, acceptée par le Gouvernement, permet à la C.I.I. d'agir progressivement sur le plan international, tout en continuant à le renforcer par le jeu des aides de l’État jusqu'au terme de la seconde convention Plan Calcul.

La première action de ce Club consiste en la création, annoncée le 12 novembre, d'une Société d'étude commune entre ICL, CONTROL DATA et C.I.I. Cette Société, nommée MULTINATIONAL DATA, a son siège en Belgique et les trois Sociétés constituantes y participent à part égale bien que C.I.I. ne représente que 10 % des activités de l'ensemble du Club.
L'objectif de Multinational Data est d'étudier toutes les possibilités et collaborations des trois Sociétés mères. La première tâche sera l'établissement de standards communs en Hardware et Software pour permettre la compatibilité des matériels futurs.
La deuxième tâche sera d'essayer de lancer dans les trois Sociétés des programmes d'études cohérents en vue d'aboutir à des matériels complémentaires.
Au-delà, mais beaucoup plus tard, on peut imaginer une coopération commerciale à l'échelon international.
Le Club n'est pas fermé, d'autres participants pourront y être accueillis s'ils le désirent, et les standards définis par Multinational Data pourront également être utilisés par d'autres constructeurs.

Autres négociations internationales

XDS : nous continuons nos relations avec SDS devenu XDS à l'intérieur du groupe Xerox :
- Nous avons espéré pendant un certain temps que XDS prendrait la licence d'IRIS 50 pour le distribuer aux U.S.A. Cette négociation a échoué à cause du délai nécessaire pour reproduire ce matériel aux U.S.A., il risquait d'être périmé au moment de sa sortie.
- Par contre, nous avons vendu SIRIS 7, software de base développé pour les applications de gestion du 10070. L'annonce de cet événement est une bonne réponse aux critiques extérieures sur nos capacités en matière de software.

CDC : au mois de juillet, nous avons passé un accord avec CDC concernant RESOB A qui est un matériel de mémoire à disque équivalent au 3330 IBM. C'est un matériel nouveau, nous pouvons soit le reproduire, soit utiliser le know-how technique correspondant et sortir un matériel de notre cru. L'une ou l'autre solution sera choisie avant février 1971.
La contrepartie de l'accord est fournie par des travaux scientifiques du Laboratoire Central de Thomson/CSF.

Renouvellement de la Convention avec l’État

Nous avons remis au mois de mars un Plan Directeur donnant les perspectives de la Société jusqu'en 1975.

De nombreuses discussions ont eu lieu par la suite et les principales difficultés ont été :

  • - L'affaire Honeywell-Bull, maintenant réglée, mais qui a suspendu toute conversation pendant deux mois.
  • - Le problème du financement des matériels loués qui a conduit à la décision de créer une société de leasing.
  • – La révision du Plan Directeur pour tenir compte de l'absorption de la SPERAC :

le plan "Périphériques" ne pouvait être repris par la C.I.I. sans un nouvel examen portant sur les produits et les montants demandés, les premières estimations faisant apparaître des impossibilités.
examen également de la mission de la C.I.I. dans le domaine "Périphériques" : SPERAC s'était vu confié un rôle de fédérateur de l'industrie des périphériques en France, rôle que C.I.I. n'est ni en mesure, ni désireuse de reprendre.
Aujourd'hui la discussion n'est pas close mais doit aboutir dans un délai très court. Le jour où la Convention aura été signée, nous aurons devant nous quatre et même plus probablement cinq années pendant lesquelles un soutien essentiel nous sera acquis.

Situation interne de la Compagnie

Nous connaissons actuellement des difficultés dont certaines ont des causes extérieures :

· L'aide de l’État en 1970 passe par un minimum
Certains marchés prévus pour la division "Périphériques" n'ont pas été acceptés par la Délégation. D'autre part, pour 1970, la Délégation s'est tenue aux engagements du premier Plan Calcul, ce qui se traduit par une diminution très sensible par rapport à 1969. Ce chiffre doit remonter en 1971 dans le cadre de la nouvelle Convention.

· Les marchés militaires diminuent sensiblement
Les commandes diminuent de 40 % par rapport à l'année dernière. Cette baisse n'est pas occasionnelle mais traduit bien la réduction des programmes militaires. Nous réagissons auprès de la Délégation à l'Armement et au niveau du Ministre des Armées et espérons obtenir l'achèvement des prototypes IRIS 55 M ainsi qu'un minimum d'études pour nous permettre de préparer les générations futures.

· L'action très vive des concurrents, et en particulier les annonces d'IBM, gêne notre action et nous conduit à des compressions de prix peu favorables au respect de marges suffisantes.

Nous avons d'autres difficultés sur le plan interne :

· Difficultés techniques, qui doivent être résolues au plus vite avec les dérouleurs AMPEX que nous remplaçons par du matériel XDS, avec les disques et avec certains softwares.

· Difficultés en ce qui concerne la préparation de l'avenir
Pour les résoudre, Monsieur BROUSSE s'est vu confier la double responsabilité de la "Politique des Produits" et des "Études Avancées". Cette confusion des responsabilités dans la préparation de l'avenir est aujourd'hui nécessaire pour avoir une doctrine dans ce domaine. Il faut également pour préparer nos produits futurs, multiplier les échanges avec les laboratoires extérieurs afin d'utiliser les meilleurs résultats de leurs recherches.

Division Périphériques

Cette division a un retard très important sur le programme d'activité prévu par la SPERAC dont elle est directement issue. Les structures administratives et les moyens généraux ont été mis en place suivant le programme initial et se trouvent maintenant beaucoup trop importants par rapport à une faible activité réelle. Il en résulte des pertes très grandes de cette unité.
Les prévisions actuelles de développement ne permettant pas d'atteindre en 1971 le niveau minimum d'équilibre d'une division, il a été décidé de fermer D.PER.
Cette décision pose un problème de reclassement du personnel qui devrait se résoudre en s'appuyant sur l'expansion de l'ensemble de la C.I.I. et sur le turn-over important qui intéresse toute la profession.

Dès maintenant les embauches ont été bloquées dans toute la Compagnie sauf dans le secteur commercial.

Situation Commerciale

On ne peut se réjouir du fait que les commerçants aient à peu près tenu les objectifs de prises de commande fixés dans le budget initial que la Direction Générale considérait comme trop modestes.
A fin octobre, sans les marchés Plan Calcul, les prises de commande sont en effet tout juste égales à celles des dix premiers mois de 1969, alors qu'une franche augmentation est nécessaire pour tenir l'objectif de 25 %, accroissement prévu dans notre Plan Directeur à 5 ans.
Le portefeuille commercial tend même à baisser légèrement compte tenu d'une production et de livraisons qui, elles, sont à la cadence voulue.
Quand on analyse cette situation, on s'aperçoit que la diminution des marchés militaires de DMSA, liée à une réduction des programmes Défense Nationale, n'est pas compensée par un accroissement des ventes civiles France, ni des exportations qui, au contraire, fléchissent de près de 20 %.

Il ne faut pas que les services commerciaux oublient que Toulouse atteint maintenant ses cadences industrielles et qu'il serait très grave d'en arriver à intégrer des systèmes en plate-forme sur une configuration moyenne, faute de connaître à temps les clients, avec toutes les conséquences au plan des dépassements de dépenses et de la trésorerie.
Donc d'énormes efforts sont à accomplir pour l'écoulement de nos produits, particulièrement IRIS 50 et 10070.

Conclusion

Monsieur BARRÉ conclut rapidement en indiquant que " le Gouvernement paraît disposé à nous donner beaucoup d'argent et beaucoup d'appuis pour nous aider à réussir ; nous avons les mains libres pour former des alliances étrangères et pour nous intégrer dans un système international qui représente une masse viable en face de nos grands concurrents. Dans ces conditions, l'avenir de la CII dépend essentiellement de nous ".

 


décembre 1970 : Éditorial de Robert Gest  Directeur Général adjoint.

Au terme d’une année 1970 qui, succédant à une période de forte croissance difficilement contrôlée, fut placée sous le signe de la consolidation, le moment me semble venu de faire le point d’une situation qui comporte en regard de résultats positifs des aspects encore très perfectibles.

· Un plan Directeur couvrant la période 1970-1975 fut étudié et servit de base à la négociation avec les Pouvoirs Publics d’une nouvelle Convention Plan Calcul. Cette Convention fournira à la Compagnie les moyens nécessaires pour effectuer l’étude et le développement de ses nouveaux produits, lui apportera les crédits exigés par l’expansion de son activité et lui permettra de résoudre le problème du financement des locations, obstacle sur lequel trébuchent fréquemment les sociétés qui s’attaquent, sans précaution suffisante, au domaine de la gestion. Mais une telle Convention n’est pas une " assurance tous risques ". Sa contrepartie est un effort permanent de tous les membres de la Compagnie pour respecter les objectifs fixés : progression des ventes, amélioration des prix de revient, meilleure rentabilité.

· Une société d’études commune, Multinational Data, fut créée avec ICL et Control Data pour explorer toutes les possibilités de collaboration entre les trois firmes : le Club ainsi formé a pour objectif d’associer dans chaque domaine, sous la forme la plus judicieuse, les forces de ses membres afin de constituer un bloc capable d’imposer sa politique sur le marché de l’informatique, tout en respectant la personnalité de chacune des Sociétés. Dans un premier temps, Multinational Data aura pour tâche d’établir des standards communs, tant pour le hardware que pour le software, de façon à permettre la compatibilité des produits futurs. Puis, une coordination des études visera à aboutir à une certaine complémentarité des catalogues. Là encore, il ne s’agit pas d’une position acquise et la mise en œuvre d’une telle coopération nécessitera de la part des participants CII, outre un surcroît de travail, des efforts d’adaptation et de compréhension.

· Par une évolution progressive des structures, une organisation décentralisée a commencé à se mettre en place, devant ainsi faciliter l’expansion de la CII. Des Divisions Opérationnelles, autorités de synthèse technique et commerciale ayant l’entière responsabilité d’un domaine, ont été créées. La mission des différents centres de production a été clarifiée et rationalisée de façon à assurer dans les meilleures conditions la sortie régulière des matériels et des systèmes.

Toutefois, la prise en charge des activités périphériques intervenue en milieu d’année a posé des problèmes très difficiles dus à la disproportion constatée entre la structure de SPERAC et l’activité trop faible possible sur les prochaines années en raison du retard dans l’industrialisation des produits. Il fut nécessaire de renoncer, de ce fait, au maintien d’une division autonome Périphériques et il reste maintenant aux autres unités de la Compagnie à adapter rapidement leur organisation pour prendre en charge ce domaine tout en aboutissant finalement à une structure globale supportable.

Toutes ces actions ont été menées pour renforcer les assises, la structure et les moyens de la Compagnie avant qu’elle n’aborde véritablement la rude compétition internationale dans laquelle ses produits, ses moyens industriels, son appareil commercial vont subir une difficile confrontation.

L’informatique n’est plus seulement une industrie de pointe, elle est devenue une industrie de masse associant à la fois production de grande série et pénétration dans tous les secteurs de l’économie. De telles caractéristiques rendent la lutte commerciale particulièrement âpre et il faut que chacun soit conscient que seule une amélioration constante de la conception et de la qualité des produits, un abaissement continu des coûts permettent de réaliser ce qui est devenu l’impératif numéro un : vendre. Vendre pour nourrir l’appareil mis en place, pour fournir à la Compagnie matière à une expansion suffisante. Car toute société qui, au cours des prochaines années, n’aura pas un taux de progression au moins égal à celui du marché, sera condamnée à disparaître.

Face à ces difficultés, l’union s’impose. C’est le sens des accords pris à l’extérieur, ce doit être une préoccupation constante de tous à l’intérieur. La vie de l’entreprise ne doit pas être conçue comme un seul rapport de forces où les contraintes internes donnent la cohésion nécessaire. Cette cohésion procède avant tout de l’esprit d’équipe et de la volonté de communication entre les hommes, entre les services.

C’est à l’ensemble de ces efforts que je vous invite pour franchir l’étape décisive 1971, tout en vous adressant pour vous-mêmes et vos familles, mes meilleurs souhaits de Noël et de Nouvel An.

Robert Gest
Directeur Général adjoint

 

24 mars 1971 : article paru dans Le Monde (signé Jacqueline Grapin).

Les banques hésitent à financer la location des ordinateurs de la CII

Les principales banques et divers établissements financiers de la place de Paris ont été invités à participer au financement d’une société-relais permettant à la C.I.I. de procéder à la location des calculateurs qu’elle fabrique, dans des conditions comparables à celles de ses concurrents. La longueur des négociations, et le peu d’empressement des financiers à s’associer à cette affaire, montrent la hardiesse du pari qu’elle suppose. Il apparaît qu’elle n’obtiendra le concours de tous – et même des banques nationalisées, qui ne peuvent guère cependant repousser la requête qui leur est faite – qu’au cas où l’organisation envisagée sera assortie de solides garanties de la part de l’État.


4 mai 1971 : conférence du Président M. Barré aux banquiers.

Nous donnons ci-après de larges extraits de cette conférence, car elle fait un point complet de la CII à mi 71, rappelant ses origines, les difficultés du démarrage, le retard dans l’évolution du chiffre d’affaires par rapport au plan, la situation à la fin de la première convention et les perspectives à venir.

Le Président Barré souhaite la bienvenue aux visiteurs.

Nous souhaitons, au moment où nous approchons de la signature de la nouvelle convention, faire le point vis à vis de nos banquiers, leur montrer ce que nous avons fait depuis la signature de la première convention, où nous en sommes, leur parler rapidement de ce que nous comptons faire, de façon à ce que vous ayez une bonne connaissance de la situation.

La CII a été très largement critiquée dans une large part de l'opinion. Si l'on excepte un certain nombre de gens qui ont des raisons personnelles de la critiquer, il faut reconnaître que la plupart de ses détracteurs sont des personnes qui n'ont pas été très informées et ont souvent des idées fausses sur le compte de la compagnie.

Je ne dis pas qu'après avoir fait cet exposé vous n'aurez pas des critiques à formuler, mais vous formulerez au moins des critiques sur des données précises. En effet, je vais pouvoir vous donner un certain nombre d'informations et de chiffres.

Sans faire un historique très lointain, je crois qu'il est quand même bon de rappeler d'où nous sommes partis.

