BULL ET LES APPLICATIONS
par Claude Rolland
0-DOMAINE PRÉSENTÉ
Les applications peuvent être classées de la façon suivante :
- applications standard, qui peuvent être vendues sur catalogue. Elles sont soit génériques (intéressant lensemble des clients), soit sectorielles (visant un segment de marché précis : banque/assurance, industrie, santé, par exemple) ;
- applications spéciales, développées sur affaire pour un client identifié.
La suite de cet article ne traitera que le cas des applications standard.
On notera en caractères gras soulignés les principales décisions stratégiques prises par la Compagnie, impliquant les applications.
1- LA DÉFINITION DES APPLICATIONS A ÉVOLUÉ DANS LE TEMPS
Depuis la naissance de la mécanographie dans les années 1920, les premières applications se font clé en main. Elles sont développées par le constructeur pour un client (service client) pour son usage unique. Les premiers ordinateurs apparaissent en Europe dans les années 1960. Chez BULL, le GAMMA60 et le GAMMA30 : peu daides systèmes sont à la disposition du client, qui est peu formé en informatique, tant en analyse quen programmation.
Ce sont des applications batch, souvent écrites en assembleur.
Des applications temps réel ou de process control sont également développées. Dans la mesure où bien souvent ces projets font appel à du matériel spécialisé, ils sont les précurseurs de ce quon appellera par la suite les projets spéciaux.
Le besoin d'applications temps réel (réservation, saisie assistée) et lapparition de terminaux ligne, puis écran, suscite des applications constructeurs qui trouvent là des extensions canoniques possibles au système : ce sont les sous-systèmes transactionnels (à partir des années 1970).
Ainsi, dans le cas du transactionnel, on sépare la partie gestion des télécommunication et gestion des bases de données (le moniteur), des transactions écrites en COBOL, que le client peut ajouter, modifier ou, supprimer ultérieurement. La partie gestion indépendante est ainsi généralisable et réutilisable. Des systèmes transactionnels multi-serveurs (IMS dIBM, TPS sur GE-600) apparaissent, ainsi que des systèmes transactionnels multi-tâches (CICS dIBM, OLBS sur GE-400, TDS-6 puis DMIV/TP, TDS7 et TP8 dans le monde BULL, STRATEGE chez CII).
Une évolution identique se fait sur les SGBD pour lesquels la gestion de la structure de la base tend à être bien séparée des données elles-mêmes : réalisée encore imparfaitement sur IDS-I (SGBD réseau de BULL), cette séparation est quasi-complète sur IDS-II.
A noter quIMS (IBM) est un super sous-système qui propose à la fois un moniteur transactionnel (IMS/DC) et un SGBD hiérarchique (IMS/DB) sur OS/360. Léquivalent existe sur DOS : cest DL/1.
Le time sharing, à peu près contemporain des sous-systèmes transactionnels (1967), répond au besoin de développement conversationnel dapplications sur terminaux (dabord télétypes) et à linterrogation de données au coup par coup (au contraire des applications transactionnelles qui permettent la manipulation contrôlée de grands volumes de données au moyen de transactions pré-écrites).
Les systèmes de requêtes viendront plus tard, permettant des requêtes individuelles sur des bases de données, les plus adaptées étant relationnelles (1978) avec le système R dIBM.
Notons dailleurs que les SSII trouvent rapidement des marchés intéressants dans le développement dapplications (indépendance vis-à-vis des constructeurs, donc portabilité ; de plus il ny a pas de professionnels de linformatique, au moins chez les moyens et petits clients). Souvent dailleurs, le premier développement est fait sur commande dun client, lindustrialisation se faisant après coup, ce qui limite les investissements et les risques.
A partir des années 1965-1970, les principaux langages de développement furent le COBOL et le FORTRAN(langages dits de 3ème génération), rapidement normalisés, mais chez les grands clients, les grosses applications sont développées en macro-assembleur (2ème génération) sur IBM et sur GCOS4/GCOS8 (les causes : place mémoire, performance, élitisme des équipes systèmes). Sur GCOS7, développé plus tard, un langage évolué de 3ème génération (GPL), dérivé du langage de développement du système, est proposé à partir de 1977.
APL a un succès limité (puissant car interprétatif, mais gourmand en ressources machine), de même que PL1, promu par IBM.
