11 juillet : document " Très Confidentiel ", établi par les groupes industriels consultés, intitulé :

PROPOSITIONS RELATIVES AU PLAN CALCUL

On trouvera ci-après une première expression, établie en commun par les groupes industriels consultés, de leurs propositions relatives au Plan Calcul.
Ce document s'efforce de répondre, pour l'essentiel, aux questions posées par le Commissaire Général au Plan. Les précisions ou compléments qui seraient nécessaires pourront, s'ils ne sont pas contenus dans les études déjà remises aux autorités publiques, faire l'objet d'annexes au présent document.

CHAPITRE I

INTENTIONS A COURT ET LONG TERMES
Les groupes industriels consultés se proposent de réunir tous leurs intérêts concernant le domaine du calcul, dans une entreprise unique résultant de la fusion des activités Informatique de la CAE et de la SEA.

1°) La stratégie de cette entreprise visera à atteindre d'ici cinq ou six ans un volume d'activité, un équilibre d'exploitation, et une indépendance technique tels que l'entreprise puisse tenir sa place sur le marché européen, en étant maîtresse de ses décisions et en pouvant se passer d'un soutien de l'État autre que le soutien normal.

Au départ, la réunion des deux entreprises représente pour 1966 un chiffre d'affaires de l'ordre de 180 millions et 2000 personnes dont 900 ingénieurs et techniciens, la moitié du chiffre d'affaires étant faite avec des produits relevant de licences étrangères. L'objectif visé par l'entreprise dans le cadre du Plan Calcul est, tout en développant ses produits propres actuels et ses activités sous licence pour assurer son équilibre à court et moyen termes et prendre ou conserver les positions commerciales nécessaires, de développer une activité autonome en deux étapes :

- une première, visant à mettre sur le marché le plus vire possible (1968) une gamme de machines (gamme I) s'ajoutant à la gamme existante et la remplaçant progressivement;

- une seconde, visant la percée complète avec une gamme II entièrement cohérente.

La dimension initiale de l'entreprise est juste suffisante pour aborder l'essentiel de l'étape de la gamme I.
Elle est insuffisante pour à la fois couvrir la totalité de la gamme I et amorcer dès maintenant, ce qui est indispensable, l'étape suivante.

Se préparer avec la gamme II à une large extension du potentiel industriel et commercial impose un accroissement très rapide du potentiel de recherches et d'études. Telle est d'ailleurs la justification essentielle du Plan Calcul; sa réussite et celle de l'entreprise qui la supporte se joueront sur cette gamme II.

Un premier rendez-vous en 1969, au moment où la gamme I sera en plein développement et où il faudra, en fonction du résultat des recherches, arrêter les options de la gamme Il, permettra d'en apprécier objectivement les chances et de définir la dimension nouvelle de l'entreprise.

2°) Mais pour l'immédiat, afin d'assurer la continuité du programme industriel et surtout commercial, CAE a été amenée à entreprendre et annoncer, en plus de ses produits propres, plusieurs lancements de modèles de calculateurs, construits sous licence SDS.

C'est à partir de cette situation de fait qu'est proposé un échelonnement de l'introduction des calculateurs du Plan Calcul, gamme I, qui représentent en fait la gamme intermédiaire préparant le long terme, et qui doivent inclure la satisfaction des besoins impératifs de Défense.
L'échelonnement proposé pour tenir compte de ces données constitue donc, dans l'état actuel de l'appréciation de la situation, la meilleure solution pour assurer l'avenir à moyen terme de l'entreprise avec des gammes aussi cohérentes que possible, en préparant le long terme.

3°) Des liens avec l'industrie américaine restent nécessaires, d'une part pour appuyer nos recherches à long terme, d'autre part pour avoir accès sans retard à certains produits et techniques qui ne seraient pas développés en France, enfin pour ouvrir à nos produits le marché américain. C'est sous cet angle que l'entreprise sera amenée à définir sa politique vis-à-vis de l'industrie US et à examiner d'une part les accords CAE - SDS, d'autre part le protocole SEA- CONTROL DATA CORPORATION.

Dès que l'entreprise aura mis en application sa politique de produits, elle aura à définir les liens européens souhaités.

4°) Vis-à-vis de l'industrie des composants, l'entreprise doit s'efforcer de disposer de plusieurs sources, dont l'une au moins donne l'assurance de la sécurité de fourniture. Les relations sont celles de client à fournisseur, dominées par le prix, le délai et la qualité

A moyen et long termes, le programme de recherches de l'entreprise doit être coordonné avec le programme de recherches de l'industrie des composants, ce qui impose pour l'entreprise une forte compétence de dialogue.
Celle-ci sera développée à partir des travaux déjà accomplis et des liens établis ou préparés par SEA et CAE.