Le plan calcul a tout juste quatre ans : il a quatre an et un mois. La CII est née à l'occasion du plan calcul, elle a quelques mois d'avance sur lui. Elle n'a guère plus de quatre ans, ce qui est peu pour une aventure industrielle : il faut s'en souvenir quand on regarde le chemin parcouru.

La CII a été constituée à partir de deux sociétés : la CAE, qui faisait partie du groupe CSF-CGE, et la SEA, qui faisait partie du groupe Schneider. Il est bon de rappeler aussi que la CAE était la plus importante de ces deux sociétés, mais qu'elle travaillait exclusivement sous licence américaine dans un domaine qui était celui du temps réel et du calcul scientifique, c'est-à-dire qu'elle n'était pas du tout dans l'axe souhaité par le plan calcul.

La SEA, par contre, avait abordé le domaine de la gestion à partir d'études propres. C'était la moins importante des deux sociétés et celle dont la situation était la moins aisée au moment du "mariage".

[…] C'est dans ces conditions que la compagnie a signé le plan calcul avec ses sociétés-mères et l'État.

Le programme du plan calcul était un programme ambitieux qui peut aujourd’hui paraître ridiculement ambitieux, il faut le dire.

Le plan calcul prévoyait la mise au catalogue et la production en série en moins de trois ans de 5 calculateurs, dont un militaire, un sixième venant un an après. Ceci fait donc en moins de quatre ans 6 calculateurs à mettre sur le marché, en série. Je ne crois pas qu'aucun industriel ait jamais fait une pareille "bouffée", une pareille irruption de machines dans un délai aussi bref.

Si l'on songe que c'était dans un domaine nouveau, avec des effectifs qui étaient inférieurs à 2.000 personnes, il est bien évident que la tenue stricte de ce programme devait s'avérer à peu près impossible, d'autant plus qu'une soudure était à assurer entre la génération précédente et la génération du plan calcul et que cela représentait le développement de deux calculateurs sous licence. En comptant les 6 que je viens de vous indiquer, cela fait 8. En outre, il n’était pas question d’abandonner la clientèle qui venait de la CAE (automatisme et temps réel). Un calculateur 10010 a dû être développé tout à fait au début ; un deuxième calculateur viendra prendre sa relève ces jours-ci.

Au total, en moins de cinq ans, la CII aura mis à son catalogue dix calculateurs nouveaux.

Quand on songe au software qui doit accompagner ces matériels, au fait que les systèmes comportent également des périphériques qui doivent être étudiés, soit adaptés aux calculateurs, on voit que tout de même le temps n’a pas été perdu et que les gens qui disent que la CII a perdu énormément de temps dans la réalisation de son programme ne voient pas très bien le chemin effectivement parcouru.

En fait, il y a eu du retard, mais ce retard est intervenu non au niveau de la mise au catalogue, mais au niveau de la sortie. Le matériel est sorti en série plus tard que le plan directeur ne le prévoyait. Cela n’empêche que du côté chiffre d’affaires les objectifs seront finalement atteints.

Il est intéressant de regarder l’évolution du chiffre d’affaires par rapport au plan :

· en 1967 le plan prévoyait 257 millions de chiffre d’affaires ; il a été réalisé seulement 237 millions.

· en 1968, le retard s’est aggravé : 340 millions au plan, 286 en réalité.

· en 1969, le retard est toujours là.

· en 1970, il a commencé à se combler.

· en 1971, le plan prévoyait 554 millions de chiffre d’affaires. Le nôtre – sans tenir compte du chiffre d’affaires de la Sperac qui donne évidemment un chiffre d’affaires supplémentaire – sera de 626 millions.

Par conséquent, l’objectif du plan directeur a été effectivement atteint.

Il est honnête de dire qu’à l’intérieur de ces 626 millions il y a des sommes en double, étant donné qu’il y a une part de jeu de la Société de lease-back qui intervient ; nous vendons à cette société qui nous reloue pour que nous puissions relouer. Je n’ai pas le chiffre exact mais si vous retirez l’opération de lease-back et que vous regardiez le chiffre d’affaires, hors cette opération, les 554 millions sont tenus, à moins de 1 % près.

Par conséquent, on peut dire qu’à la fin de la première convention du plan calcul tous les matériels qui étaient prévus par cette convention auront été mis au catalogue avant la fin de l’année, ce qui va faire la mise au catalogue de trois ordinateurs en cette seule année 1971 : l’un a été annoncé, le deuxième sera annoncé la semaine prochaine, et le troisième dans le courant de l’année.

Inutile de vous dire que tout ceci ne s’est pas fait très simplement et que cela a demandé des efforts considérables, car la progression que je vous ai indiquée est une progression globale à l’intérieur de laquelle on fait intervenir des chiffres d’affaires qui ont effectivement une origine assez différente. En particulier, il y avait dans le chiffre d’affaires 1967-1968 une partie très importante d’affaires militaires.

Si vous éliminez ces activités militaires, qui sont importantes dans le cadre du plan calcul, mais qui sont tout de même marginales (la CII a été créée d’abord pour faire de la gestion avec des applications civiles et militaires, mais militaires faisant de la gestion), donc si vous éliminez le chiffre d’affaires destiné au secteur militaire, on voit apparaître une progression qui n’est plus de l’ordre de 20 à 25 % par an, comme je vous l’ai dit, mais qui est très supérieure. De même il faut retirer du chiffre les chiffres d’affaires faits sur le marché d’études du plan calcul, qui n’augmente évidemment pas avec les années.

Si vous considérez simplement le matériel civil français, vous constatez, par exemple, qu’en 1967 la convention prévoyait 150 millions de chiffre d’affaires et que la CII en a fait en tout et pour tout 92, ce qui n’est pas beaucoup. En 1971, le plan prévoyait 408, la CII devrait en faire 462.

Si vous regardez la progression du chiffre d’affaires dans ce domaine civil des trois dernières années, vous vous apercevrez que de 1968 à 1969, il a augmenté de 58,3 % et de 1969 à 1970 de 61 %. De 1970 à 1971, il va croître, si tout va bien, de 76,9 %. Ce sont ces pourcentages qu’il faut effectivement rapprocher des pourcentages d’expansion de nos principaux concurrents, qui tournent actuellement entre 15 et 20 %, peut être un peu plus.

[…] Pour pouvoir tenir des vitesses d’expansion comme celles-là, nous avons eu évidemment des problèmes de personnes, d’organisation, des problèmes de tout ordre.

Sur le plan du personnel, la difficulté est venue du fait que, devant un programme de travail aussi accablant que celui de la convention, les cadres de la Société ont un peu trop embauché, non pas en fonction de la progression des besoins, mais un peu selon un programme, en se disant " j’aurai à faire telle chose en 1970, il faut donc que j’ai à ce moment-là tant d’hommes ". Ils ont embauché a priori, cela a conduit à des embauches dans les premières années de la convention qui ont été certainement assez désordonnées ; trop de gens sont arrivés alors que la Compagnie manquait de cadres du secteur administratif pour pouvoir les accueillir.

Beaucoup de gens se sont plaints de n’avoir rien à faire pendant plusieurs mois. Tout cela est parfaitement exact. Pour vous donner un exemple, nous avons actuellement 6.500 personnes à la Compagnie. Sur ces 6.500, il y en a 500 qui viennent de la Sperac, que nous pouvons retirer, il reste 6.000 personnes. Quand on regarde les effectifs qu’il y avait quand nous sommes arrivés il y a 2 ans, soit 5.000, on voit que la croissance des effectifs a été depuis 2 ans très faible, alors que pendant les deux premières années la Compagnie est passée de 1.800 à 5.000 personnes. C’était énorme. Les choses maintenant se sont mieux mises en place, mais il est bien certain que l’un des problèmes majeurs du développement de CII est le problème des hommes et de l’encadrement. Il est difficile de faire naître d’un coup de baguette magique des hommes qui soient à la fois bons informaticiens et qui aient une expérience industrielle. Il n’y en a pas beaucoup sur le marché. Ils sont difficiles à décrocher. Pratiquement, la solution est la promotion interne, ce qui fait que nous avons une société extrêmement jeune.

Où en sommes-nous aujourd’hui, quand je dis " aujourd’hui ", je veux parler des réalités de l’année 1970 ? Nous avons fait un chiffre d’affaires hors taxes de 513 millions. En 1971, nous devons en faire 670.

Les prises de commande ont été en 1970 de 589 millions, nous voulons faire 720 à 725 cette année. Notre portefeuille se situe au-dessus de 600 millions. Le résultat de l’année dernière a été pratiquement nul. Il a été positif pour qu’il ne soit pas rouge, mais a été pratiquement nul. L’année 1971 va avoir un résultat positif faible et nous espérons après que ce chiffre montera.

Je vous ai dit que nos effectifs étaient de 6.000 personnes. Il est intéressant de voir que, sur ces 6.000 personnes, il y a 1.400 ingénieurs et 2.000 agents techniques et programmeurs, c’est-à-dire qu’il y a plus de 50 % des effectifs qui sont faits de techniciens.

Nous avons 108.000 m² répartis entre Louveciennes, Les Clayes, Toulouse et Vélizy.

En ce qui concerne le catalogue, vous avez dans cette notice des informations plus complètes que celles que je pourrais vous donner.

Je pense qu’il est utile de vous dire quelques mots sur la situation de notre parc.

....

Il est intéressant de regarder la façon dont se ventilent ces matériels, car on entend souvent dire : " vous vendez aux administrations exclusivement, vous ne vendez pas au privé ". D'après le budget de prises de commandes de 1971 , voici quelle était la répartition espérée. Il est intéressant de constater que, si on élimine l’exportation et le domaine militaire, et que l’on ne regarde que le domaine civil français, sur un total de 350 millions de prises de commandes espérées, il y en a :

· 140 pour le secteur public,
· 105 pour le secteur para-public,
· 105 pour le secteur privé,

c’est-à-dire que le secteur privé devrait représenter 30,2 % des prises de commandes que nous espérons cette année dans le domaine civil. Le domaine militaire fait une centaine de millions, l’exportation 110 millions.

La critique largement répandue " la CII ne vend qu’à l’Administration " n’est donc pas très fondée. Ceci est dû au fait que les gens oublient toujours qu’il y a un fonds de commerce important qui provient de la CAE et qui touche une clientèle privée dans les domaines des automatismes et du temps réel.

Le Président Barré développe ensuite l’avenir, en traitant :

- de l’aide de l’État (deuxième convention plan calcul) :

- de l’expansion rapide de la CII :

- chiffre d’affaires prévus de 1971 à 1975 :

- effectif : va doubler.

- mise en place de nouveaux moyens industriels.

- effort commercial important :

- en France, délégations régionales,

- à l’étranger, d’ici 1975, création de 6 à 10 filiales.

- des bénéfices de la CII : d’ici fin 1975, les résultats globaux avant impôts devraient dépasser la centaine de millions en cumulé. Amélioration progressive de la rentabilité de la compagnie prévue.

"Je voudrais vous avoir fait comprendre que nous avons une tâche extrêmement importante à remplir, mais que nous n’avons pas d’illusions sur la situation dans laquelle nous sommes, sur les efforts à faire et que nous comprenons l’importance du succès de l’opération. Nous voyons très clairement que l’informatique risque de contrôler toute chose, qu’elle risque de devenir le centre nerveux non seulement du pays, de toutes les administrations, mais de beaucoup d’entreprises, qu’elle se substituera à beaucoup d’interventions humaines, qu’elle minimisera l’importance de beaucoup d’équipements qui jusqu’à présent dans les applications étaient considérés comme des équipements fondamentaux.

Tout cela fait qu’il y a un chiffre d’affaires gigantesque qui s’ouvre devant nous et qu’en même temps la CII de par le plan calcul a indiscutablement une responsabilité nationale.

Ceci m’amène pour terminer à dire deux mots d’un problème très important qui est celui du risque de l’opération.

Je pense pour ma part que la CII n’est pas une entreprise qui comporte plus de risques que d’autres qui l’entourent et plutôt moins. Je ne parle pas de l’appui du gouvernement. Nous nous trouverons à la fin de cette année avec un catalogue complet, très moderne, considéré comme valable d’une façon générale en France, car parmi les critiques qui sont adressées à la CII, vous trouverez peu de critiques disant " le matériel ne marche pas, le matériel est dépassé… ". La CII a devant elle plusieurs années de possibilités d’exploitation favorable, car toutes les études de ce matériel ont été entièrement financées et il ne reste absolument rien à amortir à l’actif.

La clientèle de la CII est pour une part importante l’administration qui est une clientèle stable, qui rêve de s’étendre et qui s’étendra sous forme de réseaux qui s’interconnecteront. Ce n’est pas une clientèle qui est aussi apte qu’une PME à changer d’équipement et de fournisseur du jour au lendemain. En effet, cela représenterait, si elle le fait, un effort considérable, des perturbations énormes dans sa gestion, dans la formation de son personnel et par conséquent l’on peut dire que le fonds de commerce de notre compagnie dans l’administration est un fonds particulièrement solide. Il faudrait que la CII ait des matériels qui ne marchent pas ou une conduite commerciale déplorable pour que nous risquions de perdre cette clientèle. Il est bon d’ajouter qu’à la fin de la présente convention le volume occupé par cette clientèle sera lui-même important et que la CII disposera à ce moment-là de locations sur du matériel entièrement amorti dans des proportions non négligeables…

J’ajouterai qu’à la fin de cette période la CII aura atteint une dimension telle que la disparition brutale de toute aide de la part de l’État ne se traduirait pas du tout par la disparition pure et simple de la CII. Je réfléchis à ce qui se passerait si la convention n’était pas signée le mois prochain : cela poserait un problème d’adaptation financier, il y aurait indiscutablement des dépenses de licenciements, un problème social important à régler. Mais surtout avec le catalogue qu’elle a aujourd’hui et la possibilité de mener une politique beaucoup moins ambitieuse, avec un taux de croissance qui ne serait plus évidemment de l’ordre de + 50 % par an dans le domaine civil, la CII pourrait vraisemblablement mener une existence industrielle normale, quitte à réaliser moins d’études par elle-même et à prendre plus de licences pour certains de ses produits.

Je crois sincèrement, et c’est par là que je terminerai mon exposé, que la CII est sortie de l’époque infantile, où elle vivait avec un biberon du gouvernement tous les matins, et qu’elle commence à devenir une entreprise industrielle. Le succès est essentiellement attaché à une bonne gestion industrielle que nous nous efforçons de réaliser dans les années qui viennent, étant entendu que la gestion, nous sommes bien d’accord pour ne pas la considérer comme l’intendance qui doit suivre, mais comme le fondement même de toutes les entreprises."

août 1971 : La CILOMI (CII Informations n° 14)

Après d’assez longues négociations, notamment en vue d’obtenir l’accord du gouvernement et l’appui du secteur bancaire, une société de financement des ordinateurs CII a été créée sous le nom de CILOMI – Compagnie Internationale pour la Location des Matériels d’Informatique.