RPG, lancé par IBM pour la gestion, a un succès indéniable, surtout dans les PME/PMI.
Pour les scientifiques, on trouve ALGOL dès 1960, PASCAL (1969). BASIC est utilisé surtout dans lenvironnement time-sharing, avant dêtre populaire sur les premiers micros.
A partir des années 1980, C (langage dimplémentation des systèmes UNIX et WINDOWS) permet le développement dapplications sur systèmes ouverts. A partir de 1992, C++ et HTML ont permis de développer les applications récentes en technologie objet et sur le web. Sy ajoutent maintenant TCL/TK, PERL, XML,
Le but du génie logiciel était de satisfaire le besoin de développement performant et robuste des applications-client. Le génie logiciel se compose dapplications adaptées aux différentes phases du développement : générateurs de langages en environnement batch et transactionnel, générateurs de formes écrans, aides au re-engineering dapplications existantes, aides aux méthodes danalyse (MERISE, par exemple). Plus tard apparaissent des L4G (langages de 4ème génération) interprétatifs, adaptés au développement en ligne et aux sous-systèmes intégrés QUERY-SGBD, développés par les SSII leaders (FOCUS, NOMAD, RAMIS, TOTAL/MANTIS).
Les progiciels sont des applications développées pour la plupart par des SSII pour un seul client, puis rentabilisées par ventes multiples, car satisfaisant un segment de marché réel.
On a alors des progiciels génériques (génie logiciel, L4G, SGBD), se répandant à partir de 1975.
Bien que des applications sectorielles aient existé bien plus tôt (à partir de 1968 : Sabre pour la réservation aérienne, COPICS pour la gestion industrielle, etc ) les progiciels sectoriels fleurissent à partir de 1975 pour des marchés spécifiques (industrie, santé, assurances, banques, gestion documentaire, PAO, presse/édition) quelquefois développés dabord pour/par un client.
Lapparition des systèmes ouverts(UNIX, PC/DOS/Windows, maintenant LINUX et les logiciels "gratuits") a créé une nouvelle donne. Ils ont rendu les SSII plus indépendantes des constructeurs et les clients plus exigeants vis à vis des constructeurs et des éditeurs (sauf de MICROSOFT ) : le client peut ainsi mettre en concurrence les constructeurs, au moins pour ses applications nouvelles. On dit alors que lon passe à lère du client-roi.
Les constructeurs informatiques traditionnels (BULL, UNISYS, DEC, ), dont le business model était fondé sur des ventes de systèmes à forte marge et des applications-clients à au moins 10 ans de durée de vie, ont alors vu ce business model seffondrer. Contraints de rechercher dautres sources de revenus (vente de matériels et de services en organisation, info gérance, secours) et de se réorganiser en profondeur, ils ne sont pas parvenus à se rétablir durablement, à lexception notable dIBM, déjà plus ou moins dans les systèmes ouverts et dans les services, et de Hewlett-Packard, diversifié auparavant dans dautres secteurs (imprimantes, systèmes médicaux, process et industrie).
2- BULL ET SES PREMIERS CLIENTS
Jusquà la fin des années 60, on a des systèmes propriétaires, avec des applications clés en mains.
Avec la mécanographie, la stratégie commerciale de Bull était de sengager auprès des clients à livrer le matériel, et les méthodes nécessaires à la réalisation des applications comptables de lentreprise.
Une étude détaillée réalisée par lingénieur commercial décrivait en détail les traitements, leur durée et le matériel, lacceptation conduisait à la signature du contrat de location.
La réalisation des analyses et des tableaux de connexion était confiée à un (ou plusieurs) technico-commercial. Ces travaux pouvaient sétaler sur une période de 6 à 12 mois, ce service gratuit appelé "mise en route " était inclus dans le contrat et a largement contribué au succès de Bull.
Avec les GE 55 58 cette même politique conduisait à des coûts prohibitifs car les travaux dorganisation et de programmation étaient les mêmes pour des revenus très réduits.
Bull a imaginé des "applications standards" telles que paye, facturation, et appelées "PROSPER" ; ces applications étaient paramétrables pour être adaptées aux spécificités des clients.
Lunbundling mit un terme à cette approche et Bull regarda ce que faisait IBM (depuis de nombreuses années).
A partir des années 1965, des applications transactionnelles apparaissent dans le monde BULL/GE. Linfrastructure est écrite le plus souvent par le service client en assembleur et lapplication pour/par le client en COBOL. Les infrastructures seront peu à peu intégrées aux systèmes dexploitation.
