BULL ET LES APPLICATIONS

par Claude Rolland

 

0-DOMAINE PRÉSENTÉ

 

Les applications peuvent être classées de la façon suivante :

- applications standard, qui peuvent être vendues sur catalogue. Elles sont soit génériques (intéressant l’ensemble des clients), soit sectorielles (visant un segment de marché précis : banque/assurance, industrie, santé, par exemple) ;

- applications spéciales, développées sur affaire pour un client identifié.

La suite de cet article ne traitera que le cas des applications standard.

On notera en caractères gras soulignés les principales décisions stratégiques prises par la Compagnie, impliquant les applications.

 

1- LA DÉFINITION DES APPLICATIONS A ÉVOLUÉ DANS LE TEMPS

 

Depuis la naissance de la mécanographie dans les années 1920, les premières applications se font ‘clé en main’. Elles sont développées par le constructeur pour un client (service client) pour son usage unique. Les premiers ordinateurs apparaissent en Europe dans les années 1960. Chez BULL, le GAMMA60 et le GAMMA30 : peu d’aides systèmes sont à la disposition du client, qui est peu formé en informatique, tant en analyse qu’en programmation.

Ce sont des applications batch, souvent écrites en assembleur.

Des applications temps réel ou de process control sont également développées. Dans la mesure où bien souvent ces projets font appel à du matériel spécialisé, ils sont les précurseurs de ce qu’on appellera par la suite les projets spéciaux.

Le besoin d'applications ‘temps réel’ (réservation, saisie assistée) et l’apparition de terminaux ligne, puis écran, suscite des applications constructeurs qui trouvent là des extensions canoniques possibles au système : ce sont les ‘sous-systèmes’ transactionnels (à partir des années 1970).

Ainsi, dans le cas du transactionnel, on sépare la partie gestion des télécommunication et gestion des bases de données (le moniteur), des transactions écrites en COBOL, que le client peut ajouter, modifier ou, supprimer ultérieurement. La partie gestion indépendante est ainsi généralisable et réutilisable. Des systèmes transactionnels ‘multi-serveurs’ (IMS d’IBM, TPS sur GE-600) apparaissent, ainsi que des systèmes transactionnels ‘multi-tâches’ (CICS d’IBM, OLBS sur GE-400, TDS-6 puis DMIV/TP, TDS7 et TP8 dans le monde BULL, STRATEGE chez CII).

Une évolution identique se fait sur les SGBD pour lesquels la gestion de la structure de la base tend à être bien séparée des données elles-mêmes : réalisée encore imparfaitement sur IDS-I (SGBD réseau de BULL), cette séparation est quasi-complète sur IDS-II.

A noter qu’IMS (IBM) est un super sous-système qui propose à la fois un moniteur transactionnel (IMS/DC) et un SGBD hiérarchique (IMS/DB) sur OS/360. L’équivalent existe sur DOS : c’est DL/1.

Le time sharing, à peu près contemporain des sous-systèmes transactionnels (1967), répond au besoin de développement conversationnel d’applications sur terminaux (d’abord télétypes) et à l’interrogation de données ‘au coup par coup’ (au contraire des applications transactionnelles qui permettent la manipulation contrôlée de grands volumes de données au moyen de transactions pré-écrites).

Les systèmes de requêtes viendront plus tard, permettant des requêtes individuelles sur des bases de données, les plus adaptées étant relationnelles (1978) avec le système R d’IBM.

Notons d’ailleurs que les SSII trouvent rapidement des marchés intéressants dans le développement d’applications (indépendance vis-à-vis des constructeurs, donc portabilité ; de plus il n’y a pas de professionnels de l’informatique, au moins chez les moyens et petits clients). Souvent d’ailleurs, le premier développement est fait sur commande d’un client, l’industrialisation se faisant après coup, ce qui limite les investissements et les risques.

 

 

A partir des années 1965-1970, les principaux langages de développement furent le COBOL et le FORTRAN(langages dits de 3ème génération), rapidement normalisés, mais chez les grands clients, les grosses applications sont développées en macro-assembleur (2ème génération) sur IBM et sur GCOS4/GCOS8 (les causes : place mémoire, performance, élitisme des équipes systèmes). Sur GCOS7, développé plus tard, un langage évolué de 3ème génération (GPL), dérivé du langage de développement du système, est proposé à partir de 1977.

APL a un succès limité (puissant car interprétatif, mais gourmand en ressources machine), de même que PL1, promu par IBM.