Pourquoi la CILOMI ?

Alors que les ordinateurs à vocation industrielle ou scientifique sont souvent vendus à la clientèle, les ordinateurs de gestion font le plus fréquemment l’objet d’un contrat de location. Cette tendance s’amplifie lorsqu’il s’agit des moyens et gros ordinateurs, ce qui est le cas de la gamme IRIS. Il est donc apparu que le pourcentage de locations de nos ordinateurs, voisin actuellement de 50 %, allait, avec le développement de nos affaires, croître considérablement dans les années à venir pour atteindre un taux d’environ 80 % d’ici à 1975. Ce phénomène, combiné à la forte croissance du chiffre d’affaires prévu dans cette même période, entraînerait :

- un résultat d’exploitation ne reflétant pas la véritable rentabilité de la Compagnie. En effet, la marge brute de chaque affaire de location n’est récupérée par la CII qu’au fur et à mesure des facturations de loyers, c’est-à-dire sur 4 à 5 années, alors que les frais de structure de la Compagnie sont proportionnels à son activité et sont pris en charge en totalité dans chaque exercice ;

- un bilan déséquilibré par la valeur des matériels immobilisés en location dont la contrepartie au passif ne pourrait être trouvée que par de crédits insuffisamment longs, ce qui ferait apparaître un rapport anormal entre les capitaux permanents et nos valeurs immobilisées.

Il était donc nécessaire d’adopter une structure séparant nettement les activités commerciales et industrielles (prospection de la clientèle, fabrication des matériels, maintenance des installations, etc.) de l’activité financière, liée aux problèmes de location.

L’ensemble de ces considérations a amené la création d’une société de crédit-bail, la CILOMI, destinée à assurer le financement des productions de la CII pendant leur durée de location.

Ses modalités de fonctionnement

La CILOMI achètera les matériels de CII faisant l’objet d’un contrat de location entre CII et les clients de cette dernière, et elle les lui rétrocédera immédiatement en crédit-bail ; la CII les sous-louera ensuite à l’utilisateur. Ce dernier n’aura de contact qu’avec CII qui assurera l’intégralité des responsabilités d’installation et de maintenance des appareils.

Sa structure

Le capital initial de la CILOMI est de 20 millions de francs, répartis entre :

– CII pour 50 % ;

– un pool bancaire de 13 banques pour 37,5 %, dont les chefs de file sont le Crédit Lyonnais et la Banque Nationale de Paris (parmi les autres banques, citons : la Société Générale, Suez, le Crédit du Nord, la Banque Rivaud ...).

– la CNRO (Caisse Nationale de Retraites des Ouvriers du bâtiment et des travaux publics) pour 12,5 %.

Les administrateurs seront au nombre de sept, dont CII : 4, Banques : 2 et CNRO : 1. Le Président sera Michel Barré et le Directeur Financier Maurice Goton.

Une augmentation de capital de 20 millions de francs est prévue tous les ans, pour atteindre 80 millions en 1974.

Le statut de la CILOMI est celui d’un établissement financier.


10 mai 1970 : annonce du MITRA 15.

Le lundi 10 mai, à 17 heures, conférence de presse de CII, au Pavillon d’Armenonville au Bois de Boulogne, à l’occasion du lancement d’un mini-ordinateur.

Extraits de La Cote Desfossés du 12 mai, Le Nouveau Journal du 12 mai et de CII Informations n° 13.

 

Le nouveau mini-ordinateur de la CII a été présenté à la presse par MM. Guichet, directeur du département informatique, et Fady, directeur à la Direction des mini-ordinateurs de la Compagnie.

Le " Mitra 15 " (Mini-machine pour l’Informatique travaillant en Temps Réel et Automatique) a été conçu en fonction des objectifs de la CII. Son originalité revêt quatre aspects principaux : sa modularité, sa sécurité, sa facilité d’emploi et l’absence de risque d’obsolescence, la possibilité de substituer certains éléments comme par exemple des mémoires à semi-conducteurs à l’équipement de ces ordinateurs lorsqu’ils seront en service.

Conçu autour d’une mémoire vive à architecture plane, " Mitra 15 " comporte une à quatre unités de traitement multiprogrammées réalisées au moyen de mémoires mortes à lecture non destructive.

Cette technique de microprogrammation permet de connecter de façon simple et économique une large gamme de périphériques et fait de " Mitra 15 " un système bien adapté aux domaines d’application privilégiés des ordinateurs de sa classe : contrôle de processus, téléinformatique, gestion de transactions, laboratoires, engineering, médecine, enseignement; etc.

La simplicité et la fiabilité de " Mitra 15 ", garantes de sa sécurité de fonctionnement, ont été obtenues par la suppression du câblage (fonds de paniers en circuits imprimés), la limitation du nombre de composants (utilisation de circuits intégrés MSI) et la microprogrammation des fonctions logiques ; d’autre part, " Mitra 15 " a été conçu pour fonctionner sans climatisation ni protection spéciale dans des conditions d’ambiance très sévères.

" Mitra 15 " est présenté en deux modèles entièrement compatibles – modèle 20 et modèle 30 – qui se distinguent par leur puissance de traitement et leur capacité de couplage à des éléments périphériques. Grâce à ces deux modèles, qui bénéficient de toutes les options et extensions du catalogue, l’utilisateur peut déterminer le système qui convient le mieux à son application.

Le software standard de " Mitra 15 " est présenté sous forme modulaire et comprend deux versions principales :

- un système résident en mémoire centrale qui permet de disposer de quatre langages de programmation et de deux moniteurs (moniteur de base MOB et moniteur temps réel MTR),

- un système sur disque qui offre, en plus des processeurs précédents, un bibliothécaire, un module d’enchaînement, un macro-générateur et un moniteur temps réel disque, MTRD.

Le software de " Mitra 15 " comprend, en outre, une bibliothèque mathématique et des programmes concernant les applications industrielles, la télétransmission, la gestion des fichiers ainsi que des simulateurs sur gros ordinateurs.

Livrable en clientèle à partir de novembre 1971, " Mitra 15 ", dans sa version de base en rack (unité centrale avec 4 Kmots + téléimprimeur), coûtera 74.000 F.

Le président de la CII, M. Barré, a rappelé, à l’issue de la conférence de presse, que la compagnie avait déjà produit trois ordinateurs de la gamme dite 10.000, à savoir, sous licence américaine, le 10.020 et le 10.070 (avec pour ce dernier un software français) et, de conception originale, le 10.010. Puis ce fut la gamme des IRIS, dont le type militaire 35M.

M. Barré ne l’a pas dit, mais on croit savoir qu’une dernière machine IRIS verra le jour en temps utile, pour le prochain Sicob.

Tous ce IRIS, avant de sortir et d’être officiellement baptisés, étaient désignés par la lettre " P " (initial de plan), ce qui indiquait nettement de quel programme ils relevaient. Pour le " Mitra ", la lettre temporaire connue en atelier était " Q " ; ce " Mitra 15 " étant ainsi nomenclaturé sous la rubrique " Q.0 ". C’est dire à la fois qu’il s’agit d’une petite machine, et surtout qu’elle ne figurait pas au plan calcul. Elle a cependant bénéficié d’une aide au développement de la DGRST (Délégation Générale à la Recherche Scientifique et Technique). "

25 mars 1971: annonce de l’IRIS 45.

Nous reproduisons ci-après l’article qui relate cette annonce, paru dans Le Monde du 27 mars sous la signature de Nicolas Vichney, car cet article fait un tour assez complet de la situation des matériels CII.

" L’Iris 45 complète la gamme des matériels prévus par le plan-calcul "

" La CII vient d’annoncer la sortie prochaine d’un nouvel ordinateur, l’IRIS 45, qui sera livrable dès le premier trimestre de 1972. Elle a fait coïncider cette annonce avec l’ouverture de son agence régionale de Lyon, qui marque sa volonté d’élargir son assise commerciale en province. D’autres agences régionales seront progressivement ouvertes à Toulouse, Tours, puis Lille, Marseille, Metz, etc.

Le nouvel ordinateur ressemble par la technologie comme par le software à son frère aîné, l’IRIS 50. Il s’agit en fait d’un IRIS 50 à performances réduites, ce qui permet d’en diminuer le prix et de viser une partie intéressante du marché.

Conçu pour la multiprogrammation et la téléinformatique, l’IRIS 45 possède un software qui lui permet en principe de traiter les problèmes scientifiques aussi bien que la gestion des stocks, l’ordonnancement, la comptabilité, etc. La capacité de sa mémoire centrale va de 48 000 octets à 128 000 octets, selon les configurations, et les calculs s’effectuent à la moyenne de 110 000 instructions par seconde. Ce nouveau matériel vient compléter la gamme des ordinateurs, dont la réalisation avait été prévue en avril 1967, lors de la signature de la convention du plan-calcul. C’était, dans l’ordre des puissances croissantes, P0, P1, P2 et P3. P1 fut le premier livré à la clientèle au début de 1970, sous le nom d’IRIS 50. Il arrivait avec un très léger retard sur le programme initial, mais avait le mérite d’être de conception assez avancée (en tout cas entièrement française). P0, qui aurait dû, selon la convention du plan-calcul, être mis au point en même temps que P1, a subi un certain retard, puisqu’il vient seulement d’être annoncé sous le nom d’IRIS 45.

Quant à P3, il s’est incarné dans l’IRIS 80, dont plusieurs exemplaires ont été ou seront vendus au cours de cette année. Conçu avec l’aide de la société américaine X.D.S., il se rapproche du grand ordinateur 10070, que la CII construit sous licence et, à ce titre, il n’est pas totalement compatible avec l’IRIS 50 ; mais la CII annonce que les études se poursuivent de façon satisfaisante sur un langage de programmation commun à l’ensemble des machines, le L.P.S.

Reste P2. Sa réalisation avait été abandonnée, mais il semble maintenant qu’il puisse refaire surface, mais dans un délai non précisé.

Au total pour 1971, la CII prévoit la commande de dix IRIS 80 (dont deux seraient livrés et facturés) et la facturation de cinquante IRIS 50. "

 




9 juillet 1971: augmentation du capital qui passe de 113 MF à 133 MF.

La répartition est la suivante :

 

2 août 1971  : signature de la deuxième convention plan calcul.

2 septembre : conférence de M. Barré aux cadres de la CII.

Nous reproduisons ci-après l’intégralité de cette conférence, mais il nous paraît nécessaire de faire quelques remarques :

1 – pourquoi l’intégralité ? Parce que cette conférence est importante. Le Président fait un point très complet sur la nouvelle convention, les difficultés multiples de son élaboration, y compris avec les maisons-mères, la création de la CILOMI, la politique internationale, mais aussi les difficultés techniques et commerciales rencontrées.

2 – la forme : cette conférence a été prise en sténo puis retranscrite après, d’où une forme orale avec quelques redondances et non un texte relu et peaufiné.

3 – cette conférence est interne CII, le Président ne cache rien aux cadres. Il est bien clair que tout ceci ne sera pas dit à l’extérieur, voir par exemple la conférence de presse préSicob du 20 septembre.

Messieurs, vous êtes aujourd'hui moins nombreux que les fois précédentes. En effet, devant l'expansion de la Compagnie, il a fallu renoncer à rassembler tous les Cadres de position 3 ; il aurait fallu construire un auditorium ! Déjà, la dernière fois, il y avait 400 personnes, maintenant on arrive à plus de 500 ; par conséquent, j'ai décidé de limiter cette assemblée aux Cadres 3 B et 3 C. C'est d'ailleurs une très bonne chose parce que, s'il est bon que vous rencontriez le Président de temps en temps, il est aussi très bon que ceux d'entre vous qui ont un nombre élevé de subordonnés aient un contact direct avec eux dans le temps, et par conséquent, je vais demander aux principales directions de la Maison d'étudier avec M. MALAPERT l'organisation de réunions d'information décentralisées, de telle façon que ce que je vais vous dire aujourd'hui trouve un écho aux échelons inférieurs.

Ceci me semble tout à fait nécessaire. Je sors d'un Comité Central d'Entreprise, plus exactement d'une réunion des membres du Comité Central d'Entreprise car il ne s'agissait pas d'un Comité, il s'agissait du même exposé que celui que je vais vous faire, et les délégués m'ont dit : "Si cela ne vous ennuie pas, on voudrait se réunir sur le problème parce que l'information que vous donnez aux Cadres ne descend jamais !" Comme je vous l'ai déjà dit la dernière fois - et je vous le répète - la première forme du commandement consiste à communiquer vers le bas, et le plus loin possible ! Par conséquent, je tiens absolument à ce que à l'intérieur de la Maison, les grands organismes de commandement travaillent à la diffusion des informations.

J'aurais voulu tenir cette réunion plus tôt. En fait, je la remets d'une semaine à l'autre depuis presque six mois. Malheureusement, il était impossible de tenir cette réunion de façon utile tant qu'on n'y voyait pas très clair dans le problème de la convention. Or, les six derniers mois se sont passés en opérations de discussion et négociation. La situation a évolué de façon continuelle. Nous avons passé des périodes critiques et comme cette situation changeait presque d'un jour à l'autre, j'avais peur de faire un exposé donnant une impression fausse des évènements et, après cela, de me trouver dans une situation gênante, ayant déclenché soit un mouvement de panique à l'intérieur de la Compagnie, soit au contraire un excès d'optimiste.

Les discussions ont effectivement traîné en longueur, et cette signature a été très péniblement obtenue à la fin du mois de juillet, le dernier jour du mois, comme vous avez pu le lire dans les journaux.

Je ne voudrais pas que les raisons pour lesquelles cela a traîné restent inconnues de vous, parce que vous pourriez imaginer des choses fausses. De même j'ai craint pendant toute cette période de voir les ennemis de la C.I.I., les gens hostiles à la C.I.I., pour des raisons diverses et variées, voire même la Presse, tout à fait maladroitement utiliser ces retards dans la signature pour faire de la contre propagande. Fort heureusement, le Secrétariat Général a réussi à tenir un très bon contact avec la Presse, et comme vous l'avez constaté, le délai intervenu dans la signature n'a pas engagé de commentaire malveillant ou même inquiet, que ce soit dans la Presse ou à la Radio.