(Voir plus haut, et larticle Histoire du Transactionnel par Jean BELLEC dans Histoire des Systèmes sur le site de la FEB).
La même stratégie commerciale se poursuit, cest à dire vendre le matériel adapté et calibré pour le support des applications du client, et ainsi le fidéliser pour se protéger de ou concurrencer- IBM.
Des organisations dédiées aux applications sont créées dans BULL, et en parallèle chez CII, car il apparaît quun bon nombre de clients ont les mêmes exigences en la matière.
Années 1970-1980 :
Dans CII-HB, il existe une organisation dédiée applications, rattachée au Marketing Central et dirigée par Jean CORDEL. La principale application, tournant sur GCOS62 et GCOS64/GCOS7, a été IMS, évoluant en IMS/TD (interface transactionnelle), développée en COBOL/TDS : il sagit d'une gestion industrielle qui a suivi constamment létat de lart en la matière, notamment gestion discrète et par flux et introduction du juste à temps (just-in-time). Elle a eu un certain succès dans les PMI, étant très compétitive face notamment à COPICS (IBM) et à léquivalent chez HP.
A un moindre degré, lapplication graphique GRAPH7 et 8, dabord sur table traçante, puis sur écran couleur, a été assez bien vendue.
A la CII, léquipe dirigée par Ralph SETTON, en charge des projets spéciaux, développait, promouvait et vendait aussi des applications. Indéniablement, cest MISTRAL, développé dabord en FORTRAN sur SIRIS8, puis porté sur DPS7 et DPS8, qui a été un grand succès (peak park denviron 250 installations en France et en Europe). Il sagit dune application de gestion documentaire sophistiquée, avec recherches multicritères. MISTRAL doit aussi son succès commercial aux nombreux supports réseau que léquipe de Claude POCARD a su motiver grâce à son promoteur Carlos OSTROVSKY.
Une autre application intéressante a aussi été développée par léquipe de Ralph SETTON : il sagit de COSY1000, application de presse développée dabord sur BS1000, puis portée sur SIRIS3. Elle a été utilisée aux NMPP et à NICE MATIN. Une revue indépendante tenue en 1978 sur le projet de portage de COSY1000 sur GCOS64 conclut à labandon de COSY1000, pour des raisons détroitesse du marché en comparaison des coûts de portage et de support.
Léquipe ex-CII va apporter toute son expérience pour renouveler le produit IMS/TD pour les lignes GCOS62 et GCOS64. Comme C.OSTROVSKY pour MISTRAL, Daniel TRIOLLET fera beaucoup pour la réussite de ce progiciel.
Les deux équipes SETTON et CORDEL ont été regroupées sous la direction de Ralph SETTON à la fusion CII-HB, en 1976.
Dans les réseaux commerciaux, un certain nombre dinitiatives sont prises, notamment pour les PMI/PME : sur G100, sur DPS4 (exemple de lapplication de gestion de tous les garages FIAT en Italie), ainsi que sur MINI6. Un exemple mérite dêtre signalé: léquipe Affaires Spéciales du Réseau Commercial France sous la direction de Gérard PASSÉ a développé une application de sécurisation des environnements transactionnels sur TDS/GCOS7 appelée SECURACCESS ; elle a été reprise en 1988 par la direction de Ralph SETTON et intégrée à loffre standard de GCOS7 (200 copies vendues).
Vers 1971, lintroduction de lunbundling (dégroupage) du logiciel et des services par IBM laisse entrevoir des revenus associés à des applications développées et commercialisées pour elles-mêmes par des professionnels. Ceci est dautant plus vrai que lon est à lapogée du règne des systèmes propriétaires, et que le client doit bien en passer par là, sil veut limiter ses coûts.
Des organisations adaptées sensuivront dans les SSII et chez les constructeurs.
3- INVESTISSEMENT DES LIGNES DE PRODUITS
En 1978, une équipe de support au développement dapplications et aux projets spéciaux est créée dans la Direction Logiciel du DPS7, car de nombreux clients (en particulier les clients mixtes BULL/IBM), et donc des SSII, exigent de porter leurs progiciels sur GCOS64/GCOS7.
