CII, Bull-General Electric, Honeywell-Bull, CII-HB, Bull SA
Réseaux de Télécommunications
Communications Networks
1964-2005
Le mariage entre l'informatique et les
télécommunications, mariage qui apparait évident aujourd'hui, a une histoire de
près de 50 ans dans laquelle les composants du Groupe Bull ont été concernés non
seulement en France mais aussi aux Etats-Unis. De nombreux éléments de cette
histoire n'ont été que très partiellement documentés et cette page est ouverte à
tous les témoins via leurs commentaires ou contributions.
Dans son ensemble, la connexion des machines informatiques à travers les
télécommunications s'est inscrite dans le monde entier sur la base d'une
dialectique d'essence américaine entre AT&T (qui y possédait le monopole des
communications) et les constructeurs informatiques (au premier rang IBM, mais
aussi DEC, Honeywell et General Electric). Les opérateurs de
communications s'occupent des tuyaux avec des frontières standard. Clients et
fournisseurs informatiques font le reste. La France a cependant connu des
initiatives qui ont paru un moment susceptibles de bousculer cette relation: la
principale, qui a dépassé les frontières européennes, a été l'élaboration dans
le cadre du CCITT, du standard X25 et la constitution du réseau Transpac; la
seconde a été la diffusion de la téléinformatique chez les usagers domestiques
qu'a été le programme Minitel. Dans les deux cas, l'initiative en revenait à la
Direction Générale des Télécommunications du ministère des PTT et à son centre
de recherches, le CNET..
Les constructeurs (Bull , CII et aussi IBM
) ont eu, avant tout, la responsabilité d'adapter leurs offres à l'offre de
télécommunications fournie par les PTT pour répondre aux demandes de leurs
clients. Ils ont aussi essayé de concrétiser une offre globale n'exigeant pas de
personnalisations coûteuses, offre globale plus ou moins ouverte aux matériels
concurrents et souvent décrite sous le nom peut-être un peu prétentieux d'
Architecture. La peur, probablement irraisonnée, d'un monopole d'un constructeur
d'origine américaine (IBM ou AT&T) a conduit les industriels français à faire
des investissements relativement importants pour à la fois être prêts aux
standards internationaux de jure futurs et assurer la continuité de leurs
offres précédentes et même aussi, dans le cas de Bull, pour assurer l'intercommunication avec l'offre IBM.
Il est probable que le "business model" de cette offre globale avait été
insuffisamment creusé, car les systèmes ouverts , et en premier lieu les
produits Internet, portés par l'ordinateur personnel
et par la dérégulation des télécommunications, ont balayé dans les années 1990
les velléités d'une opposition frontale à l'"offre globale" du principal
constructeur de gros ordinateurs. Dérégulation et effondrement des prix des
matériels ont assuré le succès de solutions nées dans le domaine universitaire
gratuit -trop méprisé par les constructeurs dans les années 1980- et aujourd'hui portées par de nouveaux acteurs industriels.
Ces tendances lourdes ne doivent cependant
pas éclipser des initiatives prises au niveau de certains grands utilisateurs
(Air France, EDF, SNCF, Armées, banques, assurances, INRIA) qui ont alimenté
plusieurs SSII françaises et les réalisations des constructeurs (parmi ceux-là,
il ne faudrait pas oublier, pour la France, ni le centre IBM de La Gaude ni les centres de recherche
du CNET).
Il y a deux manières d'aborder l'histoire des transmissions de données.
La première est celle des utilisations vues des clients en identifiant les applications disjointes et les révolutions qui ont animé leur histoire. Ces applications peuvent se répartir en deux classes:
celles qui sont en duplex, soit pour simplement valider les données transmises soit pour des applications interactives. Alors que les protocoles de diffusion ne contiennent pas de réponse du récepteur purement passif, le monde des ordinateurs a privilégié la transmission de données impliquant une synchronisation de l'émetteur et du récepteur pour des raisons de nature de l'application (dite interactive) soit parce que l'efficacité de la transmission (risques d'erreurs, coûts des retransmissions) exigeait (contrôle de vraisemblance, modification dans les phase de l'application) un accusé de réception au niveau applicatif.
