Les échos d’un commercial à Grenoble de 1956-1967.

II. L’installation à Grenoble 1957- 1958

LOU a donc été mon premier client " à moi " en 1957. Mais il y en avait d’autres, signés de Laurent Artru, ou du " père Renaud " (j’ai oublié son prénom), ou même d’encore avant.

Le plus ancien de tous (1937) était la Trésorerie Générale de l’Isère, pour la comptabilité du département et la paie des fonctionnaires de l’Etat. Ensuite la Banque de l’Isère en 1946, et en 1948 deux autres banques (Banque Populaire et Banque Nicolet-Lafanechère), et surtout Stateco, entreprise de " Travail à façon ", qui m’en a fait voir de toutes les couleurs. Les banques achetaient leur matériel, mais Stateco, créée et dirigée par Pierre Guérin, ancien résistant, comptable agréé et administrateur séquestre des biens du " Petit Dauphinois " devenu " Le Dauphiné Libéré ", " louait " ses matériels, c’est-à-dire qu’elle s’appliquait avec pas mal de succès à ne pas les payer.

Stateco avait une clientèle extraordinaire, toutes les entreprises de la région ou à peu près. Elle a disparu faute d’avoir pu ou su évoluer vers des matériels et des méthodes plus modernes, mais il fallait pour cela des personnels capables de le faire, une gestion un peu plus sérieuse, et des moyens financiers que Guérin aurait très bien pu s’attirer car il avait une très forte image dans la région. Au lieu de quoi, Bull a dû provoquer l’installation à Grenoble en 1963 d’un centre de l’Imsac équipé d’un Gamma 30, en partage avec la Société La Mure, devenue Elf par la suite.

En 1957 j’ai assisté à la signature à Annecy, par Artru et Geffray, et ensuite participé au démarrage de la SNR. Cette Société Nouvelle de Roulements, filiale de Renault, ne voulait surtout pas de Bull, son directeur administratif Sérot, suivi de l’ " attaché de direction " Bernard Boy, ayant fait tout ce qu’ils pouvaient pour nous savonner la planche. Mais il y allait de l’honneur des familles Callies et Aussedat : il était exclu de laisser IBM s’installer à Annecy, dans la plus importante entreprise de la région, qui promettait d’être une référence de premier plan. La direction générale a fini par céder, et, comme j’avais beaucoup travaillé, sans le moindre succès, sur la gestion de production de Petercem à Lyon, Artru n’a pas hésité à me présenter à Sérot comme étant compétent en cette matière ! Heureusement il y avait l’ " agent technique " Jacques Lagoutte, artiste de haut vol, qui a littéralement sauvé le démarrage et la situation, avec le chef de service du client, Guillaume, qui ne s’intéressait pas aux querelles de DG, mais qui voulait faire fonctionner sa BS et son Gamma 3 sur l’ordonnancement et le lancement des fabrications. Et ça a marché.

En 1957 encore, j’ai assisté à la conclusion et au démarrage d’une autre affaire de prestige, le Gamma AET de l’Institut Polytechnique, chez le célèbre professeur Jean Kuntzman. Bull, et Philippe Dreyfus en particulier, ont toujours cru que cette référence avait été conclue grâce aux qualités de l’action commerciale, mais la vérité était beaucoup plus triviale : le Gamma AET s’étant révélé d’un niveau technique suffisant, il a été choisi par Kuntzman et son équipe (Bolliet et Gastinel) uniquement parce qu’il y avait déjà un IBM 650 chez Sogreah, à une portée de fusil, et ils voulaient pouvoir disposer des deux, pour eux et pour leurs quelques rares étudiants en calcul numérique. Notons que Kuntzman, à cette époque, avait deux rivaux, au moins : en interne le professeur Namian, l’expert grenoblois en calcul analogique, et en externe le " commandant Arnold Kaufman ", l’inventeur de la Promotion Supérieure du Travail - une sorte de CNAM grenoblois -, et conseiller scientifique à la Compagnie des Machines Bull (celui grâce auquel son locataire, un certain Serge Kampf, est entré dans la même compagnie après une conversation chez Kaufman due à un chauffe-eau en panne).

José Bourboulon.

En 1957 enfin, Valisère, client de Stateco, s’est équipé d’une BS et d’un Gamma 3, et le démarrage a été fait par Claude Bibos et Jacques Bourbon. Je vous en reparlerai plus loin. Valisère, propriété d’une vieille famille grenobloise, la famille Perrin, et dirigée par les frères François et Georges Clément, n’a peut-être même pas consulté IBM et jusqu’à sa disparition est restée fidèle à Bull.

Le 1° janvier 1958, je ne suis plus " adjoint de secteur stagiaire ", je deviens " adjoint de secteur "tout court (chez Bull on ne disait pas " ingénieur commercial "). Je suis toujours en résidence à Lyon, et mon bureau est toujours dans l’usine de Lyon.

1958, c’est l’année des Houillères du Bassin du Dauphiné, à La Motte d’Aveillans, sur le plateau désolé de Laffrey où Napoléon avait retourné en 1815 la garnison de Grenoble venue l’arrêter. Claude Bibos, qui a toujours habité près de Lyon avec ses pigeons voyageurs, et Jacques Bourbon, habitant Grenoble, ont reconduit leur coopération pour ce démarrage difficile mais couronné de succès.

C’est aussi l’année où j’ai signé pour une TAS avec mon ami Alain Raymond, gérant des " Ets A. Raymond ". Cette entreprise, une des rares entreprises importantes restées encore aujourd’hui grenobloises, est toujours, à ma connaissance, cliente de Bull. Le démarrage avait été fait par Jacques Lagoutte.

Le 1° mars 1958, je deviens " Cadre Commercial – Adjoint de Secteur – Position II B ".

Et le 1° septembre 1958 je déménage enfin à Grenoble, avec presque deux enfants.

Mon bureau officiel reste à Lyon, mais en fait je travaille chez moi, et je fais simplement les trajets dans l’autre sens, Grenoble-Lyon plusieurs fois par semaine au lieu de Lyon-Grenoble avec le courrier toujours tapé à Lyon par Denise Girin Je remplace la 2 CV par une 403 d’occasion. Mon territoire comprend l’Isère et les deux Savoie.

Ma femme reçoit un jour un coup de téléphone d’un type furieux " allo, allo, j’appelle la Compagnie Bull, et ça ne répond pas ! ", et elle lui répond tranquillement " j’étais en train de faire mes courses… " Le type en question a tout de suite changé de ton, c’était Vital Manca en personne, le Trésorier Payeur Général de l’Isère…

En 1958, les techniciens en poste à Grenoble étaient peu nombreux : Jacques Lagoutte, Georges Bila, le plus ancien, Jacques Bourbon,… Quant au SEC, son chef était Igonin, avec Ravier, Chorot à Annecy… 

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A suivre

José Bourboulon