RPG, lancé par IBM pour la gestion, a un succès indéniable, surtout dans les PME/PMI.

Pour les scientifiques, on trouve ALGOL dès 1960, PASCAL (1969). BASIC est utilisé surtout dans l’environnement time-sharing, avant d’être populaire sur les premiers micros.

A partir des années 1980, C (langage d’implémentation des systèmes UNIX et WINDOWS) permet le développement d’applications sur systèmes ouverts. A partir de 1992, C++ et HTML ont permis de développer les applications récentes en technologie objet et sur le web. S’y ajoutent maintenant TCL/TK, PERL, XML, …

Le but du ‘génie logiciel’ était de satisfaire le besoin de développement performant et robuste des applications-client. Le génie logiciel se compose d’applications adaptées aux différentes phases du développement : générateurs de langages en environnement batch et transactionnel, générateurs de formes écrans, aides au ‘re-engineering’ d’applications existantes, aides aux méthodes d’analyse (MERISE, par exemple). Plus tard apparaissent des L4G (langages de 4ème génération) interprétatifs, adaptés au développement en ligne et aux sous-systèmes intégrés ‘QUERY-SGBD’, développés par les SSII leaders (FOCUS, NOMAD, RAMIS, TOTAL/MANTIS).

Les progiciels sont des applications développées pour la plupart par des SSII pour un seul client, puis rentabilisées par ventes multiples, car satisfaisant un segment de marché réel.

On a alors des progiciels ‘génériques’ (génie logiciel, L4G, SGBD), se répandant à partir de 1975.

Bien que des applications sectorielles aient existé bien plus tôt (à partir de 1968 : Sabre pour la réservation aérienne, COPICS pour la gestion industrielle, etc…) les progiciels sectoriels fleurissent à partir de 1975 pour des marchés spécifiques (industrie, santé, assurances, banques, gestion documentaire, PAO, presse/édition) quelquefois développés d’abord pour/par un client.

L’apparition des systèmes ouverts(UNIX, PC/DOS/Windows, maintenant LINUX et les logiciels "gratuits") a créé une nouvelle donne. Ils ont rendu les SSII plus indépendantes des constructeurs et les clients plus exigeants vis à vis des constructeurs et des éditeurs (sauf de MICROSOFT…) : le client peut ainsi mettre en concurrence les constructeurs, au moins pour ses applications nouvelles. On dit alors que l’on passe à l’ère du ‘client-roi’.

Les constructeurs informatiques traditionnels (BULL, UNISYS, DEC,…), dont le business model était fondé sur des ventes de systèmes à forte marge et des applications-clients à au moins 10 ans de durée de vie, ont alors vu ce business model s’effondrer. Contraints de rechercher d’autres sources de revenus (vente de matériels et de services en organisation, info gérance, secours) et de se réorganiser en profondeur, ils ne sont pas parvenus à se rétablir durablement, à l’exception notable d’IBM, déjà plus ou moins dans les systèmes ouverts et dans les services, et de Hewlett-Packard, diversifié auparavant dans d’autres secteurs (imprimantes, systèmes médicaux, process et industrie).

 

2- BULL ET SES PREMIERS CLIENTS

Jusqu’à la fin des années 60, on a des systèmes propriétaires, avec des applications clés en mains.

Avec la mécanographie, la stratégie commerciale de Bull était de s’engager auprès des clients à livrer le matériel, et les méthodes nécessaires à la réalisation des applications comptables de l’entreprise.

Une étude détaillée réalisée par l’ingénieur commercial décrivait en détail les traitements, leur durée et le matériel, l’acceptation conduisait à la signature du contrat de location.

La réalisation des analyses et des tableaux de connexion était confiée à un (ou plusieurs) technico-commercial. Ces travaux pouvaient s’étaler sur une période de 6 à 12 mois, ce service gratuit appelé "mise en route " était inclus dans le contrat et a largement contribué au succès de Bull.

Avec les GE 55…58 cette même politique conduisait à des coûts prohibitifs car les travaux d’organisation et de programmation étaient les mêmes pour des revenus très réduits.

Bull a imaginé des "applications standards" telles que paye, facturation, … et appelées "PROSPER" ; ces applications étaient paramétrables pour être adaptées aux spécificités des clients.

L’unbundling mit un terme à cette approche et Bull regarda ce que faisait IBM (depuis de nombreuses années).