Les applications de base sont le transfert de fichiers et les applications transactionnelles.
Le premier est resté longtemps l'émulation des fonctions de base des traitements mécanographiques (transfert de données préalablement saisies et impression d'états) qui suppriment les manipulations manuelles dues à la distance.
Les secondes sont dérivées des applications télégraphiques (Télex) permettant d'utiliser un ordinateur pour connecter un terminal interactif à un programme dans un ordinateur (fonction dérivée d'un ordinateur utilisé par une seule personne qui était piloté par une console par exemple pour les exécutions de traitements scientifiques).
Deux dérivés de ces deux types d'applications ont pris rapidement de
l'importance dans les années 1960 concordant avec les progrès des systèmes
d'exploitation: il s'agit du traitement par lots à distance (remote batch)
qui revient à disposer de plusieurs stations de collecte de données , de
lancement de travaux et d'éditions de résultats d'une part et du time
sharing associant les fonctions de lancement de travaux avec celles
d'interactions directes (interactif) ou différées avec les programmes.
Ces schémas se sont complétées par la révolution du
transactionnel associant un certain nombre de terminaux de plus en plus nombreux à
une application (ou un groupe d'applications) autour de bases de données.
Cette mutation du batch vers le transactionnel a été progressive depuis la
fin des années 1950 jusqu'au milieu des années 1970 et elle n'a pas été sans
conséquence sur les couches hautes des systèmes de transmissions de données.
La mutation suivante a été de considérer que le schéma de l'informatisation
n'était pas (ou plus) le grand ordinateur connecté à des terminaux peu
intelligents, mais l'éclatement des applications entre plusieurs serveurs et
le report des nombreuses fonctions (celles qui sont indépendantes des bases
de données partagées) au niveau du terminal lui-même. On a cru un moment
(vers 1985-1990) simplifier le modèle en figeant des protocoles du type
client-serveur.
Mais les terminaux intelligents sont devenus des
micro-ordinateurs universels capables de travailler sur de multiples
applications, certaines indépendantes, d'autres connectées à des serveurs
(le tout simultanément). Cependant, la pression des utilisateurs sur leurs
concepteurs d'applications a exigé la standardisation des protocoles de
communications, ces utilisateurs m'ayant pas la compétence pour installer et
administrer la collection de protocoles disponibles et par ailleurs ne
voulant pas investir leur argent dans cette collection. C'est ainsi que la
plupart des protocoles inventés se sont estompées dans les années 1990-2000
au profit de ceux de Internet (essentiellement TCP/IP) , distribués à coût
réduit et, augmentation des performances du hardware aidant, capables de
supporter à peu près toutes les utilisations.
Dans la foulée d'Internet à partir de 1990 de nouvelles classes
d'applications virent le jour ou se standardisèrent universellement. Au
premier rang, il faut citer le courrier électronique qui a été pour une
génération la killer application de Internet. Assez rapidement,
l'émulation de terminaux des années 1970 , Telnet, devint aussi disponible
sous Internet qui pouvait ainsi concurrencer avantageusement les réseaux
"propriétaires". Suit immédiatement, la publication de documents en
hypertexte (HTML) souvent présentée comme le symbole du World Wide Web.
Puis, vinrent le développement du transactionnel sur Internet (dérivé des
premiers protocoles de formulaires), la messagerie instantanée ( Chat
) chère à nos adolescents étendue ensuite à la "voix sur IP"(VoIP).
Rapidement, l'hypertexte s'étendait aux fichiers image et au son, et aussi à
des transmissions d'objets ayant emprunté initialement la voie diffusion (podcast
-radio ou télévision).
La seconde est celle des moyens de transmissions.
