Histoire de la CII

 
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1967-1969

Note: Les archives Bull ne contiennent pas de documents internes d'origine CSF ou CGE précédant le lancement du plan calcul. Des témoignages en ont été présentés dans le colloque sur le Plan Calcul tenu en 1990.

27 mai  1966: document « Position de la Compagnie des Compteurs relativement à la Création d’une industrie française de calculateurs », non signé.

La Compagnie des Compteurs a été amené, depuis déjà de nombreuses années, à participer de diverses manières aux activités de traitement de l’information.
Si la Compagnie s’est intéressée tout spécialement au calculateur qui devient l’élément central obligatoire de tout système de traitement de l’information, c’est avant tout pour des raisons techniques parce que cela lui est indispensable pour conserver la maîtrise de ses activités traditionnelles.

La Compagnie des Compteurs ne l’a pas fait, et ne souhaite pas le faire, pour ajouter un objet nouveau à son activité industrielle, comme elle aurait pu le faire en s’intéressant aux faisceaux hertziens par exemple, et comme d’ailleurs elle l’a fait dans le domaine connexe de l’enregistrement magnétique.

La Compagnie des Compteurs est prête à mettre l’expérience unique de ses équipes de traitement de l’information au service d’une construction réunissant tous ceux qui, à un degré plus ou moins grand, sont concernés par les activités du traitement de l’information. Elle demande cependant que les modalités de cette participation lui permettent de rester en mesure de conserver pour elle-même une maîtrise convenable des techniques et activités liées à la mesure et à la régulation.

Le Groupe C.d.C. est susceptible, en outre, d’apporter une contribution d’une autre nature à la mise sur pied d’une industrie de calculateurs, grâce à son expérience ancienne et à ses réalisations en enregistrement magnétique, grâce à sa maîtrise des fabrications de mécanique fine, le Groupe peut, en liaison avec l’éventuelle société de calculateurs, mettre sur pied une industrie de périphériques de premier plan.


24 juin 1966: document adressé par la Compagnie des Compteurs à Monsieur François ORTOLI, Commissaire Général au Plan, 18 rue Martignac, Paris 7ème.

Monsieur le Commissaire Général,

Au cours de récents entretiens, nous vous avons précisé la position de notre Compagnie sur le « Plan Calcul » ; à la veille de décisions gouvernementales, nous croyons utile de vous la confirmer.
En raison de la place fondamentale que tient déjà et que ne manquera pas de prendre de plus en plus le calcul électronique dans l'industrie de la mesure et de la régulation, la COMPAGNIE DES COMPTEURS faillirait à sa vocation si elle ne prenait pas une part active à cette technique nouvelle.

Elle risquerait autrement de compromettre gravement son avenir et par là, pensons-nous, l'avenir de certaines positions françaises dans le domaine de la mesure.
C’est dans cet esprit que nous avons investi des sommes importantes, durant ces dernières années, dans nos fabrications d’enregistrement magnétique, où nous avons déjà acquis une notoriété et une clientèle européenne, prémices des développements futurs.

Parallèlement, la nécessité de créer des chaînes homogènes joignant l’instrumentation à l’interprétation, nous a conduits à nous attaquer au problème de fond de la technologie même des calculateurs et à réaliser, à côté de périphériques spécialisés, des unités centrales originales : le PB 250 et la PALLAS, avec la mise au point complète du software de base.

Aussi, dans la mesure où l’État interviendra de façon décisive pour la création d’une industrie française du calculateur, nous estimons-nous fondés, dans notre intérêt mais aussi dans l’intérêt de la technique française et de la réussite au sens large des objectifs gouvernementaux, à demander que la COMPAGNIE DES COMPTEURS y soit conviée.
Pour autant que la construction soit suffisamment large et individualisée pour éviter d’être inféodée aux groupes d’origine, nous serions d’accord pour lui apporter notre actif en matière de calculateurs et de périphériques, nous réservant les applications ultérieures aux chaînes de mesure.

A défaut d’une telle intégration, nous devrions assurer d’autre manière les engagements déjà pris par nous en matière de calculateurs et le développement de nos activités de périphériques. Il nous apparaît qu’une voie permettant encore de maintenir une coordination étroite des techniques françaises serait alors la création, aux côtés de la société de calculateurs, d’une société de périphériques élargie. Aussi avons-nous pris, avec une importante maison française qui avait exprimé des préoccupations similaires, des contacts permettant un regroupement et ainsi une réalisation solide.
Notre expérience nous donne à penser qu’une progression cohérente et simultanée des travaux des deux sociétés, assurée dans un cadre défini par l’État, serait efficace et peut-être même plus forte qu’une construction unique. De plus, en raison même de sa spécialisation, la société de périphériques pourrait, grâce à certains accords amorcés par nous, prendre des positions européennes.
Nous n’avons pour souci en vous suggérant cette solution que d’éviter des orientations centrifuges non conformes à l’intérêt général, que pourrait entraîner toutes constructions ne respectant pas les intérêts vitaux des groupes non encore appelés.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Commissaire Général, à l’assurance de nos sentiments les plus distingués

P. HEELEY


11 juillet 1966 : document « Très Confidentiel », établi par les groupes industriels consultés [CAE et SEA], intitulé :

PROPOSITIONS RELATIVES AU PLAN CALCUL

On trouvera ci-après une première expression, établie en commun par les groupes industriels consultés, de leurs propositions relatives au Plan Calcul.
Ce document s'efforce de répondre, pour l'essentiel, aux questions posées par le Commissaire Général au Plan. Les précisions ou compléments qui seraient nécessaires pourront, s'ils ne sont pas contenus dans les études déjà remises aux autorités publiques, faire l'objet d'annexes au présent document.

CHAPITRE I
INTENTIONS A COURT ET LONG TERMES

Les groupes industriels consultés se proposent de réunir tous leurs intérêts concernant le domaine du calcul, dans une entreprise unique résultant de la fusion des activités Informatique de la CAE et de la SEA.

1°) La stratégie de cette entreprise visera à atteindre d'ici cinq ou six ans un volume d'activité, un équilibre d'exploitation, et une indépendance technique tels que l'entreprise puisse tenir sa place sur le marché européen, en étant maîtresse de ses décisions et en pouvant se passer d'un soutien de l'État autre que le soutien normal.

Au départ, la réunion des deux entreprises représente pour 1966 un chiffre d'affaires de l'ordre de 180 millions et 2000 personnes dont 900 ingénieurs et techniciens, la moitié du chiffre d'affaires étant faite avec des produits relevant de licences étrangères. L'objectif visé par l'entreprise dans le cadre du Plan Calcul est, tout en développant ses produits propres actuels et ses activités sous licence pour assurer son équilibre à court et moyen termes et prendre ou conserver les positions commerciales nécessaires, de développer une activité autonome en deux étapes :
- une première, visant à mettre sur le marché le plus vire possible (1968) une gamme de machines (gamme I) s'ajoutant à la gamme existante et la remplaçant progressivement ; - une seconde, visant la percée complète avec une gamme Il entièrement cohérente.

La dimension initiale de l'entreprise est juste suffisante pour aborder l'essentiel de l'étape de la gamme I.
Elle est insuffisante pour à la fois couvrir la totalité de la gamme I et amorcer dès maintenant, ce qui est indispensable, l'étape suivante.
Se préparer avec la gamme II à une large extension du potentiel industriel et commercial impose un accroissement très rapide du potentiel de recherches et d'études. Telle est d'ailleurs la justification essentielle du Plan Calcul ; sa réussite et celle de l'entreprise qui la supporte se joueront sur cette gamme II.
Un premier rendez-vous en 1969, au moment où la gamme I sera en plein développement et où il faudra, en fonction du résultat des recherches, arrêter les options de la gamme Il, permettra d'en apprécier objectivement les chances et de définir la dimension nouvelle de l'entreprise.

2°) Mais pour l'immédiat, afin d'assurer la continuité du programme industriel et surtout commercial, CAE a été amenée à entreprendre et annoncer, en plus de ses produits propres, plusieurs lancements de modèles de calculateurs, construits sous licence SDS.

C'est à partir de cette situation de fait qu'est proposé un échelonnement de l'introduction des calculateurs du Plan Calcul, gamme I, qui représentent en fait la gamme intermédiaire préparant le long terme, et qui doivent inclure la satisfaction des besoins impératifs de Défense.
L'échelonnement proposé pour tenir compte de ces données constitue donc, dans l'état actuel de l'appréciation de la situation, la meilleure solution pour assurer l'avenir à moyen terme de l'entreprise avec des gammes aussi cohérentes que possible, en préparant le long terme.

3°) Des liens avec l'industrie américaine restent nécessaires, d'une part pour appuyer nos recherches à long terme, d'autre part pour avoir accès sans retard à certains produits et techniques qui ne seraient pas développés en France, enfin pour ouvrir à nos produits le marché américain. C'est sous cet angle que l'entreprise sera amenée à définir sa politique vis-à-vis de l'industrie US et à examiner d'une part les accords CAE-SDS, d'autre part le protocole SEA-CONTROL DATA CORPORATION.
Dès que l'entreprise aura mis en application sa politique de produits, elle aura à définir les liens européens souhaités.

4°) Vis-à-vis de l'industrie des composants, l'entreprise doit s'efforcer de disposer de plusieurs sources, dont l'une au moins donne l'assurance de la sécurité de fourniture. Les relations sont celles de client à fournisseur, dominées par le prix, le délai et la qualité
A moyen et long termes, le programme de recherches de l'entreprise doit être coordonné avec le programme de recherches de l'industrie des composants, ce qui impose pour l'entreprise une forte compétence de dialogue.
Celle-ci sera développée à partir des travaux déjà accomplis et des liens établis ou préparés par SEA et CAE.

5°) Des études de marché précises ont été remises dans le cadre du marché de définition DRME-DGRST. On résumera seulement ici les objectifs commerciaux pour la première étape : ils sont fixés moins en fonction du volume global d'un marché en expansion rapide que des probabilités de réussite, et orientés nettement par le souci de préparer l'étape suivante.

A - Gestion -

En partant de l'implantation des SEA 3900 et 4000 - qui doit atteindre en 1968 une soixantaine d'ensembles de gestion moyens en exploitation - préparer l'instrument commercial pour introduire en 1968 le bas de la nouvelle gamme et en 1969 le haut de gamme suivant une stratégie prudente :
- viser des « filières » caractérisées par le fait que l'expérience et la compétence une fois acquises sont utilisables à peu près telles quelles dans tous les cas semblables de la profession considérée (exemples : domaine bancaire - assurances - centres administratifs régionaux...),
- viser des applications « gestion intégrée » des entreprises ou ensembles administratifs, en accord avec d'autres firmes nationales pour les compléments périphériques, et transmissions de données notamment,
- viser la pénétration du marché européen, pays par pays, à partir de succès confirmés dans notre propre territoire et des références acquises dans l'équipement administratif des services publics,
- viser la préparation des étapes suivantes notamment en ce qui concerne la philosophie de l'emploi, l'automatisme poussé dé l'exploitation, l'efficacité du software et des services après-vente.

La politique proposée ici devrait, en particulier, répondre de manière satisfaisante aux besoins principaux de l'équipement administratif des services publics. Elle postule :
- que la politique d'équipement des administrations sera exprimée dans des programmes cohérents, dans lesquels pourront être discernées des « filières », au sens donné plus haut à ce terme, analogues à celles qui sont et seront exploitées dans le secteur privé ;
- que sera instaurée entre l'entreprise et les responsables des administrations une procédure de dialogues préparant les programmes et les cahiers des charges ;
- que les administrations devront pouvoir confier à l'entreprise une part de plus en plus significative de leurs commandes.

On insistera ici sur le sens d'une telle politique : à l'État, elle donne la garantie de voir satisfaire ses besoins par des matériels compétitifs ; à l'entreprise, elle procure les références absolument indispensables à l'action commerciale dans le secteur privé et à l'exportation.

B - Le marché scientifique –

L'entreprise disposera dans ce domaine d'une base de départ significative constituée par l'implantation d'environ 300 calculateurs (CAB 500, CAE 510, C 90).

Le débouché en machines scientifiques est constitué principalement par l'Université, la Recherche d'État et les grandes entreprises publiques et privées. Afin d'assurer au Plan un maximum d'efficacité, l'État devra, dès notification de sa décision, encourager l'utilisation préférentielle par les organismes publics et parapublics des matériels produits par l'entreprise. Cette remarque acquiert une signification toute particulière en ce qui concerne l'Université et le CNRS.

En outre, une telle politique permettrait de faire participer un nombre croissant de jeunes chercheurs universitaires aux divers aspects du développement de l'Informatique. Pour les machines de haut de gamme (P3, P4 explicitées plus loin), elle devrait aboutir à une coopération fructueuse du type MIT-GEC et BERKELEY-SDS pour la définition et l'étude des softwares GE 645 et SIGMA 7.

C - Le marché industriel -

Le marché des applications industrielles, sans avoir atteint sa maturité, entrera néanmoins dès le départ pour une part significative dans le chiffre d'affaires de l'entreprise grâce aux positions de premier plan acquises par CAE et SCHNEIDER sur le marché français (80%) et européen.
Il est probable que le taux d'expansion de ce secteur sera plus lent que les autres, en raison notamment de la croissance rapide du rapport performance sur prix des machines. Une autre raison en est la prise en charge progressive de fonctions d'automatismes par des calculateurs d'usage général assurant simultanément des fonctions de gestion.
L'entreprise attache néanmoins une importance particulière au domaine des applications industrielles, non seulement parce qu'il entre dans les vocations principales des groupes primaires, mais aussi parce qu'on peut prévoir à moyen terme une amplification rapide du besoin en petits calculateurs de contrôle banalisables prenant progressivement la relève des appareillages traditionnels.
Cette possibilité de vente en très grandes quantités peut donner naissance, dans une philosophie d'automatisme industriel rénovée, à une filière importante et doit par conséquent faire l'objet d'une préparation minutieuse de l'entreprise dont les références acquises constitueront la base de départ indispensable. C'est dans cette optique que se placera le lancement prochain du petit calculateur 10.010.

D - Le marché militaire -

Le programme calculateurs des Armées est déjà engagé pour le présent et les années à venir. Des positions fortes existent dès à présent, en particulier par l'exécution par la CAE des deux plus importants programmes de traitement de l'information associés à la force de frappe (MSBS SSBS), portant sur plus de 60 systèmes pour un montant total qui dépassera 300 millions de francs.

Pour la période considérée, le Plan Calcul doit à la fois :
- assurer le meilleur raccordement possible des gammes civiles et militaires envisagées, pour des raisons évidentes d'économie ;
- faire bénéficier les gammes civiles et militaires de tous les progrès des techniques et des technologies, compactes notamment, réalisés dans chacune de ces deux branches ;
- permettre d'acquérir une expérience de systèmes naturellement plus avancée que celle des applications non militaires.

Pour répondre aux besoins des nouveaux grands programmes (force stratégique, champs de tir, Défense aérienne...), qui se poseront à partir de 1970-71, les machines qui doivent faire l'objet d'une version militaire (PO P2 explicitées plus loin) doivent être disponibles deux ans avant, soit en 1969, afin de constituer des centres d'expérimentation des périphériques temps réel et de mise au point du software d'application militaire.

E - Évolution et décomposition des chiffres d'affaires -

L'évolution du chiffre d'affaires retenu pour l'entreprise part du chiffre d'affaires cumulé de CAE et SEA en 1966 et élimine pour la période consécutive les recouvrements estimés entre les anciennes prévisions des deux Sociétés.
Il couvre l'ensemble des activités de traitement de l'information numérique et analogique, y compris les périphériques inclus dans les ensembles vendus par l'entreprise, même lorsqu'ils sont achetés en l'état à l'extérieur.
Il n'a pas été tenu compte de l'incidence éventuelle de la commercialisation du grand calculateur (P4).

Le plan présenté vise comme, objectif un chiffre d'affaires pouvant atteindre, en fin de période, 500 millions TTC, correspondant à un volume de production nettement plus important compte tenu de l'incidence des locations.
L'hypothèse retenue pour le volume de location tient compte d'une action de l'État conduisant à une politique d'achat qui sera appliquée dans les organismes publics ou parapublics.

Une telle action entraîne une réduction à 47% de la part location dans la valeur totale des équipements civils fournis, contre 68% dans l'hypothèse où l'État n'aurait pas modifié sa politique.
Le chiffre d'affaires cité ne comprend pas le financement par l'État des études du Plan Calcul.
La décomposition par domaine du chiffre d'affaires prévu en 1970-71 ne peut être que très approximative en raison de l'évolution imprévisible des frontières entre domaines et même de la disparition de certaines d'entre elles.

On peut indiquer que les différents secteurs de l'ensemble du domaine géographique (gestion, scientifique, industriel et militaire) interviennent chacun sensiblement pour 25%.

La répartition entre secteur public et privé est également difficile à préciser, d'autant que les structures des industries et services dépendant de l'État sont très différentes suivant les pays et les domaines.
D'autre part, certains domaines d'application se trouvent répartis entre le secteur public et le secteur privé.

Malgré l'importance particulière du secteur public en France, celui-ci semble ne pas devoir dépasser 40% du chiffre d'affaires civil total en 1971. La part du secteur privé devrait croître relativement plus vite à partir de la fin de la période.

La part exportation devrait croître tout au long de la période, pour atteindre 20 à 25% en 1971, en développant le réseau de ventes international à partir de l'implantation existant à ce jour.

- CHAPITRE II -
LE PROGRAMME PRÉVU ET SES DÉLAIS DE RÉALISATION

1.- SITUATION DE DÉPART -

La gamme actuelle des calculateurs comporte :

- pour la CAE : applications civiles :
le CAE 510, la gamme compatible C-90, le CAE 10.070 (Sigma 7) et un très petit calculateur pour applications temps réel qui sera annoncé officiellement avant la fin de l'année : le CAE 10.010.
applications militaires :
les CAE 130, 133, 240 répondant à des besoins opérationnels français qu'ils rempliront jusqu'en 1970.

- pour la SEA : la machine de gestion SEA 4000, les calculateurs industriels
CINA et PSP (de Jeumont-Schneider) et la CAB 1500 première version.

2.- GAMME I -

a) Projets antérieurs -

Les projets antérieurs des deux Sociétés comportaient :
- pour CAE : 4 machines MO, M2, M3 et M3’
- pour SEA : 2 machines UA et UB avec des options .

b) Plan commun CAE-SEA

Une première confrontation des idées et des projets antérieurs des deux Sociétés nous a amenés à la gamme suivante de machines (par tailles croissantes) :
P0 : issue de l'ancienne MO de CAE
P1 : issue de l'ancienne UA de SEA
P2 : issue de l'ancienne M2 de CAE
- l'entreprise remodèlera, dans les délais les plus brefs, les trois machines en une gamme unique, avec une compatibilité aussi parfaite que possible entre elles.
- les trois machines seront réalisées en une technologie unique à circuits intégrés T2L et avec des mémoires à tores de cycle inférieur ou égal à 1 microseconde, à partir des contrats de recherches DRME et DGRST confiés à CAE.
P3 : de puissance supérieure à P2, ne serait pas forcément compatible avec PO P1 et P2.
- la connaissance actuelle de son marché rend obligatoire de livrer les premiers exemplaires de cette machine à la fin de 1968 au plus tard. Sa réalisation devra donc être accélérée ; elle serait issue de la machine M3 en cours de développement à la CAE et incorporerait, si les délais le permettent, certaines des dispositions du CAB 15.000 en cours de définition à la SEA.
Les tailles et les applications des quatre machines sont récapitulées à l'Annexe 1.
Dès que les décisions positives du Plan Calcul auront été notifiées à CAE et SEA, ces deux Sociétés échangeront immédiatement tous les rapports remis à la DRME et à la DGRST ainsi .que leurs notes internes, afin de ne pas attendre leur fusion effective pour commencer le travail technique en commun.