En 1981, cette équipe est transférée au marketing DPS7 et son rôle sétend au marketing des applications (promotion, formation, négociations avec les partenaires et les réseaux commerciaux).
Cette stratégie a deux buts : lannonce dARES, destiné à concurrencer les serveurs AS400 (IBM), HP3000 et ceux de DEC, et la génération dadd-ons sur les plus grands systèmes DPS7. Les applications ne sont pas jugées constituer encore un business en soi.
Le langage GPL (version commerciale de HPL, langage dimplémentation du système) a été promu, et des interfaces systèmes formalisées, publiées et maintenues au cours des releases GCOS7 successives.
Sur DPS6 également, un support intense est fourni des 2 côtés de lAtlantique au développement dapplications. Plusieurs systèmes transactionnels apparaissent à cet effet.
TPS6 a été développé par HIS-UK à Hemel Hempstead ; il a été le support de lapplication de gestion des cartes bancaires de lAMEXCO.
DTF était le concurrent de TPS6 chez CII-HB. Il était issu des compétences de CI en transactionnel sur la gamme IRIS (STRATEGE) et a été développé dans les équipes de Ralph SETTON dans le cadre daffaires dès 1978, avant de devenir un produit standard en 1980. La première version a été développée pour les besoins de lannuaire électronique MINITEL. Christian LE BARON était responsable à cette époque de ces affaires et des produits transactionnels de la gamme IRIS (STRATEGE) et a fait les spécifications de DTF avec Guy LE BOURHIS, qui était responsable du développement et de la mise en uvre sur affaires. DTF a été largement diffusé (au moins 5000 copies) en France et en Europe.
Une version fermée (TCF) permettait de fournir une application de concentration de terminaux asynchrones sur DPS6 et de présenter aux applications sur les systèmes centraux GCOS sous TDS ou DMIV/TP-TP8 une visibilité de terminaux VIP synchrones. Cette version fermée a eu également une large diffusion.
Ces développements sont effectués dans le cadre ISO-ISO/DSA.
Plusieurs équipes y participent sur DPS6, DPS7, DPS8, QUESTAR400, MICRAL sous DOS/WINDOWS, puis UNIX à partir de 1984.
Des UFT sont développés sur les différentes plateformes, et leurs inter-fonctionnements qualifiés.
Des serveurs de messagerie X400 sont développés sur DPS6 et DPS7 par une équipe dont les responsables ont été successivement JP. MOULARDE, Louis DOUCET, Jacques PUECH. Léquipe de Francis TOUZIN sur GCOS7 a aussi contribué à cet effort.
Le serveur X400 sur UNIX BULL est acheté.
Des UA (agents utilisateurs) pour accéder à ces serveurs sont développés sur QUESTAR400/CTOS, et MICRAL/DOS/WINDOWS.
Cette offre de messagerie est regroupée dans DOAS, annoncé en 1987.
De plus des UA sont développées sur QUESTAR400 et MICRAL pour accéder les serveurs de classement DFA7 sur GCOS7, et MISTRAL sur GCOS7 et GCOS8.
Enfin, AFFINITY est développé sur QUESTAR400 et MICRAL par léquipe de JJ. LACLAVERIE pour accéder au système de requêtes IQS sur DPS7.
Le développement dORACLE client est fourni par ORACLE Corp.
Lensemble est annoncé en 1988 dans le cadre BLUEGREEN, et vise à concurrencer ALL-IN-ONE, offre bureautique de DEC.
En 1989, une organisation dédiée unique est créée pour le planning/marketing et la cohérence de loffre applicative pour lensemble des Lignes de Produits, car le business des applications commence à être considéré pour lui-même..
Cinq domaines génériques cibles sont visés sur des critères de marché potentiel (demandes clients et enquêtes danalystes, tels que BAIN et AT. KERNEY) : génie logiciel, aide à la décision, bureautique/videotex, automatisation dexploitation et sécurité, pour lesquels BULL na pas encore (ou a peu) investi, que ce soit en développement ou compétences réseaux commerciaux.
De plus, une organisation centralisée de relations partenaires (équipe de Didier CHAUSSONNIERE) est mise en place dans lorganisation de Claude BLOCH, installé à Billerica de 1989 à 1992. Son rôle consiste à gérer les contrats avec lensemble des partenaires (MICROSOFT, IBM, TEXAS INSTRUMENTS, aussi bien que les SSII) et à faire un peu danimation lors des annonces.