A partir des années 1965, des applications transactionnelles apparaissent dans le monde BULL/GE. L’infrastructure est écrite le plus souvent par le service client en assembleur et l’application pour/par le client en COBOL. Les infrastructures seront peu à peu intégrées aux systèmes d’exploitation.

(Voir plus haut, et l’article ‘Histoire du Transactionnel’ par Jean BELLEC dans ‘Histoire des Systèmes’ sur le site de la FEB).

 

La même stratégie commerciale se poursuit, c’est à dire vendre le matériel adapté et calibré pour le support des applications du client, et ainsi le fidéliser pour se protéger de –ou concurrencer- IBM.

Des organisations dédiées aux applications sont créées dans BULL, et en parallèle chez CII, car il apparaît qu’un bon nombre de clients ont les mêmes exigences en la matière.

Années 1970-1980 :

Dans CII-HB, il existe une organisation dédiée applications, rattachée au Marketing Central et dirigée par Jean CORDEL. La principale application, tournant sur GCOS62 et GCOS64/GCOS7, a été IMS, évoluant en IMS/TD (interface transactionnelle), développée en COBOL/TDS : il s’agit d'une gestion industrielle qui a suivi constamment l’état de l’art en la matière, notamment gestion discrète et par flux et introduction du ‘juste à temps’ (just-in-time). Elle a eu un certain succès dans les PMI, étant très compétitive face notamment à COPICS (IBM) et à l’équivalent chez HP.

A un moindre degré, l’application graphique GRAPH7 et 8, d’abord sur table traçante, puis sur écran couleur, a été assez bien vendue.

A la CII, l’équipe dirigée par Ralph SETTON, en charge des projets spéciaux, développait, promouvait et vendait aussi des applications. Indéniablement, c’est MISTRAL, développé d’abord en FORTRAN sur SIRIS8, puis porté sur DPS7 et DPS8, qui a été un grand succès (peak park d’environ 250 installations en France et en Europe). Il s’agit d’une application de gestion documentaire sophistiquée, avec recherches multicritères. MISTRAL doit aussi son succès commercial aux nombreux supports réseau que l’équipe de Claude POCARD a su motiver grâce à son promoteur Carlos OSTROVSKY.

Une autre application intéressante a aussi été développée par l’équipe de Ralph SETTON : il s’agit de COSY1000, application de presse développée d’abord sur BS1000, puis portée sur SIRIS3. Elle a été utilisée aux NMPP et à NICE MATIN. Une revue indépendante tenue en 1978 sur le projet de portage de COSY1000 sur GCOS64 conclut à l’abandon de COSY1000, pour des raisons d’étroitesse du marché en comparaison des coûts de portage et de support.

L’équipe ex-CII va apporter toute son expérience pour renouveler le produit IMS/TD pour les lignes GCOS62 et GCOS64. Comme C.OSTROVSKY pour MISTRAL, Daniel TRIOLLET fera beaucoup pour la réussite de ce progiciel.

Les deux équipes SETTON et CORDEL ont été regroupées sous la direction de Ralph SETTON à la fusion CII-HB, en 1976.

Dans les réseaux commerciaux, un certain nombre d’initiatives sont prises, notamment pour les PMI/PME : sur G100, sur DPS4 (exemple de l’application de gestion de tous les garages FIAT en Italie), ainsi que sur MINI6. Un exemple mérite d’être signalé: l’équipe Affaires Spéciales du Réseau Commercial France sous la direction de Gérard PASSÉ a développé une application de sécurisation des environnements transactionnels sur TDS/GCOS7 appelée SECUR’ACCESS ; elle a été reprise en 1988 par la direction de Ralph SETTON et intégrée à l’offre standard de GCOS7 (200 copies vendues).

 

 

Vers 1971, l’introduction de l’unbundling (dégroupage) du logiciel et des services par IBM laisse entrevoir des revenus associés à des applications développées et commercialisées pour elles-mêmes par des professionnels. Ceci est d’autant plus vrai que l’on est à l’apogée du règne des systèmes propriétaires, et que le client doit bien en passer par là, s’il veut limiter ses coûts.

Des organisations adaptées s’ensuivront dans les SSII et chez les constructeurs.

 

3- INVESTISSEMENT DES LIGNES DE PRODUITS

 

En 1978, une équipe de support au développement d’applications et aux projets spéciaux est créée dans la Direction Logiciel du DPS7, car de nombreux clients (en particulier les clients mixtes BULL/IBM), et donc des SSII, exigent de porter leurs progiciels sur GCOS64/GCOS7.