Calculateurs analogiques et hybrides -
La gamme de machines numériques serait complétée par un calculateur analogique de hautes performances, avec les organes de couplage et le software permettant ainsi de disposer de systèmes hybrides utilisant les machines P pour la partie numérique.


3.- LE PROBLÈME DU GRAND CALCULATEUR –

Afin de répondre aux besoins qu'exprimeraient des grandes Administrations, certaines entreprises nationalisées et l'Université, l'entreprise pourrait dans le cadre d'un marché en régie, réaliser un et préférablement deux prototypes d'un grand calculateur P4.
Les spécifications seraient établies pendant une phase de définition qui durerait 18 mois, au terme de laquelle serait entreprise la réalisation du ou des prototypes.
Cette réalisation qui durerait deux ans environ assurerait à l'entreprise une maîtrise visant à la classe internationale.

4 - GAMME II -

On peut aujourd'hui penser valablement qu'à long terme "petits systèmes" (pour les petites et moyennes entreprises en particulier) et "grands systèmes" (pour la gestion intégrée des services et des grandes entreprises, partagée avec les calculs scientifiques et techniques) seront les deux pôles essentiels du marché d'application. Mais ni la date, ni les conditions réelles du marché ne sont prévisibles avec exactitude.
Le choix entre l'une, l'autre, ou les deux orientations considérées sera nécessaire pour la satisfaction des besoins après 1971. L'entreprise devra se préparer à ce choix. Soulignons qu'il conduit, pour les "petits systèmes", à une production de très grande série.

La préparation de la gamme II est en fait contenue dans le programme à moyen terme de recherches à engager immédiatement, de telle sorte qu'en 1969 des spécifications précises des produits et domaines d'applications puissent être énoncées.
Ces perspectives impliquent donc que l'effort de recherches et développements accompli par l'entreprise lui procure la maîtrise scientifique, technique et technologique nécessaire à l'élaboration des choix successifs.


5 - RECHERCHES ET DÉVELOPPEMENTS -

Deux plans principaux de recherches et de développements sont présentés :

Plan 1 - court et moyen termes -
Son objectif principal est la gamme II et le programme P4. Il concerne essentiellement :

a) les études de technologie -
- technologies rapides et ultra-rapides (choix des schémas, méthodes d'implantation logique et technologique d'éléments discrets et monolithiques, technique des couches minces) ;
- mémoires (intégration des organes liés aux matrices de micro-tores, films minces, ferrites laminées ou usinées) ;
- mémoires mortes ou semi-mortes ;
- automates d'un calculateur…
Sur ces divers sujets, la CAE et la SEA ont déjà entrepris des recherches et des études de réalisations préliminaires.

b) les études de structures de calculateurs et systèmes -
Les travaux qu'on propose d'entreprendre à partir des expériences acquises par CAE et SEA approfondiront l'exploration des projets qui concernent en particulier les systèmes de gestion de mémoires et organes périphériques, les interruptions de programme, les structuras à préfixes et à piles.
Elles viseront la gestion automatique des systèmes de traitement de l'information et les dialogues d'un calculateur avec son environnement.

c) systèmes de programmation et programmes de simulation -
Compte tenu de b), l'approfondissement de l'étude des systèmes de programmes d'exploitation (moniteurs), des compilateurs et langages de communication sera entrepris dans la perspective :
- de la multiprogrammation,
- des divers types de communications homme-machine,
- de l'introduction généralisée des transmissions de données.
Elles concerneront enfin la réalisation des simulateurs pour les projets élaborés sous b).

Plan 2 - long terme -
L'entreprise sera conduite à proposer l'engagement rapide d'un programme de recherches à long terme concernant notamment :
- les dispositifs de commutation destinés aux circuits logiques,
- les mémoires à accès aléatoire de grande capacité et de bas prix et les mémoires ultra-rapides.
Elle compte sur le concours de l'Université et des laboratoires de l'Etat pour appréhender divers aspects du plan de recherches à long terme.

6.- PÉRIPHERIQUES -
L'entreprise dispose déjà par les apports initiaux de compétences et d'une expérience de conception et de production des organes suivants :
- lecteurs et perforateurs de ruban,
- imprimantes rapides,
- lecteurs de caractères,
et une expérience d'emploi des :
- unités de bandes magnétiques,
- unités de mémoires de masse à disques.
Elle sera conduite à spécifier les nouveaux organes des catégories ci-dessus qui seront nécessaires et à établir ainsi une collaboration préliminaire avec ses fournisseurs.
Elle sera conduite aussi à exprimer ses besoins pour les organes suivants :
- lecteurs et perforateurs de cartes,
- dispositifs de visualisation et d'interrogation et leurs interfaces avec les "modems" transmission de données.

- CHAPITRE III -
GRANDES LIGNES ET DÉLAIS DE MISE EN PLACE DE LA NOUVELLE STRUCTURE INDUSTRIELLE

1.- Les groupes considèrent que seule une fusion, complète dès le départ, des activités Informatique des deux sociétés CAE et SEA peut assurer l'unité de direction nécessaire, arbitrer les concurrences résultant inévitablement au départ de la juxtaposition initiale des programmes, réaliser au mieux le passage progressif à un programme unique et cohérent indépendant des contraintes initiales.

Une entreprise unique réunissant l'essentiel des activités de SEA et CAE sera constituée par fusion de ces Sociétés, avant la fin de l'année en cours.
Les trois groupes CGE, CSF (déjà associés dans CITEC) et SCHNEIDER établiront un protocole d'accord qui définira leur participation au capital de l'entreprise.

2.- Les structures de la nouvelle entreprise devront assurer en particulier :
- l'unité de politique commerciale dans tous les domaines,
- l'unité de direction des études, recherches et développements,
- l'unité de direction des productions et leur rationalisation.

L'importance et le caractère spécifique des activités militaires, en particulier sur les plans conception des systèmes et technologie, justifient la réunion de tous les moyens techniques, commerciaux et administratifs afférents à ce domaine dans une division militaire verticalisée.

3.- Afin de ménager les transitions nécessaires, d'éviter les difficultés que pourrait créer une opération aussi radicale, et de ne pas perdre un temps précieux dans le démarrage du Plan Calcul, il est convenu de mettre sur pied, dès la notification par les Pouvoirs Publics de leur décision de lancer le plan, un comité de liaison à l'échelon des directions générales des sociétés, ayant pour tâche, en attendant la fusion juridique et en se plaçant dans l'optique définie en (2) :
- d'assurer l'efficacité maximale des travaux d'études et de développement du Plan Calcul,
- de préparer la mise en place des structures communes,
- d'élaborer une politique commerciale coordonnée,
- d'assurer l'échange de toutes informations techniques afin d'éviter tout retard dans la mise en œuvre de la politique commune,
- de trancher tous différends pouvant intervenir sur le plan technique et commercial dans les zones de recouvrement.

4.- Le champ d'activité de l'entreprise peut être ainsi défini :

Concevoir, fabriquer, vendre ou louer des calculateurs et des produits de traitement de l'information de tous types (numériques, analogiques, hybrides et mixtes) et les systèmes de traitement de l'information catalogables ou sur devis, assurer la programmation et l'aide à la clientèle pour la mise en œuvre des systèmes fournis par l'entreprise.

Aucune limitation a priori n'est fixée aux domaines d'application, les compétences de la société étant celles nécessaires à son activité propre et celles nécessaires à l'établissement des dialogues avec les sociétés utilisatrices, notamment les sociétés d'automatisme industriel.

Le domaine ne couvre pas l'ensemble des périphériques. Il peut inclure l'étude et la production de périphériques dans la mesure où leur conception est inséparable, dans les systèmes, de celle des unités centrales.

5.- La nécessité du Plan Calcul et l'assurance que les efforts qui y seront déployés viendront nourrir le progrès des industries concourant à l'équipement du pays en moyens de traitement de l'information, impliquent que dès le départ ces efforts ne restent pas isolés de l'activité générale de l'informatique.

Cette remarque s'applique à la collaboration aussi bien avec l'Université et la Recherche d'État qu'avec les sociétés qui ont acquis une compétence affirmée dans certaines catégories de matériels adaptés à des environnements particuliers, par exemple militaires et spatiaux, dans les équipements périphériques ou d'exploitation annexe, ou encore dans l'élaboration de software.

L'établissement de liens particuliers techniques, commerciaux et même industriels et financiers avec certaines de ces sociétés pourra se révéler utile et devra être envisagé en temps voulu.

Si ces liens devaient en particulier conduire à des participations de tiers dans le capital de l'entreprise, celles-ci ne devraient pas pour autant entraîner l'infléchissement ou la modification des objectifs proposés par l'entreprise et approuvés par l'État, ni être de nature à amoindrir l'efficacité de sa Direction dans aucun de ses domaines.


- CHAPITRE IV –
PLAN DE FINANCEMENT

Le plan de financement présenté correspond au programme exposé au Chapitre II ; il couvre donc la phase initiale et les phases I et II, à l'intérieur de la période d'exécution du Plan Calcul, de 1966 à 1971.

Il reflète essentiellement le souci de l'industriel de consacrer les cinq prochaines années à bâtir, avec une aide particulière de l'État, une entreprise française de traitement de l'information capable d'affronter avec succès le marché national et international. En revanche, après 1971, un soutien normal de l'État paraît devoir être suffisant. Le plan présenté inclut, pour les années 1966 à 1971, l'amorce de ce soutien normal sur le plan de la recherche.

Le tableau de financement, présenté sous une forme synthétique, a permis de vérifier l'équilibre des grandes masses financières mises en jeu eu cours des années 1966 à 1971 et de la structure financière probable de l'entreprise en fin de période. II ne saurait être tenu pour un programme définitif.

Les dépenses et ressources ont été évaluées à parti des chiffres d'affaires aboutissant à un montant de 500 millions en 1971, objectif indiqué au Chapitre 1.

Au départ, le chiffre d'affaires prévisionnel "numérique" et "traitement de l'information spécialisé" des deux sociétés (1966) est de 30 millions pour SEA et 120 millions pour CAE.
Le chiffre d'affaires prévu pour les systèmes de la gamme I pendant la seule période 1968-1971 est de 950 millions en équivalent vente. Les dates de commercialisation des produits de cette gamme sont présentées dans l'Annexe Il, qui figure, au-delà de 1971, la poursuite de la gamme I et sa relève par la gamme Il.

1.- CHARGES -

Les dépenses du Plan Calcul peuvent être ainsi analysées :
A - Programme d'études et de développement -
En plus des dépenses relatives aux autres travaux d'études de l'entreprise amorties sur les fabrications courantes, le programme d'études du Plan Calcul est évalué à 379 millions se répartissant approximativement en :
- Recherches, études et développement de matériels 174
- Programmation 163
- Réalisation de prototypes 42

Le programme couvre toutes les études et recherches nécessaires au développement des matériels définis au Chapitre Il, dont une partie importante de la préparation de la gamme Il, le coût au delà de 1971 pouvant être de l'ordre de 60 millions. Le premier poste en particulier comprend toutes les études d'unités centrales, d'interfaces et d'unités de couplage et de contrôle des périphériques du catalogue, ainsi que de certains périphériques directement associés.

La ventilation par groupes de matériels s'établit ainsi :
- Machines P0, P1, P2, Hybride (HI) 167
- Machine P3 84
- Programme de recherches et préparation de la gamme II 128

L'évolution du programme et celle du marché pourront conduire l'entreprise à effectuer certains transferts entre les postes ci-dessus.

Militarisation
Deux des calculateurs de la gamme I, PO et P2, feront l'objet d'une militarisation conformément aux programmes de la DMA. Le volume des dépenses correspondantes, évalué à 54 millions, n'est pas pris en compte dans le tableau de financement.

Grand Calculateur (P4)
Les dépenses liées au grand calculateur P4 ont été estimées à 120 millions, incluant notamment la réalisation d'une maquette et la fourniture d'un prototype. Il est à noter que les programmes de recherche et de préparation de la gamme ll, mentionnés ci-dessus, participeront de manière notable à la réalisation du programme P4. Également les techniques de pointe développées pour P4 seraient en partie utilisées pour la gamme lI.
Par ailleurs, les effectifs rendus disponibles au fur et à mesure de l'achèvement du programme PO à P3 pourraient être en partie affectés aux équipes P4. Les dépenses correspondant au programme P4 ne sont pas prises en compte dans le tableau de financement.
Périphériques'
Dans l'esprit du programme exposé au Chapitre Il, paragraphe 6, le plan présenté comprend l'amorce d'une politique de périphériques permettant à l'entreprise d'atteindre ses objectifs pendant la période d'application du Plan Calcul.

Concours extérieurs
L'entreprise fera appel dans la plus large mesure possible, pour la réalisation du Plan Calcul, aux compétences techniques et scientifiques du secteur public et du secteur privé.
C'est ainsi qu'elle envisage :
- des dialogues techniques avec les secteurs fournisseurs en les associant à la phase développement, en vue de la préparation de la phase industrielle,
- l'appel aux Universités et aux sociétés de services telles que la SIA, en particulier dans le domaine du software et des recherches technologiques de base,
- sans oublier la collaboration évidente avec les laboratoires de recherches de ses actionnaires.
La Recherche d'État pourrait se voir confier, dans le domaine du software, une série de travaux de programmation, d'études de langages et compilateurs et de problèmes théoriques de structures de machines et systèmes.
Le volume des travaux confiés à ces organismes sous le contrôle d'exécution de l'entreprise sera fixé en fonction du potentiel qu'ils pourront affecter au Plan dans les délais requis.

B - Programme d'investissements immobiliers, industriels et commerciaux –
Le montant global de 500 millions couvre la totalité des dépenses de l'entreprise pour la mise en place des moyens immobiliers, industriels et commerciaux nécessaires pour atteindre l'objectif visé.
Cet investissement se reflète en particulier par une surface industrielle totale portée de 20.000 m² à plus de 70.000 m².
L'effectif de l'entreprise en fin de période est évalué à environ 5000 personnes. En ce qui concerne le Plan Calcul, l'entreprise compte atteindre rapidement, au plus tard en 1969, un premier palier au niveau de 600 à 700 ingénieurs et techniciens. La sous-traitance, en particulier, dans le domaine du software, interviendra à la fois comme appoint de régulation et comme compétence complémentaire.

C - Charge financière des locations -
Le montant correspondant s'élève à 290 millions, Il a été établi dans l'hypothèse, explicitée page 4, d'une action de l'État en vue d'une politique d'achat, de la.part des organismes publics et parapublics, conduisant à une réduction à 45% environ de la part location dans la valeur totale des équipements civils fournis.
L'absence d'une telle action aurait pour effet, surtout au cours d'une période de fort accroissement du chiffre d'affaires, de majorer très notablement les charges de financement supportées par l'entreprise.

2.- RESSOURCES –
A - Effort propre de l'entreprise -

Il concerne en premier lieu la mise sur pied des moyens industriels et du réseau commercial aptes à assurer le succès du Plan Calcul : construction et équipement des immeubles et extensions nécessaires, création de l'outillage, expansion du réseau commercial, développement du potentiel de recherches et d'études, formation et promotion technique du personnel.
Il comprend aussi une participation directe aux dépenses d'études des matériels du Plan Calcul, ainsi que la charge du développement des produits non compris dans le Plan Calcul.
B - Aide de l'État -

L'aide de l'État porterait sur une subvention, accompagnée d'un concours du Fonds de Développement Économique et Social sous la forme d'une aide remboursable en cas de succès, et sur une garantie devant permettre l'obtention de moyens de financement.

Il serait également demandé à l'État son appui pour résoudre le problème posé par la location.

C - Données financières -

L'aide de l'État et l'effort propre de l'entreprise peuvent se résumer dans les chiffres suivants :

a - Subvention de l'État 310 millions
b - Aide au développement
remboursable en cas de succès 40 millions
c - Effort sous la responsabilité de l'entreprise :
- capitaux propres et bénéfices non distribués 143 millions
-.crédits à long et moyen termes 187 millions
- remboursements prévus dans la période (103)
- Lettre d'Agrément avec garantie de l'État
(après déduction des remboursements) 45 millions

Sous réserve de l'incertitude sur les éléments de départ qui subsistera jusqu'à réalisation de la fusion, la structure financière de l'entreprise en fin de période peut -être schématisée de la façon suivante :
en millions de francs

- Capitaux propres et bénéfices non distribués 148
- Emprunts à long et moyen termes 87
Capitaux permanents 235
- Lettre d'Agrément 45
- Emprunts à court terme (y compris CNME) 87
367
Aux dettes inscrites au bilan s'ajoute le montant de l'aide au développement estimé à 40 millions.
- Immobilisations sauf matériels en location 141
- Matériels immobilisés pour location 130
- Fonds de roulement 136
407
Problème location
L’examen de la structure financière en fin de période fait ressortir clairement la nécessité d'un appui de l'État pour assurer à l'entreprise l'accès à des moyens de couverture particulière des besoins spécifiques location.

L'impossibilité de couvrir par les capitaux permanents à la fois les immobilisations classiques, une partie raisonnable du fonds de roulement et les matériels loués immobilisés, en période de croissance initiale, justifie cette demande d'appui.

Le volume de ce financement sera d'autant plus limité que l'État aura pu agir sur les organismes publics et parapublics clients en vue d'une réduction des locations (voir action de l'administration américaine), action portant en elle-même sa justification par l'économie qu'elle entraîne.

Garantie de l'État

Les conditions d'octroi des crédits en France et le volume des crédits nécessaires à l'entreprise pourront amener celle-ci à demander à l'État sa garantie sur certains des emprunts qu'elle aurait à contracter pendant la période de lancement et de vente des calculateurs du Plan Calcul, en particulier pour la Lettre d'Agrément concernant les fabrications.

- CHAPITRE V -
PROCÉDURE ET DÉLAIS DE RÉALISATION DE L'ACCORD AVEC LA PUISSANCE PUBLIQUE

Pour être pleinement efficace, le plan envisagé devra être mis en œuvre dans les délais les plus brefs.

La procédure appliquée devra d'une part assurer la continuité de l'activité des équipes déjà affectées à ces objectifs et d'autre part permettre le déclenchement immédiat des opérations de structuration complémentaire.

Sans attendre la conclusion des discussions sans doute longues que nécessitera l'élaboration des procédures administratives, il est indispensable que le signal de départ soit donné dès que la décision de principe sera prise.

La forme pourrait en être une lettre des Pouvoirs Publics aux industriels portant sur :
- plan décision de principe d'engager le plan d'action, avec l'indication des contours de ce plan,
- le financement des équipes affectées au Plan ainsi que des dépenses engagées par les industriels en vue de l'accroissement rapide de leurs moyens, ceci pendant le temps nécessaire à la mise en œuvre de la procédure définitive, par exemple 6 mois,
- l'indication des procédures d'urgence envisagées.