Toutefois, le pouvoir de cet ensemble organisationnel est limité, notamment vis-à-vis des réseaux commerciaux qui refusent de sengager sur une force d' ITC spécialisés, ainsi que sur des volumes de vente dapplications. Ce qui met à mal les P&L tentatifs et les accords avec les partenaires.
En définitive, lensemble est soumis au gré de la motivation de certains ITC, et à la pression plus ou moins grande de certains grands clients : BNP, EDF, CNAVTS, CHU, CREDITO ITALIANO, FORTUNA, France TELECOM, GENERAL ELECTRIC,
Les SSII navaient pas attendu pour investir sur les systèmes BULL, notamment 61 et 62/DPS4 (applications sectorielles pour PMI/PME), DPS6 (orienté grands groupes, réseaux et bureautique), DPS7 (grosses PMI/PME et grands groupes) et DPS8 (grands groupes).
Cest remarquable, notamment pour les clients mixtes BULL/IBM, pour les lignes DPS7 et DPS8, qui souhaitent avoir des applications génériques transportables et, en premier lieu, le génie logiciel et laide à la décision.
Les SSII suivantes ont décidé elles-mêmes dinvestir sur les systèmes BULL, avec support par les équipes BULL mentionnées plus haut, quand elles ont jugé que le nombre de systèmes BULL était suffisant, ou à la demande expresse de grands clients prêts à investir.
SOFI, application de gestion pour les Douanes Françaises, a été développée sur machine nue IRIS80 en macro-assembleur dans les années 1970. Après de nombreuses tentatives dévolution y compris un essai de mise en réseau sur un ensemble de DPS6 la CISI, en charge de SOFI2, a finalement opté pour un re-développement en MANTIS sur 3 DPS7.
BULL a recherché tôt (1982) à se doter dun SGBD relationnel performant sur DPS7. Les contacts ont démarré avec ORACLE Corp. à cette époque à linitiative de Michel ROCHER, alors Directeur du Logiciel GCOS7 : un accord de coopération a été conclu (contrat négocié par Jean AKRICHE) aux termes duquel BULL (équipe Christian ROUSSEL) recevait les souches ORACLE développées sur DEC, à partir du début des bêta-tests, et les portait/intégrait sur GCOS7. La première annonce a été faite en 1985.Le contrat a été étendu pour UNIX, avec un portage fait par JB. LANSAC à la DivisionLogiciel à Massy et repris ensuite par Pregnana dans lenvironnement UNIX/BULL.
BULL a recherché un dictionnaire distribué de données dans le cadre de son offre génie logiciel, annoncée en 1993 dans lenvironnement DCM (Distributed Computing Model). Un accord a été conclu avec le consortium STERIA/INRIA pour PCTE, qui a été mis au catalogue BULL, avec engagement formel des principaux partenaires Génie Logiciel (CGI, Andersen Consulting, Magna, Steria,) sur linterfaçage de leurs produits respectifs avec PCTE.La commercialisation est négociée dans le cadre de contrats formels avec les partenaires sur des critères de surface du partenaire (taille, filiales étrangères, notoriété et qualité de lapplication) :
Outre les problèmes de commercialisation mentionnés plus haut, la diffusion dapplications développées pour les trois quarts en France se heurte à la nécessité du multilinguisme, pour lequel des coûts importants doivent être consentis, au moins pour les partenaires nayant pas une couverture mondiale.
De même, à part pour les grands partenaires décidant par eux -mêmes dinvestir dans des moyens machine de développement, il faut aider le petits partenaires aussi dans ce domaine.
Ceci a nécessité des moyens financiers allant de 5 MF en 1985, à 30 MF en 1991, à investir par les lignes de produits propriétaires.
Leur responsabilité incombe aux réseaux commerciaux.
En 1985, commence une série de réorganisations des réseaux par grands secteurs dactivités, avec des ITC spécialisés et partenaires SSII, ou clients associés.
- BANQUE/ASSURANCE, avec notamment les logiciels dassurance développés par GROUPAMA, et promus par BULL ;
- INDUSTRIE, avec notamment IMS7 ;
- SANTÉ, avec notamment PAGE, développé par une petite SSII dans la périphérie des CHU.
Là aussi, les compétences ne dépassent que rarement la France.