En 1981, cette équipe est transférée au marketing DPS7 et son rôle s’étend au marketing des applications (promotion, formation, négociations avec les partenaires et les réseaux commerciaux).

Cette stratégie a deux buts : l’annonce d’ARES, destiné à concurrencer les serveurs AS400 (IBM), HP3000 et ceux de DEC, et la génération d’add-ons sur les plus grands systèmes DPS7. Les applications ne sont pas jugées constituer encore un business en soi.

Le langage GPL (version commerciale de HPL, langage d’implémentation du système) a été promu, et des interfaces systèmes formalisées, publiées et maintenues au cours des releases GCOS7 successives.

Sur DPS6 également, un support intense est fourni des 2 côtés de l’Atlantique au développement d’applications. Plusieurs systèmes transactionnels apparaissent à cet effet.

TPS6 a été développé par HIS-UK à Hemel Hempstead ; il a été le support de l’application de gestion des cartes bancaires de l’AMEXCO.

DTF était le concurrent de TPS6 chez CII-HB. Il était issu des compétences de CI en transactionnel sur la gamme IRIS (STRATEGE) et a été développé dans les équipes de Ralph SETTON dans le cadre d’affaires dès 1978, avant de devenir un produit standard en 1980. La première version a été développée pour les besoins de l’annuaire électronique MINITEL. Christian LE BARON était responsable à cette époque de ces affaires et des produits transactionnels de la gamme IRIS (STRATEGE) et a fait les spécifications de DTF avec Guy LE BOURHIS, qui était responsable du développement et de la mise en œuvre sur affaires. DTF a été largement diffusé (au moins 5000 copies) en France et en Europe.

Une version ‘fermée’ (TCF) permettait de fournir une application de concentration de terminaux asynchrones sur DPS6 et de présenter aux applications sur les systèmes centraux GCOS sous TDS ou DMIV/TP-TP8 une visibilité de terminaux VIP synchrones. Cette version fermée a eu également une large diffusion.

 

Ces développements sont effectués dans le cadre ISO-ISO/DSA.

Plusieurs équipes y participent sur DPS6, DPS7, DPS8, QUESTAR400, MICRAL sous DOS/WINDOWS, puis UNIX à partir de 1984.

Des UFT sont développés sur les différentes plateformes, et leurs inter-fonctionnements qualifiés.

Des serveurs de messagerie X400 sont développés sur DPS6 et DPS7 par une équipe dont les responsables ont été successivement JP. MOULARDE, Louis DOUCET, Jacques PUECH. L’équipe de Francis TOUZIN sur GCOS7 a aussi contribué à cet effort.

Le serveur X400 sur UNIX BULL est acheté.

Des UA (agents utilisateurs) pour accéder à ces serveurs sont développés sur QUESTAR400/CTOS, et MICRAL/DOS/WINDOWS.

Cette offre de messagerie est regroupée dans DOAS, annoncé en 1987.

De plus des UA sont développées sur QUESTAR400 et MICRAL pour accéder les serveurs de classement DFA7 sur GCOS7, et MISTRAL sur GCOS7 et GCOS8.

Enfin, AFFINITY est développé sur QUESTAR400 et MICRAL par l’équipe de JJ. LACLAVERIE pour accéder au système de requêtes IQS sur DPS7.

Le développement d’ORACLE client est fourni par ORACLE Corp.

L’ensemble est annoncé en 1988 dans le cadre BLUEGREEN, et vise à concurrencer ALL-IN-ONE, offre bureautique de DEC.

En 1989, une organisation dédiée unique est créée pour le planning/marketing et la cohérence de l’offre applicative pour l’ensemble des Lignes de Produits, car le business des applications commence à être considéré pour lui-même..

Cinq domaines génériques cibles sont visés sur des critères de marché potentiel (demandes clients et enquêtes d’analystes, tels que BAIN et AT. KERNEY) : génie logiciel, aide à la décision, bureautique/videotex, automatisation d’exploitation et sécurité, pour lesquels BULL n’a pas encore (ou a peu) investi, que ce soit en développement ou compétences réseaux commerciaux.

De plus, une organisation centralisée de relations partenaires (équipe de Didier CHAUSSONNIERE) est mise en place dans l’organisation de Claude BLOCH, installé à Billerica de 1989 à 1992. Son rôle consiste à gérer les contrats avec l’ensemble des partenaires (MICROSOFT, IBM, TEXAS INSTRUMENTS, aussi bien que les SSII) et à faire un peu d’animation lors des annonces.