Il devra également être tenu compte dans la procédure :
- des adaptations indispensables des caractéristiques des matériels en cours d'étude afin de leur assurer une compétitivité maximale au moment de leur annonce,
- du secret devant impérativement entourer le lancement d'un produit de grande vente sur un marché très compétitif en face de concurrents disposant de moyens de rétorsion importants.

Pour ces deux raisons, la procédure appliquée devra se référer sur le plan technique à une définition globale des objectifs et des fonctions qu'ils devront permettre d'assurer.
Afin d'assurer au Plan un maximum d'efficacité, il serait bon que l'État déclenche, dès notification de sa décision, l'utilisation préférentielle par ses Services des matériels de l'entreprise française tout au moins jusqu'à ce que cette dernière ait atteint la taille critique.

REMARQUE SUR LES RESSOURCES EN PERSONNEL TECHNIQUE
II ne faut pas se dissimuler l'importance de l'effort de formation qui devra être entrepris d'extrême urgence autant pour doter les Services d'État d'un ensemble d'exploitants de formation solide que pour mettre à la disposition de l'industrie les cadres techniques, industriels et commerciaux nécessaires à la mise en œuvre du Plan.
L'industrie attache la plus grande importance à ce problème dont la sous-estimation risquerait d'entraîner rapidement un plafonnement de l'effort, surtout dans le domaine technique, et par voie de conséquence un retard sur les délais d'aboutissement et la mise en péril de l'ensemble de l'opération.
Il est proposé qu'un comité d'experts réunissant des représentants de l'État et l'industrie soit immédiatement créé auprès de l'autorité chargée de la mise en œuvre du Plan et soit investi de pouvoirs suffisants pour mettre sur pied des solutions efficaces à ce problème.


Plan de financement

 

ANNEXE I
Type des machines , prix moyen et applications

Type de machines  Prix moyen par système (en MF) Calcul scientifique Gestion Applications industrielles et Temps réel
(marché civil)
Applications militaires
P0 0.4 x   x x
P1 1.25 x x x  
P2 4 x x x x
P3 10 x x x  
P4 25 x x    



ANNEXE II
PLANNING GÉNÉRAL
 

Gamme I  (Classement par ordre de puissante croissante )

  1967 1968 1969 1970 1971 1971 1972 1973 1974
P0     __xx xxxx xxxx xxxx xxxx xxxx xxxx
P1      __ ___x xxxx xxxx xxxx xxxx xxxx xxxx  
P2         _ __xx xxxx xxxx xxxx xxxx xxxx xxxx
P3       __ ___x xxxx xxxx xxxx xxxx xxxx xxxx  
P4       ____ xxxx xxxx xxxx xxxx xxxx
Gamme II           ____ xxxx xxxx xxxx

____ études et prototypes
xxxx livraisons

 

19 juillet 1966:

Le Conseil interministériel du 19 juillet 1966 a approuvé le rapport établi par le Commissaire Général au Plan, François-Xavier Ortoli, (rapport établi à partir d’une proposition établie en juillet 1966 par la CGE, la CSF et Scheiner S.A., consistant à proposer aux Pouvoirs Publics un plan d’action visant à mettre sur pied dans un délai défini une industrie nationale du traitement de l’information capable d’assurer l’indépendance nécessaire aux stades des décisions et de l’utilisation) et a créé un poste de Délégué à l’Informatique.

Ce Conseil a décidé, en ce qui concerne les relations État – Industrie, que le Délégué à l’Informatique serait l’interlocuteur unique de l’industrie et qu’il coordonnerait les actions des différentes administrations et organismes parapublics dans le domaine de l’informatique. Ce même Conseil a décidé que le Délégué à l’Informatique serait chargé de soumettre au Gouvernement un projet d’organisation d’un nouvel Institut de Recherche en Informatique et en Automatique, IRIA, devant être axé sur la recherche fondamentale ainsi que sur la formation de base et le recyclage de spécialistes de la conception et de l’exploitation des systèmes de Traitement de l’Information.

30 septembre 1966: décret officialisant la création du poste de Délégué à l’Informatique, directement rattaché au Premier Ministre.

8 octobre 1966: nomination de Robert Galley au poste de Délégué à l’Informatique et décret concrétisant la décision du 19 juillet 1966 en créant la Délégation à l’Informatique : le Plan Calcul était né.
Le décret précité énumère, en particulier, les principales attributions du Délégué à l’Informatique qui est chargé essentiellement :

· d’élaborer le plan d’ensemble des moyens humains, scientifiques, techniques et financiers devant permettre, en France, le développement de l’industrie du traitement de l’information ;
· de la mise en œuvre de ce plan, ce qui doit se traduire notamment par le soutien gouvernemental et la coordination des efforts des industriels, en vue de la mise sur pied d’une nouvelle entreprise d’ordinateurs, indépendante des techniques et des capitaux étrangers.
· De la promotion de la recherche et de la formation des hommes dans le domaine de l’informatique.
Cette mise œuvre exigeait essentiellement la création :
· D’un instrument industriel (ce sera la CII),
· D’un organisme de recherche et de formation du personnel (ce sera l’IRIA).

6 décembre 1966: création de la C.I.I.

La C.I.I., Compagnie Internationale pour l’Informatique est née du regroupement des activités dans le domaine de l’informatique :
· de la Compagnie Européenne d’Automatisme Électronique (C.A.E.),
· de la Société pour l’Étude et la Réalisation des Procédés Électronique de Calcul (ANALAC),
· de la Société d’Électronique et d’Automatisme (S.E.A.).

La C.A.E. et ANALAC relèvent du groupe « Compagnie pour l’Informatique et les Techniques Électroniques de Contrôle » (CITEC) dont les actions sont détenues, moitié par la Compagnie Générale de Télégraphie Sans Fil (C.S.F.), moitié par la Compagnie Générale d’Électricité (C.G.E.). Le groupe CITEC participe au capital de la C.I.I. pour environ 56,4 %.
La S.E.A. dépend du groupe Schneider dont la participation est d’environ 33,3 %.
Enfin, le groupe Rivaud (Intertechnique et Mines de Kali Sainte-Thérèse) participe pour le complément, soit environ 10,3 %.


décembre 1966: création de la SPERAC.

En 1966, THOMSON crée, en association 50/50 avec la COMPAGNIE DES COMPTEURS (CDC) la société SPERAC (Systèmes et Périphériques Associés aux Calculateurs), en vue de réaliser dans le cadre du Plan Calcul des équipements périphériques et des systèmes de télégestion.
Les services d’études et de réalisation des « modems » de télégestion sont apportés par la Division Télécommunications à la Sperac qui s’installe dans une usine construite pour elle à Vélizy. La COMPAGNIE DES COMPTEURS apporte un secteur électromécanique de périphériques qui travaille aux mémoires sur bandes magnétiques à grande vitesse et aux mémoires sur disques magnétiques à accès rapide. La SPERAC doit bénéficier d’une convention dans le cadre du Plan Calcul.



3 janvier 1967  : loi d’institution de l’IRIA.
Décidé en novembre 1966, l’Institut de Recherche d’Informatique et d’Automatique (IRIA) est créée aux termes de la loi du 3 janvier 1967.
Présidé par le Délégué à l’Informatique, l’IRIA participe au développement de l’informatique en répondant aux quatre missions suivantes :
· acquisition de la connaissance scientifique et technique par la recherche ;
· synthèse des connaissances, animation et irrigation de la recherche ;
· promotion de ces connaissances dans le domaine des applications ;
· information et formation des personnes concernées par l’informatique et l’automatique.

29 mars 1967 : Michel Debré, ministre de l’Économie et des Finances, reçoit les représentants des trois groupes CGE (Ambroise Roux), CSF (André Danzin) et Schneider (Roger Gaspard) et négocie avec beaucoup de force leurs contributions financières à la création de la CII qui exige des apports d’actifs mais aussi de l’argent frais. Les industriels sont réticents. En réalité, seule CGE dispose de l’aisance de trésorerie nécessaire.

13 avril 1967: signature de la première convention Plan Calcul, pour 5 ans.

La Convention matérialisant les engagements réciproques de l'État et de la CII a été signée le 13 avril 1967 par quatre Ministres ainsi que par les représentants des Groupes fondateurs de la CII et des deux sociétés qu'elle regroupe. Cette Convention établie pour une durée de cinq années définit les actions de l'Industrie et de l'État qui permettront à la CII d'atteindre pour la fin de 1971 un potentiel et un volume d'affaires la rendant apte à maîtriser sa politique industrielle, à maintenir puis accroître sa rentabilité et à tenir sa place sur les marchés français et international.
Cette Convention précise les étapes du développement technique, industriel et commercial sur lesquelles la CII s'est engagée. Elle définit les modalités de l'aide de l'État qui permettra à la CII de se développer au rythme requis pendant les cinq années de démarrage. Cette aide se traduira par la passation de marchés d'études et de recherches pour un montant global de l'ordre de 400 Millions de francs, remboursable en partie, et par l'octroi de certaines facilités de financement auprès d'organismes extérieurs ou de l'État. Cette aide se traduira également par une collaboration privilégiée qui facilitera, dans le respect des règles normales de la concurrence, l'implantation technique et commerciale de la CII. Cette collaboration résultera d'un dialogue technique sur les politiques et programmes d'équipement de matériels de traitement de l'information des organismes relevant de l'autorité de l'État ou de son pouvoir de tutelle. La Convention définit en outre les conditions dans lesquelles la CII verra sa structure financière progressivement développée par apports de capitaux de la part de ses groupes fondateurs, par autofinancement et par appel aux concours des organismes de crédit, la masse financière totale à engager pendant cinq ans étant de l'ordre de un Milliard de francs.

Le Conseil d'Administration de la CII présidé par M. Jacques MAILLET, par ailleurs Président d'Intertechnique, est composé de M. Robert REMILLON, Vice-Président Directeur Général, par ailleurs Président Directeur Général de la CITEC, M. Guy RENAUDIN, Vice-Président, représentant Schneider SA, M. Henri ALBERT, représentant la CSF, M. Jean AURICOSTE, Directeur Général Adjoint, M. François-Henri RAYMOND, Administrateur délégué à la politique des produits, M. Alain WILLK, représentant la CGE.

Compte tenu de l’importance de cette signature, les documents officiels sont reproduits ci-après :
- Convention Plan Calcul,
- Accord technique Plan Calcul.
 

13 avril 1967: après la signature de la Convention, au Ministère des Finances, M, Michel DEBRÉ, Ministre des Finances, a prononcé une allocution dont le texte a été distribué, accompagné d'un communiqué du Ministère.

Quelques instants après, M. GALLEY assisté de M. CHARPENTIER, représentant le Ministère des Finances, et de M. MAILLET, représentant la CII, tenaient une Conférence de Presse devant une soixantaine de journalistes.
Le bref exposé de M. Galley a porté sur les points suivants :

1° / Historique rapide :
a) Mesures gouvernementales décidées en juillet 66 dans le domaine :
﷓ de la recherche,
﷓ de l’enseignement,
﷓ des méthodes à suivre pour l'équipement des Administrations en matériel,
﷓des aides à l'industrie destinées à permettre la constitution d'une Industrie française de l'informatique.
b) Rappel des accords passés par les Sociétés.
2° / A la suite de ces dispositions, un programme technique a été élaboré permettant de définir l’objectif assigné à la CII qui consiste, en fait, à fournir aux Administrations les équipements essentiels dont elles ont besoin.

3° / A la suite de conversations suivies, les modalités de l'aide financière apportée à la nouvelle Compagnie ont fait l'objet de la Convention signée le matin même par 4 Ministres (Finances, Recherche Scientifique, Industrie, Armées), au nom de l'État, et par les Représentants de CSF, CGE, SCHNEIDER, et de leurs filiales pour l’industrie.

4° / En terminant, M. GALLEY souligne l’originalité de la dite convention :
– l'État remet à une Compagnie Privée l'Industrie Nationale de l'informatique.
﷓ l'aide apportée par l'État prendra la forme de marchés d'études passés pour la mise au point de prototypes.
﷓ les Organismes publics vont collaborer avec la Compagnie Privée (Administrations, IRIA, etc.)
﷓ l'aide de l'État est prévue pour 5 ans, après quoi la Compagnie devrait être majeure et deviendra libre de sa politique industrielle comme de ses recherches.

A la suite de cet exposé, de nombreuses questions ont été posées par les journalistes. Parmi les réponses faites, celle-ci du Délégué :
« Le texte de la Convention est secret en ce qui concerne ses modalités. Je peux néanmoins préciser que l’aide de l’État pour l’ensemble des Marchés d’études à passer au cours des cinq années à venir est de l’ordre de 400 millions, correspondant à la réalisation du programme technique dont j’ai parlé.
Ce chiffre n’est donc qu’un ordre de grandeur, car je ne connais, d’une manière précise, que les 70 millions correspondant à l’année en cours ; on peut penser qu’il y aura ultérieurement des ajustements. »

 

5 mai 1967: création d’une association ayant pour objet de resserrer les liens nés ou à naître entre les utilisateurs des systèmes de traitement de l'information et des matériels de la COMPAGNIE INTERNATIONALE POUR L'INFORMATIQUE, leur permettre de mieux se connaître et de se communiquer les résultats de leurs expériences réciproques, en particulier au cours de deux assemblées prévues annuellement à Paris ou en province.
Cette association a pour nom « Cercle des Utilisateurs de matériels CII ».

25 mai : Première Assemblée du Cercle des Utilisateurs CII.

La première assemblée de cette association placée sous la Présidence de Monsieur Raymond MOCH, Sous-directeur du Laboratoire de Physique atomique et moléculaire du COLLÈGE DE FRANCE, a été tenue le 25 mai 1967 à Paris ; une centaine de personnes représentant 40 organismes publics et privés utilisant des ordinateurs CII étaient présentes.

Après les allocutions d'accueil de Monsieur MOCH et de Monsieur KALLMANN, Directeur de la Divi-ion Systèmes et Matériels d'informatique de la CII, la séance a commencé par la présentation des statuts et une explication détaillée des activités prévues par les membres du Cercle. Elle s'est poursuivie avec deux exposés, l'un portant sur les matériels CII actuellement en service, l'autre sur le premier ordinateur de la Série 10 000 ﷓ le 10 070 ﷓ commercialisé depuis octobre 1966 et qui sera mis en service au cours du deuxième trimestre 1968.

Le lendemain de cette première assemblée, les participants se sont réunis par groupes spécialisés selon les matériels qu'ils utilisent ; diverses communications ont été faites par les utilisateurs notamment sur leurs installations et sur les programmes qu'ils ont développés.

 

Mai 1967  : document en diffusion interne CII sur :

LE PLAN CALCUL ET LA CII

1 ﷓ Le Traitement de l'Information : élément moteur de progrès techniques et de modifications économiques.

L'application, dans pratiquement toutes les activités humaines, des nouvelles techniques de l'Informatique basées sur l'emploi des calculateurs électroniques, a contribué, dans une large mesure, depuis quelques années, non seulement au développement d'un grand nombre de domaines de la science et de la technique, mais aussi aux modifications des structures économiques et sociales.
Plus de 45.000 calculateurs d'une valeur totale dépassant 50 Milliards de francs sont déjà actuellement installés dans le monde dont environ le quart en Europe et un peu plus de 2.000 en France. Leur nombre s’accroît de plus de 25 % par an. En France, le Traitement de l'Information représente près du tiers du chiffre d'affaires des biens d'équipement électronique constituant eux-mêmes plus de 40 % du chiffre d'affaires total de l'Industrie Électronique.
Il faut remarquer que l'évolution rapide de l'Industrie du Traitement de l'Information exerce un effet moteur considérable sur le développement des disciplines de base et des technologies, composants entre autres, entrant dans la conception et la réalisation des matériels. Il faut aussi noter que l'importance de l'interaction, dans cette industrie, entre la conception et l'utilisation des matériels amène les équipes techniques des constructeurs à travailler de façon permanente à l'organisation et à l'exploitation des grands systèmes de Traitement de l'Information : industriels, scientifiques et militaires et à influencer ainsi l'évolution des structures dans tous les domaines d'équipement de l'économie, de la science et de la défense.
Pour maîtriser sa politique dans le domaine industriel du Traitement de l'Information aussi étroitement lié à son économie, ses recherches et son industrie électronique, la France doit être en mesure de disposer d'un potentiel industriel et technique complet propre à assurer l'indépendance de ses décisions.

II  Le Plan Calcul moyen de promouvoir en France l'Industrie du Traitement de l'Information.

La prise de conscience de l'importance capitale de l'industrie du Traitement de l'Information a conduit en juillet 1966 la CGE, Compagnie Générale d'Électricité, la CSF, Compagnie Générale de Télégraphie Sans Fil et Schneider S.A. à proposer aux Pouvoirs Publics un plan d'action visant à mettre sur pied dans un délai défini une Industrie Nationale du Traitement de l'Information capable d'assurer l'indépendance nécessaire aux stades des décisions et de l'utilisation. Ce plan prévoyait une aide de l’État et le regroupement au sein d'une nouvelle société de tous les moyens des trois Groupes dans le domaine du Traitement de l'Information.
Cette proposition a servi de base à un rapport établi par le Commissaire Général au Plan. Le Conseil interministériel du 19 juillet 1966 a approuvé ce rapport et a créé un poste de Délégué à l'Informatique responsable de la mise en œuvre du plan de développement en France de l'Informatique. Ce conseil a décidé, en ce qui concerne les relations État-Industrie, que le Délégué à l'Informatique serait l'interlocuteur unique de l'industrie et qu'il coordonnerait les actions des différentes administrations et organismes parapublics dans le domaine de l'Informatique. Ce même conseil a décidé que le Délégué à l'Informatique serait chargé de soumettre au Gouvernement un projet d'organisation d'un nouvel Institut de Recherche en Informatique et en Automatique, I.R.I.A., devant être axé sur la recherche fondamentale ainsi que sur la formation de base et le recyclage de spécialistes de la conception et de l'exploitation des systèmes de Traitement de l'Information.
Monsieur Robert GALLEY a été nommé Délégué à l'Informatique le 8 octobre 1966.
L'ensemble de ces actions et de ces décisions de natures diverses a été appelé PLAN CALCUL.

III La CII, Compagnie Internationale pour l'Informatique, instrument industriel central du Plan Calcul.