En fait, les raisons pour lesquelles cette Convention a été très difficile à signer appartiennent à deux catégories. La première catégorie, ce sont des raisons financières. La deuxième catégorie, ce sont des raisons de domaine.

1 - Les raisons financières.

Lorsqu'on a signé la première Convention, en 1967, personne ne se rendait compte de la quantité d'argent considérable qu'il fallait pour pouvoir construire une industrie de l'informatique. Vous me direz que l'expérience de la Compagnie BULL, en 1964, aurait pu jeter quelque lumière sur la question, mais il semble qu'on ait attribué les besoins en capitaux de l'époque de la Compagnie BULL exclusivement à des problèmes de mauvaise gestion. Il y avait certainement beaucoup d'autres choses. Le métier d'informaticien est en lui-même un métier qui réclame énormément de capitaux. Nous ne sommes pas les seuls à nous en apercevoir. Nous avons eu des conversations avec d'autres confrères, et même des groupes très puissants comme le Groupe PHILIPS ou le Groupe SIEMENS qui trouvent que l'Informatique représente une charge proportionnellement très lourde à l'intérieur de la Nation.

En ce qui nous concerne, la C.I.I. est une société privée, et nous avons des actionnaires qui sont des grandes entreprises privées également, dont le Capital est réparti dans le grand public. Par conséquent, ces sociétés ont le premier devoir de se développer et de faire des investissements productifs.

Le problème est, évidemment, que la C.I.I. représente un investissement productif à terme, la construction d'une force extrêmement importante qui, ultérieurement, peut servir sous bien des aspects, commercial, technique, politique, mais en attendant c'est un investissement lourd qui ne rapporte rien jusqu'à présent et peu dans un avenir proche.

Par conséquent, dans une période où l'argent est difficile à trouver, il était évident que les sociétés-mères pourraient mettre de l'argent dans l'aventure Informatique mais ne pourraient pas en mettre énormément. Or, comme je vous l'ai dit, les besoins en capitaux sont considérables, et l'État était bien décidé à nous aider au maximum. Nous avions commencé, il y a deux ans, à bâtir un plan directeur qui était achevé au début de 1970, et ce plan directeur, qui est assez ambitieux, faisait appel à beaucoup de capitaux, et pour une très grande part de ces capitaux, l'État était prêt à les apporter sous forme de capitaux à long terme. Mais que ce soit des capitaux à long terme ou à court terme, les capitaux sont des dettes, et une société qui a des dettes doit être une société qui a des capitaux propres en quantités suffisantes, à l'échelle - si on peut dire - des emprunts qu'elle fait à l'extérieur.

C'était là le problème, c'est que nos besoins en capitaux globaux étaient considérables. L'État était d'accord pour nous procurer indirectement des sommes très importantes sous forme de capitaux d'emprunts mais les capitaux propres représentaient en eux-mêmes un volume tel que les sociétés-mères se déclaraient incapables d'y arriver ! En fait, par rapport au capital actuel, les capitaux à trouver étaient de l'ordre de 300 Millions ! Ce sont des sommes considérables, dont une part notable est d'ailleurs attachée au financement du stock de location de nos machines, qui est un problème vraiment particulier à l'informatique et que les autres industries ne connaissent heureusement pas pour elles !

Il a fallu d'abord discuter. C'était essentiellement l'État, car nous, en tant que filiale, nous n'étions pas une partie prenante. Nous avons fait ce que nous pouvions pour faire aboutir.

Il y a eu de longues discussions pour savoir le maximum qu'accepteraient de faire les sociétés-mères. Disons tout de suite que SCHNEIDER, qui a ses propres problèmes, a décidé de ne pas aller plus loin. C.G.E. et THOMSON ont décidé de faire sensiblement la même chose et de se partager la charge de capitaux propres à mettre dans la C.I.I. dans une certaine limite. Pour le reste, il fallait effectivement trouver des capitaux d'autres origines.

Par ailleurs, nous nous étions beaucoup "battus" avec les Pouvoirs Publics pour obtenir la création d'une Société de Financement pour nos locations, société qui a paru dans les journaux sous le nom de CILOMI. A cette Société il fallait des capitaux, des capitaux d'emprunts et des capitaux propres, et là encore se retrouvait le problème de trouver des capitaux propres.

Nous avons réussi à obtenir la participation à la CILOMI de notre Pool bancaire. Ce fut laborieux car les banquiers sont toujours d'accord, moyennant certaines garanties, et à un taux d'intérêt élevé, pour mettre de l'argent dans les entreprises mais pas du tout pour mettre de l'argent dans le capital des entreprises, avec tous les risques que cela comporte, et ils nous ont bien dit que ce n'était pas leur métier. Leur participation a été assez difficile. Nous avons réussi à obtenir une participation des banquiers de l'ordre de 35 %.

Nous avons aussi une Caisse qui a accepté de mettre de l'argent dans l'affaire, et nous avons finalement réussi à réunir le capital de la CILOMI avec ces moyens-là.

En ce qui concerne la C.I.I. elle-même, il a fallu faire appel à l'Institut de Développement Industriel qui - vous le savez - est un organisme de crédit, de gestion privée, qui distribue les capitaux de l'État pour favoriser l’essor des compagnies. L'I.D.I. va donc entrer dans le capital de la C.I.I. sous une forme minoritaire, ce qui fait qu'en pratique, pour la gestion générale de l'entreprise, les choses ne s'en trouvent pas modifiées, l'I.D.I. n'ayant pas d'exigences particulières en matière de la conduite de la C.I.I. différentes de celles des sociétés-mères et de l'État qui sont signataires de la Convention avec nous.

Voilà en ce qui concerne les problèmes financiers. Ce sont ceux qui ont été les plus longs à régler et ce sont ceux qui nous ont menés jusqu'à la fin de juillet.

2 - Les raisons de domaine.

Nous avons discuté pendant plusieurs mois des problèmes de domaine. Ceux-ci nous touchent plus. Je n'ai pas l'intention de rentrer dans le détail du problème ; nous diffuserons dans les semaines qui viennent une petite notice à l'usage des directions commerciales, qui définit exactement les problèmes de domaine.

Il est bien évident qu'il y avait un problème. Toutes les activités humaines commencent à être envahies par l'Informatique. L'Informatique s'introduit d'abord d'une façon très modeste, avec de toutes petites machines qui jouent un rôle limité, et l'Informatique a paru dans ses activités d'origine comme un accessoire. Progressivement, on demande à cet accessoire des fonctions de plus en plus compliquées. L'accessoire devient le cœur du système et le client commence à se tourner vers le fournisseur du cœur du système en disant : dans le fond, le reste, ce sont des périphériques... et cette opération se traduit par un virage concernant la maîtrise de l'affaire et par conséquent par un changement de titulaire du fonds de commerce !

Il est bien évident que les maisons-mères ont des fonds de commerce qu'elles occupent depuis extrêmement longtemps, les Télécommunications à la C.G.E., les systèmes d'armes et de contrôle de trafic aérien du côté de THOMSON, les automatisations de processus de fabrication dans la sidérurgie, etc., du côté du groupe SCHNEIDER. Il n’était pas possible d'admettre que des sociétés-mères qui créent une filiale créent cette filiale pour voir cette filiale, qui ne leur appartient chacune que pour une part, venir leur grignoter leur fonds de commerce ; il était évident que les difficultés allaient naître.

Je vous signale que ces difficultés existent également chez tous nos confrères et qu'elle a été réglée en Angleterre, en Allemagne et en Hollande, par I.C.L. et ses maisons-mères, par SIEMENS et les autres divisions, par PHILIPS Informatique et ses autres divisions, d'une façon analogue à la nôtre.

Là encore, nous avons été amenés à discuter et à débattre assez longuement, notre intérêt étant non pas de vouloir tout faire, car nous sommes convaincus que la tâche et les possibilités d'utilisation des calculateurs sont tellement immenses que ce ne serait pas une bonne chose que de revendiquer le contrôle de tout, nous serions à peu près certains de ne pas tout faire bien et cela retomberait sur nous. Il vaut mieux organiser une coopération avec les organismes extérieurs, et l'organiser de telle sorte qu'elle se fasse au mieux de nos intérêts, c'est-à-dire avec l'obligation d'utiliser d'autres produits, avec l'obligation d'utiliser nos produits dans certaines conditions, avec non moyens de mise en œuvre des calculateurs lorsqu'il s'agit d'installations complexes dans lesquelles le renom de la C.I.I. est engagé, et pour lesquelles nous ne pouvons pas nous contenter de livrer du matériel en disant : " Faites-en ce que vous voudrez ! ".

Par conséquent, nous avons été amenés à définir un certain nombre de frontières dont je vous parlerai.

Telles sont les deux raisons principales qui ont retardé la signature de la Convention. Aujourd'hui, les problèmes sont réglés. Voici la Convention. Elle existe. Elle a été signée par M. Giscard d'Estaing, M. Debré, M. Ortoli, du côté de l'État, M. Roux, M. Richard, M. Danzin qui rassemble les capitaux des deux grands groupes et par moi-même.

La Convention nous apporte une base extrêmement solide pour construire la C.I.I. jusqu'en 1975 ; elle comporte des engagements chiffrés des uns et des autres jusqu'à la fin 1974 et il est dit clairement que l'année 1975 donnera lieu, avant la fin 1974, à une mise au point permettant de remplir les cases libres pour 1975. Voilà comment les choses se présentent actuellement.

Quels sont les avantages que nous donne cette Convention ?

1 – Comme j'ai eu l'occasion de le dire, nous avons obtenu ce que nous défendions. Nous avons un financement régulier de nos études ou d'une partie de nos études par l'État sous forme de marchés d'études, autrement dit la poursuite des engagements actuels. Le montant de ces études est du même ordre de grandeur que celui que nous avons actuellement si on cumule ce que le Plan Directeur initial avait prévu pour C.I.I. et pour SPERAC, et si on fait une certaine actualisation. Le chiffre ne monte pas avec le temps, il ne baisse pas non plus avec le temps. Cela représente aujourd'hui pas loin de 80 % de ce que nous consacrons au total des études. C'est vous dire le poids considérable que les crédits d'études de l'État jouent dans notre exploitation : ce doit être sur les quatre premières années de l'ordre de 600 Millions de France, 604 Millions pour être précis.

Nous espérons bien, en 1975, en mettre de notre côté presqu'autant ou autant que l'État en met. Cela signifie qu'en 1975 - pendant la dernière année - nous devrions consacrer à la poursuite de nos activités des sommes très importantes.

2 - En dehors de ce financement de nos études, nous avons une subvention dont la forme reste à définir. L'État s'est engagé, mais les formes de cet engagement ne sont pas encore définies. Ce sont des crédits destinés à nous aider à nous implanter à l'étranger. Chaque implantation à l'étranger coûte très cher, et lorsqu'on regarde ce qu'il faudrait faire pour pouvoir effectivement essaimer dans des dizaines de pays dans les 5 ou 6 ans qui viennent, cela représente des sommes d'argent qui sont absolument au-delà de ce que nous pouvons espérer tirer de notre propre exploitation. Nous avons exposé à l'État que s'il voulait que nous fassions de l'autofinancement, il ne fallait pas s'attendre à mieux que ceci et cela. Or, l'État attache une importance non négligeable à l'effort à l'étranger de l'Informatique française, cela fait partie du rayonnement français, de sa politique générale d'expansion, et il est d'accord pour nous fournir un certain crédit. Le montant en est actuellement fixé mais les modalités d'obtention restent à mettre au point et c'est encore un de nos soucis. Mais l'État a écrit : "Je veillerai à ce que ..." C'est une promesse, ce n'est pas une phrase en l'air.

3 - Le troisième appui a été très pénible à obtenir : c'est l'obtention d'une société de financement. Je vous l'ai dit, nous avons eu énormément de mal à faire admettre aux hauts fonctionnaires français qu'il était absolument indispensable d'avoir une société de financement. Ces Messieurs ne voyaient pas très bien la raison pour laquelle un problème qu'il fallait traiter dans un seul organisme serait mieux traité dans deux organismes. Ils y voyaient une complication administrative.

Pour nous, c'était absolument fondamental. Nous y avons mis tout notre poids car, ainsi que j'ai eu l'occasion de vous l'expliquer, il nous paraissait essentiel de séparer le problème industriel du problème financier que représente le financement du stock de location. De plus, le mécanisme de la location introduit un déficit dans les résultats de l'entreprise qui est d'autant plus grand que l'entreprise se développe plus rapidement.

Très brièvement, on peut l’expliquer de la façon suivante. Si vous prenez l'année 1975, par exemple, vous allez dépenser l'équivalent d'une production qui représente 100, mais les recettes de 1975 sont les loyers correspondant aux mises en clientèle des locations de l'année précédente, soit 80, plus celle de l'année d'avant qui faisait 20 % de moins c'est-à-dire 64, plus celle de l'année d'avant qui faisait 20 % de moins c'est-à-dire 52, et il faut diviser le total par 400 au lieu de 100 ! Et le résultat, c'est qu'au lieu de récupérer 100 vous récupérer d'autant moins de 100 que votre croissance est plus rapide.

J'ai eu tort de m'aventurer dans les chiffres, mais on peut dire que les loyers que vous recevez une année représentent les loyers de 5 années, et l'année la plus lointaine est évidemment beaucoup plus petite que l'année en question. Au lieu de faire 100, le total fait beaucoup moins que 100 ! Et il était difficile d'expliquer aux maisons-mères, dont les actionnaires sont dans le grand public, que plus la C.I.I. se développait vite, plus ses résultats seraient déficitaires. A la rigueur nous pouvions expliquer cela aux représentants des sociétés qui sont dans nos conseils d'administration mais on voyait mal le Président Richard et le Président Roux répercutant cela dans leurs bilans sur les milliers d'actionnaires du grand public, le grand public se serait enfui épouvanté !

Je nous voyais partis enserrés dans un carcan, avec des promesses formelles de minimum de résultats et de chiffres d'affaires donnés à l'État et de maximum de chiffres d'affaires et de résultats donnés aux maisons-mères, et l'impossibilité de variations dans un sens ou dans l'autre, l'État étant mécontent dans un sens et les maisons-mères dans l'autre !

Finalement, nous avons obtenu satisfaction, je dois le dire, avec l'appui pour une bonne part de M. Giscard d'Estaing qui a très bien compris le problème, et qui d'ailleurs a appuyé cette Convention tout au long de la négociation, et nous avons obtenu pour cette société de financement la transparence fiscale.

