L'utilisation de la Bureautique chez BULL de 1960 à 1995

JB draft partiel 1 juin 1998

On distinguera quatre types de fonctions plus ou moins connectées à la bureautique:
--la saisie de programmes
--la rédaction de notes techniques et de documentation
--la rédaction de courrier
--l'envoi de documents à distance

Ces fonctions ont été remplies:
--par un pool d'opératrices et/ou de dactylos
--par des secrétaires
--par les techniciens ingénieurs et techniciens.

La saisie de programmes destinés aux ordinateurs n'a existé qu'à la toute fin des années 50, lorsqu'on a réalisé des machines à programme enregistré (Gamma ET et Gamma 60). Ces programmes étaient relativement peu volumineux et étaient perforés sur des poinçonneuses de cartes , re-entrées manuellement et vérifiées automatiquement dans des vérificatrices. Le "programmeur" se contentait de dessiner les "organigrammes " selon des formats graphiques standard (à l'aide de normographes) et d'écrire dans des feuilles de programmation à gabarit prédéfini qui seront transmises aux opératrices. Cette méthodologie sera en service chez Bull jusque vers 1978, malgré une certaine coexistence avec l'entrée directe depuis des terminaux de time-sharing..

Le volume des données entrées dans les ordinateurs était dans l'ensemble plus important que celui des programmes, mais suivait la même procédure: collecte sur des feuilles de papier en utilisant des gabarits et cycle de perforation et vérification.

C'est en 1965 que fut introduit chez Bull, le système de time-sharing GE-265 qui fut utilisé par des ingénieurs des services financiers et de planning pour exécuter de petits modèles en BASIC. Certains confièrent à leur secrétaire la responsabilité d'entrer les données et de lancer le programme. Le matériel utilisé de 1965 à 1972 fut le Télétype 33.

Le GE-635 introduit en informatique interne et en CAO en 1968 était essentiellement contrôlé par cartes perforées et ses terminaux de time-sharing utilisés par des programmeurs système. L'auteur a cependant utilisé le TSS de GCOSIII en 1970 en BASIC et pour l'envoi de petits messages en majuscules sur Télétype 33, matériel fiable, mais bruyant et encombrant.

En 1972, Honeywell Bull fit l'acquisition d'un système MULTICS pour le développement de GCOS64, développement mené entre 1971 et 1975 en étroite collaboration avec Boston. Avant l'arrivée à Paris du GE-645, un certain nombre de terminaux Télétype 37 (avec minuscules) fut acquis ainsi qu'un multiplexeur FDM pour disposer de quelques terminaux sur le GE-645 de Boston. En avril 1972, les programmes étaient écrits à Paris sur Multics le matin, étaient compilés (ou le compilateur était modifié) l'après midi à Boston, perforés sur le GE-645 de Boston et… expédiés à l'avion d'Air France de 20:00 EST pour être repassés en fin de matinée sur le prototype du 64. On réalisait une fréquence de passages à peu près identique aux systèmes à cartes de l'époque et nous bénéficions du décalage horaire et d'un travail posté (2 postes de 12h à l'époque: l'un à Paris, l'autre à Boston)!

Lorsque le Level 64 fut opérationnel en 1974, il n'avait encore qu'un fonctionnement en batch processing et l'on revint aux entrées par cartes jusque vers 1979. A ce moment fut développé un système de time-sharing (appelé IOF Interactive Operator Facility)avec des terminaux à écran du modèle VIP7500 et VIP7800 qui fut utilisé par les ingénieurs programmeurs jusque à la fin des années 80s.

Les terminaux "idiots" furent remplacés progressivement par des PC. Les programmeurs étaient équipés en 1990 de 386 (sous Windows 386) dotés d'écrans de grande taille (18" en noir et blanc) onéreux et peu fiables , mais qui pouvaient visualiser des pages entières de texte ou de listing.

Les besoins évoluèrent un peu lorsque l'essentiel du travail devint de la maintenance et inclut l'examen à distance de listings et l'accès éloigné à la console du système. Progressivement, la machine du programmeur devint un PC standard de haut de gamme. En plus des PC, certains services se dotèrent de MacIntosh (off-line) ou de stations Sun (équipes UNIX).