5°) Des études de marché précises ont été remises dans le cadre du marché de définition DRME-DGRST. On résumera seulement ici les objectifs commerciaux pour la première étape : ils sont fixés moins en fonction du volume global d'un marché en expansion rapide que des probabilités de réussite, et orientés nettement par le souci de préparer l'étape suivante.

A - Gestion -

En partant de l'implantation des SEA 3900 et 4000 - qui doit atteindre en 1968 une soixantaine d'ensembles de gestion moyens en exploitation - préparer l'instrument commercial pour introduire en 1968 le bas de la nouvelle gamme et en 1969 le haut de gamme suivant une stratégie prudente :

- viser des " filières " caractérisées par le fait que l'expérience et la compétence une fois acquises sont utilisables à peu près telles quelles dans tous les cas semblables de la profession considérée (exemples : domaine bancaire - assurances - centres administratifs régionaux...),

- viser des applications " gestion intégrée " des entreprises ou ensembles administratifs, en accord avec d'autres firmes nationales pour les compléments périphériques, et transmissions de données notamment,

- viser la pénétration du marché européen, pays par pays, à partir de succès confirmés dans notre propre territoire et des références acquises dans l'équipement administratif des services publics,

- viser la préparation des étapes suivantes notamment en ce qui concerne la philosophie de l'emploi, l'automatisme poussé dé l'exploitation, l'efficacité du software et des services après-vente.

La politique proposée ici devrait, en particulier, répondre de manière satisfaisante aux besoins principaux de l'équipement administratif des services publics. Elle postule :

- que la politique d'équipement des administrations sera exprimée dans des programmes cohérents, dans lesquels pourront être discernées des " filières ", au sens donné plus haut à ce terme, analogues à celles qui sont et seront exploitées dans le secteur privé ;

- que sera instaurée entre l'entreprise et les responsables des administrations une procédure de dialogues préparant les programmes et les cahiers des charges ;

- que les administrations devront pouvoir confier à l'entreprise une part de plus en plus significative de leurs commandes.

On insistera ici sur le sens d'une telle politique : à l'État, elle donne la garantie de voir satisfaire ses besoins par des matériels compétitifs ; à l'entreprise, elle procure les références absolument indispensables à l'action commerciale dans le secteur privé et à l'exportation.

B - Le marché scientifique -

L'entreprise disposera dans ce domaine d'une base de départ significative constituée par l'implantation d'environ 300 calculateurs (CAB 500, CAE 510, C 90).

Le débouché en machines scientifiques est constitué principalement par l'Université, la Recherche d'État et les grandes entreprises publiques et privées. Afin d'assurer au Plan un maximum d'efficacité, l'État devra, dès notification de sa décision, encourager l'utilisation préférentielle par les organismes publics et parapublics des matériels produits par l'entreprise. Cette remarque acquiert une signification toute particulière en ce qui concerne l'Université et le CNRS.

En outre, une telle politique permettrait de faire participer un nombre croissant de jeunes chercheurs universitaires aux divers aspects du développement de l'Informatique. Pour les machines de haut de gamme (P3, P4 explicitées plus loin), elle devrait aboutir à une coopération fructueuse du type MIT-GEC° et BERKELEY-SDS pour la définition et l'étude des softwares GE 645 et SIGMA 7.

C - Le marché industriel -

Le marché des applications industrielles, sans avoir atteint sa maturité, entrera néanmoins dès le départ pour une part significative dans le chiffre d'affaires de l'entreprise grâce aux positions de premier plan acquises par CAE et SCHNEIDER sur le marché français (80%) et européen.

Il est probable que le taux d'expansion de ce secteur sera plus lent que les autres, en raison notamment de la croissance rapide du rapport performance sur prix des machines.

Une autre raison en est la prise en charge progressive de fonctions d'automatismes par des calculateurs d'usage général assurant simultanément des fonctions de gestion.

L'entreprise attache néanmoins une importance particulière au domaine des applications industrielles, non seulement parce qu'il entre dans les vocations principales des groupes primaires, mais aussi parce qu'on peut prévoir à moyen terme une amplification rapide du besoin en petits calculateurs de contrôle banalisables prenant progressivement la relève des appareillages traditionnels.

Cette possibilité de vente en très grandes quantités peut donner naissance, dans une philosophie d'automatisme industriel rénovée, à une filière importante et doit par conséquent faire l'objet d'une préparation minutieuse de l'entreprise dont les références acquises constitueront la base de départ indispensable. C'est dans cette optique que se placera le lancement prochain du petit calculateur 10.010.