Contrairement à ce que certains clients croient, la transparence fiscale ne signifie pas que nous vendons hors taxes, cela signifie que dans le circuit que nous faisons, l'aller et retour entre la Société C.I.I. et la Société de Financement se fait hors taxes. Je vous rappelle que le mécanisme de la Société de Financement est le suivant. Nous vendons nos produits à la société de financement ; la société de financement nous les loue, et nous les louons à notre tour aux clients, de telle sorte que la Société de Financement ne connaît pas le client, elle ne connaît que nous et nous gardons tous les risques de façon telle que la Société de Financement ne puisse pas nous faire payer ses capitaux à des tarifs très élevés, avec des intérêts excessifs.

La transparence fiscale s'applique strictement à l'aller et retour entre la Société C.I.I. et la Société de Financement. Entre nous et la clientèle, le jeu ordinaire des taxes se produit normalement, c'est évident. Pour le client cela ne change rien mais pour nous cela change, car s'il avait fallu appliquer le mécanisme des taxes à l'aller et au retour entre la C.I.I. et la Société de Financement, on aurait exigé pour la Société de Financement des capitaux beaucoup plus élevés correspondant justement aux taxes payées sur les produits qu'elle nous achète avant qu'elle ait pu commencer à les récupérer par la location.

Je m'excuse. C'est assez compliqué. Au cas où cela vous intéresserait, il suffit de réfléchir 5 minutes au cas pour trouver sans aucun mal l'explication du phénomène.

4 - L'État nous fournit encore des capitaux à bas taux sous la forme de crédits du Fonds de Développement ; c'est une somme très importante qui est répartie entre la C.I.I. d'une part et la Société de Financement qui est la CILOMI. Ces capitaux nous permettent de faire des économies appréciables par rapport à ceux que nous aurions eus par des voies ordinaires, bancaires par exemple.

5 - Enfin, l'État nous garantit une priorité ferme, pour l'équipement de ses propres administrations, sur la concurrence, ce qui est loin d'être négligeable, et ceci avec un certain nombre de garanties sur la façon dont nous serons consultés, de façon à éviter ce qui s'est produit dans le passé, à savoir que nous étions consultés après que les concurrents aient été consultés longuement et qu'ils aient eu le temps de mettre au point leur réponse. Sur ce plan là, la nouvelle Convention est beaucoup plus claire et beaucoup plus ferme que la précédente.

En échange de ces avantages considérables - car il faut reconnaître que ce sont des avantages considérables - nous avons quelques engagements vis-à-vis de l'État, et je vous précise tout de suite que ces engagements ont été très intelligemment modérés par la délégation à l'Informatique qui a compris qu'il n'était pas souhaitable d'enserrer C.I.I. dans un réseau d'engagements et de chiffres très précis, qu'il était impossible de savoir la tournure que les évènements prendraient dans les cinq ans à venir et par conséquent qu'il était vain de se mêler de fixer des objectifs de détail !

A - En pratique, sur le plan des chiffres, nous avons simplement une enveloppe d'ensemble qui est le chiffre d'affaires. Nous sommes tenus de faire un certain chiffre d'affaires d'année en année, à partir de l'année prochaine jusqu'en 1974. En dehors de cela, il y a deux points qui sont connectés et qui sont très importants.

B - Il y a le problème de la politique générale de la C.I.I. à l'égard de l'extérieur et à l'égard en particulier de sa politique internationale. En effet, le Gouvernement tient à ce que la C.I.I. reste une entreprise nationale. Il y avait là une difficulté.

Nous nous sommes rendu très bien compte, et nous avons facilement convaincu l'État, que ce n'était pas au moment où les entreprises de la taille d'HONEYWELL, de BULL, d'I.C.L. arrivent à la conclusion qu'il faut s'unir pour subsister qu'une C.I.I. en 1975, même si à ce moment-là elle fait un milliard et demi de chiffre d'affaires, peut effectivement prétendre avoir la taille internationale, et on a fait remarquer qu'au fur et à mesure que la C.I.I. grandissait la masse critique nécessaire pour subsister grandissait aussi ; on peut considérer que l'on grandit plus vite que la masse critique, quoique ce soit très difficile à apprécier. Une chose est sûre. : il serait tout à fait déraisonnable de demander à la force du poignet au pays de se constituer une industrie informatique à une échelle qui soit effectivement comparable à celle de HONEYWELL-BULL et qui fasse 12 % du marché international !

Le marché français est en lui-même un marché trop petit pour qu'il puisse servir d'assiette à lui seul à une force de cette dimension. C'est une conviction que nous avions nous-mêmes depuis l'origine. L'État en a convenu d'autant plus facilement qu'il est tout à fait apparent qu'au fur et à mesure que les années passent, l'éventail des produits informatiques ne fait que croître. Les gros ordinateurs sont de plus en plus gros. Le fossé qu'il y avait entre là petite informatique et la machine de bureau est en train de se combler avec tous les problèmes, des problèmes d'informatique, des problèmes de système, des terminaux, etc., et par conséquent, si réellement on veut avoir à son catalogue la totalité des produits, on peut dire qu'en 1975 on sera encore très loin du compte.

Par conséquent, l'État était bien d'accord pour que l'on cherche une forme de collaboration et une forme de collaboration qui obligatoirement devait franchir les frontières car on ne trouve pas en France d'entreprise dont l'assiette, dont la solidité soit suffisante pour qu'elle fasse à côté de la C.I.I. un équilibre satisfaisant.

Tout en reconnaissant cela, l'État ne tient pas à ce que cela se termine sous la forme de la vente de la C.I.I. à une entreprise américaine ! Ce n'est pas la peine de faire un Plan-Calcul et de dépenser tant d'argent et de se donner tant de mal pour en venir là. Et l'État a fixé dans cette Convention une espèce de marche à suivre qui exprime très clairement ce que nous pensons et ce que nous voulons faire.

Cela s'intitule " Accords Internationaux " et je vais vous le lire.

" La nature internationale du marché de l'informatique et l'immensité etc. etc. Cette coopération doit viser à augmenter la gamme des produits, les débouchés et la rentabilité des participants sans pour autant faire perdre à la C.I.I. son caractère national. Les négociations doivent être menées en priorité avec des sociétés européennes. Dans la mesure où des sociétés non européennes désireraient devenir partenaires de la nouvelle organisation, leur rôle devrait être minoritaire au sein de cette dernière. La C.I.I. devra en tout état de cause rester maîtresse de la conception, de la production et de la commercialisation d'un ensemble de produits suffisamment représentatifs de la totalité de la gamme pour que notre pays soit doté d'une véritable entreprise nationale d'informatique. "

Ce paragraphe marque très bien les limites de notre coopération et les limites des concessions qui peuvent être faites dans le cadre d'une coopération internationale. Si on ne veut pas que cette nouvelle organisation finisse par prendre le caractère des entreprises multinationales, dans lesquelles vous avez un laboratoire dans le sud de la France qui fait les transmissions, un laboratoire en Hollande qui fait les petits ordinateurs, un laboratoire ailleurs qui fait les saisies de données, etc., etc., et où vous trouvez une usine en France qui fait les imprimantes, etc., etc., je dis ceci au hasard, il faut que sur le territoire national, ou plutôt dans le cadre d'un centre de décision français, on trouve un échantillonnage d'activités et de produits qui lui garantisse qu'il existe sur le territoire français des centres de compétence technique dans tous les domaines.

On peut dire que la conséquence de ceci est que, si un jour l'État veut avoir un produit sur mesure dans le domaine de l'informatique, il doit pouvoir, à partir de moyens qui existent sur notre territoire, réaliser la totalité de la machine dont il peut avoir besoin et du système correspondant.

Je crois vous avoir expliqué assez clairement quelles sont les idées du Gouvernement et ce qui est prévu à l'intérieur de la Convention en matière de coopération internationale. J'y reviendrai tout à l'heure quand je vous parlerai de nos négociations en cours.

C - Il reste enfin quelques engagements vis-à-vis des sociétés-mères. En effet, je vous l'ai dit, il y avait nécessité de placer quelques frontières.

Les sociétés-mères, à juste titre d'ailleurs, tenaient à s'assurer que la C.I.I. ne viendrait pas leur faire concurrence à l'intérieur de leurs domaines privilégiés, à l'intérieur de leurs domaines naturels, leurs fonds de commerce naturels. De son côté, la C.I.I. tenait à ce que les activités dont elle a la responsabilité vis-à-vis de l'État ne risquent pas de trouver une concurrence chez des sociétés-mères, et elle ne voulait pas non plus se voir interdire certaines activités de systèmes dans le cadre des affaires d'engineering générales.

Je m'explique.

Dans cet accord, dans le cadre d'un protocole annexe, on a fixé les relations qu'il doit y avoir entre la C.I.I. et la Société-Mère. Le protocole annexe a fait l'objet de longues discussions et nous avons fini par donner notre accord sur ce protocole qui a été contrôlé et accepté par la Délégation.

Ce protocole fait une distinction entre les activités qui sont de nature - disons - d'un réel automatisme et les activités qui sont de nature Gestion et Calcul Scientifique.

Dans les premières activités se trouve une liste de domaines qui sont considérés comme les domaines dans lesquels la C.I.I. doit éviter de venir concurrencer ses sociétés-mères. Ce sont par exemple : les systèmes d'arme, les automatismes et contrôles de processus techniques industriels, le chiffrement, la radiodiffusion et la télévision, la commutation téléphonique, etc. Dans ces domaines, dont une liste sera communiquée aux directions commerciales, les sociétés-mères en échange s'engagent à utiliser le matériel de la C.I.I. et au cas où elles n'achèteraient pas de matériel C.I.I., la C.I.I. a toute liberté pour placer son matériel comme elle l'entend.

En ce qui concerne les petites machines, la règle s'applique sans commentaire. En ce qui concerne les machines plus grosses, à partir d'IRIS 55 et au-dessus, il est entendu que la mise en œuvre de ces machines ne pourra pas se faire sans notre coopération. Et même, dans certains cas où la fourniture de la C.I.I. serait manifestement largement majoritaire, il est prévu que la C.I.I. pourra être le chef de file, le maître d'œuvre.

En ce qui concerne les problèmes d'engineering généraux, il y avait lieu de craindre que certaines sociétés d'engineering de nos maisons-mères, prenant une affaire dans laquelle il y avait de l'informatique, ne disent : " je me charge de tout, je vous commande la machine et vous ne vous en occupez pas. ". Or, nous voulions être sûrs qu'il y aurait une véritable répartition des fonctions ; nous ne voulions pas, de notre côté, risquer de prendre en charge les opérations dans lesquelles les éléments non informatiques sont importants.

Prenons l'exemple de la réalisation d'un hôpital. Nous n'avons aucune envie de prendre un marché pour la création d'un hôpital, même si à l'intérieur de cet hôpital, il y a une affaire d'informatique extrêmement belle. Que ce soit le béton, l'électricité, le chauffage, le gaz, cela ne nous intéresse pas du tout. Nous n'avons pas les moyens pour le faire, nous avons suffisamment de possibilités de perdre de l'argent pour ne pas nous mêler de cela.

Voilà ce qui a été décidé vis-à-vis de nos sociétés d'engineering des maisons-mères lorsque nous ne leur ferions pas concurrence dans les affaires qui comportent une partie non informatique plus grande que la partie informatique. Et dans le texte il y a une définition de ce qui est appelé la partie informatique ; cela a été laborieux, mais la définition est conforme nos vœux. Par conséquent, on peut dire aujourd'hui que nous sommes correctement protégés. Toute l'informatique de gestion et de calcul nous revient. L'appartenance de ce domaine nous est parfaitement reconnue.

En ce qui concerne le domaine de l'automatisme, nous reconnaissons le leadership des maisons-mères mais les conditions de notre participation sont fixées de façon satisfaisante. Nous allons établir dans les deux semaines qui viennent un petit fascicule à l'usage des directions de division et des directions commerciales pour que ce mécanisme soit appliqué strictement. S'il est appliqué strictement, ce sera satisfaisant. Il faut éviter de se laisser grignoter sur ce point. Cela représente le fonds de commerce de la C.I.I. et cela ne joue pas un rôle négligeable dans nos négociations avec nos confrères étrangers.

Ceci étant, nous avons donc une Convention qui nous garantit la possibilité de construire quelque chose de convenable sur les cinq années qui viennent. Nos confrères étrangers ont tout à fait conscience de l'importance qu’un document comme celui-là peut avoir et - croyez-moi - ils souhaiteraient beaucoup avoir quelque chose d'analogue. Même ceux qui ont quelque chose qui lui ressemble n'ont pas actuellement les conditions aussi favorables que celles que nous pouvons avoir. C'est probablement une des raisons pour lesquelles nous avons facilement de nombreux interlocuteurs en face de nous pour parler Coopération. En cette période de malaise que traverse l'industrie informatique américaine et qui rejaillit inévitablement sur l'informatique mondiale, le fait d'avoir ce document pour nous appuyer pendant 4 ou 5 ans aura probablement une importance capitale pour notre développement.

Il ne faudrait pas en déduire que la situation est parfaite, que tout va bien et que par conséquent " on est arrivé " si j'ose dire.. C'est un peu ce que l'on peut tirer comme impression quand on regarde la Presse : " on a sauvé la C.I.I. ! "

Je voudrais vous dire que ces bonnes appréciations de la presse marquent peut-être plus la qualité du travail du Secrétariat Général que l'amélioration de la situation réelle de la société. Il faut le dire franchement. La société n'allait pas si mal que la presse le disait il y a deux ans, et elle ne va pas si bien que la presse veut bien le dire aujourd'hui, et il est prudent d'avoir de la lucidité quand on regarde la situation. Or, il y a des raisons de soucis, ce n'est pas la peine d'aller les crier à l'extérieur, mais entre nous on peut voir les choses telles qu'elles sont.

Du côté technique - et je pense que les représentants de la Direction après-vente que j'aperçois dans cette salle ne me contrediront pas - il y a pas mal d'affaires avec la clientèle qui donnent lieu à quelques soucis. Je reçois encore trop souvent des lettres " fulminantes " de certains clients. Il y a des difficultés techniques certaines, actuellement, dans certaines de nos affaires à l'extérieur.