A noter loccasion manquée de conclure très tôt (1987) un accord mondial pour SAP sur DPS7, malgré la pression de la filiale allemande ! SAP (nom de la société allemande et de son produit) est devenu par la suite un leader dans le domaine de la gestion intégrée dentreprise: organisation, gestion des ressources humaines, gestion industrielle et commerciale (ERP). Quand SAP a été disponible sur UNIX/BULL, les réseaux commerciaux cherchaient à embaucher des consultants SAP pour des gros projets européens (1994).
Une bonne partie du marché dARES est pressentie en machine dédiée applications, soit génériques, soit sectorielles. Des solution packs sont montés pour des machines Génie logiciel, bureautique, serveur VIDEOTEX, IQS, santé, IMS/TD, etc. Ils consistent en un ensemble doutils marketing dont les plus importants consistent à dimensionner le système (ressources Unité Centrale, taille mémoire, occupation disque) en fonction de lapplication et de son nombre dutilisateurs simultanés. Des modèles ARES dédiés sont même conçus avec super Marketing Identifiers (MI). Ces outils sont aussi utilisés pour aider à calibrer les add-ons sur les systèmes existants.
Au total, une quarantaine dapplications sont ainsi proposées à lannonce dARES.
Mais les réseaux commerciaux nembrayent pas, même pour les applications sectorielles de leur responsabilité : il faut convenir quils sont peu ou pas rémunérés pour ce faire ...
A comparer avec leffort dIBM qui propose gratuitement 500 machines AS400 à des SSII pour développer des applications sectorielles disponibles dès lannonce, avec support de lensemble des réseaux commerciaux et des SSII partenaires rémunérés en conséquence
4- LES SYSTEMES OUVERTS BULL
Avec
larrivée de systèmes ouverts UNIX, et aussi des QUESTAR400 et des PC/DOS/WINDOWS, le problème du coût initial de développement dapplications disparaît.
De nouvelles techniques de développement sont dailleurs disponibles, faisant appel au concept de réutilisation possible avec les langages-objet tels que C++.
A partir de 1987, BULL propose ses systèmes ouverts, mais se met demblée dans une difficulté majeure :
La tentation de ses équipes dingénieurs de personnaliser le système dexploitation (QUESTAR400, UNIX). Les applications ne sont alors plus facilement transportables depuis les systèmes ouverts dorigine (bien souvent seul le source est transportable), et arrivent dans lenvironnement BULL avec retard !
Lannonce du Distributed Computing Model (DCM) :
Avec larrivée dans loffre BULL de systèmes ouverts et lannonce de DCM, la stratégie de la Compagnie vise désormais des revenus directs en applications et en services associés.
Cest en 1991 que BULL annonce DCM, destiné à rassembler et structurer son offre avec les notions clés : distribution, UNIX, ouverture.
Les systèmes propriétaires sont intégrés dans loffre au sein des réseaux de systèmes et dapplications, gérés par ISM (Integrated System Management). Le PC DOS/WINDOWS un peu moins bien : on croit à lépoque en la compétitivité des stations UNIX.
Les grands partenaires (CGI, CINCOM, ANDERSEN CONSULING, MAGNA, STERIA, etc ) sont associés à cette annonce en signant leur engagement à y intégrer leurs produits respectifs, notamment ceux ayant développé des versions UNIX.
En 1990, Bull mit le produit de gestion dentreprise (ERP) de Baan à son catalogue, et en assura la traduction française, aida au portage sur les machines UNIX de Bull,(Bull DPX à lépoque) et lui donna le nom de Stratège. Cette dénomination fut abandonnée quand Baan abandonna le surnom de Triton, cest à dire en release 4 du produit. Cest en 1993 que Stratège fut complètement opérationnel (version 2.2). Le produit ERP de Baan est encore supporté actuellement par des équipes de Bull dans certains pays, dont la Belgique et le Luxembourg.
5- ÉVOLUTION VERS LES SERVICES
A partir de 1987, les applications seules ne satisfont plus les clients, ni les constructeurs. Il faut des SERVICES daide à lorganisation, de formation, de support dédié, dhébergement, La grande annonce de 1991 autour de DCM veut prendre en compte cette préoccupation avec, notamment, une formation et une animation poussées des réseaux commerciaux.
Mais les coûts organisationnels sont prohibitifs en temps de mise en place et en efficacité : BULL est à lépoque mal gréé pour un business à marge étroite telle que celle traditionnelle des systèmes ouverts.