Toutefois, le pouvoir de cet ensemble organisationnel est limité, notamment vis-à-vis des réseaux commerciaux qui refusent de s’engager sur une force d' ITC spécialisés, ainsi que sur des volumes de vente d’applications. Ce qui met à mal les P&L tentatifs et les accords avec les partenaires.

En définitive, l’ensemble est soumis au gré de la motivation de certains ITC, et à la pression plus ou moins grande de certains grands clients : BNP, EDF, CNAVTS, CHU, CREDITO ITALIANO, FORTUNA, France TELECOM, GENERAL ELECTRIC, …

 

Les SSII n’avaient pas attendu pour investir sur les systèmes BULL, notamment 61 et 62/DPS4 (applications sectorielles pour PMI/PME), DPS6 (orienté grands groupes, réseaux et bureautique), DPS7 (grosses PMI/PME et grands groupes) et DPS8 (grands groupes).

C’est remarquable, notamment pour les clients mixtes BULL/IBM, pour les lignes DPS7 et DPS8, qui souhaitent avoir des applications génériques transportables et, en premier lieu, le génie logiciel et l’aide à la décision.

Les SSII suivantes ont décidé elles-mêmes d’investir sur les systèmes BULL, avec support par les équipes BULL mentionnées plus haut, quand elles ont jugé que le nombre de systèmes BULL était suffisant, ou à la demande expresse de grands clients prêts à investir.

SOFI, application de gestion pour les Douanes Françaises, a été développée sur machine nue IRIS80 en macro-assembleur dans les années 1970. Après de nombreuses tentatives d’évolution – y compris un essai de mise en réseau sur un ensemble de DPS6 – la CISI, en charge de SOFI2, a finalement opté pour un re-développement en MANTIS sur 3 DPS7.

BULL a recherché tôt (1982) à se doter d’un SGBD relationnel performant sur DPS7. Les contacts ont démarré avec ORACLE Corp. à cette époque à l’initiative de Michel ROCHER, alors Directeur du Logiciel GCOS7 : un accord de coopération a été conclu (contrat négocié par Jean AKRICHE) aux termes duquel BULL (équipe Christian ROUSSEL) recevait les souches ORACLE développées sur DEC, à partir du début des bêta-tests, et les portait/intégrait sur GCOS7. La première annonce a été faite en 1985.Le contrat a été étendu pour UNIX, avec un portage fait par JB. LANSAC à la DivisionLogiciel à Massy et repris ensuite par Pregnana dans l’environnement UNIX/BULL.

BULL a recherché un dictionnaire distribué de données dans le cadre de son offre génie logiciel, annoncée en 1993 dans l’environnement DCM (Distributed Computing Model). Un accord a été conclu avec le consortium STERIA/INRIA pour PCTE, qui a été mis au catalogue BULL, avec engagement formel des principaux partenaires Génie Logiciel (CGI, Andersen Consulting, Magna, Steria,) sur l’interfaçage de leurs produits respectifs avec PCTE.La commercialisation est négociée dans le cadre de contrats formels avec les partenaires sur des critères de ‘surface’ du partenaire (taille, filiales étrangères, notoriété et qualité de l’application) :

Outre les problèmes de commercialisation mentionnés plus haut, la diffusion d’applications développées pour les trois quarts en France se heurte à la nécessité du multilinguisme, pour lequel des coûts importants doivent être consentis, au moins pour les partenaires n’ayant pas une couverture mondiale.

De même, à part pour les grands partenaires décidant par eux -mêmes d’investir dans des moyens machine de développement, il faut aider le petits partenaires aussi dans ce domaine.

Ceci a nécessité des moyens financiers allant de 5 MF en 1985, à 30 MF en 1991, à investir par les lignes de produits propriétaires.

 

Leur responsabilité incombe aux réseaux commerciaux.

En 1985, commence une série de réorganisations des réseaux par grands secteurs d’activités, avec des ITC spécialisés et partenaires SSII, ou clients associés.

- BANQUE/ASSURANCE, avec notamment les logiciels d’assurance développés par GROUPAMA, et promus par BULL ;

- INDUSTRIE, avec notamment IMS7 ;

- SANTÉ, avec notamment PAGE, développé par une petite SSII dans la périphérie des CHU.

Là aussi, les compétences ne dépassent que rarement la France.