Mes compétences en informatique n'étant pas très grandes, je me garderai de faire des développements. J'entends parler assez souvent de systèmes mémoires en France, malheureusement, et aussi à l'étranger, j'entends beaucoup parler de bandes magnétiques, depuis peu j'entends parler d’imprimantes... tout ceci crée des indisponibilités et conduit certaines affaires à avoir un taux d'utilisation très bas.

Vous savez que beaucoup de nos affaires sont obtenues avec la pression de la Délégation à l'Informatique et vous comprenez bien que les clients sont enchantés de pouvoir ressortir ces difficultés et dire à la Délégation " Vous voyez bien ? .. Cela va nous coûter tant ! "

Du côté du software, j'entends également parler de misère sur le SIRIS 7 que nous avons pourtant vendu il y a 10 mois aux Américains, et ce SIRIS 7 doit avoir un très grand nombre de pansements aujourd'hui. J'entends parler de COBOL pas du tout performant. J’entends parler de Tris qui se font à des vitesses tout à fait insuffisantes. Disons-le, il y a encore beaucoup de choses qui ne vont pas !

Je sais que des efforts importants ont été réalisés depuis quelques mois pour améliorer la fiabilité, en particulier les essais avant livraison ont été renforcés et on peut espérer une amélioration nette de la fiabilité des produits au moment des mises en service. Je vous le dis franchement. J'espère que ces espérances sont véritables, car la situation actuelle ne peut pas se prolonger, et si nous devons avoir une année 1972 avec des clients, d'autant plus nombreux que nous avons livré plus de matériel, qui continuent à grogner comme actuellement, nous ne pourrons plus empêcher une certaine contre-publicité de se faire, à l'intérieur de la clientèle, ce qui ne va pas très loin actuellement à part un certain nombre de spécialistes de la critique de C.I.I. qui sont bien connus !

Il ne faudrait pas que nous ayons dans nos nouvelles installations un pourcentage trop élevé de misères !

Du côté commercial, nous avons également des soucis. Il est certain, par exemple, que le 10.070 connaît en France un ralentissement de ses ventes qui était imprévu et qui n'est pas conforme à ce que nous avions introduit dans notre plan directeur. C'est ennuyeux. Le plan directeur a un chiffre aveugle de tant, et pour remplacer le 10.070 par autre chose, c'est un matériel qui représente un très gros paquet.

Il est probable que dans la clientèle l'apparition de toute la famille IRIS n'a pas fait de bien à l'image du 10.070 qui apparaît peut-être aux yeux de certains clients comme un appareil de la génération précédente. Cette idée n'est peut-être pas complètement exacte puisque dans une certaine mesure les 10.070 et le Sigma 7 se vendent assez bien hors de nos frontières. Par conséquent il y a sur ce plan un effort de redressement certain à faire. En attendant, les prises de commandes se trouvent pénalisées par cette chute du.10.070.

L'arrivée sur le marché de la série 370 d'IBM ne fait pas de bien, évidemment, à notre IRIS 50, et là aussi nous sommes obligés de travailler d'arrache-pied pour mettre à notre catalogue de nouveaux produits.

L'IRIS 45 démarre avec modération dans le secteur privé, et d'ailleurs - il fallait s'y attendre – les circonstances ne sont pas très favorables. Comme je vous l'ai dit, la récession américaine crée un certain vent d'inquiétude hors des frontières américaines. Les chefs d'entreprises sont des gens naturellement prudents. La première chose qu'ils font quand ils ont des inquiétudes, c'est peut-être de ne pas prendre la taille au-dessus, en informatique, et cumuler le risque d'un changement de machine et d'un changement de fournisseur en une période incertaine leur paraît une opération peu heureuse. Nous allons avoir du mal à diffuser l'IRIS 45 dans la clientèle privée mais il faut y arriver car cela aussi est prévu dans notre plan directeur, et nous ne remplacerons sûrement pas ces prises de commande par des prises de commande dans le secteur public.

Il y a enfin le problème de la rentabilité qu'il faut signaler au passage. Nos prévisions ne faisaient pas état d'une réduction de 15 % des prix d'IBM sur les périphériques et il n'est pas exclu que devant les résultats que tout le monde sait, qui ne sont pas du tout ceux qui devraient être, IBM ne fasse pas une nouvelle réduction de prix et cette fois-ci sur les unités centrales. Il est bien certain que les marges d'IBM ne sont pas celles de la C.I.I. et que les 15 % de réduction sur les prix de vente n'est pas une opération sans conséquence. Il va falloir faire très attention.

Je vous rappelle en passant que pour baisser ces prix de revient il y a la méthode qui consiste à faire des économies, c'est-à-dire, malheureusement la plupart du temps, une réorganisation avec des compressions d'effectifs, et, dans le cas de la C.I.I. qui a un programme d'expansion très large, la méthode qui consiste à faire des augmentations de production avec une augmentation de frais plus faible que l'augmentation de production. Il est indiscutable qu'étant donné notre programme de travail c'est la deuxième solution qui est la bonne. Il faut augmenter la plus vite possible notre expansion en mesurant avec soin les moyens supplémentaires à introduire dans la Compagnie pour pouvoir suivre l'expansion de chiffre d'affaires, et on revient aux observations précédentes sur l'évolution des prises de commande et sur la nécessité d'un meilleur succès commercial.

Autrement dit, il y a un effort important à faire sur le plan commercial. Non seulement il va falloir faire un effort pour arriver à tenir les prises de commande que nous avons prévues, compte tenu des réserves que je vous ai indiquées, mais, en plus de cela, il faudrait faire mieux pour pouvoir tenir la rentabilité prévue, et je m'excuse mais j'attache à cette rentabilité une importance capitale. La C.I.I. a perdu de l'argent jusqu'à présent. L'année dernière, elle a fait un exercice nul. Cette année, il nous faut gagner un peu d'argent. Je dirai que c'est mieux que symbolique mais pas beaucoup mieux que symbolique.

En 1972, nous devons avoir un début de rentabilité convenable. Si nous ne faisions pas cela, la C.I.I. finira par être un arsenal de l'État, avec les défauts que cela peut représenter ! C'est très bien, c'est très utile mais ce n'est en aucune manière une société de classe internationale comme on nous demande de le devenir.

Il est enfin un point que je voulais aborder au cours de cette réunion, qui est un point important, c'est celui de notre politique internationale. Je commence par répéter ce que j'ai dit. Je pense qu'il apparaît très clairement aux yeux de tout le monde que le sort de la C.I.I. n'est en aucune manière à terme celui d'une société absorbée, fusionnée. Je le répète parce qu'il y a des bruits qui ont couru au mois de juillet, disant que la Convention préparait en quelque sorte ce genre de fin. C'est absurde ! Ce n'est pas la peine de dépenser tous les milliards qui ont été dépensés ou qui vont l'être dans les cinq années à venir pour faire une opération comme celle-là. On pourrait aussi bien la faire maintenant, on aurait fait des économies. Ceci est hors de question. La C.I.I. doit croître dans le cadre que je vous ai indiqué tout à l'heure.

Ainsi que je vous l'ai expliqué, l'application exige le respect d'un certain nombre de principes sans quoi la collaboration que nous instaurerons aura un effet formel et n'aura aucune conséquence dans l'exécution, dans la réalité des choses. Si vous voulez, c'est " compatibilité ", " complémentarité ", " commerce commun ", ce sont les trois étapes qui conditionnent un peu une véritable coopération.

La compatibilité. Il est bien certain que si avec un ou plusieurs confrères on veut faire des économiques notables, soit sur le plan des études de hardware, soit sur les études de software, il faut avoir des matériels compatibles obéissant aux mêmes normes, aux mêmes standards. C'est une première étape.

Ayant atteint cet objectif, la deuxième étape consiste à avoir un catalogue commun, éviter la duplication des produits, hardware et software.

La troisième étape est d'avoir une coopération commerciale qui évite des investissements commerciaux en double et qui fait que chaque entreprise commercialise la totalité des produits du groupe sans se soucier de savoir qui a étudié le produit.

Tels sont les principes de base. Au-delà, on peut aller beaucoup plus loin, et d'une façon tout à fait productive qui consiste à coordonner des recherches, à coordonner des sources d'approvisionnement, à aligner les technologies... on peut faire beaucoup de choses, tout en conservant le caractère national et l'indépendance sociale et juridique des partenaires. C'est une question de liens contractuels simplement à mettre en place d'une façon aussi stricte que possible.

MULTINATIONAL DATA, qui a été créée il y a un an, a été créée sur la base d'idées de cette nature et a été créée avec CONTROL DATA et I.C.L., car ces deux entreprises avaient déjà des conversations entre elles de cette nature et, en plus, elles avaient sur ce point des idées qui se rapprochaient des nôtres et par conséquent nous avions commencé à travailler dans le cadre de MULTINATIONAL DATA avec l'objectif d'aboutir à des standards communs.

La Convention nous demande d'avoir d'abord des accords européens avant d'introduire un américain. C'est là un point important et c'est un point d'autant plus important que nous avons constaté au cours des discussions avec MULTINATIONAL DATA que la Loi antitrust américaine plaçait les entreprises américaines dans une position fausse à l'égard de leurs partenaires étrangers.

En effet, après avoir regardé la question sous tous les angles et avec plusieurs entreprises américaines, il ressort assez clairement que l'on peut aboutir au maximum avec une entreprise américaine à une répartition des catalogues, et encore, avec peut-être certaines nuances dans la rédaction de l'exclusivité d'approvisionnement. Par contre, il était impossible de rédiger un accord impliquant une répartition dans les domaines de vente. Autrement dit, la commercialisation est une opération qui ne peut pas être coordonnée autrement que d'une façon vague et sûrement pas exclusive.

Ceci diminue notablement la portée d'un accord avec une entreprise américaine. Vous avez pu voir dans la presse que CONTROL DATA a été attaquée par I.B.M. à cause de MULTINATIONAL DATA, alors que MULTINATIONAL DATA n'a actuellement que des objectifs de standards communs. Cela a suffi pour que I.B.M. soupçonne cette petite association des pires intentions en matière de standardisation et attaque CONTROL DATA en justice au titre de la Loi antitrust ! C'est un peu ridicule, il faut avoir le sens de l'humour pour apprécier que I.B.M., 65 % du commerce mondial, attaque une entreprise qui fait 6 % environ dans le cadre de la Loi antitrust parce qu'elle cherche un accord de normalisation avec deux entreprises étrangères !

C'est peut-être ridicule, c'est peut-être risible, mais cela suffit pour que les entreprises comme CONTROL DATA et d'autres ne puissent plus écrire trois lignes sans faire venir un juriste et que le seul mot d'exclusivité - bien entendu - est absolument interdit.

Par conséquent, même si l'État français n'avait pas tenu dans la Convention à ce qu'un accord international passe par un accord européen, on peut dire qu'il était à peu près impossible qu'il en soit autrement.

Ceci nous a amenés à discuter avec les confrères européens - ceci reste entre nous et je souhaite que cela ne se répande pas à l'extérieur. Disons que nous avons beaucoup discuté avec I.C.L. à cause de MULTINATIONAL DATA, et on a pu constater à cette occasion que les Anglais conduisaient à gauche et avaient l'intention de conduire à gauche en matière d'informatique et que cela ne simplifiait pas les choses !

J'ai constaté à cette occasion que l'on avait dans ce métier des attaches extrêmement rigides avec le passé à cause de la clientèle et des programmes dont elle dispose, et que toute modification profonde des standards d'une compagnie équivalait presque à un viol de la clientèle. En discutant de cela, on a peut-être mieux compris le risque que l'on pouvait prendre en allant trouver un client et en lui disant : je vous signale que l'on fait une alliance avec Untel ou Untel et que l'on va devenir très puissant mais à partir du prochain matériel il faudra réécrire vos programmes. On risque de voir le client répondre : " Réécrire pour réécrire je préfère travailler avec BULL ou avec I.B.M. ! ". C'était un risque qu'il fallait éviter de prendre.

Donc, les Anglais sont loin de nous. Des sacrifices importants sont à faire et sur le plan financier et sur le plan des conceptions et sur le plan des efforts auprès de la clientèle pour arriver à s'aligner. Y arrivera-t-on ? Je n'en sais rien ! En outre, cette société est une grosse société qui n'a pas très bonne presse dans son pays, mais la C.I.I., au moins il y a deux ans, n'avait de leçon à donner à personne. Il règne en Angleterre une certaine inquiétude à son sujet compte tenu des méthodes antidirigistes de M. HEATH. Il y a même de ce côté-là certaines incertitudes. Par contre, cette société a un long passé d'informatique, une grande clientèle sur le plan de l'Angleterre et elle connaît à fond les problèmes de gestion.

Nous avons évidemment des contacts avec tout le monde. Nous avons des contacts avec SIEMENS qui consacre beaucoup d'argent, qui provient pour une bonne part du gouvernement allemand, à des efforts commerciaux et non pas à des efforts techniques. Il est intéressant de voir que les conceptions françaises et allemandes diffèrent. Les Français, et c'est d'ailleurs bien dans la nature de leurs habitudes, ont consacré la plus grande partie de l'argent de l'État à créer une force technique. SIEMENS a utilisé l'argent allemand pour créer essentiellement une force commerciale en se contentant d'acheter du matériel R.C.A. aux États-Unis, en en produisant extrêmement peu sous licences, et en faisant encore moins de matériel original. Et en attendant, il est probable que de toutes les entreprises européennes, celle qui prend le plus vite un poids mondial, avec ce système-là, c'est bien SIEMENS ! Les gens de SIEMENS doivent se dire que le jour où ils auront pris des positions commerciales, il sera toujours temps de fabriquer du matériel d'origine SIEMENS, mais au moins ils auront des débouchés tout de suite. Ce n'est pas forcément une mauvaise conception d'ailleurs. La collaboration avec SIEMENS n'est pas impossible. Il faut voir qu'ils sont liés de façon très étroite à R.C.A.

Nos amis TELEFUNKEN n'ont pas grand chose, surtout des projets de très gros calculateurs, travaillent plus dans le calcul scientifique que dans la gestion.

Nos amis PHILIPS découvrent qu'il faut vraiment beaucoup d'argent pour faire de l'informatique. Ils s'aperçoivent qu'ils n'ont pas de marché réservé, pas de marché national, qu'ils n'ont pas de convention ni de Plan-Calcul. Cela pèse lourd !

C'est vous dire que les alliances avec chacune de ces grandes compagnies ont des avantages et des inconvénients et qu'il nous appartient dans un avenir pas très éloigné de prendre les meilleurs compromis.