De plus, la donne a changé progressivement à partir de 1995, avec INTERNET. La plupart des applications existantes sont dotées dune extension sur le web, et la quasi-totalité des investissements nouveaux se fait aussi sur le web. Des milliers de programmeurs pratiquent HTML, et les techniques objets sont généralisées. BULL participe peu à ce grand mouvement.
Un grand nombre de logiciels gratuits (sinon tous) accompagnant larrivée de LINUX complètent le tableau actuel : le business application per se a vécu, au moins pour les constructeurs traditionnels restants.
Aux grands serveurs (propriétaires ou non) reste larchivage des grands volumes de données, le support pour le data mining, ainsi que les grandes applications clients en COBOL ou FORTRAN encore valides et trop coûteuses à porter sur environnement ouvert. Il sagit là du business traditionnel de BULL, qui a tendance à se réduire peu à peu.
Lépisode Y2K :
Le passage à lan 2000 a généré un business important pour les SSII et aussi les équipes services des constructeurs, donc de BULL. Il sest agi de revisiter une grande partie des applications existantes (la plupart en COBOL) pour les adapter et, à cette occasion, leur redonner un coup de peinture. Ce business est bien fini et justifie, par avance, une partie des avertissements sur résultats pour 2001.
6- CONCLUSION
Le succès de BULL dans les applications a été mitigé.
Du côté positif, il faut noter le succès de MISTRAL et dIMS/TD, se comparant avantageusement avec COPICS (IBM). Le génie logiciel, sur DPS7 notamment, a été un atout facilitant lintroduction des machines chez les clients. Dailleurs, la coopération avec les SSII sest relativement bien passée. Les G100, 61, 62/DPS4 et DPS6 ont assez bien réussi dans les PME/PMI, puis leur succès a été stoppé par le désinvestissement décidé par BULL sur ce marché.
Les efforts en architecture de BULL (ISO, ISO/DSA et bureautique standard, modèle DCM) ont contribué à une bonne image de la Compagnie auprès des analystes et des organismes de standardisation, mais ces forts investissements en Recherche/Développement (plusieurs centaines dhommes-années) ont eu du mal à trouver leurs relais dans les réseaux commerciaux, et les résultats commerciaux en la matière ont été décevants.
Et aussi plus généralement, la réussite des applications a été fortement limitée par le non-investissement quasi permanent des réseaux commerciaux en la matière. A quelques exceptions près : on savait que dans ce qui fut lOP7, entre 1985 et 1989, un ITC (Claude MEDANE) vendait à tour de bras des serveurs VIDEOTEX GAV7 de sa propre initiative. Il était compétent sur le sujet, il demandait beaucoup aux fournisseurs (BULL et partenaires) en termes de qualité ; il a pu générer de nombreux add-ons et serveurs dédiés chez les clients existants.
Si les applications ont aidé BULL à séduire des clients, et généré des add-ons (systèmes supplémentaires ou augmentation des systèmes existants), elles nont pas été largument décisif pour gagner de nouveaux clients : elles ont très peu constitué un business en soi.
ANNEXE 1 : Les premières applications chez BULL
A ma connaissance, lorigine des applications chez Bull est due à larrivée du GE 55 58 pour les raisons suivantes :.
Avec la mécanographie, la stratégie commerciale de Bull était de sengager auprès des clients à livrer le matériel, et les méthodes nécessaires à la réalisation des applications comptables de lentreprise.
Une étude détaillée réalisée par lingénieur commercial décrivait en détail les traitements, leur durée et le matériel, lacceptation conduisait à la signature du contrat de location.
La réalisation des analyses et des tableaux de connexion était confiée à un (ou plusieurs) technico-commercial. Ces travaux pouvaient sétaler sur une période de 6 à 12 mois, ce service gratuit appelé ""mise en route" " était inclus dans le contrat et a largement contribué au succès de Bull.
Avec les GE 55 58 cette même politique conduisait à des coûts prohibitifs car les travaux dorganisation et de programmation étaient les mêmes pour des revenus très réduits.
Bull a imaginé des ""applications standards"" telles que paye, facturation, et appelées "PROSPER" ; ces applications étaient paramétrables pour être adaptées aux spécificités des clients.
Lundbundling mit un terme à cette approche et Bull regarda ce que faisait IBM (depuis de nombreuses années).