A noter l’occasion manquée de conclure très tôt (1987) un accord mondial pour SAP sur DPS7, malgré la pression de la filiale allemande ! SAP (nom de la société allemande et de son produit) est devenu par la suite un leader dans le domaine de la gestion intégrée d’entreprise: organisation, gestion des ressources humaines, gestion industrielle et commerciale (ERP). Quand SAP a été disponible sur UNIX/BULL, les réseaux commerciaux cherchaient à embaucher des consultants SAP pour des gros projets européens (1994).

 

Une bonne partie du marché d’ARES est pressentie en machine dédiée applications, soit génériques, soit sectorielles. Des ‘solution packs’ sont montés pour des machines Génie logiciel, bureautique, serveur VIDEOTEX, IQS, santé, IMS/TD, etc. Ils consistent en un ensemble d’outils marketing dont les plus importants consistent à dimensionner le système (ressources Unité Centrale, taille mémoire, occupation disque) en fonction de l’application et de son nombre d’utilisateurs simultanés. Des modèles ARES dédiés sont même conçus avec super Marketing Identifiers (MI). Ces outils sont aussi utilisés pour aider à calibrer les add-ons sur les systèmes existants.

Au total, une quarantaine d’applications sont ainsi proposées à l’annonce d’ARES.

Mais les réseaux commerciaux n’embrayent pas, même pour les applications sectorielles de leur responsabilité : il faut convenir qu’ils sont peu ou pas rémunérés pour ce faire ...

A comparer avec l’effort d’IBM qui propose gratuitement 500 machines AS400 à des SSII pour développer des applications sectorielles disponibles dès l’annonce, avec support de l’ensemble des réseaux commerciaux et des SSII partenaires rémunérés en conséquence …

 

4- LES SYSTEMES OUVERTS BULL

Avec

l’arrivée de systèmes ouverts UNIX, et aussi des QUESTAR400 et des PC/DOS/WINDOWS, le problème du coût initial de développement d’applications disparaît.

De nouvelles techniques de développement sont d’ailleurs disponibles, faisant appel au concept de ‘réutilisation’ possible avec les langages-objet tels que C++.

A partir de 1987, BULL propose ses systèmes ouverts, mais se met d’emblée dans une difficulté majeure :

La tentation de ses équipes d’ingénieurs de ‘personnaliser’ le système d’exploitation (QUESTAR400, UNIX). Les applications ne sont alors plus facilement transportables depuis les systèmes ouverts d’origine (bien souvent seul le source est transportable), et arrivent dans l’environnement BULL avec retard !

 

L’annonce du Distributed Computing Model (DCM) :

Avec l’arrivée dans l’offre BULL de systèmes ouverts et l’annonce de DCM, la stratégie de la Compagnie vise désormais des revenus directs en applications et en services associés.

C’est en 1991 que BULL annonce DCM, destiné à rassembler et structurer son offre avec les notions clés : distribution, UNIX, ouverture.

Les systèmes propriétaires sont intégrés dans l’offre au sein des réseaux de systèmes et d’applications, gérés par ISM (Integrated System Management). Le PC DOS/WINDOWS un peu moins bien : on croit à l’époque en la compétitivité des stations UNIX.

Les grands partenaires (CGI, CINCOM, ANDERSEN CONSULING, MAGNA, STERIA, etc…) sont associés à cette annonce en signant leur engagement à y intégrer leurs produits respectifs, notamment ceux ayant développé des versions UNIX.

En 1990, Bull mit le produit de gestion d’entreprise (ERP) de Baan à son catalogue, et en assura la traduction française, aida au ‘portage’ sur les machines UNIX de Bull,(Bull DPX à l’époque) et lui donna le nom de ‘Stratège’. Cette dénomination fut abandonnée quand Baan abandonna le surnom de ‘Triton’, c’est à dire en release 4 du produit. C’est en 1993 que Stratège fut complètement opérationnel (version 2.2). Le produit ERP de Baan est encore supporté actuellement par des équipes de Bull dans certains pays, dont la Belgique et le Luxembourg.

 

5- ÉVOLUTION VERS LES SERVICES

 

A partir de 1987, les applications seules ne satisfont plus les clients, ni les constructeurs. Il faut des SERVICES d’aide à l’organisation, de formation, de support dédié, d’hébergement, … La ‘grande annonce’ de 1991 autour de DCM veut prendre en compte cette préoccupation avec, notamment, une formation et une animation poussées des réseaux commerciaux.

Mais les coûts organisationnels sont prohibitifs en temps de mise en place et en efficacité : BULL est à l’époque mal gréé pour un business à marge étroite telle que celle traditionnelle des systèmes ouverts.