En 1991, fut installé dans un réseau Ethernet connectant les stations de travail. Le protocole installé à Gambetta fut PC-NFS avec des serveurs Sun. Louveciennes et les Clayes furent équipés d'abord de réseaux DSA. Pour effectuer des essais sur les machines GCOS, les stations de travail se connectaient aux ordinateurs en essai au moyen d'un émulateur VIP via le réseau commuté interne.

Les ingénieurs de CAO et les concepteurs de matériel utilisèrent sensiblement les mêmes méthodes que leurs collègues du logiciel jusque vers 1982. Le traitement était fait sur des machines GCOS8, et des tables traçantes pouvaient visualiser des dessins, tandis que des périphériques spécialisés (machines GERBER) étaient employés pour réaliser les dossiers de fabrication.

C'est en 1982 pour la réalisation des processeurs en circuits intégrés CMOS que la CAO se transporta –tout au moins pour l'interface homme machine sur des mini computers UNIX achetés à l'extérieur (Metheus) puis produits par Ridge une société acquise par le Groupe Bull (Stations SPS-9). Certains travaux furent réalisés sur des Sun.

Les documents destinés à la clientèle (manuels, plaquettes publicitaires…) furent réalisés jusqu'en 1976 par des systèmes d'édition traditionnels: manuscrits de l'auteur, frappe du manuscrit, mise en page, imprimerie). Bull disposait d'une imprimerie interne située à Gambetta, puis à Saint-Ouen. Les notes internes étaient durant les années 60 frappées sur des transparents puis copiés par des procédés donnant des exemplaires peu résistants à la lumière et aux années. La reprographie xérographique ne fut introduite qu'en 1970. Auparavant seule existait des systèmes photographiques donnant des copies extrêmement lourdes et chères. On s'explique mieux l'héritage NIH de certaines parties de l'entreprise quand la photocopie n'était pas inventée.

Les notices techniques de GCOS64 furent saisies directement sur système time-sharing TSS GCOS8 à partir des années 75. Elles restaient frappées par un pool de dactylos dont le coût exigeait une planification serrée et difficile à obtenir de la documentation. Ce n'est que vers 1985, lorsque les programmeurs ont disposé de PC que la solution d'une documentation des programmes par l'auteur fut adoptée, parfois au début au dépens de la qualité matérielle de la documentation. La description technique interne, faite jusque 1982, avec la même procédure que la documentation externe fut remplacée progressivement par la documentation interne du code par commentaires sur les listings. Cette réduction des coûts a aussi coïncidé par un laxisme sur la langue de documentation à partir de la fusion avec CII en 1977 (la contrainte de "l'anglais pour tous" ayant été abolie).

Dans les autres divisions d'études de la Compagnie à Boston et à Phoenix, on se contenta d'employer des terminaux VIP7800 qui resteront utilisés à Boston pour la bureautique (en connexion DPS-6).

La division UNIX (Grenoble) mis rapidement en œuvre des systèmes UNIX avec des terminaux compatibles VT100 et passa aux terminaux X-Windows vers 1993. Sous UNIX, la bureautique utilisait les outils standard: saisie sous VI et impression sous ROFF/TROFF. LaTex était utilisé localement mais ne fit pas l'objet d'un standard.

La rédaction du courrier jusque 1965 était faite par des secrétaires de service sur des machines à écrire, généralement mécaniques, -qui ressortiront parfois du placard lors des coupures de courant ou grèves des années 70--. Le papier carbone assurant les copies d'archivage et les notes étant adressées à pas plus de 2 ou 3 destinataires. Lorsque de nombreux destinataires étaient visés (ex: les chefs de secteurs commerciaux) on procédait à la frappe de stencils et à la fabrication de copies par des machines Gestener. La correction des erreurs sur stencils était une épreuve pour secrétaires et rédacteurs.

L'arrivée de directeurs américains de General Electric força l'introduction de machines à écrire IBM Selectric, au grand dam des services de sécurité effrayés de voir des inspecteurs de maintenance d'IBM France pénétrer au siège de Bull. A la fin des années 60, des machines Olivetti de fonctionnalité voisine (sauf pour l'écartement proportionnel) se généralisaient dans les services de la Compagnie. Leur capacité de mémoire et d'édition étaient encore négligeables et l'habileté de la secrétaire - et ses habitudes – tenaient lieu de normes de courrier interne.