1. Création :
Créée le 6 décembre 1966, la CII, Compagnie Internationale pour l'Informatique, regroupe les activités ''Informatique'' des filiales de ses groupes fondateurs :
 la CAE, Compagnie Européenne d'Automatisme Électronique,
 la SEA, Société d'Électronique et d'Automatisme.
Dès 1964, les Groupes CGE et CSF avaient pris l'initiative de se rapprocher et de confier à une filiale commune 50/50 ﷓ la CITEC, Compagnie pour l'Informatique et les Techniques Électroniques de Contrôle ﷓ leurs activités dans les domaines de l'Automatisme, du Traitement de l'Information et de la Télétransmission. La CAE, dont la création remonte à 1960, est devenue, depuis, la filiale la plus importante de la CITEC. La CAE est spécialisée dans le traitement numérique de l'information et elle a atteint en 1966 un niveau de développement technique industriel et commercial lui permettant de constituer une base de départ solide à l'échelle européenne. La SEA, fondée en 1948 et devenue récemment filiale du Groupe Schneider, est plus spécialement orientée vers les études et a eu comme vocation la recherche et l'exploitation des techniques et technologies avancées dans les domaines du calcul numérique, du calcul analogique et de leurs applications à l'automatisme.
Dans le capital de la CII, la participation de la CGE et de la CSF par le canal de leur filiale commune, la CITEC, est de 56,40 %, la participation des Sociétés Intertechnique et Mines de Kali Ste Thé-rèse, déjà associées à la CITEC au sein de la CAE, est de 10,27 % et la participation de Schneider SA est de 33,33 %.
Le Conseil d'Administration de la CII présidé par M. Jacques MAILLET, par ailleurs Président d'Intertechnique, est composé de M. Robert REMILLON, Vice-Président Directeur Général, par ailleurs Président Directeur Général de la CITEC, M. Guy RENAUDIN, Vice-Président, représentant Schneider SA, M. Henri ALBERT, représentant la CSF, M. Jean AURICOSTE, Directeur Général Adjoint, M. François﷓Henri RAYMOND, Administrateur délégué à la politique des produits, M. Alain WILLK, représentant la CGE.

2. Relations entre l'État et la CII :
La Convention matérialisant les engagements réciproques de l'État et de la CII a été signée le 13 avril 1967 par quatre Ministres ainsi que par les représentants des Groupes fondateurs de la CII et des deux sociétés qu'elle regroupe. Cette Convention établie pour une durée de cinq années définit les actions de l'Industrie et de l'État qui permettront à la CII d'atteindre pour la fin de 1971 un potentiel et un vo-lume d'affaires la rendant apte à maîtriser sa politique industrielle, à maintenir puis accroître sa rentabilité et à tenir sa place sur les marchés français et international.
Cette Convention précise les étapes du développement technique, industriel et commercial sur lesquelles la CII s'est engagée. Elle définit les modalités de l'aide de l'État qui permettra à la CII de se développer au rythme requis pendant les cinq années de démarrage. Cette aide se traduira par la passation de marchés d'études et de recherches pour un montant global de l'ordre de 400 Millions de francs, remboursable en partie, et par l'octroi de certaines facilités de financement auprès d'organismes extérieurs ou de l'État. Cette aide se traduira également par une collaboration privilégiée qui facilitera, dans le respect des règles normales de la concurrence, l'implantation technique et commerciale de la CII. Cette collaboration résultera d'un dialogue technique sur les politiques et programmes d'équipement de matériels de traitement de l'information des organismes relevant de l'autorité de l'État ou de son pouvoir de tutelle. La Convention définit en outre les conditions dans lesquelles la CII verra sa structure financière progressivement développée par apports de capitaux de la part de ses groupes fondateurs, par autofinancement et par appel aux concours des organismes de crédit, la masse financière totale à engager pendant cinq ans étant de l'ordre de un milliard de francs.

IV ﷓ Lignes d'action de la CII.

Pour atteindre les objectifs généraux énoncés dans la Convention, compte tenu des appuis techniques et financiers de ses groupes fondateurs et de l'État, la CII a l'intention de développer son action selon les axes suivants :

1.﷓ Accroissement des moyens techniques, industriels et commerciaux sur la production et la mise en service dans les meilleures conditions de qualité et de rentabilité des matériels actuellement commercialisés par la CII.

2.– Choix, au départ, dans les types de matériels et d'applications de créneaux adaptés à l'implantation actuelle de la CII ainsi qu'à l'expérience actuelle de ses équipes et permettant une extension vers un éventail plus large correspondant à la vocation de CII.
A partir de développements propres à la CAE dans le domaine des systèmes, des matériels et périphériques temps réel et à partir d'une coopération avec la société américaine SDS, les filières d'application apportées par la CAE sont centrées sur les applications en temps réel, scientifiques, industrielles, et militaires avec les systèmes militaires 130/133, les systèmes de la série 90 et de la série 10.000. Les filières d'application apportées par la SEA, qui a réalisé en 1950 le premier calculateur électronique français et qui fut précurseur dans le calcul scientifique français, sont actuellement nettement orientées vers les applications spécialisées de gestion avec les systèmes de la série 4000.
L'interpénétration progressive des applications entraînera d'ailleurs une universalité croissante des ordinateurs produits et un élargissement de leur champ d'action. Cette universalité est déjà très marquée dans le catalogue actuel de CII et s'étendra dans le futur vers des gammes compatibles d'ordinateurs de puissance de traitement accrue.

3.– Expansion continue des moyens d'études et de recherches, ainsi que des moyens industriels, afin, d'une part, de développer et de produire une gamme de matériels, dite Gamme I, destinée à succéder progressivement à la gamme actuelle, d'autre part, de préparer suffisamment à temps les choix fondamentaux qui conditionneront la conception de la gamme suivante, dite Gamme II, devant succéder à son tour à la Gamme I.
La Gamme I destinée à pénétrer de façon significative dans les principaux secteurs du marché se composera de 4 systèmes PO, P1, P2, P3, de puissances croissantes. La conception de ces matériels repose sur les projets étudiés au cours de la période préparatoire au Plan Calcul proprement dit. Elle s'appuie sur des technologies propres et sur des technologies disponibles sur le marché national.
La Gamme II présentera, par rapport à la Gamme I, une originalité accrue et une plage plus large d'applications et de performances. Elle sera basée sur des technologies progressivement contrôlées de manière à assurer la maîtrise et la cohérence de la politique industrielle de la CII.

4.﷓ Accroissement des équipes d'assistance technique en vue d'apporter aux utilisateurs qui demandent non seulement des matériels mais surtout des services, toutes les compétences et l'expérience nécessaires.

5.﷓ Accroissement des équipes de dialogue avec les industries connexes telles que celles des composants ou des matériels associés avec lesquelles la CII, qui a la responsabilité complète d'un maître d’œuvre dans la conception, la production et la commercialisation de ses systèmes de traitement de l'information, entretient des relations directes étroites.

V ﷓ Évolution de la CII de 1967 à 1972.

La CII dispose, dans le domaine du Traitement de l'Information, des compétences dans les techniques avancées et des possibilités de débouchés complémentaires apportées par ses groupes fondateurs :
- la CGE, groupe français le plus important dans le domaine électrique et électronique,
– la CSF, première société française dans le domaine de l'électronique pure,
– et Schneider, groupe le plus important de l'industrie des biens d'équipement industriel.
Ces groupes, avec des effectifs de près de 200.000 personnes sont implantés à l'échelon mondial et couvrent de nombreux domaines d'activités.
La CII, instrument industriel central du Plan Calcul, a ainsi les ouvertures nécessaires sur un plan européen et mondial, susceptibles de lui donner la dimension propre à lui assurer un succès complet.
L'effectif actuel de la CII est de 2.700 personnes à très forte dominante technique puisqu'on y compte près de 700 ingénieurs et cadres techniques ainsi que 800 techniciens.
Ses locaux occupent dans la région parisienne une surface de 40.000 m² pour moitié dans un centre récemment construit dans la commune des Clayes-sous-Bois, près de Paris.
Plus de 500 systèmes de Traitement de l'Information ont été installés à ce jour par la CAE, la SEA et la CII.
Le chiffre d'affaires de 1966 a été de 180 Millions de Francs.
D'ici à 1972, la CII triplera son chiffre d'affaires, portera ses effectifs à près de 6.000 personnes et utilisera des locaux occupant une surface d'environ 100.000 m² (Direction Générale et Services Commerciaux dans l'Ouest de Paris ﷓ Services Techniques aux Clayes-sous-Bois ﷓ Recherches et Production à Toulouse).

4 juillet 1967 : communiqué de presse CII annonce du 10010

La CII, Compagnie Internationale pour l'Informatique, annonce le lancement de l'ordinateur 10 010.

Cet ordinateur est le premier ordinateur européen de la troisième génération dont le prix modeste, la robustesse, l'encombrement réduit et les performances élevées répondent dans le domaine des applications en temps réel et des applications scientifiques aux besoins d'un marché important en rapide expansion.
Cet ordinateur est aussi le premier ordinateur lancé par la CII, instrument industriel central du Plan Calcul. Créée le 6 décembre dernier par regroupement des activités "Informatique" de la CAE, Compagnie européenne d'Automatisme Electronique et de la SEA, Société d'Electronique et d'Automatisme, la CII rassemble depuis cette date dans le domaine du Traitement de l'Information, tous les moyens de ses groupes fondateurs, d'une part la Compagnie Générale d'Électricité CGE et la CSF, Compagnie générale de télégraphie Sans Fil, par le canal de leur filiale commune la CITEC, Compagnie pour l'Informatique et les Techniques Électroniques de Contrôle, d'autre part Schneider S.A. ainsi que la Société Intertechnique.

L'ordinateur 10 010 a été conçu et développé pendant la période qui a précédé la signature, dans le cadre du Plan Calcul, de la Convention entre l'État et la CII. Son lancement pendant la période de préparation des systèmes du Plan Calcul souligne l'effort industriel et commercial fait par la CII sur sa gamme actuelle de systèmes et matériels de Traitement de l'Information.
L'ordinateur 10 010 est basé sur une technologie à circuits intégrés et sur une mémoire à tores de ferrite dont le cycle de base est de 1 microseconde et dont la capacité peut être portée de 4000 à 64.000 octets par blocs de 4000 octets
Les moyens de communication du 10 010 avec l'extérieur sont très développés, soit par des liaisons standard auxquelles se raccordent les périphériques standards de la CII, soit par des liaisons programmées, soit par des liaisons par signaux d'interruption, soit enfin par des liaisons directes auxquelles se raccordent les matériels nécessitant des transferts à cadence élevée.
L'ordinateur 10 010 dispose d'un système de programmation complet. Ce système de programmation comprenant en particulier un assembleur ASTROL, un compilateur FORTRAN et un programme de supervision, est orienté vers une grande facilité et une grande souplesse d'emploi.
L'ordinateur 10 010 est donc bien adapté à la solution des problèmes de commande directe de processus industriels ainsi qu'à la solution des problèmes d'acquisition ou de transmission de données en particulier en périphérique éloigné dans les systèmes de grande et moyenne puissance ou dans les installations complexes de télémesure et de télécontrôle.
Sur le plan de la commercialisation du 10 010, tout en poursuivant son activité dans ses domaines traditionnels, la CII a l'intention de porter son effort principal sur les ventes directes, assorties de remises spécifiques et par quantités, aux constructeurs de matériels de Traitement de l'Information et aux sociétés d'études de systèmes de manière à leur permettre d'incorporer les équipements 10 010 dans leurs propres systèmes d'automatisation industrielle,

10 juillet 1967 : communiqué de presse (en date du 12 juillet) :

La CII va augmenter son capital de 36 millions de francs.

Sur proposition du Conseil, l’Assemblée Générale des actionnaires de la CII, Compagnie Internationale pour l’Informatique, réunie le 10 juillet 1967, a décidé d’augmenter le capital de 36 millions de francs en numéraire. Une première augmentation de 12 millions de francs sera souscrite avant la fin du mois de juillet ; les augmentations ultérieures interviendront sur simple appel du conseil.
A ces augmentations de capital en numéraire viendra s’ajouter une importante augmentation de capital en nature qui résultera de la réalisation juridique des apports à la CII des activités « Informatique » de ses groupes fondateurs, activités exercées par la CAE, Compagnie européenne d’Automatisme Electronique, et la SEA, Société d’Electronique et d’Automatisme.
Ces activités sont déjà gérées effectivement par la CII qui, créée en décembre dernier, dispose ainsi des moyens de ses groupes fondateurs : la Compagnie Générale d’Electricité et la CSF, Compagnie générale de télégraphie Sans Fil par le canal de leur filiale commune la CITEC, Schneider SA et Intertechnique.

Au 24 juillet 1967: le capital de la CII au montant de de 13 millions de francs se  répartit comme suit :
- 63,72 % pour CITEC
- 1,69 % pour groupe Schneider
- 1,24 % pour KALI SAINTE THERESE
- 33,33 % pour SCHNEIDER
- 0,02 % divers

 

9 septembre 1967 : dans ENTREPRISE numéro 626, un article de Rémi SADOUX intitulé :

LE PARI DU PLAN CALCUL

La C.I.I., ou Compagnie internationale pour l'informatique, fonctionne officiellement depuis le 6 décembre 1966. Elle regroupe les moyens « informatique » de ses fondateurs – C.G.E., C.S.F., Schneider et groupe Rivaud - et doit permettre le « décollage » d'une industrie française à l'échelle internationale.

Le Plan Calcul a un an d'existence. Son but : permettre à la France de mettre sur pied, dans les cinq ans à venir, une industrie nationale du traitement de l'information. L'enjeu est de taille : l'informatique joue, en effet, un rôle déterminant dans la compétition économique internationale, et les activités de « matière grise » et les services dominent désormais l'économie. L'informatique pénètre et transforme la vie des entreprises comme celle des individus et, pour la contrôler et la communiquer, les industriels doivent faire appel aux ordinateurs.

Pourquoi un Plan Calcul ?

Le premier problème consiste donc à construire ces calculateurs dont l'évolution technique est vertigineuse et qui abordent, déjà, la quatrième génération. Mais à ce problème purement technique s'en ajoute un second, non moins important : la machine ﷓ le hardware ﷓ ne vaut que par son mode d'emploi, le software, c'est-à-dire l'ensemble des méthodes qui permettent de « communiquer » avec la machine. Aussi la création d'une industrie des ordinateurs exige-t-elle également la mise en place d'une infrastructure de recherche, de programmation, d'assistance aux entreprises et de marketing qui représente un nombre considérable d'emplois nouveaux. Ainsi, on estime que l'industrie de l'informatique utilisera aux États-Unis 1 800 000 personnes à plein temps en 1970 et, en France, on devrait atteindre 4 à 500 000 emplois vers 1975-1980...
Devant l'ampleur des efforts à accomplir et des investissements à engager, certains ont pu se demander s'il était vraiment indispensable que la France se lance dans l'aventure. L'affaire Bull et les difficultés rencontrées récemment en ce domaine par un groupe aussi puissant que la General Electric ne devaient-elles pas nous inciter à recourir aux réalisations étrangères ? A cette objection, qu'ils sont loin de sous-estimer, les promoteurs du Plan Calcul ont répondu que l'enjeu était tel qu'il méritait que l'on tente le pari : l'informatique intervenant de plus en plus dans la préparation des décisions, notre pays ne pouvait se permettre de restreindre, en s'en remettant à l'étranger, son autonomie politique et économique. D'autre part, les industries de matière grise, et le software en particulier, vont, comme nous l'avons dit plus haut, entraîner la création d'un nombre considérable d'emplois qu'il serait dangereux de négliger à l'heure où le marché du travail devient plus tendu en raison de l'afflux des jeunes classes et de la compression des effectifs dans de nombreux secteurs en cours de transformation technologique ou structurelle tels que les charbonnages par exemple.
Cela dit, il était évident que la création d'une industrie de l'informatique allait exiger une collaboration étroite entre l'État et l'industrie privée. Car il faut préciser qu'il ne fut nullement dans l'intention des Pouvoirs publics de créer une industrie « nationalisée » de l'informatique. Cette opération ne peut en effet, être entreprise avec succès que par l'industrie privée. Une part très importante des débouchés concernant le secteur privé, l'État s'estimait en conséquence mal placé pour intervenir sur un marché très évolutif, qui exige des études approfondies et une connaissance permanente des besoins des sociétés. En revanche, les mêmes Pouvoirs publics avaient l'intention de stimuler un secteur clé en l'aidant à assurer son financement pour la réalisation d'un programme, d'un plan définis en commun.
Ajoutons du reste que ces préoccupations ne sont pas propres à la France. Aux États-Unis, qui ne sont pas suspects de dirigisme, les pouvoirs publics ont toujours joué un rôle analogue ; et le Japon, pour ne citer que ces deux exemples, vient à son tour d'adopter un plan calcul qui portera sur 2,5 milliards de F pendant cinq ans.

Les partenaires

Tels sont les principes qui ont inspiré la création du Plan Calcul. Les premières études remontent en fait à la fin de l'année 1964, lorsque la D.R.M.E. et la D.G.R.S.T. confèrent à la Compagnie européenne d'automatisme (C.A.E.) et à la Société d’Électronique et d’Automatisme (S.E.A.) le soin d'étudier une gamme d'ordinateurs de conception française. Les rapports des deux sociétés furent examinés par une commission officielle présidée par Marcel Boiteux, directeur de l'E.D.F., dont les conclusions sont à l'origine du Plan Calcul proprement dit.
Un an plus tard, le 19 juillet 1966, le Conseil interministériel approuvait un rapport établi par le commissaire général au Plan sur la base d'un plan d'action présenté par C.G.E., C.S.F. et Schneider, et créait en même temps le poste de délégué à l'informatique. Ce délégué serait « l'interlocuteur unique de l'industrie et le coordinateur des actions des différentes administrations et organismes parapublics intéressés ». Le 8 octobre suivant, Robert Galley réalisateur de Pierrelatte, quarante-sept ans, était nommé délégué à l'informatique : le Plan Calcul avait officiellement pris naissance.
Les deux « opérations » suivantes consistèrent, d'une part, à créer une nouvelle société entièrement contrôlée par des capitaux français et qui serait chargée de la conception, de la production et de la commercialisation de systèmes de traitement de l'information, et, d'autre part, à mettre au point les modalités de l'action concertée entre les pouvoirs publics et l'industrie privée et, notamment, une nouvelle société qui devait regrouper les moyens déjà existants en France.
A cet égard, certaines entreprises – telles que l'Électronique M. Dassault ou la S.N.E.R.I., filiale de Thomson – disposaient bien d'une gamme évoluée, mais il s'agissait de matériels très spécialisés, destinés à une clientèle particulière, aéronautique ou militaire par exemple. En revanche, en ce qui concernait les systèmes d'usage général de traitement numérique de l'information qui devait faire précisément l'objet du Plan Calcul (Bull, désormais affiliée à G.E., ne pouvant plus intervenir), les entreprises françaises concernées étaient en nombre très restreint.
La plus ancienne est la S.E.A. créée en 1948 par François Raymond. Elle fut le précurseur du calcul scientifique français et était parvenue à mettre au point, à partir de ses propres techniques, un certain nombre de matériels très évolués tels que le « SEA 3900 », sorti presque en même temps que le « 1401 » d'I.B.M., et qui équipa notamment le Crédit Lyonnais. Son développement fut malheureusement freiné par le manque de moyens financiers nécessaires pour lutter à armes égales avec ses concurrents étrangers et la société fut finalement intégrée au groupe Schneider en 1965.

Des regroupements en chaîne

La C.S.F. qui s'était, pour sa part, intéressée aux calculateurs analogiques utilisés à des fins scientifiques avait créé, en 1960, la C.A.E. avec les participations d'Intertechnique et de Thompson Ramo Wooldridge rachetées depuis. En 1964, la C.G.E. et la C.S.F. regroupèrent leurs activités dans le domaine de l'automatisme du traitement et de la transmission de l'information autour d'une filiale commune 50/50 : la C.I.T.E.C., ou Compagnie pour l'informatique et les techniques électroniques de contrôle. La C.A.E. devint alors filiale de la C.I.T.E.C. spécialisée dans le traitement de l'information, et reçut des apports d'origine C.G.E., c'est-à-dire : les services automatisme industriel et traitement de l'information de la division information de la C.I.T. et la société C.E.G.I.S. à travers laquelle la C.G.E. avait, dans le domaine des ordinateurs, établi une collaboration avec la firme américaine S.D.S. (Scientific Data Systems).
En 1966, le chiffre d'affaires réalisé par la C.A.E. s'est élevé à 129 millions de F et ses activités, à la veille de la création de C.I.I., couvraient trois domaines principaux d'applications : calcul scientifique, automatisme industriel et « temps réel », applications militaires et spatiales.