D - Le marché militaire -

Le programme calculateurs des Armées est déjà engagé pour le présent et les années à venir. Des positions fortes existent dès à présent, en particulier par l'exécution par la CAE des deux plus importants programmes de traitement de l'information associés à la force de frappe (MSBS SSBS), portant sur plus de 60 systèmes pour un montant total qui dépassera 300 millions de francs.

Pour la période considérée, le Plan Calcul doit à la fois :

- assurer le meilleur raccordement possible des gammes civiles et militaires envisagées, pour des raisons évidentes d'économie ;

- faire bénéficier les gammes civiles et militaires de tous les progrès des techniques et des technologies, compactes notamment, réalisés dans chacune de ces deux branches ;

- permettre d'acquérir une expérience de systèmes naturellement plus avancée que celle des applications non militaires.

Pour répondre aux besoins des nouveaux grands programmes (force stratégique, champs de tir, Défense aérienne...), qui se poseront à partir de 1970-71, les machines qui doivent faire l'objet d'une version militaire (PO P2 explicitées plus loin) doivent être disponibles deux ans avant, soit en 1969, afin de constituer des centres d'expérimentation des périphériques temps réel et de mise au point du software d'application militaire.

E - Évolution et décomposition des chiffres d'affaires -

L'évolution du chiffre d'affaires retenu pour l'entreprise part du chiffre d'affaires cumulé de CAE et SEA en 1966 et élimine pour la période consécutive les recouvrements estimés entre les anciennes prévisions des deux Sociétés.
Il couvre l'ensemble des activités de traitement de l'information numérique et analogique, y compris les périphériques inclus dans les ensembles vendus par l'entreprise, même lorsqu'ils sont achetés en l'état à l'extérieur.
Il n'a pas été tenu compte de l'incidence éventuelle de la commercialisation du grand calculateur (P4).

Le plan présenté vise comme, objectif un chiffre d'affaires pouvant atteindre, en fin de période, 500 millions TTC, correspondant à un volume de production nettement plus important compte tenu de l'incidence des locations.
L'hypothèse retenue pour le volume de location tient compte d'une action de l'État conduisant à une politique d'achat qui sera appliquée dans les organismes publics ou parapublics.

Une telle action entraîne une réduction à 47% de la part location dans la valeur totale des équipements civils fournis, contre 68% dans l'hypothèse où l'État n'aurait pas modifié sa politique.
Le chiffre d'affaires cité ne comprend pas le financement par l'État des études du Plan Calcul.
La décomposition par domaine du chiffre d'affaires prévu en 1970-71 ne peut être que très approximative en raison de l'évolution imprévisible des frontières entre domaines et même de la disparition de certaines d'entre elles.

On peut indiquer que les différents secteurs de l'ensemble du domaine géographique (gestion, scientifique, industriel et militaire) interviennent chacun sensiblement pour 25%.

La répartition entre secteur public et privé est également difficile à préciser, d'autant que les structures des industries et services dépendant de l'État sont très différentes suivant les pays et les domaines.
D'autre part, certains domaines d'application se trouvent répartis entre le secteur public et le secteur privé.

Malgré l'importance particulière du secteur public en France, celui-ci semble ne pas devoir dépasser 40% du chiffre d'affaires civil total en 1971. La part du secteur privé devrait croître relativement plus vite à partir de la fin de la période.

La part exportation devrait croître tout au long de la période, pour atteindre 20 à 25% en 1971, en développant le réseau de ventes international à partir de l'implantation existant à ce jour.

- CHAPITRE II -

LE PROGRAMME PRÉVU ET SES DÉLAIS DE RÉALISATION

1.- SITUATION DE DÉPART -

La gamme actuelle des calculateurs comporte :

- pour la CAE : applications civiles :
le CAE 510, la gamme compatible C-90, le CAE 10.070 (Sigma 7) et un très petit calculateur pour applications temps réel qui sera annoncé officiellement avant la fin de l'année : le CAE 10.010.
applications militaires :
les CAE 130, 133, 240 répondant à des besoins opérationnels français qu'ils rempliront jusqu'en 1970.

- pour la SEA : la machine de gestion SEA 4000, les calculateurs industriels
CINA et PSP (de Jeumont-Schneider) et la CAB 1500 première version.

2.- GAMME I -

a) Projets antérieurs -

Les projets antérieurs des deux Sociétés comportaient :
- pour CAE [1] : 4 machines MO, M2, M3 et M3
- pour SEA [2] : 2 machines UA et UB avec des options .

[1] - Rapport CAE N° 85 001 pour le marché DRME N° 65-34-085-00-480-75-01 Étude de définition d'un ensemble de calcul universel (mars à juillet 1965).