Pendant la période du monopole des opérateurs de télécommunications (monopole public dans la majorité des états, notamment en Europe, monopole privé régulé aux Etats-Unis) un partage de facto entre constructeurs d'ordinateurs et opérateurs téléphoniques s'est fait sur l'interface V24: aux opérateurs téléphoniques la partie analogique des transmissions (lignes, filtres, commutateurs, modems) et aux constructeurs d'ordinateurs le reste. Cependant aux Etats-Unis AT&T en prolongement des liaisons télégraphiques a su maintenir un monopole sur les terminaux Teletype et en Europe les PTT cédaient aux constructeurs privés les terminaux et même les modems, se contentant de les agréer. Les utilisateurs et les constructeurs contournèrent à grand prix ces restrictions monopolistiques par l'intermédiaire de lignes louées sur lesquelles ils purent installer des modems à grande vitesse et leurs propres terminaux. La tentation a existé de construire des réseaux privés complets ne cédant aux opérateurs que la propriété des tranchées et des lignes téléphoniques. Cette tentation ne s'est jamais réellement concrétisée, malgré les rapports alarmistes sur le sujet. Le principal acteur redouté, IBM, était bridé par la menace des foudres de la loi anti-trust.
Vers 1975 les centres de recherche des opérateurs et quelques constructeurs (par ex. IBM La Gaude) commencèrent à réfléchir sur les conséquences techniques et économiques de la possibilité de digitalisation de la partie analogique du réseau de transmission. Aux modulations analogiques en fréquence et en phase (la première dans les années 1950 , la seconde dans les années 1960) s'ajoutèrent les multiplexeurs digitaux (TDM) qui concurrençant les multiplexages par bandes de fréquence à l'aide de filtres analogiques introduisirent la modulation par impulsion PCM et la digitalisation de la voix. Les commutateurs automatiques électromécaniques (rotary ou "spatial") se virent remplacés par la commutation numérique (commutateurs temporels). Enfin la commutation par paquets généralisait le PCM en permettant un multiplexage de différentes conversations sur une même ligne.
Les monopoles virent dans ces
nouvelles technologies un moyen de retrouver la position dominante
qu'ils avaient à l'époque de gloire du Télex qui leur permettait de
fournir une offre de service globale potentiellement modulée selon les
utilisations. C'est probablement en France que ce souci d'augmenter
l'offre des PTT par le multiplexage de services divers a été le plus
exacerbé. L'expérience de Biarritz s'efforçait d'amener au consommateur
un service de visiophonie, de consultations de bases de données et même
de télévision via une fibre optique amenée jusqu'à l'appartement ou le
bureau du consommateur. A la tentation des utilisateurs de
construire un réseau privé, s'opposèrent les établissements de réseau
publics de commutation par paquets X25 qui offrait un service de réseau
privé virtuel ou de circuits virtuels commutés qui limitèrent
drastiquement la place des concentrateurs privés remplis par des
mini-ordinateurs. L'idée de substituer X25 à l'interface habituelle V24
ne fut elle pas complètement appliquée; l'essentiel du trafic de
Transpac était fait à partir de points d'accès PAD qui offraient aux
clients leur interface habituelle (TTY, 3270, VIP).
Toujours pour offrir des services nouveaux les PTT français (alors la
DGT) se lança sous couvert de modernisation de l'annuaire téléphonique
une offre globale de terminaux grand public et de services le Minitel
(les services de bases de données spécialisés étant eux fournis
par de grands clients ou des entreprises de presse).
Sur le plan technologique, trois problèmes disjoints se présentèrent et reçurent des solutions
celui de la modulation et tout spécialement l'adaptation aux liens entre l'abonné et le premier niveau de commutation
télégraphie
la modulation par variation d'intensité de courant et qui assurait la
télétransmission sur un fil continu métallique date du début du 20ème
siècle et a précédé les communications informatiques. Cependant le
réseau
Télex mondialisé est un ancêtre des réseaux actuels. Sa garantie de
service de bout en bout a été un inspirateur des réseaux à Qualité de
Service (par exemple X25). Les ordinateurs des années 1960 ont servie de
commutateurs ou de concentrateurs de messages télégraphiques (Datanet 30
chez GE, système de la Météo, de SITA...). Les débits des lignes à
modulation télégraphique ont toujours stagné sous les 100 bps (50 bauds
en France pour le réseau Telex commuté).