La convention du 13 avril

Ajoutons qu'une autre société, la S.E.T.I., filiale de la Compagnie des compteurs, avait acquis à cette époque une licence américaine de la Packard Bell et développé par la suite un ordinateur moyen : le Pallas. Cependant, la Compagnie des compteurs décida de ne pas poursuivre de nouveaux développements au niveau des ordinateurs proprement dits et préféra orienter ses efforts vers le secteur des périphériques, notamment à la création de la S.P.E.R.A.C. dont nous parlerons plus loin. En résumé, dans le domaine des systèmes de traitement de l'information d'usage général, seules la C.A.E. et la S.E.A. réunissaient les moyens propres à assurer, au sein d'une nouvelle société, la base de départ d'une industrie nationale du traitement de l'information.
Dès la fin juillet 1966, les activités Informatique des deux sociétés avaient donc été coordonnées par un comité de direction unique qui préparait, également, les fusions. C'est le 6 décembre suivant que la C.I.I.  ou Compagnie internationale de l'informatique – était créée. Mais restait à mettre définitivement au point les modalités de l'action concertée de l'État et de la nouvelle société. Les négociations furent délicates et il fallut attendre le mois d'avril dernier pour que cette convention État - C.I.I. vît effectivement le jour.
En fait, ce délai s'explique si l'on songe qu'en plus des difficultés inhérentes à toute fusion, l'association mettait en présence des sociétés très différentes : d'une part la C.A.E., patronnée par deux groupes très puissants, spécialisée dans le traitement numérique de l'information et ayant atteint un stade de développement technique et commercial constituant une bonne base de départ à l'échelle européenne; et, d'autre part, la S.E.A., fabriquant des calculateurs moyens plus spécialement destinés aux applications scientifiques. A cela s'ajoute le fait qu'il fallait déterminer la contribution respective du gouvernement et des sociétés intéressées, et enfin préciser la vocation de la C.I.I. à qui certains auraient voulu confier la réalisation complète des ordinateurs, avec la totalité de leurs « périphériques » et même des composants nécessaires.
Signée le 13 avril dernier par quatre ministres, les représentants des groupes intéressés et les animateurs de la C.I.I. (Jacques Maillet président et Robert Rémillon, vice-président-directeur général), la convention, que nous allons étudier maintenant, a donc un double objet : d'une part, elle établit les bases d'une action concertée qui sera poursuivie pendant une première période de cinq ans et, d'autre part, elle représente la première étape de la mise en place de l'instrument industriel central du Plan Calcul.

Quels matériels?

Le choix des matériels qui devront être réalisés au cours de cette période a fait l'objet d'une étude approfondie. Les ambitions de la C.I.I. sont, à cet égard, modérées car il n'était pas question, naturellement, de couvrir la gamme complète des ordinateurs. Suivant le programme prévu par la convention, la C.I.I. doit ﷓ au moins dans une première étape, et à partir des matériels de sa gamme actuelle ﷓ réaliser des machines moyennes ; cela exclut à la fois les petites machines de gestion du type Gamma 10 de Bull et les très puissants ordinateurs comparables au 6600 de Control Data. Cette gamme n° 1 se composera donc de quatre matériels baptisés PO, Pl, P2 et P3 et qui ont, d'ores et déjà, été étudiés au cours de la période de préparation du Plan Calcul. De puissances croissantes, ils utiliseront les circuits intégrés et les trois premiers seront totalement compatibles entre eux :
· PO est un petit système adapté aux applications industrielles en temps réel et au calcul scientifique.
· Pl est un système moyen universel adapté aux applications scientifiques, au temps réel, et en particulier aux ap-plications gestion.
· P2 est un système universel puissant destiné à couvrir une large plage d'applications.
· P3 enfin, est le système le plus puissant destiné aux applications les plus évoluées dans le domaine scientifique et le temps réel.
Ajoutons que cette première gamme, dont deux matériels comprendront également une version militaire, sera ultérieurement complétée par un calculateur encore plus puissant : P4. La C.I.I. doit en outre préparer les choix fondamentaux qui préluderont à la conception de la gamme II. Celle-ci devra présenter une originalité accrue, une plage plus étendue d'applications et de performances, et sera fondée sur des technologies qui devront assurer la maîtrise et la cohérence de la politique industrielle de la société.
En ce qui concerne le concours des Pouvoirs Publics, l’État s'est engagé à passer avec la C.I.I., au cours de cette première période de cinq ans, des marchés d'études et de recherches pour un montant global de l'ordre de 400 millions de F, somme qui devra être remboursée à la concurrence de près de la moitié. L'aide de l'État se traduira également par l'octroi de sa garantie pour l'obtention de la moitié des financements extérieurs classiques que la C.I.I. utilisera au cours des cinq premières années de son existence. La convention définit de plus les conditions du développement de la structure financière de la C.I.I. par apports de capitaux de la part de ses groupes fondateurs, par autofinancement et par appel aux concours des organismes de crédit.
Dans ces conditions, la masse financière totale à engager, au cours des cinq prochaines années, est de l'ordre de 1 milliard de F. Mais il ne s'agit là que d'une estimation, les programmes étant naturellement fonction des débouchés et les sociétés intéressées pouvant accroître, en cours de route, les investissements prévus. “La vocation de la C.I.I., précise Robert Rémillon, vice-président-directeur général, ne consiste pas seulement à produire des unités centrales d'ordinateurs, mais à réaliser des systèmes complets de traitement de l'information, mode d'emploi inclus. A ce titre, elle fabrique elle-même certains périphériques et procède aussi à des travaux de définition de composants et de certains autres périphériques, en liaison avec des fournisseurs extérieurs. Car il est évident que la C.I.I. ne peut tout faire elle-même. Aussi doit-elle s'adresser à des fournisseurs pour les composants, et, pour partie, à des sous-traitants ou à des fournisseurs pour les périphériques. Ces fournisseurs extérieurs peuvent être soit des sociétés françaises, soit des sociétés d'origine étrangère; mais la priorité sera, bien entendu, accordée à l'industrie nationale dans toute la mesure du possible. »

Pour les périphériques

C'est ainsi qu'une gamme de matériels périphériques - mémoires magnétiques à ruban et à disques, terminaux de télégestion, etc. - sera développée par la S.P.E.R.A.C., Systèmes et Périphériques Associés aux Calculateurs, filiale commune de la Compagnie des Compteurs et de la compagnie Thomson-Houston-Hotchkiss-Brandt. Ces deux sociétés sont, en effet, déjà très bien implantées sur le marché des matériels périphériques.
Ainsi, la Thomson réalise actuellement un important programme de télégestion et son chiffre d'affaires, dans ce domaine, a approché 20 millions de F en 1966 et doit plus que doubler d'ici la fin de 1968. La Compagnie des compteurs, de son côté, fait porter ses efforts notamment sur l'enregistrement magnétique, et son chiffre d'affaires en périphériques est du même ordre de grandeur que celui de la Thomson. Précisons, cependant, que ces deux sociétés ne cesseront pas pour autant leurs activités touchant les unités centrales, mais elles s'intéressent, on le sait, en ce domaine à des matériels spécifiques (tel le 1050 conçu et fabriqué par la S.N.E.T.I., filiale de la Thomson pour l'équipement des systèmes d'armes), matériels qui ne recoupent pas la gamme du Plan Calcul.
« La S.P.E.R.A.C., précise son président Edouard Guigonis, va donc regrouper les activités de la Thomson et de la Compagnie des Compteurs touchant aux périphériques de gestion, les autres périphériques - les câbleurs industriels, par exemple - restant propres aux deux sociétés-mères. Elle développera également dans ce domaine un catalogue de matériels nouveaux. Enfin, elle vendra ses matériels, sur une base aussi large que possible, non seulement aux constructeurs de calculateurs - C.I.I. en tête- mais également aux utilisateurs privés ou publics, de façon à appuyer le succès de la gamme d'ordinateurs du Plan Calcul et aussi à élargir la part des fournitures françaises sur le reste du marché. »
A ce propos, précisons qu'une convention, analogue à celle que nous avons évoquée, doit être très prochainement signée entre la S.P.E.R.A.C. et les Pouvoirs publics. Elle définira le programme technique relatif à certains des périphériques qui ne seront pas développés par la C.I.I. et qui seront nécessaires pour les systèmes de cette dernière. Cette convention fixera, comme pour la C.I.I., les modalités de l'aide de l'État et les engagements de la S.P.E.R.A.C. et de ses sociétés mères. Par ailleurs, un protocole entre la C.I.I. et la S.P.E.R.A.C. définira les modalités de leur collaboration, compte tenu de la responsabilité d'ensemble qu'assume la C.I.I. dans le Plan Calcul.

Regroupement dans les composants

On sait, d'autre part, que les composants électroniques dont l'utilisation connaît actuellement une progression spectaculaire dans tous les domaines  électronique industriel, matériels grand public, etc.  représentent également une fraction importante du coût des unités centrales des ordinateurs. Il était donc indispensable d'assurer, là aussi, à l'industrie française une certaine autonomie. Sans doute les marchés d'études du Plan Calcul proprement dit pré-voient-ils dès maintenant la définition de certains composants, mais il apparut aussi nécessaire aux Pouvoirs publics d'encourager cette industrie en tant que telle pour lui permettre de développer encore son potentiel et d'améliorer sa position vis-à-vis des fabricants étrangers. Aussi le Plan Calcul proprement dit sera-t-il vraisemblablement assorti d'un programme « composants » qui s'articulera autour des principales sociétés spécialisées.
Or plusieurs d'entre elles viennent précisément de décider de regrouper leur potentiel. C'est ainsi que la Compagnie générale d'électricité, d'une part, et la Compagnie française Philips et La Radiotechnique, d'autre part, ont décidé de grouper leurs activités semi-conducteurs ﷓ circuits intégrés, condensateurs, résistances et micro﷓électronique en général ﷓ au sein d'une société commune qui a pris le nom de « R.T.C.﷓La Radiotechnique Compelec ». Celle-ci rassemble donc :
1. Les activités du groupe C.G.E. jusqu'alors exercées par sa filiale la Compagnie française générale des composants électroniques Compelec ;
2. Les activités composants électroniques de la Compagnie française Philips et de La Radiotechnique exercées par leur filiale, La Radiotechnique-Coprim ;
3. Les activités des deux groupes C.G.E. et Philips exercées par la Compagnie générale des condensateurs (COGE-CO), société dont la C.G.E. possède 60% du capital, le complément étant détenu par la Compagnie française Philips et La Radiotechnique.
Avec des effectifs qui s'élèvent à 7 000 personnes, un chiffre d'affaires de 500 millions de F et huit centres industriels, la nouvelle société compte désormais parmi les plus importantes entreprises européennes dans ce secteur. Elle bénéficiera de l'appui du centre de recherche C.G.E. de Marcoussis ainsi que des laboratoires de Philips tant en France, Laboratoires d'électronique et de physique appliquée (L.E.P.), qu'en Hollande.
Ce regroupement sera probablement suivi d'un rassemblement des activités correspondantes de la C.S.F. (CO-SEM) et de la SESCO, dans laquelle la Thomson est associée à la General Electric, et de la SILEC. Il va permettre, entre autres conséquences, de faciliter la réalisation d'un véritable programme composants lié au Plan Calcul. Mais il est aussi extrêmement important pour l'avenir de l'industrie des composants dans son ensemble et pourrait faciliter, dans un avenir plus ou moins lointain, des accords à l'échelle européenne dans le domaine de l'informatique.
Cela étant précisé, quelles sont les chances de réussite du Plan Calcul ?

Un problème clé le « software »

En ce qui concerne le potentiel industriel, tout d'abord, on constate qu'il a fallu mobiliser l'essentiel des ressources de l'industrie nationale. Sont-elles suffisantes ? Les promoteurs du Plan Calcul sont pleinement conscients, en tout cas, qu'ils ont affaire à forte partie...
Actuellement, les sociétés regroupées au sein de la C.I.I ont réalisé 180 millions de F de chiffre d'affaires en 1966 et emploient au total 2 700 personnes, dont près de 700 ingénieurs et cadres techniques ainsi que 800 techniciens. Ses locaux occupent, dans la région parisienne, une surface de 40 000 m² et elle possède notamment un centre récemment construit à Clayes-sous-Bois, près de Paris. D'ici à 1971, la C.I.I. envisage de presque quadrupler son chiffre d'affaires, de porter ses effectifs à près de 6 000 personnes et d'utiliser des locaux occupant une surface d'environ 100 000 m² : direction générale et services commerciaux dans l'ouest de Paris, services techniques à Clayes-sous-Bois, et recherches et production à Toulouse.
Il n'est donc nullement question pour elle de rivaliser avec un « géant » comme I.B.M. qui réalise un chiffre d'affaires consolidé de plus de 20 milliards de F et dont le réseau commercial est implanté dans le monde entier. Des expériences récentes incitent d'ailleurs à la prudence : lors de ses difficultés, la Compagnie des machines Bull disposait de moyens deux fois et demi plus importants que la C.I.I. n'en aura d'ici cinq ans, et, aux États-Unis même, de nombreuses sociétés spécialisées ont dû déclarer forfait au cours des dernières années...
C'est dire que les prochains mois seront décisifs. Si elle veut conserver son autonomie, la direction de la C.I.I. doit très rapidement mettre sur pied une équipe homogène et unifier des politiques jusqu'alors souvent différentes. Elle devra également développer son réseau commercial et son service après-vente ﷓ à la fois en France et à l'étranger ﷓ et l'on sait qu'un tel réseau exige des moyens considérables, tant en spécialistes qualifiés qu'en investissements publicitaires et matériels : création de succursales, de bureaux, etc.
Mais la mise en place d'une industrie des ordinateurs nécessite également, comme nous l'avons rappelé au début de cette étude, le développement de tout un ensemble d'activités qui permettront la mise en œuvre des matériels proprement dits. On a souvent dit qu'un ordinateur seul n'est qu'un outil : encore faut-il fournir en même temps à ses utilisateurs le mode d'emploi. Ce mode d'emploi ﷓ le software ﷓ nécessite chez tous les constructeurs l'utilisation d'importantes équipes de programmeurs et occupe dès maintenant aux États-Unis de nombreuses entreprises qui réalisent plusieurs dizaines de millions de dollars de chiffre d'affaires.
Or, comme le remarquait récemment Robert Lattès , c'est en ce domaine que l'écart entre les États-Unis et la France est le plus marquant. Sans doute existe-t-il dès maintenant en France des sociétés spécialisées, et bien équipées, capables d'aider efficacement les entreprises pour l'utilisation des ordinateurs. Mais le développement de l'informatique ne se heurte pas moins à de multiples obstacles : jusqu'à présent, la majorité des premières applications de l'informatique ont été faites par des centres publics, tels que le C.E.A. et l'E.D.F., et la plupart des entreprises privées ne sont pas encore prêtes à mettre en œuvre les applications administratives, comptables et commerciales des ordinateurs.

Les chances d'une coopération européenne

Un autre frein est constitué par nos télécommunications dont le retard entrave le développement du téléprocessing, c'est-à-dire l'installation de lignes de transmission permettant de connecter les utilisateurs sur une ou plusieurs machines centrales gérant les dossiers et les fichiers. Enfin, la réussite du Plan Calcul exige que l'on fasse un effort considérable en ce qui concerne la formation : formation de techniciens pour la construction des matériels mais également, et surtout, formation de spécialistes du traitement de l'information. Certaines universités ﷓ telles celles de Paris, Grenoble ou Toulouse ﷓ ont bien créé des centres spécialisés, mais nous aurons encore beaucoup à faire pour que l'informatique occupe, dans notre enseignement supérieur, une place comparable à celle qui lui est faite aux États-Unis.
A cet égard, un organisme - l'Institut de recherche en informatique et automatique (I.R.I.A.) - a été créé en novembre dernier pour coordonner et stimuler les études, notamment au niveau du software, et pour participer à la formation de spécialistes de haut niveau. Animé par le professeur Laudet, de l'université de Toulouse, il travaillera en liaison étroite avec toutes les entreprises intéressées par l'informatique.
En conclusion, on peut dire que le pari du Plan Calcul ne sera gagné qu'à la condition de ne négliger aucun des aspects du problème. Ses promoteurs doivent à la fois faire preuve d'une très grande prudence et, en même temps, agir très vite car il est probable qu'un échec dans les cinq ans à venir risquerait fort de ne pouvoir jamais être surmonté.
Dans ces conditions, certains se sont demandés si nous n'aurions pas intérêt à conjuguer rapidement nos efforts avec les pays européens les plus avancés. La Grande-Bretagne, en particulier, compte plusieurs sociétés de tout premier plan telles que Elliot Automation, Data Processing Ltd du groupe Elliot Automation, English Electric Computers Ltd et l'International Computers and Tabulators Ltd (I.C.T.), l'un des « géants » mondiaux de l'informatique. Mais les responsables du Plan Calcul estiment, à juste titre, qu'avant de s'associer, il convient d'avoir soi-même quelque chose de solide à offrir. Il faut cependant souhaiter que les relations entre constructeurs européens deviendront plus étroites et qu'à partir de problèmes techniques concrets, une véritable coopération pourra être amorcée, par exemple en ce qui concerne le développement des gammes futures de matériels.

 

La carte d'identité de la Compagnie internationale pour l'informatique (C.I.I.) à mi-1967:

Capital .
· 63,73 % C.I.T.E.C. (filiale à parts égales de C.S.F. et C.G.E.).
· 33,33 % Schneider S.A.
· 2,94 % Intertechnique et Mines de Kali Sainte-Thérèse (groupe Rivaud).

Conseil d'administration.
· Jacques Maillet : président (président d'Intertechnique) ;
· Robert Rémillon : vice-président directeur général (président de C.I.T.E.C.) ;
· Henri Albert : administrateur (C.S.F.) ;
· Jean Auricoste : administrateur, directeur général adjoint ;
· François-Henri Raymond : administrateur, délégué à la politique des produits ;
· Alain Willk : administrateur (CGE).

Marchés actuels.
· C.A.E. : applications en temps réel, scientifiques, industrielles, militaires et aérospatiales ;
· S.E.A. : construction du premier ordinateur électronique en France, orientée vers les applications spécialisées de gestion.
La C.I.I. est donc présente actuellement dans le domaine de la gestion (ensembles moyens), des applications industrielles en temps réel, des applications scientifiques et militaires et aérospatiales. Plus de cinq cents systèmes de traitement de l'information ont été installés à ce jour par la C.A.E., la S.E.A. et la C.I.I.

Chiffre d'affaires des sociétés participantes : 180 millions de F en 1966.

Effectifs : 2 700 personnes (dont près de 700 ingénieurs et 800 techniciens). Prévisions fin, 1971 : 6 000 personnes.