   - Rapport CAE N° 85 009 pour le marché DGRST N° 65-00-256-00-212-75-01 - Études de procédés technologiques et logiques afférents à une gamme de calculateurs compatibles (novembre à mars 1966)

[2] - Rapport SEA N° 260.006/1 à 9 pour le marché DRME N° 65-34-086-00-480-75-01 – Étude de définition d’un ensemble de calcul universel (juin 1965)

 

b) Plan commun CAE-SEA

Une première confrontation des idées et des projets antérieurs des deux Sociétés nous a amenés à la gamme suivante de machines (par tailles croissantes) :
PO : issue de l'ancienne MO de CAE
P1 : issue de l'ancienne UA de SEA
P2 : issue de l'ancienne M2 de CAE
- l'entreprise remodèlera, dans les délais les plus brefs, les trois machines en une gamme unique, avec une compatibilité aussi parfaite que possible entre elles.
- les trois machines seront réalisées en une technologie unique à circuits intégrés T2L et avec des mémoires à tores de cycle inférieur ou égal à 1 microseconde, à partir des contrats de recherches DRME et DGRST confiés à CAE.
P3 : de puissance supérieure à P2, ne serait pas forcément compatible avec PO P1 et P2.
- la connaissance actuelle de son marché rend obligatoire de livrer les premiers exemplaires de cette machine à la fin de 1968 au plus tard. Sa réalisation devra donc être accélérée ; elle serait issue de la machine M3 en cours de développement à la CAE et incorporerait, si les délais le permettent, certaines des dispositions du CAB 15.000 en cours de définition à la SEA.
Les tailles et les applications des quatre machines sont récapitulées à l'Annexe 1.
Dès que les décisions positives du Plan Calcul auront été notifiées à CAE et SEA, ces deux Sociétés échangeront immédiatement tous les rapports remis à la DRME et à la DGRST ainsi .que leurs notes internes, afin de ne pas attendre leur fusion effective pour commencer le travail technique en commun.

Calculateurs analogiques et hybrides -
La gamme de machines numériques serait complétée par un calculateur analogique de hautes performances, avec les organes de couplage et le software permettant ainsi de disposer de systèmes hybrides utilisant les machines P pour la partie numérique.


3.- LE PROBLÈME DU GRAND CALCULATEUR -

Afin de répondre aux besoins qu'exprimeraient des grandes Administrations, certaines entreprises nationalisées et l'Université, l'entreprise pourrait dans le cadre d'un marché en régie, réaliser un et préférablement deux prototypes d'un grand calculateur P4.
Les spécifications seraient établies pendant une phase de définition qui durerait 18 mois, au terme de laquelle serait entreprise la réalisation du ou des prototypes.
Cette réalisation qui durerait deux ans environ assurerait à l'entreprise une maîtrise visant à la classe internationale.

4 - GAMME II -

On peut aujourd'hui penser valablement qu'à long terme "petits systèmes" (pour les petites et moyennes entreprises en particulier) et "grands systèmes" (pour la gestion intégrée des services et des grandes entreprises, partagée avec les calculs scientifiques et techniques) seront les deux pôles essentiels du marché d'application. Mais ni la date, ni les conditions réelles du marché ne sont prévisibles avec exactitude.
Le choix entre l'une, l'autre, ou les deux orientations considérées sera nécessaire pour la satisfaction des besoins après 1971. L'entreprise devra se préparer à ce choix. Soulignons qu'il conduit, pour les "petits systèmes", à une production de très grande série.

La préparation de la gamme II est en fait contenue dans le programme à moyen terme de recherches à engager immédiatement, de telle sorte qu'en 1969 des spécifications précises des produits et domaines d'applications puissent être énoncées.
Ces perspectives impliquent donc que l'effort de recherches et développements accompli par l'entreprise lui procure la maîtrise scientifique, technique et technologique nécessaire à l'élaboration des choix successifs.