J'ai oublié de vous dire que nous avons eu des conversations avec les Japonais... c'est un peu à un deuxième niveau par rapport à nos interlocuteurs européens avec lesquels il y a effectivement des examens sérieux de la situation.

Il est entendu que c'est avec I.C.L. que les choses ont été regardées de plus près.

Voilà. J'ai fait le tour de ce que je souhaitais vous dire aujourd'hui.

Je ne voudrais pas que vous tiriez de cet exposé le sentiment que la situation est grave. Je vous ai dit qu'il y avait des soucis techniques et commerciaux, et de rentabilité, c'est vrai. Il n'en reste pas moins que la C.I.I., au stade actuel, existe. Elle a maintenant un chiffre d'affaires assez important. Son image de marque s'est redorée. Elle commence à vendre et elle commence à faire du mal à ses confrères qui s’en plaignent quelquefois en très hauts lieux, et je pense que le processus a atteint un point irréversible. On est arrivé à l'âge mûr. On est devenu une société considérée comme une vraie société industrielle à l'extérieur, ce qui n'était pas le cas il y a quelques années, et c'est là un élément important qui a été obtenu par le travail acharné, il faut le dire, d'un certain nombre de cadres de la Maison, le plus grand nombre et je vous en remercie beaucoup.

En terminant, je vous signale, si vous ne le savez pas, que nous avons créé une filiale en Espagne il y a deux ou trois mois et que nous sommes en train de nous donner du mal pour essayer de démarrer quelque chose d'important au Brésil. La semaine prochaine, il y a une foire française à Sao Paulo, une exposition française qui correspond à un très grand déplacement d'autorités du Gouvernement et d'industriels. Nous y allons. Nous avons jeté les bases, depuis plusieurs mois, d'une opération de coopération franco-brésilienne dans laquelle la C.I.I. pourrait jouer un rôle intéressant. On espère que ceci se matérialisera dans les mois qui viennent. Il se peut aussi que tout tombe à l'eau. Nous avons quelques confrères étrangers, I.C.L. et SIEMENS, qui se donnent beaucoup de mal. Cela aboutira peut-être... je pense vous en reparler à la prochaine occasion.

Je vous remercie beaucoup.

20 septembre  1971 : peu avant l’ouverture du Sicob, le Président Barré entouré de M. Gest, Directeur Général Adjoint, M. Gaudfernau, Directeur Délégué, M. Guichet, Directeur de la Division des Ordinateurs et Systèmes Informatiques, M. Peyroles, Directeur de la Division Militaire, Spatiale et Aéronautique, a tenu une conférence de presse à l’occasion du lancement d’IRIS 60.

Ci-après, de larges extraits de cette conférence.

M. Barré

L’année qui vient de s’écouler, de Sicob à Sicob, a été une année très importante pour la CII.

La fin de la première convention

L’achèvement de la première convention se fait d’une façon heureuse ; le catalogue prévu est finalement complet, assez large – il y a des concurrents qui n’ont pas un catalogue aussi étoffé que le nôtre –, entièrement constitué maintenant de matériels récents.

Il ne faudrait pas juger cependant le succès du plan calcul sur une simple question de catalogue. La CII a constitué en cinq ans une force technique appréciable, une force industrielle matérialisée par l’usine de Toulouse – qui n’est pas considérable mais qui représente une force moderne et très efficace dont nous n’avons pas à rougir. D’importants efforts ont été faits du côté de l’après-vente et nous pensons que la situation est assez satisfaisante en quantité et en qualité.

Il est certain que les problèmes de formation et recrutement sont très lourds, il est certain aussi que le retard de la signature de la deuxième convention n’a pas favorisé les moyens que nous avions prévus de rassembler. Aujourd’hui les choses sont claires et nous allons pouvoir accélérer notamment les investissements commerciaux. La CII est maintenant sur les rails et j’espère bien qu’elle ne les quittera pas.

La signature de la deuxième convention

Cette deuxième convention a été longue à négocier en raison de l’accumulation des problèmes à résoudre et des gens à convaincre. Je citerai en particulier la création d’une société de financement (qui s’appelle maintenant la CILOMI), le regroupement des capitaux propres, nécessaires à cette société. Vous savez que l’IDI entrera progressivement dans notre capital pour un montant qui, aux environs de 1974, sera d’un peu moins de 25 % de celui-ci, que des banques et organismes de crédit sont entrés dans le capital de la CILOMI. Il a fallu débattre aussi les limites d’attribution de la CII par rapport au reste de l’industrie ; la CII, qui jouit d’un traitement particulier du gouvernement, ne doit pas empiéter sur certains domaines où des efforts entièrement indépendants sont faits par d’autres industriels.

Finalement, les principaux avantages que nous avons obtenu sont les suivants :

– le maintien de l’appui de la première convention dans le domaine des marchés d’études et de développement, qui nous apporte une assistance très importante pour les mises au catalogue ;

– l’accès à d’importants moyens de financement. Nous pourrons disposer pendant plusieurs années des crédits nécessaires au financement de notre stock de location. Beaucoup de sociétés souhaiteraient bénéficier d’une telle sécurité ;

– l’État et nos sociétés-mères nous apportent un certain appui commercial ; nous avons l’assurance que nos propositions seront examinées avec le même soin que celles de la concurrence, ce qui constitue déjà un avantage dont nous sommes heureux de disposer. A condition égales, elles bénéficieront en outre de leur part de priorité ;

– des directives pour la coopération internationale. Ce point, qui n’avait pas été approfondi dans la première convention, permet de comprendre comment nous pouvons nous placer à l’échelle mondiale, car on voit bien que, à moins de transformer la CII en un arsenal de l’État, il est nécessaire de prévoir une forme de coopération internationale permettant à la Compagnie de s’épauler sur des confrères de dimensions comparables.

Les premiers équipements IRIS en clientèle

Depuis un an et demi nous avons mis en clientèle les premiers Iris qui sont les Iris 50. Quatre-vingt-cinq machines ont été commandées depuis l’origine, et je pense que nous atteindrons la centaine vers la fin de cette année. Une quarantaine de ces machines sont déjà en clientèle. Malgré certaines difficultés – elles étaient prévisibles et sont inférieures à ce que nous aurions pu craindre – les mises en service ont été satisfaisantes. L’avenir ne devait pas nous révéler de mauvaises surprises et nous devrions avoir des mises en service plus aisées avec Iris 45 et Iris 60.

Notons en passant que toutes ces mises en service et ces mises au catalogue n’obéiront plus dans l’avenir à un programme préétabli comme pour la première convention. Ce degré de liberté dans la sortie de nos matériels, accepté par la Délégation à l’Informatique, nous permettra une meilleure adaptation au marché.

Une année fertile en annonce de nouveaux produits

L’année écoulée a vu des annonces nombreuses et importantes : Iris 45, Mitra 15, aujourd’hui Iris 60. Du côté software, il y a bon nombre d’extensions dont M. Guichet vous parlera. Avec une gamme satisfaisante d’unités centrales, nos efforts vont maintenant se porter davantage sur les périphériques lourds, disques et bandes magnétiques en particulier, les terminaux lourds et interactifs, ainsi que les équipements de saisie de données.

Des efforts de promotion commerciale

L’effort commercial que nous avons fait ces douze derniers mois est important ; il suffit de rappeler que nous aurons ouvert sept délégations régionales en un an. Nous comptons beaucoup sur elles pour augmenter notre pénétration sur le marché privé.

A côté de nos filiales allemandes et italiennes qui existaient déjà, nous avons créé une filiale commerciale espagnole et nous créons ces jours-ci une filiale brésilienne.

Des efforts de coopération internationale

Au cours de très nombreux contacts approfondis avec beaucoup de nos confrères, et en particulier avec nos confrères européens, nous avons trouvé chez tous un grand désir de coopération. Je pense que le malaise de l’économie américaine en est une cause – qui se traduit dans d’autres pays par une certaine vigilance de la clientèle – ; je crois qu’il faut signaler aussi que la CII commence à être un partenaire intéressant, assuré, dans des années qui s’annoncent peut-être difficiles, d’une certaine solidité, d’une certaine permanence, et qui dispose d’une équipe technique forte, comparable à celles des sociétés plus grandes qu’elle.

Sans pouvoir aujourd’hui apporter des informations précises, on peut dire qu’il y a des conversations importantes de coopération internationale en cours. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, ces conversations se déroulent dans le cadre de dispositions prévues dans la convention, c’est-à-dire en priorité en vue d’une coopération européenne. Il est évident que la Compagnie ne pourra tout faire dans tous les domaines ; nous cherchons donc à maintenir sur notre territoire des équipes homogènes capables de traiter dans un secteur suffisamment important tous les aspects de l’informatique afin de maîtriser l’ensemble du problème sans être largement tributaire de sources extérieures pour des questions fondamentales.

En ce qui concerne Multinational Data, cette société, commune à ICL, CDC et notre Compagnie, travaille depuis le 12 novembre dernier, date de sa création, à mettre au point des standards acceptables par les trois créateurs, et dont on espère qu’ils se généraliseront plus tard. L’annonce des premiers résultats des travaux pourraient intervenir dans des délais proches.

Voilà un exposé rapide de nos activités. M. Gest, à qui je passe la parole, vous donnera des éléments chiffrés sur la situation actuelle de la Société, puis M. Guichet parlera des nouveaux produits.

M. Gest

1971, année de la signature de la deuxième convention, étant également la dernière année de la période couverte par la première convention, il est intéressant de voir d’abord comment la CII se situe par rapport aux objectifs qui lui étaient initialement fixés.

Fin 1969, début 1970, lors de l’établissement du plan directeur qui devait servir de base à la deuxième convention, nous avions retenu, après analyse des contraintes d’ordre technique, industriel et commercial, un profil d’expansion tel que le retard pris alors sur les objectifs de la première convention se trouverait résorbé fin 1971. Accessible sur le plan des produits, cet objectif était audacieux sur le plan industriel et commercial ; en effet, le retard pris sur le chiffre d’affaires était grand, particulièrement dans le domaine des matériels civils. Aujourd’hui nous pouvons dire que, tant sur le plan des produits que sur celui de la pénétration commerciale, les objectifs seront atteints fin 1971.

Dix ordinateurs à notre catalogue

A la fin 1971, ce sont dix calculateurs qui auront été mis au catalogue : les quatre ordinateurs civils Iris et les deux militaires, plus deux autres construits sous licence que nous avons doté d’un software de gestion. Enfin, nous avons étudié sur nos fonds propres deux ordinateurs, le CII 10010 et Mitra 15. Sur ce plan donc, les objectifs ont même été dépassés.

Un accroissement considérable des ventes

Au plan de la pénétration commerciale, malgré le retard sensible pris au départ, les objectifs seront, eux aussi, atteints, et je dirai même dépassés. Au cours des trois dernières années, le chiffre d’affaires global a progressé en moyenne de 30 % par an. Cette vigoureuse progression correspond à un accroissement considérable des ventes des matériels civils (60 % en 1970, près de 75 % en 1971 avec l’arrivée des matériels de la série Iris). Le chiffre d’affaires des matériels militaires a été plutôt en récession du fait de l’évolution des programmes militaires ; il représente actuellement un peu moins de 15 % du CA global des matériels.

Je soulignerai également le développement de nos ventes à l’exportation. Elles vont représenter cette année environ 27 % des ventes de matériels civils, et je souligne au passage que ceci va nous permettre d’avoir une balance commerciale positive avec l’étranger.

Une présence dans tous les secteurs du marché

Cette progression des ventes de matériels civils correspond à une pénétration dans tous les secteurs de l’économie. J’illustrerai ce fait en partant du portefeuille au 1er septembre 1971 :

– dans le domaine des petits ordinateurs (10010, 10020, Mitra 15), le secteur de l’administration et organismes connexes (comme EDF, CEA...) représente en nombre 30 % du portefeuille, et le secteur privé 70 %. Dans ce secteur, nous incluons des organismes qui, par leur structure de fonctionnement, lui sont assimilables (organismes bancaires, par exemple) ;

– dans la classe des moyens ordinateurs (Iris 45, Iris 50), respectivement 55 % et 45 % ;

– pour les gros ordinateurs, nous avons sensiblement une répartition 2/3 pour le secteur administratif et 1/3 pour le secteur privé.

Vous voyez donc que la pénétration dans le secteur privé a été relativement importante.

Entrée de CII dans les domaines de la gestion

Notre champ d’action s’est fortement élargi sur le plan de la nature des applications. Les applications de gestion sont devenues largement dominantes, disons même qu’au-delà des traitements classiques à orientation purement comptable nous couvrons d’une part des applications très élaborées, spécifiques aux administrations, mais surtout des applications de gestion relativement globales au niveau des entreprises.

L’année 1972 sera sur la trajectoire prévue dans le plan directeur : malgré certaines difficultés commerciales, nous verrons encore une forte progression des ventes de matériels civils. Une telle expansion nécessite des efforts vigoureux, implique aussi un support logistique adéquat sur le plan commercial. Je mentionnerai l’effort pour développer les centres de calcul mis à la disposition de notre clientèle. C’est ainsi que nous venons de mettre un centre de calcul Iris 80 biprocesseur à la disposition de nos clients.

Également dans le domaine de la formation de notre clientèle, je voudrais souligner l’effort important que nous avons entrepris ; en 1971, c’est près de 60.000 journéesxhomme d’enseignement qui auront été données à notre clientèle, sans compter les journées de formation de notre propre personnel.

M. Guichet

Nous annonçons aujourd’hui notre nouvel ordinateur IRIS 60. Produit comparable sur le plan du hardware comme sur celui du software avec IRIS 45 et IRIS 50, IRIS 60 a un niveau de puissance double de celui d’IRIS 50. Avec un prix variant de 120.000 à 250.000 francs selon la configuration, ce système sera livrable en clientèle à partir d’octobre 1972.

Mais nous n’avons pas négligé un deuxième axe très important, l’axe software. Nous avons en effet une gamme de machines qui nous permet l’accès à un marché important, et, pour une meilleure pénétration de ce marché, nous poursuivons des efforts incessants dans le domaine des softwares, grâce :

– à des produits nouveaux à notre catalogue.

CII annonce aujourd’hui quinze nouveaux produits. Sans les nommer tous, je prendrai comme exemple FLAG, compilateur Fortran rapide, principalement utilisé par les universitaires, ou un Fortran optimisé pour les gros travaux scientifiques, ou encore Simula 67, qui est un langage universel utilisé pour les problèmes de simulation de processus discrets ;

– à une amélioration continue des produits existants.