Usines : Clayes-sous-Bois et Courbevoie. En projet : une usine à Toulouse et un centre administratif et commercial dans l'ouest de Paris.

13 septembre 1967: signature d’un protocole d’intention entre Thomson et CSF visant « à unir leurs efforts en constituant un puissant groupe industriel contrôlé par des capitaux français ».
L’opération a lieu sous l’égide de la Banque de Paris et des Pays-Bas et avec la bénédiction des pouvoirs publics. L’omniprésente Paribas s’inquiète de la chute des bénéfices de la CSF et, surtout, de la suppression des dividendes. Pour sauvegarder les apparences, on ne parle pas officiellement d’absorption, mais de réorganisation.
Thomson-Brandt apporte ses activités dans « l’électronique professionnelle » à une nouvelle société (qui comprendra également les actifs de CSF), dont il sera le principal actionnaire avec 46 % du capital. Maurice Ponte quitte la CSF.

 

16 novembre 1967 : d'après Le Monde daté du 18 novembre : M. Bernard Dorléac devient l’un des responsables de la réalisation du « Plan Calcul »

M. Bernard Dorléac a été nommé, jeudi matin, directeur général de la CII, qui est l’instrument industriel du « plan calcul ». Ces fonctions étaient auparavant exercées par M. Robert Rémillon, qui avait demandé à en être déchargé, voulant se consacrer pleinement à ses fonctions de président-directeur général de la CITEC (Compagnie pour l’informatique et les techniques électroniques de contrôle). M. Robert Rémillon demeure vice-président du conseil d’administration de la CII.
[Né en 1923, licencié ès sciences, diplômé d’études supérieures de mathématiques, ingénieur militaire de l’air, M. Dorléac a notamment été directeur du programme des fusées françaises à la Société d’études et de réalisation des engins balistiques (SEREB). Il est l’un des responsables de la réalisation du lance-satellite Diamant. M. Dorléac est chevalier de la Légion d’honneur.]

14 décembre 1967 : étude présentée par la Section de la Production industrielle et de l’énergie, du Conseil Économique et Social, sur le rapport de M. Pierre Lhermitte, sur les : [rapport Lhermitte]

Conséquences prévisibles du développement de l’automatisation de la gestion des entreprises

Ce rapport comporte trois grandes parties :
· Les techniques de l’informatique de gestion.
· Les applications de l’informatique de gestion aux entreprises industrielles.
· Les conséquences de l’automatisation de la gestion dans les entreprises industrielles

Nous ne reproduisons ici que les conclusions.

CONCLUSIONS

Au terme de son étude sur les conséquences prévisibles de l’automatisation de la gestion dans les entreprises industrielles, la Section de la Production industrielle et de l’énergie tient à souligner la très grande influence de ces techniques sur l’évolution et les structures de l’univers économique de demain et, en particulier, des entreprises industrielles.
Les réalisations connues, tant en Europe qu’aux États-Unis, semblent ne devoir représenter qu’un premier pas dans la voie des mutations profondes auxquelles on est en droit de s’attendre.
Certes, le phénomène se développera sur une longue période et constituera probablement l’une des caractéristiques essentielles de l’adaptation des économies modernes aux techniques nouvelles au cours des quinze ou vingt prochaines années. L’enjeu pour ces économies est d’importance : leur productivité et leur capacité concurrentielle dépendront très largement de la façon dont elles auront su assimiler ces méthodes et préparer l’ère nouvelle de l’automatisation ainsi que de la rapidité – relative par rapport à leurs concurrents – avec laquelle elles auront mis en œuvre ces techniques.
Parallèlement aux réorganisations structurelles – et complémentairement à celles-ci – l’informatique représentera au cours des prochains lustres, la grande chance de l’Europe occidentale. En effet, l’avance des Etats-Unis – comme le retard des Républiques démocratiques de l’Est en sens inverse – ne se chiffre que par quelques années d’expérience d’une technique qui cherche encore ses voies et sa forme définitive ; des évolutions marquantes sont encore attendues. Par ailleurs, l’Europe occidentale, et en particulier la France, dispose d’ores et déjà de quelques exemplaires, dans des domaines limités, certes, mais qui se situent néanmoins à l’avant-garde des réalisations existantes.
Ainsi l’avenir est-il largement ouvert pour notre Pays, et il importe que tout soit mis en œuvre, au cours des prochaines années – et le plus rapidement possible – pour que notre industrie et notre économie gagnent ce pari.
La mise en place du Plan calcul et la création de la Délégation à l’Informatique constituent une initiative favorable dans ce sens et une mesure susceptible de contribuer largement à ce résultat ; mais il apparaît également qu’au-delà du développement de l’industrie française de l’informatique – qui constituait indéniablement un objectif prioritaire – il est essentiel de promouvoir l’information, les réformes et les mutations nécessaires pour que l’informatique entre dans les mœurs et devienne un véritable état d’esprit.
C’est d’ailleurs une condition nécessaire à la réussite de la face industrielle du Plan calcul, que de créer les conditions favorables au développement rapide et profond de l’informatique dans tous les secteurs de l’activité économique (administrations, entreprises industrielles et commerciales, artisanat et même consommateurs privés).
La section a ainsi été conduite, en conclusion de son étude, à préconiser un certain nombre d’actions et à formuler des recommandations dans ce sens. D’autre part, il lui a semblé également souhaitable de rappeler les conséquences les plus importantes de cette mutation due au développement de l’informatique ainsi que les études, mesures ou précautions qu’il apparaît justifié d’entreprendre, de susciter ou de prendre rapidement.

Résumés des conséquences :
· Très important effort d’information à entreprendre, tant auprès des milieux industriels qu’au sein des admi-nistrations.
· Nécessité de doter le pays d’une infrastructure satisfaisante en réseaux de transmission de données.
· Entreprendre un effort considérable de formation des cadres et agents de maîtrise, ainsi que la formation des jeunes à tous les niveaux.
· Maîtriser les conditions d’évolution des emplois de bureau pour réussir l’automatisation administrative.


Décembre 1967 : le site des Clayes sous Bois, principal établissement de la Compagnie Internationale pour l’Informatique.



Le 1 janvier 1968, Maurice Allègre est nommé adjoint de Robert Galley à la Délégation à l'Informatique.

Le 9 janvier1968 , signature d'une convention entre CGE, CSF, Schneider et CII pour préciser leurs domaines d'activité. 
Le texte de cette convention est reproduit ici.
Maurice Allègre commente d'après French Ordinateurs " Ce protocole est ahurissant. Les sociétés mères se réservaient tout, explique Maurice Allègre. La CII avait juste le droit de faire des machines parce que l’État les payait. Tout ce qui était susceptible de devenir rentable, elles se l’attribuaient. Il y eut des discussions homériques entre Mr Maillet, placé dans une position impossible, et les dirigeants des trois firmes."

 Une lettre de clarification est adressée le 15 mars 1968 à Monsieur Maillet par CGE, CSF et Schneider. Cette lettre se veut apaisante, preuve qu’il y a eu des réticences sérieuses de la part du PDG de la CII.

Monsieur le Président,

Au moment où va se réunir le Comité de liaison, vous avez attiré notre attention sur la possibilité d'une interprétation restrictive de la position prise par les sociétés-mères relativement au domaine de C.I.I., position qui pourrait entraîner une limitation excessive des activités de la société en matière de systèmes.

Nous vous donnons bien volontiers tous apaisements sur ce point en reconnaissant à C.I.I. une large vocation pour ce qui concerne les systèmes destinés à la gestion administrative et au calcul scientifique, même si ces systèmes comprennent des matériels spécialisés, ou si leur réalisation entraîne des études particulières ou un software spécial. 

En fait, étant donné le caractère évolutif de l'informatique, et compte tenu de l'impossibilité de tracer a priori une ligne de partage valable pour tous les secteurs, un vaste domaine commun subsistera entre les deux plages de compétences, à l'intérieur desquelles les attributions entraînant le chef de file peuvent être nettement marquées :
- celle des disciplines du calcul qui sont à la base même de l'activité de C.I.I.,
- celle des utilisations spécialisées qui constituent en bien des cas une dominante de la vocation de nos groupes.

Il appartiendra au Comité de liaison, dont le rôle est fondamental, de créer le climat d'étroite collaboration qui devra s'établir entre la C.I.I. et ses sociétés-mères pour mener à bien les actions concertées qui seront de règle dans ce domaine commun. Plus encore que de délimiter les frontières, l'objet même de la convention est d'organiser une telle collaboration. 
Nous entendons éviter que C.I.I. ne se présente, directement ou par ses alliances, en concurrente de ses fondateurs. Mais soyez assuré que sera également évitée toute interprétation excessive pouvant amener une amputation de C.I.I. dans les disciplines du calcul en matière de systèmes.

Il semble que les assurances concernées sont relatives surtout au maintien de la  pérennité des accords avec SDS pour permettre la vente du 10070 dans des applications scientifiques et de gestion, mais visent à empêcher CII de concurrencer les applications  industrielles de Thomson et surtout de CGE.

En mars 1968: Paul Richard, vice-président de Thomson-Brandt, est nommé président de l’ex-CSF, André Danzin devenant directeur général.

En mars 1968, débutent les travaux de construction de l’usine CII de Toulouse. La CII a choisi Toulouse pour la mise en place de ses moyens de production, car cette ville présente toutes les conditions requises pour l’implantation d’une usine de production d’ordinateurs : centres scientifiques et universitaires, grandes industries chimiques, électroniques et aérospatiales, offrant des possibilités de coopération et de dialogue fructueux, ainsi que des ressources de main-d’œuvre spécialisée.

23 mars 1968 annonce  de  la fusion ICT avec English Electric faisant de International Computers Ltd ( ICL) le seul survivant des constructeurs d'ordinateurs britanniques.
English Electric et sa licence RCA qu'il partage avec Siemens fusionne avec ICT héritier de mariages précédents en particulier BTM et Ferranti. Si la présence d'un "champion britannique" laisse envisager à certains la possibilité de faire émerger un "champion européen" en le regroupant avec les partenaires français et allemands, l'héritage des fusions donne le plus souvent naissance à des chapelles sectaires  et indociles, d'autant plus que ces mariages unissent des partenaires soi-disant égaux. 

En avril 1968: apparaissent dans les laboratoires d’études aux Clayes des premiers sous-ensembles du prototype de l’ordinateur P1. C’est en effet cette machine qui, selon les objectifs fixés par la convention entre CII et l’État, doit constituer la première réalisation industrielle issue des études entreprises dans la cadre du Plan Calcul.

Le 7 mai, au Cercle des utilisateurs, Robert Galley  a tenu à rappeler quel était, dans l’esprit du gouvernement et de la délégation, " le plan Calcul ". 

Sa réussite n’est pas seulement liée à la sortie immédiate, sur le marché, d’ordinateurs de conception française, même si cela constitue l’un de ses objectifs essentiels à moyen terme. Le premier but à atteindre consiste à couvrir, par le canal d’une entreprise nationale, les besoins de plus en plus grands en moyens électroniques de traitement de l’information, non seulement sur le plan national, mais aussi sur le plan européen.
C’est ainsi que la construction sous licence américaine de l’ordinateur 10 070 par la CII, qui a conçu et mis au point elle-même le support programmation nécessaire pour répondre au marché de la gestion, a été accueillie favorablement par la délégation à l’Informatique qui la considère comme une étape notable dans la croissance de l’industrie française de l’Informatique.
Il a terminé son allocution en évoquant 
la nécessité de mettre en place des équipes de recherche fondamentale en informatique, et d’assurer la formation ou le recyclage des spécialistes qui encadreront dans quelques années l’énorme effectif nécessaire ; cette mission a été confiée à l’Institut de Recherche en Informatique et en Automatisme (IRIA) qui est en outre chargé de recueillir dès à présent le plus grand nombre de programmes possibles afin de constituer une bibliothèque de programmes, à la disposition de tous les utilisateurs.

Monsieur MAILLET annonçait qu’

au Sicob 1968 la CII commercialiserait les machines P0 et P1 du plan calcul et ceci aux dates prévues par la convention. La machine P3 sera annoncée un an après, c’est-à-dire toujours dans les dates prévues par le plan calcul. Les deux machines militaires prévues au plan calcul, c’est-à-dire P0M et P2M, seront réalisées dans les délais prévus et la machine P0M en est à peu près à l’état d’avancement de la machine P1. " Monsieur le Délégué à l’Informatique a expliqué dans son allocution les raisons pour lesquelles nous avons fait un gros effort sur la machine 10 070. Il s’est trouvé effectivement que les besoins auxquels nous avons à faire face présentaient une acuité telle que nous avions le devoir d’anticiper autant que possible sur les délais prévus au plan calcul. C’est pourquoi nous avons choisi de doter d’un software complet, y compris pour la gestion, la machine 10 070 dont les livraisons commenceront cette année. De ce fait, comme il s’agit d’une machine d’une puissance voisine de celle de P2, nous avons pris un peu plus de temps de réflexion pour la définition de cette dernière qui se trouve ainsi retardée ".

Le chiffre d’affaires de la Compagnie CII  s’est élevé à 281 millions de francs TTC en 1967, soit 234 millions de francs HT. Le pourcentage d’accroissement des commandes enregistrées dans le premier trimestre 1968 par rapport à la période analogue de 1967 est de 57 %.

B. Dorléac écrit en juin 

A ces critères répondaient les objectifs fixés par la Convention et la gamme d'ordinateurs développée au titre du Plan Calcul et appelée série P : série civile PO, P1, P2, P3 couvrant les ordinateurs moyens et importants à usage scientifique et de gestion, série militaire P0m, P2m se branchant sur le tronc civil puis développée avec sa technologie et ses exigences propres. A ce plan d'ensemble viennent s'ajouter les ordinateurs de la série 10000 dont le plus important est le 10070, machine construite sous licence américaine SDS mais dans laquelle le software de gestion a été entièrement développé sur notre initiative au titre du Plan Calcul. Le 10070 en permettant de mettre au point un software sur un hardware expérimenté, de lancer plus tôt nos équipes commerciales et de production, se trouve être un outil exceptionnellement efficace dans l'accomplissement harmonieux du Plan Calcul.
Les ordinateurs de la série P correspondent à la technique de construction et d'utilisation la plus évoluée pour ces machines appartenant à la 3ème génération : choix des composants, structures des machines, modularité, souplesse remarquable d'utilisation, choix possible considérable d'ensembles périphériques de hautes performances, tout concourt à faire de cette série P la réalisation désirée au titre du Plan Calcul.
Le P1, dénommé IRIS 50, sera présenté au public et commercialisé au Sicob de septembre ; la tenue remarquable des délais contractuels, le caractère attractif qu'il présentera grâce à son extrême souplesse d'utilisation (gestion, scientifique, opérations automatisées à distance, multiprogrammation, 5 langages variés disponibles, etc.), la mise en place d'une unité ultramoderne de production capable en début 70 (après un démarrage au milieu 69) d'une cadence de 5 à 6 machines par mois, tout cela constitue une entrée particulièrement heureuse dans la phase décisive de l'entreprise qui avait été confiée à notre Compagnie.
Le P2 fait l'objet d'une étude de marché pour l'orienter au mieux vis-à-vis du 10070 et du P1. Le 10070, dans sa version française de gestion aussi bien que dans son orientation scientifique d'origine, a rencontré dès son entrée sur le marché un très vif succès. Les livraisons qui commencent à la fin de cette année atteindront une cadence de 2,5 machines par mois à la fin de 1969 grâce au relais pris par l'usine de production de Toulouse.
Ajoutons simplement pour terminer ce tour d'horizon rapide sur nos produits, que l'année 69 verra un virage progressif des gammes anciennes civiles vers la gamme Plan Calcul et que cela sera en très grande partie accompli en 1970.

Au cours du même colloque, il a été beaucoup question de notre mode de collaboration avec les USA et en particulier avec le bailleur de licence SDS, ainsi que des perspectives de coopération européenne. En ce qui concerne le premier point, on peut dire très brièvement que ces échanges avec SDS qui s'effectuaient à sens unique au profit technique du licencié CAE, deviennent à l'heure actuelle de plus en plus une collaboration "dans les domaines particuliers où elle s'exerce".

En juin 1968, une convention périphériques est signée avec la SPERAC

La Convention conclue fin juin entre les pouvoirs publics et la Sperac, pour les unités périphériques d'ordinateurs, constitue la suite logique de celle signée il y un an entre l'État et la Compagnie Internationale pour l’Informatique (C.I.I.).
Cette Convention prévoit que cette société, filiale de la Thomson-Brandt et la Compagnie des Compteurs, aura à jouer un rôle " pilote " dans les périphériques terminaux de calculateurs et, ceci, pour une durée d’application allant de 1967 à 1971. La Sperac s'est ainsi engagée à étudier, produire et commercialiser une gamme d'équipements terminaux d'ordinateurs correspondant aux systèmes informatiques modernes. De même, dans ce rôle de pilote, elle devra établir des contacts étroits avec les autres sociétés françaises touchant au domaine des périphériques d'ordinateurs. Elle agira ainsi en fédérateur.
De son côté, l'État s'est engagé à fournir à la Sperac une aide financière de 81,5 millions de francs répartis sur cinq ans, auxquels s'ajoutent des prêts de développement remboursables en cas de succès, pour un montant de 18 millions de francs.
La constitution de la Sperac (Systèmes et Périphériques Associés aux Calculateurs) a eu lieu en octobre 1966. Elle montrait déjà à cette époque le souci de la Thomson et de la C.D.C. d'aller de l'avant dans le domaine de l'informatique en témoignant une indiscutable volonté de s'engager davantage.
La Thomson réorganisait ses activités informatiques autour de sa filiale la SNE-RI ; de son côté, la C.D.C. procédait dans le même temps à une réorganisation de ses branches intéressées, qu'il s'agisse de la SETI, aujourd'hui disparue, ou de son département automatisation.
La naissance de la Sperac, comme le signalait le communiqué l'annonçant, s'inscrivait déjà dans le cadre de l'action menée par les Pouvoirs publics pour promouvoir le Plan Calcul ; M. Guigonis, Président-Directeur général de la société le laissait d'ailleurs prévoir en  déclarant au mois de novembre 1966, " Il est évident qu'un rapprochement serait tout indiqué avec la C.I.N C. (aujourd'hui C.I.I.) ".
Cette collaboration est aujourd'hui effective de par les termes mêmes de la convention qui mettent en évidence le fait que " l’effort entrepris par la Sperac dans le domaine des périphériques sera mené en étroite liaison avec la C.I.I. ".

11 juillet 1968 : présentation en avant-première du P1.

L’ordinateur P1 a été présenté aux Clayes le jeudi 11 juillet au délégué Adjoint à l’Informatique, Monsieur M. ALLÈGRE, et aux administrateurs de la CII : P1, premier ordinateur du Plan Calcul, a été réalisé dans les délais contractuel fixé au premier juillet 1968 pour la phase " fin de construction du prototype ", grâce au dynamisme et aux efforts de toute l’équipe P1 et ce malgré les retards dus aux " évènements ".

C’est le 19 septembre 1968 au Pavillon d’Armenonville que devant une centaine de journalistes de la presse quotidienne, périodique et technique, M. Jacques Maillet, Président de la CII, a présenté IRIS 50, premier ordinateur universel, conçu et réalisé en France [par la CAE/CII, dans l'absolu c'est faire peu de cas pour les machines de la SEA, sans parler de Bull et même de Bull-GE].