5 - RECHERCHES ET DÉVELOPPEMENTS -

Deux plans principaux de recherches et de développements sont présentés :

Plan 1 - court et moyen termes -
Son objectif principal est la gamme II et le programme P4.Il concerne essentiellement:

a) les études de technologie -
- technologies rapides et ultra-rapides (choix des schémas, méthodes d'implantation logique et technologique d'éléments discrets et monolithiques, technique des couches minces) ;
- mémoires (intégration des organes liés aux matrices de microtores, films minces, ferrites laminées ou usinées) ;
- mémoires mortes ou semi-mortes ;
- automates d'un calculateur…

Sur ces divers sujets, la CAE et la SEA ont déjà entrepris des recherches et des études de réalisations préliminaires.

b) les études de structures de calculateurs et systèmes -
Les travaux qu'on propose d'entreprendre à partir des expériences acquises par CAE et SEA approfondiront l'exploration des projets qui concernent en particulier les systèmes de gestion de mémoires et organes périphériques, les interruptions de pro-gramme, les structuras à préfixes et à piles.
Elles viseront la gestion automatique des systèmes de traitement de l'information et les dialogues d'un calculateur avec son environnement.

c) systèmes de programmation et programmes de simulation -
Compte tenu de b), l'approfondissement de l'étude des systèmes de programmes d'exploitation (moniteurs), des compilateurs et langages de communication sera entre-pris dans la perspective :
- de la multiprogrammation,
- des divers types de communications homme-machine,
- de l'introduction généralisée des transmissions de données.
Elles concerneront enfin la réalisation des simulateurs pour les projets élaborés sous b).

Plan 2 - long terme -
L'entreprise sera conduite à proposer l'engagement rapide d'un programme de recherches à long terme concernant notamment :
- les dispositifs de commutation destinés aux circuits logiques,
- les mémoires à accès aléatoire de grande capacité et de bas prix et les mémoires ultra-rapides.
Elle compte sur le concours de l'Université et des laboratoires de l'État pour appréhender divers aspects du plan de recherches à long terme.

6.- PÉRIPHERIQUES -
L'entreprise dispose déjà par les apports initiaux de compétences et d'une expérience de conception et de production des organes suivants :
- lecteurs et perforateurs de ruban,
- imprimantes rapides,
- lecteurs de caractères,
et une expérience d'emploi des :
- unités de bandes magnétiques,
- unités de mémoires de masse à disques.
Elle sera conduite à spécifier les nouveaux organes des catégories ci-dessus qui seront nécessaires et à établir ainsi une collaboration préliminaire avec ses fournisseurs.
Elle sera conduite aussi à exprimer ses besoins pour les organes suivants :
- lecteurs et perforateurs de cartes,
- dispositifs de visualisation et d'interrogation et leurs interfaces avec les "modems" transmission de données.

- CHAPITRE III -
GRANDES LIGNES ET DÉLAIS DE MISE EN PLACE
DE LA NOUVELLE STRUCTURE INDUSTRIELLE

1.- Les groupes considèrent que seule une fusion, complète dès le départ, des activités Informatique des deux sociétés CAE et SEA peut assurer l'unité de direction nécessaire, arbitrer les concurrences résultant inévitablement au départ de la juxtaposition initiale des programmes, réaliser au mieux le passage progressif à un programme unique et cohérent indépendant des contraintes initiales.

Une entreprise unique réunissant l'essentiel des activités de SEA et CAE sera constituée par fusion de ces Sociétés, avant la fin de l'année en cours.
Les trois groupes CGE, CSF (déjà associés dans CITEC) et SCHNEIDER établiront un protocole d'accord qui définira leur participation au capital de l'entreprise.

2.- Les structures de la nouvelle entreprise devront assurer en particulier :
- l'unité de politique commerciale dans tous les domaines,
- l'unité de direction des études, recherches et développements,
- l'unité de direction des productions et leur rationalisation.

L'importance et le caractère spécifique des activités militaires, en particulier sur les plans conception des systèmes et technologie, justifient la réunion de tous les moyens techniques, commerciaux et administratifs afférents à ce domaine dans une division militaire verticalisée.

3.- Afin de ménager les transitions nécessaires, d'éviter les difficultés que pourrait créer une opération aussi radicale, et de ne pas perdre un temps précieux dans le démarrage du Plan Calcul, il est convenu de mettre sur pied, dès la notification par les Pouvoirs Publics de leur décision de lancer le plan, un comité de liaison à l'échelon des directions générales des sociétés, ayant pour tâche, en attendant la fusion juridique et en se plaçant dans l'optique définie en (2) :
- d'assurer l'efficacité maximale des travaux d'études et de développement du Plan Calcul,
- de préparer la mise en place des structures communes,
- d'élaborer une politique commerciale coordonnée,
- d'assurer l'échange de toutes informations techniques afin d'éviter tout retard dans la mise en œuvre de la politique commune,
- de trancher tous différends pouvant intervenir sur le plan technique et commercial dans les zones de recouvrement.

4.- Le champ d'activité de l'entreprise peut être ainsi défini :

Concevoir, fabriquer, vendre ou louer des calculateurs et des produits de traitement de l'information de tous types (numériques, analogiques, hybrides et mixtes) et les systèmes de traitement de l'information catalogables ou sur devis, assurer la programmation et l'aide à la clientèle pour la mise en oeuvre des systèmes fournis par l'entreprise.