Je vous donnerai ici un seul exemple ; nous avons un Cobol pour nos ordinateurs 10070 et IRIS 80. Nous avons mis nos équipes au travail sur ce Cobol, et dès 1972 nous en proposerons une version améliorée qui en augmentera de moitié la performance. Nous continuons de la même façon au niveau des programmes d’applications ;

– à des études dans des domaines nouveaux, fondamentaux pour notre développement.

Je parle ici du domaine des banques de données et des MIS. Des expériences actuelles vont nous permettre d’ici quelques mois d’acquérir une expérience suffisante pour mettre des produits standard à notre catalogue.

Fin des extraits

Réactions de la presse à cette conférence de presse.

Nous ne citerons qu’un extrait de l’article de Polen Lioret paru dans Le Monde daté du 22 septembre 1971.

" ...La nouvelle machine, approximativement deux fois plus puissante qu’IRIS 50, comble un vide qui n’était jusqu’à présent que partiellement dissimulé par l’ordinateur 10070, fabriqué sous licence américaine S.D.S., et doté par la CII d’un software lui permettant d’exécuter des tâches de gestion (le 10070 étant au départ une machine " scientifique "). On avait pu penser un moment que l’ordinateur P-2 du plan-calcul ne serait autre que le 10070 en raison du retard que prenait la sortie de l’hypothétique P-2 par rapport aux échéances fixées par la première convention. L’annonce d’aujourd’hui montre qu’il n’en est rien, et la deuxième convention du plan-calcul, signée au début du mois d’août, a tiré les leçons de ces vicissitudes : elle n’engage pas la CII sur des matériels et sur un échéancier précis, mais sur une croissance de 23 % en moyenne par an du chiffre d’affaires au cours des cinq années qui viennent. Ainsi est reconnu le fait qu’une firme majeure doit avoir la liberté de son action technique et commerciale, surtout dans le domaine très concurrentiel de l’informatique. "



15 octobre 1971: nouvelle augmentation du capital qui passe de 133 MF à 143,7 MF.

La répartition est la suivante :

- 68,259 % pour FININFOR,
- 21,399 % pour SCHNEIDER,
- 2,896 % pour KALI SAINTE THÉRÈSE,
- 7,446 % pour l’IDI.


POLITIQUE DE PRODUITS

Il conviendra tout d'abord de définir le domaine des produits visés qui comprendra les ordinateurs universels à l'exclusion des ordinateurs militaires ou spécialisés.

Produits actuels

Les deux Compagnies poursuivent la commercialisation de leurs produits actuels ou annoncés. Elles conviennent cependant de renoncer à toute annonce de produits nouveaux sans une concertation préalable entre elles, afin d'éviter toute nouvelle contrainte technique ou commerciale.

Objectif futur

Les deux Compagnies sont d'accord pour reconnaître qu'une seule ligne de produits compatibles sur toute la gamme constitue à terme un objectif commun. Cependant, cet objectif ne pourra probablement pas être atteint pour la prochaine génération de machines qui devra néanmoins constituer une étape importante vers la ligne unique considérée comme idéale.

Par ligne unique on entendra des machines définies à partir d'un nombre réduit d'architectures correspondant aux différents niveaux de puissance, ainsi qu'un ou deux "operating systems" assurant pour les utilisateurs une compatibilité ascendante sur toute la gamme.

Pour la totalité de la gamme, un code utilisateur principal unique sera adopté avec éventuellement un ou plusieurs codes annexes pour assurer la transférabilité des programmes utilisateurs des machines actuelles SIEMENS, CII et IBM.

Chaque "operating system" correspondant aux différents niveaux comportera si nécessaire des modules optionnels pour assurer ces différentes transférabilités. De même, un ensemble homogène de périphériques sera défini avec les interfaces standard nécessaires.

Prochaine génération de machines

L'objectif précédent ne pouvant probablement pas être atteint directement, des produits R-K seront réalisés en partant des projets actuels R et K de CII et SIEMENS. Les deux Compagnies choisiront d'un commun accord des niveaux de puissance et des dates de sortie adaptés à leurs objectifs de marché, et cohérents avec leurs produits actuels.

Une solution sera recherchée pour réaliser, à chaque niveau de puissance choisi, deux machines aussi voisines que possible, comportant à partir de noyaux communs, les modules appropriés (hardware, software, firmware) pour satisfaire respectivement aux deux classes de contraintes :

Contraintes S (SIEMENS) : transferabilité des programmes utilisateurs des machines 4004 actuelles, des 4004/135/150 d'une part, IBM d'autre part.

Contraintes C (CII) : transferabilité des programmes utilisateurs des machines Iris 45, 50, 60, 80 d'une part, IBM d'autre part.

Dans cette recherche d'optimum, les deux Compagnies accepteront de prendre en considération et d'étudier conjointement, toute proposition pouvant entraîner une simplification de la solution commune recherchée, au prix de modifications et incidences sur les développements à court terme. De même seront examinées au plan économique, les restrictions éventuelles aux contraintes de transferabilité. Par ailleurs, les machines devront pouvoir recevoir les périphériques actuels de CII et de SIEMENS. La solution choisie à la suite de cette étude fera l'objet d'un accord commun entre les deux Compagnies.

ORGANISATION COMMERCIALE

Les ventes de produits des deux Compagnies s'appuieront sur une organisation commerciale comportant selon des modalités et des étapes à étudier :

· un leadership de chaque partenaire sur les territoires nationaux respectifs, SIEMENS absorbant CII Gmbh et CII absorbant les activités informatiques de SIEMENS France,

· des organisations variées en fonction des pays et établies cas par cas. Par exemple,

- fusion de sociétés ou représentations locales

- création de sociétés communes

- accords, etc.

Dans un délai à définir, la commercialisation des produits s'effectuera avec un sigle commun.

Dans les fusions ou rachats de sociétés, les deux partenaires admettront les règles suivantes dans les évaluations :

Il ne sera pas tenu compte dans l'estimation des apports, des valeurs immobilisées au titre des matériels en location qui seront traitées comme des opérations purement financières. Pour chaque système en location, sera établie une durée de vie économique probable, tenant compte de la date de location, de la nature du contrat client, de la concurrence, etc. La perception des loyers de location au cours de cette durée de vie probable devra permettre, d'une part d'amortir les valeurs immobilisées au moment des apports, et d'autre part de rémunérer les frais d'exploitation (assistance clientèle par exemple). De même, les pertes antérieures inscrites au bilan seront compensées au fur et à mesure des revenus de location des matériels installés au moment de l'apport.

En cas d'interruption prématurée des contrats de location par mise en location d'un nouveau matériel CII-SIEMENS, une règle de compensation à préciser sera appliquée.

Par ailleurs, il ne sera pas tenu compte dans l'estimation des apports de valeurs incorporelles telles que fonds de commerce par exemple.

POLITIQUE EXTERIEURE DES DEUX COMPAGNIES.

Les relations de SIEMENS et de CII en matière d'informatique, vis-à-vis d'autres compagnies, feront l'objet de décisions communes.

novembre :accord préliminaire avec Control Data.

Début novembre, les directions générales de Control Data Corporation et CII sont parvenues à la signature d’un accord préliminaire offrant à CDC la possibilité de mettre à son catalogue et de vendre certains ordinateurs de notre Compagnie.

Le protocole doit être confirmé par un accord définitif dans les mois qui viennent lorsque toutes les modalités techniques auront été mises au point.

De quoi s’agit-il ?

Dans un premier temps, CDC pourra vendre IRIS 60 aux U.S.A. ainsi que dans d’autres pays, et, pour ce faire, passera commande à CII d’un certain nombre de systèmes après signature de l’accord définitif.

Dans un second temps, CDC prévoit d’utiliser un futur ordinateur CII dont les études seront conduites par notre Compagnie sur la base de spécifications techniques agréées et mises au point par les deux compagnies. Ce produit, qui sera donc compatible avec les lignes IRIS et CDC, pourra être fabriqué sous licence par cette société, si elle confirme son option. Ce choix d’un produit commun a été facilité par les travaux de standardisation poursuivis depuis un an au sein de Multinational Data et dont certains sont déjà concluants.

L’accord avec CDC, s’il conserve un caractère strictement commercial et non exclusif, n’en constitue pas moins un succès pour notre Compagnie qui voit ainsi reconnaître par un grand constructeur américain les mérites de sa technique hardware et software ; il ménage intégralement la possibilité de conclure des accords plus complets dans le cadre d’une informatique européenne qui demeure notre objectif primordial.

novembre 1971 : Accord de coopération avec la Hongrie.

En décembre 1968, la France et la Hongrie signaient des accords de coopération économique et industrielle. Les dispositions prévues en novembre 1971 entre l’OMFB, office national du développement technique de la République populaire hongroise et la Délégation à l’informatique ont permis à la Société Videoton S.A. et à la CII de conclure un accord de coopération pour cinq ans à partir de 1972.

Cet accord contient deux clauses principales :

- en coopération avec la CII l’industrie hongroise réalisera en Hongrie des études de software, des fabrications d’éléments d’ordinateurs et de périphériques pour les systèmes vendus par la CII en France et à l’étranger,

- la contribution de la CII au programme d’équipement informatique de la Hongrie fera appel aux ordinateurs CII de la gamme IRIS.

Videoton S.A., dont le siège est à Budapest, et la CII coopèrent depuis 1969 dans le domaine des petits ordinateurs.

 

Après avoir rappelé les Conventions, dont la dernière signée le 2 août 1971, cette note passe en revue les différentes discussions internationales de la CII.

Résumé succinct de cette note :

- Négociations avec ICL : blocage majeur sur le plan technique, donc impasse dont on ne pourrait sortir que dans l’hypothèse d’une forte pression du gouvernement britannique sur ICL l’amenant à modifier sa position.

- Négociations avec Philips : les activités du groupe Philips étant en concurrence avec celles des maisons-mères de la CII, il résulterait d’un accord certaines difficultés. Les chance d’un accord sont donc actuellement très faibles.

- Négociations avec Siemens : du point de vue de la CII, Siemens présente une certaine complémentarité technique, mais la puissance financière du groupe lui ferait courir à terme un réel danger d’absorption. Enfin, l’activité polyvalente du groupe Siemens ne manquera pas de soulever des difficiles problèmes, particulièrement à l’égard de la CGE.

Sur le plan technique, CII devrait assurer un leadership incontestable, étant donné l’absence de technique autonome chez Siemens. En réalité, les techniciens de Siemens adoptent actuellement une attitude très intransigeante et s’en tiennent au maintien d’une compatibilité totale avec IBM.

Il n’est guère possible de faire un pronostic sur l’issue des négociations en cours.

- Contacts avec Nixdorf et Telefunken : réponse en attente des négociations avec Siemens.

- Négociations avec Control Data : un accord vient d’être signé ; en plus d’une possibilité d’exportation sur le territoire américain, il apporte la preuve de la qualité technique des produits de la CII.

- Négociations avec Rank Xerox et sa filiale XDS : proposition en cours d’examen.

- Accords avec les Japonais : accords ponctuels uniquement, soit d’achats, soit de fabrication sous licence.

- Évolution de Multinational Data : vers un " club " anti-IBM, et ce de façon définitive.

Conclusions : malgré une diplomatie extrêmement active de la CII, les résultats peuvent sembler encore maigres. Il faut éviter dans ce domaine tout excès de précipitation ou de découragement. Ce phénomène inquiétant pour l’issue de la stratégie fixée par le Gouvernement en matière d’accord peut s’expliquer ainsi :

- les entreprises américaines sont condamnées à prendre une part de plus en plus importante du seul marché qui demeure en expansion : le marché européen ; pour ce faire, elles ont besoin d’un " bon accord "avec une firme européenne.

- il n’existe pas de politique européenne de l’informatique susceptible de rendre véritablement attrayante une construction industrielle à centre de gravité européen.

 


décembre 1971 : les relations entre les deux principaux actionnaires de la CII s’aigrissent.
A l’instigation du directeur délégué de Thomson, principal adjoint du président, un certain nombre de grands cadres du groupe demande à Paul Richard d’accepter la fusion de Thomson et de CGE. La lutte à l’intérieur de Thomson est âpre, le conseil d’administration est divisé, des clans se forment. Le président sera sauvé par le gouvernement et la Délégation à l’Informatique. Plusieurs cadres, trop " mouillés " pour rester, quitteront Thomson pour la CGE.

décembre 1971 : André Danzin, vice-président-directeur général de Thomson-CSF, démissionne de son poste.
" Cette démission résulte des divergences sur l’orientation à donner à deux branches maîtresses du groupe, celles des composants électroniques, affectée par une crise mondiale de surproduction, et celle de l’informatique où Thomson-CSF sert de support à la fragile CII " (Le Monde du 19 janvier 1972).
Il faut dire que André Danzin était à la tête des divisions composants et informatique, en même temps que président de Fininfor, le holding qui contrôle CII.

décembre 1971 : message du Président Barré

L’année 1971 s’achève en marquant à la fois la fin de la première époque du Plan Calcul et le début de la seconde.
1971 a été une année bien remplie : annonces de nouveaux ordinateurs, grands efforts sur le plan software, mises en service des produits du nouveau catalogue en clientèle.
Grâce à l’action énergique de tous, la CII a rattrapé le retard qu’elle avait pris sur son plan de développement et elle devrait confirmer le résultat de l’année dernière qui, rappelons-le, a été légèrement bénéficiaire pour la première fois.
Les choses ne sont pourtant pas faciles et nous ne sommes pas au bout de nos peines ; l’industrie de l’informatique, en constante évolution, n’a pas fini de poser de délicats problèmes ; la CII, du fait de sa jeunesse et de son plan d’expansion, rencontre évidemment des difficultés d’autant plus sévères.
Soyons donc heureux d’être parvenus là où nous sommes, mais n’entretenons surtout pas l’illusion que la partie est gagnée.
En vous remerciant tous de l’énergie avec laquelle vous avez participé les uns et les autres à l’effort commun, je vous demande de bien vouloir recevoir, pour vous-mêmes et vos familles, mes meilleurs vœux de bonheur pour l’année nouvelle.
Michel Barré


 

 

Bibliographie:

JM Quatrepoint et J Jublin French Ordinateurs

JP Brulé L'informatique malade de l'Etat

Institut d'histoire de l'industrie Entre plan calcul et Unidata ICBN 2 84132 026 9 Editions Rive Droite

 

d'après un travail de recherche de Bruno Dallemagne ©2002-2005, commentaires en italique de Jean Bellec