Suite à cette annonce divers articles pour le moins critiques paraissent dans la presse : Le Monde sur la CII, Electronique Actualités sur la Sperac

 

Le 14 octobre 1968 est signée une convention entre CII et SDS

Mutual Development Agreement CII – SDS.

1. SDS and CII intend to enter into an agreement to provide for cross licensing between them with respect to technology developed by each. Such agreement to include the following provisions as well as such other provisions mutually agreed upon.
2. SDS and CII will have complete access, on a royalty free basis, to laboratories, to all development programs, products development schedules and plans.
3. Each party may use on a reciprocal royalty basis all drawings and proprietary information concerning a given product or processor developed by the other party.
4. Licensee may use technology for central processor unit development but may not reproduce central processor unit exactly, i. e. may not produce Input Output and program compatible central processor units.
5. The effective date of this agreement will be January 1, 1969.

The agreement will expire on December 31, 1974.

Max Palevsky SCIENTIFIC DATA SYSTEMS, INC. 
Jacques Maillet COMPAGNIE INTERNATIONALE POUR  L'INFORMATIQUE

Cet accord établit les conditions dans lesquelles le futur Iris 80 peut dériver du SDS Signa7. La CII et -éventuellement SDS- s'interdisent de produire des clones. La durée limitée à 5 ans est une entrave pour une collaboration durable entre les deux sociétés.

 

29 novembre 1968 : mise sous tension de P0 M.

décembre 1968 : début des négociations entre Thomson-CSF et CGE.
Cette négociation a pour objectif de définir les territoires d’intervention de chaque groupe, de procéder à des échanges d’actifs et de couper les concurrences stériles afin d’agir dans la bonne entente. Elle se terminera en 1969 par un accord, dit le " Yalta de l’électronique française ".


janvier 1969: La première tranche de la nouvelle usine CII de Toulouse est entrée en service, comme prévu, au début janvier 1969. Cinq cents personnes environ travaillent dans cet ensemble très moderne. Cette tranche couvre 12.800 m² de hall d’usine et 2.800 m² de bureaux, accueil et services. La construction, commencée en mars 1968, a été terminée en décembre de la même année.


10 janvier 1969: exposé de Jacques Maillet aux cadres de la CII en début d'année

...D'abord, qu'est-ce que c’est que la C.I.I. ? Il y a un processus de définition qui est la définition par contraste. On peut commencer par dire ce qu'elle n'est pas.
La C.I.I. n'est pas un Service Public fonctionnant sur des crédits budgétaires. C'est-à-dire un service où il n'y a pas un rapport direct entre les sommes dont on dispose et le travail que l'on produit. La C.I.I. n'est pas non plus la S.N.C.F. qui peut impunément avoir un déficit de 5 milliards de francs actuels et continuer, sans jeu de mots, son petit "train-train".
Quand la C.I.I. a été créée, la question de sa nature s'est posée. Vous savez que la C.I.I. a été créée à l'occasion de certaines décisions gouvernementales qui tendaient à développer le calcul numérique en France. Il y a eu ce qu'on appelait le "Plan Calcul". Alors l’État aurait pu faire un Service public, un genre arsenal, il aurait pu faire une Société Nationale. Il est apparu que la C.I.I. n'a pas du tout pour mission de satisfaire certains besoins prioritaires de l'État, ce qui aurait justifié, après tout, une formule étatique d'organisation et de structure. La C.I.I. a pour mission de répondre aux besoins nationaux et internationaux, en matière de machines informatiques, en matière d'ordinateurs. Elle a donc pour mission d'avoir une action technique, industrielle, commerciale, et la forme privée a été choisie délibérément d'ailleurs, et par les services publics et par les industriels qui ont accepté de se grouper pour cette tâche. Il n'y a donc pas du tout antinomie entre les vues de l'État, les vues des actionnaires de la C.I.I. et de la C.I.I. en tant que telle, quant à sa forme et quant à sa nature. La C.I.I. est une Société privée, animée par les mobiles d'une Société privée. 
Il y a dans le cadre du "Plan Calcul", d'autres organismes participants, certains ont le caractère d'une Société privée par exemple : la CSF-Thomson pour les composants, la SPERAC, qui fabrique des périphériques. 
D'autres qui n'ont pas un but industriel et commercial, mais un but de recherches et d'études comme l'IRIA par exemple, ont une formule toute différente ; l'IRIA est un service public ce qui montre que la nature des organismes a été adaptée à la nature des tâches à accomplir, mais la C.I.I. est une Société privée, et comme toute Société privée, elle a, il faut bien se le mettre dans l'idée, comme moteur le profit, et non pas cela pour des raisons philosophiques ou politiques mais pour des raisons beaucoup plus immédiates ; chacun conçoit évidemment que la C.I.I. ne peut qu'atteindre un certain niveau élevé, une grande taille, ou échouer ; il n'y a pas dans le domaine de l'informatique tel que nous l'abordons, c'est à dire le calcul scientifique et la gestion, il n'y a pas place pour de petites entreprises, donc la C.I.I. doit se développer. 
Pour se développer comme toutes les sociétés, elle a besoin de fonds d'investissement ; il n'y a que trois procédés connus pour collecter des fonds d'investissement et tous les trois exigent le profit. Ces trois procédés connus, c'est d'abord de réinvestir ses bénéfices, alors il faut en faire, le deuxième procédé connu, c'est de trouver des gens qui vous prêtent de l'argent, mais les gens avant de vous prêter de l'argent regardent si vous êtes capable de le rendre, et vous ne pouvez démontrer votre capacité à le rendre qu'en ayant montré que vous êtes capable d'en gagner précédemment, donc il faut encore faire du profit, et le troisième procédé connu pour collecter des fonds d'investissement, c'est de trouver des actionnaires qui souscrivent, et les actionnaires avant de souscrire, ils regardent si vous gagnez de l'argent, il faut encore faire du profit. Donc C.I.I. a pour moteur et pour critère le profit et pour nature la nature d'une Société privée.

....La Convention qui est un document épais revient en somme à fort peu de choses à comprendre, mais ce qu'il faut comprendre c'est ceci : dans notre activité, nous sommes contraints d'avoir un volume minimal de crédits d'études par an ; il y a un seuil au-dessous duquel la compétitivité avec les autres sociétés internationales ne peut pas être atteinte, ces crédits d'études ne peuvent être payés que par une fraction du chiffre d'affaires d'une année ; il se trouve que le seuil est à peu près 100 millions par an et il se trouve que dans toutes les sociétés du monde on ne peut guère dépasser 10 à la rigueur 12 %, peut-être 14, du chiffre d'affaires, hors taxes, bien entendu, pour le consacrer à ses dépenses d'études. On voit donc que ce n'est guère qu'à partir de 700 millions ou 1 milliard de chiffre d'affaires que nous pourrions atteindre le seuil de volume d'études nécessaires à notre développement et à notre compétitivité. On n'en était pas là, puisque si l'on faisait le total du chiffre d'affaires des deux sociétés antérieures, on arrivait à 250 Millions. La convention, c'est d'abord des crédits d'étude que nous donne l'État, pendant la période de notre lancement, pour nous permettre de faire des études, que nous ne pourrions raisonnablement faire que si nous atteignions un chiffre d'affaires compris entre 700 millions et 1 milliard ; c'est en somme une avance sur les moyens d'études dont nous disposerons plus tard. Avance, d'ailleurs en partie remboursable.

... Le problème des domaines était le suivant : au début du Plan Calcul chacun a eu peur de ne pas avoir assez de travail, alors chacun voulant tout faire avait peur que l'autre ne lui prenne ce qu'il savait faire, et des problèmes très passionnés se sont posés, notamment quant aux activités de la C.A.E. en ce qui concerne les systèmes spécialisés. Et puis on s'est bien rendu compte d'une réalité qui est que le domaine de l'informatique est très grand et est d'une croissance extrêmement rapide, et on a pris conscience que dans les domaines qui sont spécifiquement les nôtres, c'est-à-dire ceux des systèmes de gestion et des systèmes de calcul scientifiques, en entendant systèmes au sens large, c'est-à-dire les systèmes répartis territorialement sur une grande surface, nous nous trouvions en face de besoins tels que nous ne pouvions les satisfaire, donc il était de bonne politique de nous limiter à ces activités pour bien travailler et de laisser aux autres la spécialisation dans le domaine des applications.

Q Vous avez parlé, parmi les problèmes et difficultés qui vont se poser en 1969, de l'intégration dans le cadre européen ; pourrait-on avoir quelques précisions à ce sujet ?

R : J. Maillet

Je n'ai pas dit que ce serait un des problèmes à résoudre en 1969. Je serai un peu plus prudent. Je ne pourrai certainement pas vous donner des précisions, non pas dans une idée de secret, mais parce que sur ce point, les idées ne sont pas précises. On peut, sur ce sujet, avoir quelques idées générales ; d'abord je crois que ceux qui disent que l'on aurait dû lancer l'opération Plan Calcul dans un cadre européen, au départ, pour reprendre les thèses par exemple de Servan-Schreiber, dans son livre sur lesquelles ce point-là n'est pas et de loin le seul point sur lequel je ne suis pas d'accord avec lui, je ne crois pas donc qu'il aurait été sage de vouloir entreprendre l'effort informatique dans un cadre européen, ceci pour une raison expérimentale. 
On aurait pu procéder de deux façons pour aller dans un cadre européen ou bien faire une espèce d'organisme supra gouvernemental genre ESRO – ELDO – EURATOM ; alors sans être du tout méchant ni malveillant, on peut dire que les résultats atteints par ces organismes ne montrent pas que c'était la voie à suivre pour développer l'informatique. 
On aurait pu aussi avoir une autre voie qui était celle de fusionner plusieurs sociétés européennes pour en faire une seule société. Nous avons eu à fusionner deux sociétés françaises voisines, si quelqu'un avait voulu fusionner au départ cinq sociétés européennes, comme dit l'autre, je lui aurais souhaité bien du plaisir. Je crois que ce que l'on a fait a été bien fait, c'est-à-dire de commencer dans un cadre français, c'est la première idée. Mais la seconde idée, qui est contradictoire avec celle-là, c'est qu'il ne faut pas viser à 15 ans en restant dans ce cadre français. Il y a d'autres sociétés qui développent des choses importantes dans le domaine de l'informatique en Europe, elles sont peu, nombreuses, il y a ICL en Angleterre, il y a SIEMENS, TELEFUNKEN en Allemagne, il y a PHILIPS en Hollande et puis OLIVETTI en Italie. Notre politique est d'avoir des conversations avec ces sociétés, d'établir comment nous pouvons établir d'abord une coopération pour ensuite envisager d'autres formes. Vous voyez, nous sommes là, dans un processus d'approches et d'études, processus qui est largement entamé. Nous avons vu par exemple certains d'entre eux, nous les avons reçus... Nous avons eu des conversations avec Philips, avec Olivetti, nous pensons en avoir avec ICL, nous sommes dans une phase exploratoire avec la volonté qu'il en sortira quelque chose ; comme vous le savez, l'apparition du marché commun a déclenché des processus de fusion, de regroupement et de coordination très nombreux, dans d'autres domaines, il n'y a pas de doutes qu'il y en aura dans ce domaine, mais je pense personnellement qu'il aurait été prématuré de traiter sérieusement ces questions avant que notre structure interne fut établie sérieusement.

Le 12 janvier 1969, Maurice Allègre écrit dans Electronique Actualités:

...La C.I.I. aura en effet, en 1971, six systèmes à proposer sur le marché : le 10010, deux ordinateurs développés en collaboration avec la firme américaine Scientific Data Systems, les 10070 et 10020, et trois ordinateurs exclusivement français P0, P1 (IRIS 50) et P3. Il est donc difficilement pensable qu'une firme nationale qui possède une gamme de six produits, ne puisse pas entrer en concurrence avec des firmes offrant des systèmes comparables.

En ce qui concerne P2, le report de sa sortie – car en fait pour la Délégation à l'Informatique il s’agit d’un report – est dû à une volonté d'optimisation économique et technique entre la gamme P et la série 10000.

" Il ne faut donc pas donner au phénomène P2 l'importance que certains ont bien voulu lui donner " devait nous dire M. Allègre.

Expliquant les raisons du décalage du système P2 dans le temps, et du développement à la C.I.I. du 10070, le Délégué à l’Informatique s'est tout d'abord livré à une constatation générale : " Les programmes du Plan Calcul, et en particulier ceux de la C.I.I., ont été trop largement mis sur la place publique. " Personne ne connaît à l'avance les systèmes qui seront développés par les autres sociétés d'informatique et en particulier par les firmes américaines. Elles ont donc la possibilité de modifier leurs programmes sans pour cela obliger le public à devenir en quelque sorte des censeurs. " Cela prouve une chose, devait ajouter M. Allègre, nous, Délégation et sociétés du Plan Calcul, avons trop parlé et nos paroles ont été souvent mal interprétées. " Il est, en effet, dans la normale des choses qu'une société modifie sa politique industrielle en fonction du marché et de ses possibilités surtout dans un domaine aussi évolutif que celui de l'informatique. C'est ce qui fut le cas pour la C.I.I.

... Le grand virage que le Plan Calcul a permis de faire prendre à des sociétés comme la C.A.E. et la S.E.A., qui jusqu'alors étaient spécialisées dans les systèmes à applications scientifiques, fut de les intéresser à l’immense marché de la gestion. Ainsi ont été programmés les calculateurs de la gamme Plan Calcul dont le " cheval de bataille ", P1 (IRIS 50), fut mis en ultra-priorité car il correspondait au marché le plus important. Mais comme, d'autre part, la C.I.I. possédait un héritage de la C.A.E. avec les systèmes S.D.S. et que parmi eux se trouvait l'unité scientifique 10070 qui possédait un excellent hardware, la C.I.I. en accord avec la Délégation à l'Informatique décidait d'opter pour la politique suivante : " Valoriser au maximum les investissements sur le plan industriel pour produire plus de 10070, en étudiant un software gestion de manière à attaquer avec cette machine à la fois le marché scientifique et celui de la gestion. "

..." Ce fut une décision logique et non de rattrapage, devait nous dire M. Allègre ; elle doit, en effet, nous permettre de fabriquer deux fois plus de 10070 et ainsi d'amortir la chaîne. "

Cette position prise, il ne devenait plus nécessaire dans l'immédiat, de lancer le système P2 de puissance équivalente au 10070, mais de le redéfinir dans le temps. " Et le jour où P2 sortira, il sera mieux adapté aux besoins. "

" Quant au retard du software gestion du 10070, a poursuivi M. Allègre, il ne peut y en avoir puisque la décision d'entreprendre son étude qui nécessite deux ans ne fut prise qu’en avril 1968. " Il en est de même pour P1 (IRIS 50) dont la recette est terminée, et pour P3 dont le prototype est actuellement sous tension.

Maurice Allègre défend ensuite la politique du Plan calcul en soulignant que le but en est la création d'une industrie française de l'informatique et que la priorité apparente donnée au matériel CII sur le logiciel et sur le développement  de périphériques s'explique par le fait que ces activités sont sous-traitées à l'extérieur.

Il laisse entendre que la fusion Thomson-CSF va permettre la réunion de la CII et de la SPERAC en une seule société.
 Il laisse entendre aussi que la télématique pose des problèmes de coordination avec le Ministère des PTT :"
la solution du problème téléinformatique exigera des décisions rapides et importantes de la part du Ministère des P.T.T. et parallèlement une refonte des structures actuelles qui ne sont pas adaptées à un développement positif en raison de l'incroyable dispersion des efforts."
Il regrette que "les maîtrises d'informatique,  ne sont pas encore parfaites, car trop orientées vers l'informatique scientifique et pas assez vers la gestion"...par ailleurs il mentionne que Cet institut (l' INRIA, ne doit pas être une université supplémentaire. Elle a une originalité propre : celle de faire ce qui ne peut être fait ailleurs ", devait nous dire M. Allègre. La Délégation à l'Informatique conçoit l'IRIA comme un moteur pour la recherche la plus avancée possible, " 

Maurice Allègre mentionne le Plan Composants:
La base industrielle du Plan , en l'occurrence la SESCOSEM née de la fusion de la SESCO et de la COSEM, est en bonne voie de réaliser son objectif : " être un des plus grands groupes européens au cours des cinq années à venir dans le domaine des semi-conducteurs ". Cette société, avec sa filiale italienne Mistral, a réalisé en 1968 un chiffre d'affaires de 140 millions de francs et détient actuellement 30 % à 35 % du marché français des semi-conducteurs, ainsi que 10 % du marché européen.
La Délégation devait préciser, en ce qui concerne les circuits intégrés, que les types DTL et TTL sortiraient à la cadence de 100 000 par mois en février de l’usine de Saint-Egrève. La Radiotechnique - Compelec et la SESCOSEM seront, ensemble, parties prenantes au sein du Plan Calcul, car pour M. Allègre, " il est nécessaire d'avoir deux pieds pour avancer régulièrement ". Des contrats de développement seront, en effet, passée à la Radiotechnique - Compelec par le biais de la C.I.I. ; le Plan Calcul n'exclut pas, d'autre part, de lui passer directement des commandes.
Toutefois, nous a-t-on précisé, la SESCOSEM n'ayant pas l'assistance technique du groupe Philips derrière elle, " se verra naturellement accorder des crédits plus importants ".
" Il est important de constater qu'une des retombées du Plan Calcul a été de permettre à une société telle que la SESCOSEM d’avoir des perspectives d’avenir, créant ainsi une unité industrielle française de micro-électronique puissante. "En effet, sans le Plan Calcul, la General Electric rachetait l'unité de fabrication de la SESCO d'Aix-en-Provence pour en faire un tremplin européen. La COSEM restait alors seule avec le risque de s’essouffler et de disparaître.M. Allègre devait alors conclure " Il est évident que sans industrie autonome de micro-électronique, c'est l'ensemble de l'industrie électronique qui était condamnée à terme, car l'autonomie technologique est une condition nécessaire d'exportation. Il est possible de citer en exemple le cas de la COSEM qui réalise actuellement 52 % de son chiffre d'affaires à l'exportation. "



14 février 1969: signature d'un nouvel accord avec SDS.

Signé le 14 février 1969, cet accord est entré en vigueur le 1er janvier 1969. Il se substitue intégralement à l'accord de 1965.

1. Territoires
Il existe trois sortes de territoires : SDS, CII et commun. Les Pays de l'Est sont explicitement exclus de l'accord. Chaque partie dispose d'une exclusivité, pour ses propres produits, dans son territoire et dans le territoire commun ; chaque partie dispose de l'exclusivité dans son seul territoire pour les produits qu'elle fabrique sous licence. Le Portugal fait désormais partie du territoire CII, le Vietnam Sud du territoire SDS.

2. Produits concernés par l'accord
Ne font partie de l'accord que les produits annoncés par l'une ou l'autre des parties avant le 31 décembre 1969, à l'exception, pour SDS, du Sigma 5, des 940 et 945 et, pour CII, du 510 et des 3900 4000, et 10010. Pour les produits annoncés avant le 31 décembre 1969, chaque partie dispose de six mois après l'annonce du produit pour décider ou non de commercialiser les produits de l'autre partie. Ainsi, si SDS ne s'est pas prononcée avant le 30 juin 1969, CII disposera d'une exclusivité mondiale pour IRIS 50 (réciproque pour Sigma 3).
...
5. Brevets et connaissances techniques
Chaque partie dispose d'une licence de l'autre partie pour fabriquer son propre matériel.