 

De plus, la donne a changé progressivement à partir de 1995, avec INTERNET. La plupart des applications existantes sont dotées d’une extension sur le web, et la quasi-totalité des investissements nouveaux se fait aussi sur le web. Des milliers de programmeurs pratiquent HTML, et les techniques objets sont généralisées. BULL participe peu à ce grand mouvement.

Un grand nombre de logiciels gratuits (sinon tous) accompagnant l’arrivée de LINUX complètent le tableau actuel : le business application per se a vécu, au moins pour les constructeurs traditionnels restants.

Aux grands serveurs (propriétaires ou non) reste l’archivage des grands volumes de données, le support pour le ‘data mining’, ainsi que les grandes applications clients en COBOL ou FORTRAN encore valides et trop coûteuses à porter sur environnement ouvert. Il s’agit là du business traditionnel de BULL, qui a tendance à se réduire peu à peu.

 

L’épisode Y2K :

Le passage à l’an 2000 a généré un business important pour les SSII et aussi les équipes services des constructeurs, donc de BULL. Il s’est agi de revisiter une grande partie des applications existantes (la plupart en COBOL) pour les adapter et, à cette occasion, leur redonner ‘un coup de peinture’. Ce business est bien fini et justifie, par avance, une partie des avertissements sur résultats pour 2001.

 

6- CONCLUSION

 

Le succès de BULL dans les applications a été mitigé.

Du côté positif, il faut noter le succès de MISTRAL et d’IMS/TD, se comparant avantageusement avec COPICS (IBM). Le génie logiciel, sur DPS7 notamment, a été un atout facilitant l’introduction des machines chez les clients. D’ailleurs, la coopération avec les SSII s’est relativement bien passée. Les G100, 61, 62/DPS4 et DPS6 ont assez bien réussi dans les PME/PMI, puis leur succès a été stoppé par le désinvestissement décidé par BULL sur ce marché.

Les efforts en architecture de BULL (ISO, ISO/DSA et bureautique standard, modèle DCM) ont contribué à une bonne image de la Compagnie auprès des analystes et des organismes de standardisation, mais ces forts investissements en Recherche/Développement (plusieurs centaines d’hommes-années) ont eu du mal à trouver leurs relais dans les réseaux commerciaux, et les résultats commerciaux en la matière ont été décevants.

Et aussi plus généralement, la réussite des applications a été fortement limitée par le non-investissement quasi permanent des réseaux commerciaux en la matière. A quelques exceptions près : on savait que dans ce qui fut l’OP7, entre 1985 et 1989, un ITC (Claude MEDANE) vendait à tour de bras des serveurs VIDEOTEX GAV7… de sa propre initiative. Il était compétent sur le sujet, il demandait beaucoup aux fournisseurs (BULL et partenaires) en termes de qualité ; il a pu générer de nombreux add-ons et serveurs dédiés chez les clients existants.

Si les applications ont aidé BULL à séduire des clients, et généré des add-ons (systèmes supplémentaires ou augmentation des systèmes existants), elles n’ont pas été l’argument décisif pour gagner de nouveaux clients : elles ont très peu constitué un business en soi.

 

ANNEXE 1 : Les premières applications chez BULL

A ma connaissance, l’origine des applications chez Bull est due à l’arrivée du GE 55…58 pour les raisons suivantes :.

Avec la mécanographie, la stratégie commerciale de Bull était de s’engager auprès des clients à livrer le matériel, et les méthodes nécessaires à la réalisation des applications comptables de l’entreprise.

Une étude détaillée réalisée par l’ingénieur commercial décrivait en détail les traitements, leur durée et le matériel, l’acceptation conduisait à la signature du contrat de location.

La réalisation des analyses et des tableaux de connexion était confiée à un (ou plusieurs) technico-commercial. Ces travaux pouvaient s’étaler sur une période de 6 à 12 mois, ce service gratuit appelé ""mise en route" " était inclus dans le contrat et a largement contribué au succès de Bull.

Avec les GE 55…58 cette même politique conduisait à des coûts prohibitifs car les travaux d’organisation et de programmation étaient les mêmes pour des revenus très réduits.

Bull a imaginé des ""applications standards"" telles que paye, facturation, … et appelées "PROSPER" ; ces applications étaient paramétrables pour être adaptées aux spécificités des clients.

L’undbundling mit un terme à cette approche et Bull regarda ce que faisait IBM (depuis de nombreuses années).