Aucune limitation a priori n'est fixée aux domaines d'application, les compétences de la société étant celles nécessaires à son activité propre et celles nécessaires à l'établissement des dialogues avec les sociétés utilisatrices, notamment les sociétés d'automatisme industriel.

Le domaine ne couvre pas l'ensemble des périphériques. Il peut inclure l'étude et la production de périphériques dans la mesure où leur conception est inséparable, dans les systèmes, de celle des unités centrales.

5.- La nécessité du Plan Calcul et l'assurance que les efforts qui y seront déployés viendront nourrir le progrès des industries concourant à l'équipement du pays en moyens de traitement de l'information, impliquent que dès le départ ces efforts ne restent pas isolés de l'activité générale de l'informatique.

Cette remarque s'applique à la collaboration aussi bien avec l'Université et la Recherche d'État qu'avec les sociétés qui ont acquis une compétence affirmée dans certaines catégories de matériels adaptés à des environnements particuliers, par exemple militaires et spatiaux, dans les équipements périphériques ou d'exploitation annexe, ou encore dans l'élaboration de software.

L'établissement de liens particuliers techniques, commerciaux et même industriels et financiers avec certaines de ces sociétés pourra se révéler utile et devra être envisagé en temps voulu.

Si ces liens devaient en particulier conduire à des participations de tiers dans le capital de l'entreprise, celles-ci ne devraient pas pour autant entraîner l'infléchissement ou la modification des objectifs proposés par l'entreprise et approuvés par l'État, ni être de nature à amoindrir l'efficacité de sa Direction dans aucun de ses domaines.


- CHAPITRE IV -
PLAN DE FINANCEMENT

Le plan de financement présenté correspond au programme exposé au Chapitre II ; il couvre donc la phase initiale et les phases I et II, à l'intérieur de la période d'exécution du Plan Calcul, de 1966 à 1971.

Il reflète essentiellement le souci de l'industriel de consacrer les cinq prochaines années à bâtir, avec une aide particulière de l'État, une entreprise française de traitement de l'information capable d'affronter avec succès le marché national et international. En revanche, après 1971, un soutien normal de l'État paraît devoir être suffisant. Le plan présenté inclut, pour les années 1966 à 1971, l'amorce de ce soutien normal sur le plan de la recherche.

Le tableau de financement, présenté sous une forme synthétique, a permis de vérifier l'équilibre des grandes masses financières mises en jeu eu cours des années 1966 à 1971 et de la structure financière probable de l'entreprise en fin de période. II ne saurait être tenu pour un programme définitif.

Les dépenses et ressources ont été évaluées à parti des chiffres d'affaires aboutissant à un montant de 500 millions en 1971, objectif indiqué au Chapitre 1.

Au départ, le chiffre d'affaires prévisionnel "numérique" et "traitement de l'information spécialisé" des deux sociétés (1966) est de 30 millions pour SEA et 120 millions pour CAE.
Le chiffre d'affaires prévu pour les systèmes de la gamme I pendant la seule période 1968-1971 est de 950 millions en équivalent vente. Les dates de commercialisation des produits de cette gamme sont présentées dans l'Annexe Il, qui figure, au-delà de 1971, la poursuite de la gamme I et sa relève par la gamme Il.

1.- CHARGES -

Les dépenses du Plan Calcul peuvent être ainsi analysées :
A - Programme d'études et de développement -
En plus des dépenses relatives aux autres travaux d'études de l'entreprise amorties sur les fabrications courantes, le programme d'études du Plan Calcul est évalué à 379 millions se répartissant approximativement en :
- Recherches, études et développement de matériels 174
- Programmation 163
- Réalisation de prototypes 42

Le programme couvre toutes les études et recherches nécessaires au développement des matériels définis au Chapitre Il, dont une partie importante de la préparation de la gamme Il, le coût au delà de 1971 pouvant être de l'ordre de 60 millions. Le premier poste en particulier comprend toutes les études d'unités centrales, d'interfaces et d'unités de couplage et de contrôle des périphériques du catalogue, ainsi que de certains périphériques directement associés.

La ventilation par groupes de matériels s'établit ainsi :
- Machines P0, P1, P2, Hybride (HI) 167
- Machine P3 84
- Programme de recherches et préparation de la gamme II 128

L'évolution du programme et celle du marché pourront conduire l'entreprise à effectuer certains transferts entre les postes ci-dessus.

Militarisation
Deux des calculateurs de la gamme I, PO et P2, feront l'objet d'une militarisation conformément aux programmes de la DMA. Le volume des dépenses correspondantes, évalué à 54 millions, n'est pas pris en compte dans le tableau de financement.