6. Redevances
Paiement de la redevance ;
– La redevance additionnelle sur le domaine d'intérêt (1 %) est supprimée.
- CII ne paie une redevance que sur : les matériels fabriqués sous licence, les versions améliorées ou modifiées de ces matériels, les unités centrales compatibles avec des unités centrales SDS, dont SDS a fourni le dossier de fabrication, des équipements périphériques équivalents à des équipements périphériques SDS, dont SDS a fourni le dossier de fabrication, et connectés à des unités centrales SDS (ainsi, un lecteur de cartes Bull paiera une redevance s'il est connecté à Sigma 7 et n'en paiera pas s'il est connecté à IRIS 50).
...
8. Chiffre d'affaires minimum à réaliser
Si des chiffres d'affaires minimum ne sont pas réalisés par CII , une pénalité de 6% sur la différence entre ce minimum et la réalisation effective sera versée à SDS. Une clause complémentaire sur les RAD (disques) avec des minimums à commander pour acquérir la licence de fabrication.


En juin 1969 a lieu la p
résentation de l'Iris 35 M (P0M) au salon du Bourget.


Le 5 juin 1969 est conclu le "Yalta de l'électronique" entre Paul Richard (Thomson) et Ambroise Roux (CGE)

Annexe IV Informatique

Les parties sont décidées à poursuivre leur collaboration pour la mise en œuvre du Plan Calcul, mais elles s’accordent pour considérer comme nécessaire au bon déroulement de ce plan que les responsabilités respectives des différents partenaires soient plus clairement affirmées, qu’il s’agisse des rapports des sociétés industrielles avec les pouvoirs Publics ou des relations des sociétés entre elles. CGE est d’accord pour donner à Thomson le leadership dans l’informatique.

Schéma industriel

Leadership CGE Leadership Thomson
  • - modems 
  • - organes de liaisons au réseau 
  • - réseau de transmission de données 
  • - certains périphériques lointains s
  • - études de systèmes 
  • - unités centrales
  • - software
  • - périphériques proches
  • - certains périphériques lointain
  • - études de systèmes

Le Directoire Industriel est composé de cinq membres. Le Président est une personnalité désignée par Thomson ; le vice-président est une personnalité désignée par CGE ; les trois autres membres sont respectivement le Président de CII et les responsables de STD et de SPERAC. (A noter que ce Directoire Industriel ne verra jamais le jour).

La mission du Directoire Industriel consistera :

  • - à être l’interlocuteur privilégié des Pouvoirs Publics pour la définition de la politique menée dans le cadre du Plan Calcul,
  • - à suivre et harmoniser la politique des trois sociétés en matière d’informatique,
  • - à arbitrer les difficultés qui pourraient surgir entre les trois sociétés,
  • - à veiller au respect de l’engagement de non concurrence mentionné en 4.

Non concurrence

CGE et THOMSON s’interdisent de concurrencer, directement ou indirectement, CII, SPERAC et STD dans les domaines d’activités reconnues par elles à ces dernières

Annexe V Automatisme

Les deux parties conviennent de conserver leur liberté d’action.
Les structures communes existant dans ce domaine entre les deux groupes, sous la forme de la CITEC et de ses filiales, seront modifiées dans les conditions suivantes :
- GIE-CITEC sera apporté à THOMSON, 
- CGA sera apportée à CGE, 
- CGEI-Lepaute sera apportée à CGE, 
- CETT sera apportée à THOMSON ; les activités de transmission de données seront apportées à STD

L'accord du Gouvernement est apporté par une lettre de Yves Guéna (PTT) et Robert Galley (Recherche)  datée aussi du 5 juin 1969

Nous constatons avec satisfaction que vos deux groupes sont parvenus dans les domaines de l’informatique et des télécommunications par fil à un accord qui doit conduire au renforcement des structures de l’industrie électronique française, à l’amélioration de sa compétitivité et au développement de sa capacité d’exportation.

Dans ces deux domaines, la coopération des firmes du secteur privé et des pouvoirs publics est une condition du succès de l’entreprise poursuivie. Elle doit permettre aux sociétés françaises de jouer un rôle important dans la compétition internationale, non seulement sur le marché intérieur, mais également sur le marché mondial. Cette coopération doit naturellement s’exercer dans le cadre des règles de la concurrence.

En ce qui concerne le Plan Calcul, cette coopération est appelée à se poursuivre sur des bases nouvelles au-delà du 31 décembre 1971. Elle devra évoluer dans ses modalités comme dans son champ d’application compte tenu des incidences financières des programmes envisagés, des résultats obtenus, comme des modifications survenues dans la technologie et dans les positions des industries concurrentes.

Une telle politique ne se justifie, en effet, que si elle permet la mise sur pied d’une véritable industrie française de l’informatique, c'est-à-dire une industrie capable de concevoir, de fabriquer et de vendre des matériels compétitifs en qualité, en prix et en délais, sur un marché international très concurrentiel.

Au terme des conventions actuelles vos entreprises n’auront vraisemblablement pas encore atteint un stade de développement leur permettant de soutenir la concurrence internationale sans le concours de l’État. La poursuite de ce concours au-delà du 31 décembre 1971 sera sans doute nécessaire. Elle ne pourra cependant être envisagée que si vos entreprises ont apporté à cette date la preuve de leur aptitude à mener à bien les tâches proposées sur les plans techniques, industriels et commercial. Cela implique en particulier que la création par vos établissements d’un " directoire commun ", que nous approuvons entièrement, conduise effectivement vos deux groupes à définir et à mettre en œuvre une politique commune de développement même si cette action commune impose certaines redistributions des tâches assumées par vos entreprises.

Le Délégué à l’Informatique étudiera avec vous, d’ici la fin de l’année, l’ensemble des modalités et des points d’application de la politique " informatique " et les modifications qu’il conviendrait d’apporter à la convention passée avec la CII.

Les actions à entreprendre dans les domaines des transmissions de données seront examinées dans le même esprit de coopération. La direction générale des télécommunications et les services du Délégué à l’Informatique étudieront les conditions dans lesquelles une telle coopération entre vos entreprises et les pouvoirs publics pourrait se développer dans les domaines des études et des recherches, de la conception technique et de la construction des réseaux, de la fourniture des équipements.

Enfin, dans le domaine de la commutation électronique, les dispositions que vous envisagez en matière de coordination des études et des fournitures des calculateurs et des composants sont de nature à favoriser le développement à terme des systèmes de commutation compétitifs sur le plan international. Elles sont par ailleurs conformes aux objectifs du Plan " calcul " et du Plan " composants ". Elles reçoivent donc notre agrément.

Le 9 juin 1969 est annoncée la nomination de Monsieur Michel Barré (EN 38), ancien de la SFR et de CSF, au poste de Vice Président Directeur Général de la CII. Robert GEST est nommé en juin 1969 Directeur Général Adjoint de la CII.


En juin 1969, le rôle des directeurs généraux adjoints est précisé

Monsieur Auricoste se consacrera  à toutes les activités spécifiquement informatiques de la CII 

  • Direction des Etudes et Recherches,
  • Division Militaire et Spatiale,

  • Direction Commerciale,
  • Direction de la Politique des Produits.

 

Monsieur Gest est nommé également Directeur Général adjoint et assurera la direction des activités suivantes :
  • Direction Industrielle,
  • Direction Fiabilité Qualité,
  • Direction des Centres Parisiens,
  • Contrôle de gestion et, comptabilité analytique.

 

 


Le 19 septembre 1969 sont publiées les caractéristiques d’IRIS 10

Sous ce nom générique, la CII offre des systèmes complets, intégrant dans une conception unique un ensemble de matériels comprenant un ordinateur CII 10 010 et les programmes d'exploitation correspondants. 


Le 23 septembre 1969, parait un article de  Michel Poniatowski. 
Cet article doit son inspiration à FH Raymond, ancien directeur général de la SEA. FH Raymond rapporte au colloque de Grenoble en 1988 qu'un de ses papiers a servi de canevas à M Poniatowski.

M. Poniatowski note qu'au titre du " plan-calcul " l'État doit dépenser durant la période 1966-1970 quelque 782 millions de francs, soit, en tenant compte des dépenses déjà faites, environ 2 % des dépenses consacrées à l’énergie atomique ou encore 1,3 % de l'aide française aux pays sous-développés. La faiblesse de ces pourcentages est révélatrice, selon lui, de l'insuffisance de l'action menée dans ce domaine.

Le député indépendant souhaite le redressement de certaines des orientations du " plan-calcul " " pendant qu'il en est encore temps ", et voudrait que l'effort soit porté " dans les domaines où nous pouvons être compétitifs " :
 machines de la quatrième génération (les " analyseurs corrélatifs "),
 programmes pour les machines (software),
 matériels périphériques, 
formation des hommes : " l'éducation nationale est la seule à pouvoir donner sa véritable dimension à l'informatique en créant les conditions d'un usage de masse ".

M. Poniatowski, selon lequel la Compagnie internationale pour l'informatique (C.I.I.), principal instrument de mise en œuvre du " plan-calcul ", ne sait pas si elle doit devenir une société de recherche ou une société de production, déplore que cette C.I.I. ait le monopole de fourniture du secteur public. " Le résultat n'est guère satisfaisant. D'une part, à cause des retards de production, ces établissements ne se modernisent pas assez vite et, de l'autre, la C.I.I., disposant d’un monopole de fait, ne se sent ni menacée ni stimulée par la concurrence européenne et mondiale. "
" Enfin, les établissements publics déjà équipés de matériel étranger sont contraints de changer leur parc d'ordinateurs, de réécrire leurs programmes pour les rendre compatibles avec les ordinateurs C.I.I., d'où une perte considérable de temps et d'argent. Les services publics, pour être rentables et compétitifs, devraient pouvoir s'équiper en partie en matériel étranger jusqu'au moment où la CI.I. fournira des ordinateurs équivalents. "

Dans une étude sur le " pari informatique " publiée dans le périodique l’Économie, M. Poniatowski, député des Hauts-de-Seine, révèle que M. Giscard d'Estaing, dont il fut le directeur de cabinet au ministère des finances, avait proposé, en 1963, la nationalisation de la compagnie des machines Bull, qui a dû s'associer finalement au puissant groupe américain General Electric. 
Rappelant les discussions qui, en 1963-1964, ont précédé le dénouement de " l’affaire " Bull, M. Poniatowski écrit : " Au cours de ces discussions, le ministre des finances, conscient de l'importance nationale de l'industrie des ordinateurs, proposa de nationaliser la société Bull ou de faire acquérir, même à titre transitoire, son capital par l'État ou par des sociétés semi-publiques, ou, tout au moins, par des groupes financiers purement français qui auraient reçu certaines garanties de l'État : pour diverses raisons, aucune de ces propositions ne put avoir de suite. "
On regrettera que le député du Val-d'Oise soit si discret sur les " diverses raisons " qui n'ont pas permis que la proposition de nationalisation de la firme aille plus avant. Cette éventualité avait d'ailleurs été, semble-t-il, écartée d'emblée par le Premier ministre d'alors, M. Georges Pompidou.


Le 23 septembre 1969, la CII, Compagnie Internationale pour l’Informatique, a présenté en fonctionnement à la presse en son usine des Clayes-sous-Bois son nouvel ordinateur de grande puissance IRIS 80, destiné au multitraitement


Le 21 octobre 1969, il est annoncé que la Compagnie des compteurs cède sa participation dans la SPERAC à la C.G.E. et à Thomson. La SPERAC, Société Systèmes et Périphériques Associés aux calculateurs, a été créée en 1966 dans le cadre du plan-calcul.  Avant que la Compagnie des compteurs cède sa participation, elle était seule associée avec le groupe Thomson dans la SPERAC. Ils détenaient chacun 50 % du capital.
C'est la C.G.E. qui recevra la presque totalité de l'ancienne participation de la Compagnie des compteurs, tandis que Thomson n'en recevra qu'une petite partie, mais celle-ci lui permettra de devenir momentanément majoritaire dans la SPERAC, où elle restera seule avec la C.G.E. Cette dernière société projette d'autres opérations qui pourraient, à nouveau, déplacer la majorité dans la SPERAC à son profit. Elle apporterait en effet a la SPERAC la société CORTES (ancienne Société de transmission des données - S.T.S.).

octobre 1969 : nominations

· Monsieur Jean-Baptiste Renondin a été récemment nommé Directeur Commercial des Affaires Civiles de la CII. Après avoir créé le département Télégestion au sein de la Compagnie Thomson, il  a été successivement Directeur Commercial de SPERAC et Directeur du Service Marketing de Thomson-CSF

· Monsieur André Malapert est nommé Directeur Administratif de la compagnie à dater du 15 octobre 1969. Les directions suivantes :

-

octobre 1969 : la Délégation à l’Informatique émet un rapport sévère confidentiel sur la CII

Ce rapport découvert dans les archives de CII semble refléter les différences de vision entre une Délégation soucieuse de faire accoucher au forceps une nouvelle industrie informatique et les actions de la Direction de la CII écartelée entre le Plan et les possibilités limitées de l'héritier de la CAE. On notera en particulier que la Délégation insiste sur la satisfaction des clients de l'informatique de gestion objets formel du Plan Calcul. Le rapport ignore totalement l'existence en France de Bull-General Electric.

Il comprend quatre documents :
1 / Relations entre la CII et l’environnement technique et industriel,
2 / La CII et la préparation de l’avenir,
3 / Politique commerciale de la CII,
4 / L’aptitude de la CII à commercialiser ses matériels.

 


1er novembre 1969: accords définitifs CGE – THOMSON 

Les accords de principe conclus en juin entre les groupes CGE et THOMSON ont fait l'objet, au cours de l'été, de négociations complémentaires touchant un certain nombre de domaines et concernant notamment la mise au point de dispositions intéressant l'Alsthom.

Ces négociations ayant maintenant abouti, les accords, qui portent sur de nombreux secteurs d'activités (principalement électrotechnique, électronique professionnelle, télécommunications par fils, informatique, automatisme, nucléaire, grand public) sont devenus définitifs dans leur ensemble à dater du 1er novembre 1969. Les modalités d'application en seront soumises, en tant que de besoin, aux diverses instances des sociétés intéressées.

Une première série de mesures concernant l'électronique professionnelle et l'instrumentation nucléaire était déjà entrée en application dès le mois de juillet. Les dispositions arrêtées tendent à confirmer la position dominante de THOMSON dans ces domaines et se concrétisent par certains apports du groupe CGE qui sont soumis à l'approbation de l'assemblée générale extraordinaire de THOMSON-CSF convoquée pour le mois de décembre prochain.

Dans le secteur de l'automatisme, où les deux groupes conservent leur liberté d'action dans le cadre de leurs spécialisations, des dispositions ont été prises en vue de la redistribution entre eux des activités de leur filiale commune CITEC.

En ce qui concerne le domaine du grand public, les deux groupes ont décidé, dans le cadre de leur politique de coopération, d'apporter leurs participations industrielles à une filiale commune, à large majorité THOMSON, tout en prévoyant d'exploiter les différentes marques et canaux de distribution existants.

Dans le secteur de l'informatique, les récents accords précisent les dispositions déjà prévues. La reprise par CGE et THOMSON de la participation de la Compagnie des Compteurs dans SPERAC permet de simplifier le schéma industriel et financier envisagé tout en confirmant l'association étroite des intérêts des deux groupes et le leadership de THOMSON.

Enfin, dans le secteur de l'électrotechnique, les deux groupes ont pris un certain nombre de mesures tendant à pousser plus avant la rationalisation de leurs activités. La CGE se trouvera ainsi conduite à prendre la majorité du capital de l'ALSTHOM, notamment par la réalisation d'une série d'apports et le rachat d'une fraction de la participation de THOMSON. Ces décisions sont de nature à faciliter la restructuration de l'industrie électrotechnique française.

TÉLÉCOMMUNICATIONS

La totalité du domaine faisceaux hertziens relèvera désormais exclusivement de THOMSON-CSF. En ce qui concerne les télécommunications par fil, pour lesquelles une importante évolution est prévisible dans le développement de systèmes nouveaux de commutation téléphonique basés sur les techniques de l'électronique et de l'informatique, les deux Groupes ont décidé d'associer leurs moyens et leurs efforts en vue de résoudre en commun les problèmes techniques posés par cette évolution et de réaliser ensuite les matériels correspondants.

A cet effet, il est prévu de créer une société commune chargée de coordonner les études effectuées par les deux Groupes. Le Groupe CGE sera responsable de la conception des systèmes et de la maîtrise d'oeuvre des matériels, Thomson étant, de son côté, responsable exclusif de la fourniture de tous les composants électroniques et des calculateurs.

INFORMATIQUE

L'ensemble de ce domaine se trouve placé sous le leadership de THOMSON. A cet effet, les deux Groupes ont décidé de confier la conduite de leurs actions et le contrôle de leurs intérêts dans l'Informatique à un holding commun, la Compagnie Financière pour l'Informatique (FININFOR) dont THOMSON-CSF détiendra la majorité  
(52 % ). André Danzin, vice-président de THOMSON-CSF, est nommé président de FININFOR

La Compagnie Financière pour l'Informatique, ainsi contrôlée par Thomson détiendra :
- 70 % environ du capital de la Compagnie Internationale pour l'informatique (CII) dont les domaines essentiels d'activité seront les unités centrales de calcul et les périphériques proches (les autres actionnaires de la CII sont le Groupe SCHNEIDER, 25 %, et le Groupe RIVAUD, 5 %),
- 50 % du capital de la SPERAC dont les domaines essentiels d'activité seront les périphériques éloignés et les équipements de transmission de données.La Compagnie des Compteurs ayant récemment cédé sa participation, l'autre moitié du capital de SPERAC sera détenue directement par THOMSON-CSF (20 % environ) et par CG E (30 % environ).


16 décembre 1969 : recette du logiciel IRIS 50 par la Délégation à l’Informatique.

Les équipes de la Délégation ont procédé à la recette du logiciel d’IRIS 50 à partir du 16 décembre. Les principaux produits soumis à recette ont été : Siris 2, système d’exploitation de base, SGF, système de gestion de fichiers, maintenance fichiers, Télésiris, Fortran incrémentiel, LPG, Superviseur, Assembleur, Éditeur de liens, Magiris, Bibliothécaire et RPG.

19 décembre 1969 : Michel Barré est porté à la présidence de la CII.


Michel Barré

Le Conseil d’Administration de la CII, qui s’est tenu le 19 décembre, a nommé Michel Barré  Président Directeur Général de la Compagnie Internationale pour l’Informatique, en remplacement de Jacques Maillet  nommé Président Honoraire. 
passation de pouvoirs entre Michel Barré et Jacques Maillet le 8 janvier 1970

 

30 décembre : recette du premier ordinateur IRIS 80 à la CII.

 

 

Bibliographie:

JM Quatrepoint et J Jublin French Ordinateurs

JP Brulé L'informatique malade de l'Etat

Institut d'histoire de l'industrie Entre plan calcul et Unidata ICBN 2 84132 026 9 Editions Rive Droite

 

d'après un travail de recherche de Bruno Dallemagne ©2002-2005, commentaires en italique de Jean Bellec