modulation de fréquence
(V21)
la modulation par excursion de fréquence a été le premier système
largement répandu dans les années 1960: les modems full-duplex à 200 ou
300 bauds permettaient des transmissions peu différentes des systèmes
télégraphiques, mais pouvaient être utilisées sur les lignes
téléphoniques e qualité standard. Pour des liaisons plus rapides (sic)
des modems à l'alternat permettaient des transmissions à 1200 bps,
tandis qu'une voie de retour permettait la transmission simultanée
d'accusés de non-réception ou des signaux d'interruption BRK. Ce type de
liaison était utilisables sur lignes louées permanentes ou établies par
un opérateur humain. Les Automatic Calling Unit (permettant à un
ordinateur de faire des appels avec numérotation en fréquences vocales)
ne furent que très tardivement (fin des années 1970) autorisés en
Europe.
modulation de phase
Au milieu des années 1960, des modems initialement non standard ont
commencé à apparaître utilisant la modulation de phase et repoussant la
limite de la transmission sur lignes téléphoniques jusqu'à 2400 et 4800
bps. Poussés par IBM France, ces vitesses devinrent accessibles en
France en même temps qu'aux Etats-Unis.
RNIS (Réseau Numérique à Intégration de Services)
un saut quantitatif apparut au milieu des années 1980. La technologie
des filtres ayant fait beaucoup de progrès, il a été possible de diviser
la bande passante disponible sur une ligne téléphonique en deux voies de
données utilisables à 64 Kbds, tout en réservant des canaux de service.
Cette liaison a été commercialisée sous le nom de RNIS (en anglais ISDN)
qui a eu son heure de gloire autour de 1995. La modulation utilisée par
ces modems
DSL
un autre saut important a été celui des liaisons DSL, toujours sur les
lignes téléphoniques de cuivre.
celui des "tuyaux" physiques
proprement dites
le fil de cuivre posé depuis les débuts du 20ème siècle demeurent encore
aujourd'hui le principal support de la boucle locale. L'avènement de l'ADSL
lui a permis la révolution du haut débit en y passant même la
télévision, (avec des contraintes de distance sur la boucle locale)
ce n''est pas le radio-télétype qui est devenu un support important pour
les transmissions de données, ce n'est pas non plus le WiFi qui a
sérieusement écorné le domaine de l'Ethernet mais qui reste pénalisé par
sa portée insuffisante. La transmission radio peut trouver sa place dans
le domaine du WiMax qui viendra compléter les relativement bas débits
offerts par les protocoles EDGE ou GPRS sur GSM, et peut-être aussi l'UMTS.
La transmission par satellite a été considérée à la fin des années 1970
comme une des voies du futur. Cet enthousiasme s'est tari assez
rapidement devant le coût des installations ou de l'asymétrie des
liaisons mixtes (fil/satellite).
Le perfectionnement des technologies de modulation (ADSL) sur un fil de
cuivre déjà posé et ne nécessitant pas de travaux de génie civil a pour
le moins retardé la connexion de câbles en fibre optique aux terminaux
(boucle locale). Cependant la technologie des fibres optiques a rendu
progressivement obsolète le réseau de câbles coaxiaux établis pour
relier les centraux du réseau mondial. Les fibres constituent
aujourd'hui l'épine dorsale (backbone) du réseau Internet.
Bull
La présente page inclut la table des matières de témoignages ayant été publiés par des membres de la FEB sur ce sujet des réseaux, en attendant que soit rédigée une étude plus systématique des réalisations dans ce domaine.
Bull et les télécommunications (1960-1974) par Jean Bellec | |
Naissance de l'Internet et des réseaux (1969-1978) par Michel Elie | |
17 ans de télécommunications chez Bull par Philippe Picard | |
Bull et l'histoire des télécommunications par Claude Rolland |
Contributeurs (à compléter)