Grand Calculateur (P4)
Les dépenses liées au grand calculateur P4 ont été estimées à 120 millions, incluant notamment la réalisation d'une maquette et la fourniture d'un prototype. Il est à noter que les programmes de recherche et de préparation de la gamme ll, mentionnés ci-dessus, participeront de manière notable à la réalisation du programme P4. Également les techniques de pointe développées pour P4 seraient en partie utilisées pour la gamme lI.
Par ailleurs, les effectifs rendus disponibles au fur et à mesure de l'achèvement du programme PO à P3 pourraient être en partie affectés aux équipes P4. Les dépenses correspondant au programme P4 ne sont pas prises en compte dans le tableau de financement.
Périphériques'
Dans l'esprit du programme exposé au Chapitre Il, paragraphe 6, le plan présenté comprend l'amorce d'une politique de périphériques permettant à l'entreprise d'atteindre ses objectifs pendant la période d'application du Plan Calcul.

Concours extérieurs
L'entreprise fera appel dans la plus large mesure possible, pour la réalisation du Plan Calcul, aux compétences techniques et scientifiques du secteur public et du secteur privé.
C'est ainsi qu'elle envisage :
- des dialogues techniques avec les secteurs fournisseurs en les associant à la phase développement, en vue de la préparation de la phase industrielle,
- l'appel aux Universités et aux sociétés de services telles que la SIA, en particulier dans le domaine du software et des recherches technologiques de base,
- sans oublier la collaboration évidente avec les laboratoires de recherches de ses actionnaires.
La Recherche d'État pourrait se voir confier, dans le domaine du software, une série de travaux de programmation, d'études de langages et compilateurs et de problèmes théoriques de structures de machines et systèmes.
Le volume des travaux confiés à ces organismes sous le contrôle d'exécution de l'entreprise sera fixé en fonction du potentiel qu'ils pourront affecter au Plan dans les délais requis.

B - Programme d'investissements immobiliers, industriels et commerciaux -
Le montant global de 500 millions couvre la totalité des dépenses de l'entreprise pour la mise en place des moyens immobiliers, industriels et commerciaux nécessaires pour atteindre l'objectif visé.
Cet investissement se reflète en particulier par une surface industrielle totale portée de 20.000 m² à plus de 70.000 m².
L'effectif de l'entreprise en fin de période est évalué à environ 5000 personnes. En ce qui concerne le Plan Calcul, l'entreprise compte atteindre rapidement, au plus tard en 1969, un premier palier au niveau de 600 à 700 ingénieurs et techniciens. La sous-traitance, en particulier, dans le domaine du software, interviendra à la fois comme appoint de régulation et comme compétence complémentaire.

C - Charge financière des locations -
Le montant correspondant s'élève à 290 millions, Il a été établi dans l'hypothèse, explicitée page 4, d'une action de l'État en vue d'une politique d'achat, de la.part des organismes publics et parapublics, conduisant à une réduction à 45% environ de la part location dans la valeur totale des équipements civils fournis.
L'absence d'une telle action aurait pour effet, surtout au cours d'une période de fort accroissement du chiffre d'affaires, de majorer très notablement les charges de financement supportées par l'entreprise.

2.- RESSOURCES -


A - Effort propre de l'entreprise -

Il concerne en premier lieu la mise sur pied des moyens industriels et du réseau commercial aptes à assurer le succès du Plan Calcul : construction et équipement des immeubles et extensions nécessaires, création de l'outillage, expansion du réseau commercial, développement du potentiel de recherches et d'études, formation et promotion technique du personnel.
Il comprend aussi une participation directe aux dépenses d'études des matériels du Plan Calcul, ainsi que la charge du développement des produits non compris dans le Plan Calcul.

B - Aide de l'État -

L'aide de l'État porterait sur une subvention, accompagnée d'un concours du Fonds de Développement Économique et Social sous la forme d'une aide remboursable en cas de succès, et sur une garantie devant permettre l'obtention de moyens de financement.

Il serait également demandé à l'État son appui pour résoudre le problème posé par la location.