ANNEXE 2 : Le témoignage de Luyen NGUYEN sur le début des applications temps réel chez BULL
A ma connaissance, le début des applications et systèmes clés en main a commencé dans les années 1963 sous légide de Pierre DAVOUS, qui a créé la cellule Méthodologie de lautomatisme dans laquelle jai été embauché, et yoù figuraient des gens comme Georges LEPICARD. Au début nous travaillions avec des projets axés sur le temps réel et les systèmes digitaux financés en partie par la DRME (Direction des Recherches et Moyens dEssais de lex-DSGE qui se trouvait en haut de lavenue Gambetta). Pierre DAVOUS pensait, à juste titre, que seuls les applications et les systèmes clés en main permettraient de booster les ventes dordinateurs Bull et de concurrencer efficacement IBM.
Par la suite, en 1964, le projet dapplication clés en main Automatisation de la raffinerie de Feyzin/Isère de la société ELF a été confié à Bull, en grande partie dû à la notoriété de Pierre Davous comme grand ingénieur du corps du Génie Maritime (dixunt les responsables de ELF qui avaient plus confiance en Pierre Davous quen Bull).
Jai travaillé de 1964 à 1970 sur lensemble des 2 phases de ce projet dont le chef de projet était Pierre LABALME, et les principaux contributeurs T.D. LUU, Michel ROCHER et moi-même.
Le projet FEYZIN utilisait la M40 comme ordinateur. La M40 a été dotée dun système dexploitation batch et temps réel, dun Pupitre Opérateur et dun Système dacquisition de données digitales àen temps réels. Bull fournissait en outre des programmes de conduite et dopotimisation du processus de raffinage du pétrole. Le langage utilisé était lassembleur. Cétait dans les années 68/70 le premier grand projet de Process Control clés en main réussi qui a eu un retentissement national et international. La raffinerie de Feyzin devenait la première raffinerie dEurope conduite par ordinateur.
Bull, dans les années 68/70, devenait la référence du know -how des systèmes clés en main dans le milieu du pétrole pour qui le respect des spécifications et surtout le délai de livraison sont des choses essentielles. Le projet FEYZIN a été financièrement rentable pour Bull du fait même de la maîtrise du délai.
Par la suite, la CII (Michel BERTIN), la SSII CERCI (SAHUT DIZARN) sétaient mis sur le créneau avec moins de réussite dûe à la non-maîtrise du délai.
Note ajoutée par Jean BELLEC :
Ce projet a été développé par la Division 8 des EÉtudes, le réseau commercial
nétant concerné que par les aspects contractuels et financiers.(
)
Feyzin est à rapprocher plus des systèmes spéciaux que des programmes dapplications multi-clients tels que MISTRAL ou IMS.
Note ajoutée par C. Le Baron :
A la même époquedes projets spéciaux de systèmes temps réels étaient aussi menés
par les équipes de Pierre LANDRES chez Ralph SETTON (Dispatchings EDF, Centrale de
Brenilis,
), hérités de la CAE.
La période M. Bertin est celle de la création de Bull Ingénierie vers 76/78 ?
ANNEXE 3 : NOTE DE CHRISTIAN LE BARRON SUR DTF ET TPS6
TPS6 a été développé par HIS-UK à Hemel Hempstead.
DTF était le concurrent de TPS6 chez CII-HB. Il est issu des
compétences de
CII en transactionnel sur la gamme IRIS (STRATEGE) et a été développé dans
les équipes de Ralph SETTONetton dans le cadre d'affaires dès 1978, avant de
devenir un produit en 1980.
La 1ère version a été développée pour les
besoins de l'annuaire électronique MINITEL.
J'étais responsable à cette époque de ces affaires et des produits
transactionnels de la gamme IRIS (STRATEGE). et J'ai fait les spécifications
de ce produit avec G. Le BOURHISourhis qui était le responsable de sonu développement
et de sla mise en uvre oeuvre sur affaires.
DTF a été largement diffusé (au moins 5 000 exemplaires ?) en France et en
Europe.
Une version "fermée" (TCF : Terminal Concentration Facility?) permettait de
fournir une application de
concentration de terminaux asynchrones sur DPS6 et de présenter aux
applications sur les centraux GCOS sous TDS une visibilité de terminaux VIP
synchrones. Cette version "fermée" a également eu une très large diffusion.
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