Bien que Bull s'était convaincu de l'intérêt des marchés de Key-to-tape et de Key-to-diskette au début des années 70, ces matériels ne furent utilisés que très confidentiellement dans le pool de saisie de données de l'Informatique Interne. Par contre la première machine bureautique CPT appelée en interne TTX80 fut reçue avec enthousiasme par les secrétaires qui sans perdre leurs habitudes de mise en page manuelles pouvaient accepter sans état d'âme les changements de leurs patrons.

Le TTX80 était une machine à base de 8086 et possédait un système de fichiers sur diskette 8 pouces. Il était d'un écran noir sur blanc permettant de visualiser une page entière.

Il fut suivi en 1984 du TTX90 également de provenance CPT. Les machines CPT possédaient un traitement de texte incorporant le système d'exploitation (un système permettant de retrouver une page de document). Bien qu'il tourna aussi sous CP/M la fonctionnalité Multiplan disponible sous cet OS ne fut guère utilisée chez Bull.

Le défaut principal du TTX était son prix de l'ordre de 100 000KF pour le système complet avec imprimante. Bull décida la commercialisation du TTX35 un système à peu près équivalent mais avec un écran standard de terminal (1/2 page) vert sur noir. L'accueil fait au TTX35 fut quelque peu enthousiaste et ce matériel ne fut guère utilisé en dehors de la division petits systèmes où il avait été conçu.

En 1982, avec l'absorption de Transac qui avait signé un accord de licence avec Convergent (qui plus tard sera absorbée par Unisys), Bull avait décidé de commercialiser le B4000. Ce matériel utilisait le système d'exploitation CTOS et eut un succès indéniable en particulier dans le domaine bancaire, car il permettait la programmation d'applications spécifiques interfaçant avec les produits bureautiques. A l'intérieur de la compagnie le Questar 400 (nom Bull du B4000) s'imposa dans le réseau commercial français, mais ne fut pas introduit dans les secrétariats d'études, ni pour la production de documents techniques, sauf dans les divisions Bull Transac.

Le reste de la Compagnie dut se séparer des TTX80/90 faute de pièces détachées et de diskettes 8 pouces. Un candidat à leur remplacement fut un émulateur de CPT fonctionnant sur PC. La non-compatibilité MS-DOS empêcha que ce système dépasse le stade expérimental.

C'est finalement des PC avec Windows 3.0 avec cartes Kortex 1200 bps qui remplacèrent les TTX comme outils de secrétariat. Des imprimantes Apple Laserwriter au format Postscript furent installées dans certains secrétariats, d'autres étaient reliées à des réseaux Appletalk. Le logiciel de bureautique était Word 3.0 et Word 4.0. MS-DOS était masqué aux secrétaires au moyen d'un produit logiciel qui se révéla une entrave pour passer à Windows 3.x. Ce logiciel permettait de basculer entre Word et l'émulateur de terminal. La présence de Windows était due à ce que Excel (nécessitant Windows) était installé sur ces machines au cas où l'entrée de données serait demandées aux secrétaires. Plus tard (1991), Word for Windows remplaça Word.

Les secrétariats et l'état major de Phoenix se convertirent au Mac Intosh à partir de 1985. Ils furent utilisés dans des réseaux Appletalk avec des imprimantes Laserwriter. Ces Mac furent remplacés par des PC sous Windows vers 1992 avec l'introduction des réseaux locaux Lotus Notes.

La communication de messages entre employés de Bull s'effectua par courrier interne papier jusque vers 1975. Vers 1967, un système de normalisation des tournées de courrier avec postes de courrier (numérotés d'après les numéros de bureaux) fut mise en œuvre. La communication avec les filiales étrangères se faisait généralement par messages Télex, pour lesquels le coût élevé tant de transmission que de saisie fit utiliser le style télégraphique.

Vers 1975, le système Fox, baptisé Bulltext de courrier électronique fut mis en place; le serveur était réalisé sur DPS-6 et les agents de courrier étaient les systèmes TTX. Ce système généralisé à tout Honeywell permit à toute la Compagnie de s'échanger des documents à travers les secrétariats. Il dura jusque 1990. La connexion des TTX au serveur se faisait avec des modems 1200 bps. Les serveurs de Bull étaient installés à Saint-Ouen mais restait synchronisé avec Minneapolis.

Le système Fox n'étant pas commercialisé par la Compagnie, certaines divisions furent équipées du système Bull DOAS-6 qui disposait de passerelles avec Bulltext. Plus tard (1992?) le système DOAS fut rebaptisé Bulltext .

Jean Bellec

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