C - Données financières -

L'aide de l'État et l'effort propre de l'entreprise peuvent se résumer dans les chiffres suivants :

a - Subvention de l'État 310 millions
b - Aide au développement remboursable en cas de succès 40 millions
c - Effort sous la responsabilité de l'entreprise :
  - capitaux propres et bénéfices non distribués 143 millions
  - crédits à long et moyen termes 187 millions
  - remboursements prévus dans la période (103)
  - Lettre d'Agrément avec garantie de l'État
(après déduction des remboursements) 45 millions

Sous réserve de l'incertitude sur les éléments de départ qui subsistera jusqu'à réalisation de la fusion, la structure financière de l'entreprise en fin de période peut -être schématisée de la façon suivante :
en millions de francs

- Capitaux propres et bénéfices non distribués 148
- Emprunts à long et moyen termes               87
- Capitaux permanents                          235
- Lettre d'Agrément                             45
- Emprunts à court terme (y compris CNME)      87
                                               367
Aux dettes inscrites au bilan s'ajoute
-  montant de l'aide au développement estimé à  40 millions.
- Immobilisations sauf matériels en location   141
- Matériels immobilisés pour location          130
- Fonds de roulement                          136
                                               407


Problème location
L'examen de la structure financière en fin de période fait ressortir clairement la nécessité d'un appui de l'État pour assurer à l'entreprise l'accès à des moyens de couverture particulière des besoins spécifiques location.

L'impossibilité de couvrir par les capitaux permanents à la fois les immobilisations classiques, une partie raisonnable du fonds de roulement et les matériels loués immobilisés, en période de croissance initiale, justifie cette demande d'appui.

Le volume de ce financement sera d'autant plus limité que l'État aura pu agir sur les organismes publics et parapublics clients en vue d'une réduction des locations (voir action de l'administration américaine), action portant en elle-même sa justification par l'économie qu'elle entraîne.

Garantie de l'État

Les conditions d'octroi des crédits en France et le volume des crédits nécessaires à l'entreprise pourront amener celle-ci à demander à l'État sa garantie sur certains des emprunts qu'elle aurait à contracter pendant la période de lancement et de vente des calculateurs du Plan Calcul, en particulier pour la Lettre d'Agrément concernant les fabrications.

- CHAPITRE V -
PROCÉDURE ET DÉLAIS DE RÉALISATION DE L'ACCORD
AVEC LA PUISSANCE PUBLIQUE

Pour être pleinement efficace, le plan envisagé devra être mis en oeuvre dans les délais les plus brefs.

La procédure appliquée devra d'une part assurer la continuité de l'activité des équipes déjà affectées à ces objectifs et d'autre part permettre le déclenchement immédiat des opérations de structuration complémentaire.

Sans attendre la conclusion des discussions sans doute longues que nécessitera l'élaboration des procédures administratives, il est indispensable que le signal de départ soit donné dès que la décision de principe sera prise.

La forme pourrait en être une lettre des Pouvoirs Publics aux industriels portant sur:
- plan décision de principe d'engager le plan d'action, avec l'indication des contours de ce plan,
- le financement des équipes affectées au Plan ainsi que des dépenses engagées par les industriels en vue de l'accroissement rapide de leurs moyens, ceci pendant le temps nécessaire à la mise en oeuvre de la procédure définitive, par exemple 6 mois,
- l'indication des procédures d'urgence envisagées.

Il devra également être tenu compte dans la procédure :
- des adaptations indispensables des caractéristiques des matériels en cours d'étude afin de leur assurer une compétitivité maximale au moment de leur annonce,
- du secret devant impérativement entourer le lancement d'un produit de grande vente sur un marché très compétitif en face de concurrents disposant de moyens de rétorsion importants.

Pour ces deux raisons, la procédure appliquée devra se référer sur le plan technique à une définition globale des objectifs et des fonctions qu'ils devront permettre d'assurer.
Afin d'assurer au Plan un maximum d'efficacité, il serait bon que l'État déclenche, dès notification de sa décision, l'utilisation préférentielle par ses Services des matériels de l'entreprise française tout au moins jusqu'à ce que cette dernière ait atteint la taille critique.

REMARQUE SUR LES RESSOURCES EN PERSONNEL TECHNIQUE
II ne faut pas se dissimuler l'importance de l'effort de formation qui devra être entrepris d'extrême urgence autant pour doter les Services d'État d'un ensemble d'exploitants de formation solide que pour mettre à la disposition de l'industrie les cadres techniques, industriels et commerciaux nécessaires à la mise en œuvre du Plan.
L'industrie attache la plus grande importance à ce problème dont la sous-estimation risquerait d'entraîner rapidement un plafonnement de l'effort, surtout dans le domaine technique, et par voie de conséquence un retard sur les délais d'aboutissement et la mise en péril de l'ensemble de l'opération.
Il est proposé qu'un comité d'experts réunissant des représentants de l'État et l'industrie soit immédiatement créé auprès de l'autorité chargée de la mise en œuvre du Plan et soit investi de pouvoirs suffisants pour mettre sur pied des solutions efficaces à ce problème.