 

ANNEXE 2 : Le témoignage de Luyen NGUYEN sur le début des applications temps réel chez BULL

A ma connaissance, le début des applications et systèmes clés en main a commencé dans les années 1963 sous l’égide de Pierre DAVOUS, qui a créé la cellule ‘Méthodologie de l’automatisme’ dans laquelle j’ai été embauché, et yoù figuraient des gens comme Georges LEPICARD. Au début nous travaillions avec des projets axés sur le temps réel et les systèmes digitaux financés en partie par la DRME (Direction des Recherches et Moyens d’Essais de l’ex-DSGE qui se trouvait en haut de l’avenue Gambetta). Pierre DAVOUS pensait, à juste titre, que seuls les applications et les systèmes clés en main permettraient de booster les ventes d’ordinateurs Bull et de concurrencer efficacement IBM.

Par la suite, en 1964, le projet d’application clés en main ‘Automatisation de la raffinerie de Feyzin’/Isère de la société ELF a été confié à Bull, en grande partie dû à la notoriété de Pierre Davous comme ‘grand ingénieur du corps du Génie Maritime’ (dixunt les responsables de ELF qui avaient plus confiance en Pierre Davous qu’en Bull).

J’ai travaillé de 1964 à 1970 sur l’ensemble des 2 phases de ce projet dont le chef de projet était Pierre LABALME, et les principaux contributeurs T.D. LUU, Michel ROCHER et moi-même.

Le projet FEYZIN utilisait la M40 comme ordinateur. La M40 a été dotée d’un système d’exploitation batch et temps réel, d’un ‘Pupitre Opérateur’ et d’un ‘Système d’acquisition de données digitales àen temps réels’. Bull fournissait en outre des programmes de conduite et d’opotimisation du processus de raffinage du pétrole. Le langage utilisé était l’assembleur. C’était dans les années 68/70 le premier grand projet de ‘Process Control’ clés en main réussi qui a eu un retentissement national et international. La raffinerie de Feyzin devenait la première raffinerie d’Europe conduite par ordinateur.

Bull, dans les années 68/70, devenait la référence du know -how des systèmes ‘clés en main’ dans le milieu du pétrole pour qui le respect des spécifications et surtout le délai de livraison sont des choses essentielles. Le projet FEYZIN a été financièrement rentable pour Bull du fait même de la maîtrise du délai.

Par la suite, la CII (Michel BERTIN), la SSII CERCI (SAHUT D’IZARN) s’étaient mis sur le créneau avec moins de réussite dûe à la non-maîtrise du délai.

Note ajoutée par Jean BELLEC :
Ce projet a été développé par la Division 8 des EÉtudes, le réseau commercial n’étant concerné que par les aspects contractuels et financiers.(…)

Feyzin est à rapprocher plus des systèmes spéciaux que des programmes d’applications multi-clients tels que MISTRAL ou IMS.

Note ajoutée par C. Le Baron :
A la même époquedes projets spéciaux de systèmes temps réels étaient aussi menés par les équipes de Pierre LANDRES chez Ralph SETTON (Dispatchings EDF, Centrale de Brenilis, …), hérités de la CAE.
La période M. Bertin est celle de la création de Bull Ingénierie vers 76/78 ?

 

ANNEXE 3 : NOTE DE CHRISTIAN LE BARRON SUR DTF ET TPS6

TPS6 a été développé par HIS-UK à Hemel Hempstead.

DTF était le concurrent de TPS6 chez CII-HB. Il est issu des compétences de
CII en transactionnel sur la gamme IRIS (STRATEGE) et a été développé dans
les équipes de Ralph SETTONetton dans le cadre d'affaires dès 1978, avant de
devenir un produit en 1980.

La 1ère version a été développée pour les
besoins de l'annuaire électronique MINITEL.

J'étais responsable à cette époque de ces affaires et des produits
transactionnels de la gamme IRIS (STRATEGE). et J'ai fait les spécifications
de ce produit avec G. Le BOURHISourhis qui était le responsable de sonu développement
et de sla mise en œuvre oeuvre sur affaires.



DTF a été largement diffusé (au moins 5 000 exemplaires ?) en France et en
Europe.

Une version "fermée" (TCF : Terminal Concentration Facility?) permettait de fournir une application de
concentration de terminaux asynchrones sur DPS6 et de présenter aux
applications sur les centraux GCOS sous TDS une visibilité de terminaux VIP
synchrones. Cette version "fermée" a également eu une très large diffusion.

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