BULL ET LES COMMUNICATIONS

par Claude Rolland

Dès lors que les techniques de communications à distance ont été utilisées autour des ordinateurs (à partir du début des années 60), BULL les a mises en œuvre, au point d’en faire rapidement une compétence distinctive.
Leur développement est lié au contexte extrêmement complexe et foisonnant de l’environnement.
C’est pourquoi il est proposé d’écrire l’histoire des Communications dans BULL en les situant en permanence dans ce contexte : évolution de l’offre des PTTs, point des recherches les plus caractéristiques, offre des concurrents (constructeurs généralistes ou sociétés spécialisées).
Les Communications ne se réduisent pas seulement aux ‘couches basses’ (pour citer le modèle ISO), il faut aussi inclure dans le domaine présenté les couches supérieures applicatives.
De plus, de nombreux aspects de la ‘Microinformatique’ doivent être abordés.
Enfin, il semble judicieux de scinder la présentation en grandes périodes d’environ 5 ans, en commençant par ‘avant 1965’.

CONTEXTE.

Les appareils de communications sont très chers et très lents (débit inférieur à 300 bauds). En France en particulier, un retard important a été pris dans le développement du réseau téléphonique (‘Le 22 à Asnières’…), concentré autour de centraux électro-mécaniques analogiques. Le média est le fil de cuivre et plus rarement le câble coaxial. De rares liaisons hertziennes complètent le tableau. Les liaisons de données sont en point à point.

La liaison Ordinateur - Communications est apparue nécessaire assez tôt, essentiellement pour transmettre des fichiers de données . Rappelons qu’il n’y a pas guère d’Operating System à cette époque. Les datacoms – dérivées des applications du Telex- sont traitées en commandes de base (selecting, ouverture de la communication, synchronisation, début de transfert, fin de transfert, répétition éventuelle, fin de communication, …).

Les premiers terminaux sont de type machine à écrire, n’ont pas de mémoire tampon (buffer), et sont traités en mode caractère; les transmissions sont asynchrones, utilisant les interruptions du système central.

La première application d’importance est probablement SABRE, application de réservation aérienne développée en 1963/64 sur IBM 7094.

BULL GENERAL ELECTRIC.

Jusqu’au milieu des années 60, BULL se limite à des études pas ou peu commercialisées, telles que la réalisation d’un Time Sharing mono-langage (LSA) sur Gamma M-40 pour des machines à écrire IBM, et des réalisations expérimentales sur Gamma 30 (embryons de systèmes transactionnels avec des terminaux Telex).

De son côté, General Electric développe le processeur de communications Datanet 30 qu’il utilise comme concentrateur de messages TTY . Le Dartmouth College utilise le Datanet 30 comme frontal de son système de Time Sharing. Le Datanet 30 est un des premiers processeurs frontaux de l’industrie.

CONTEXTE.

L’offre des PTTs se développe. En France, les centraux numériques apparaissent et vont se multiplier, permettant de combler peu à peu le retard. Les liaisons sont maintenant multipoints.

Les Operating Systems se développent.

L’ECMA tente de normaliser dans les programmes une interface Télécommunications basée sur les caractères de contrôle (STX, ETB, ETX, EOT) dans le code ASCII. BULL participe à cette tentative, qui échoue avec l’apparition des premières procédures de communication, avec le mode de transmission synchrone et la bufferisation (par exemple la BSC 2780, puis la SDLC d’IBM) : elles permettent d’écrire des applications en assembleur qui s’adressent à une méthode d’accès (BTAM ou QTAM chez IBM). Elles gèrent directement les terminaux , car l’Operating System n’offre rien au-delà de la méthode d’accès pour écrire des applications. Il s’agit principalement de transferts de fichiers, de Remote Batch (RJE/CRJE d’IBM en liaison avec des terminaux 2780), et aussi de Time Sharing pour des terminaux MAE gérés en asynchrone mode caractère.

Les Frontaux de communications.

 BULL GE ayant fait figure de précurseur en la matière, les premiers ordinateurs spécialisés pour les communications se développent. Ils permettent une flexibilité et une indépendance d’administration du réseau par rapport au central (notamment en évitant les générations de système en cas de modification de l’environnement réseau).

IBM introduit d’abord un concentrateur non programmable 270x, puis le frontal NCP vers 1970, mais garde l’administration sur le central. Cette rigidité perdurera quand SNA verra le jour.

Premières grandes applications commerciales.

Ce sont pour la plupart des applications transactionnelles développées en spécial.

SABRE est porté sur IBM 360/75 dans ACP (Aircraft Control Program) avec un BTAM spécifique. United Airlines et Air France installent  leur système de réservation sur Univac 1108 en 1968. La Redoute a mis son système de commandes en ligne sur IBM 360/50 (équipé d’une ‘Bulk Core Storage’, puis d’un ‘Data Cell Drive’) en 1967. Le Club Méditerranée a eu son système de réservation (développé en spécial sur IBM 360/40) également en 1967.

BULL GENERAL ELECTRIC.

GE continue le développement du Datanet 30, connecté aux centraux GE 400 et GE 600 (tel le GE 400 livré à la Préfecture de Police de Paris).

GE et Univac introduisent le Remote Batch en même temps qu’IBM : tous deux utilisent l’Univac 1004 comme terminal RJE.

Puis GE utilise le GE 115 comme terminal GERTS (General Electric Remote Terminal Service, plus tard renommé GRTS).

CONTEXTE.

Les premiers satellites de communications apparaissent (TELSTAR) réservés en priorité, il est vrai, au téléphone. Des lignes à 9600 bauds sont louées par les PTTs aux entreprises.

Les terminaux écran avec buffer commencent à se répandre, et le mode Message vient compléter les fonctionnalités des procédures : IBM 3270 / procédure BSC 3270, VT de DEC, Iriscope 300 / procédure TMM/VU de CII, VIP7700 / procédure VIP mode message de Honeywell .

Le COBOL CTG (Communication Task Group) introduit par le CODASYL sous l’impulsion de Ron Ham (Honeywell) permet d'écrire des verbes SEND/RECEIVE dans les programmes COBOL. Mais cette liberté de programmation sans accompagnement structurant par l’Operating System cause des soucis aux programmeurs quant aux temps de réponse au terminal et à la cohérence des transactions. La solution viendra un peu plus tard avec les moniteurs transactionnels et les contraintes – bénéfiques - qu’ils exigeront.

IBM introduit la dimension Time Sharing TSO et la dimension Transactionnelle CICS dans l’OS/360; CICS est aussi disponible sous DOS/VS. CICS, n’étant pas la stratégie officielle de l’Engineering IBM, ne s’impose d’abord pas clairement ; IBM introduit aussi IMS/DC, dans le sous-système IMS destiné à gérer les bases de données, ainsi que le système d'exploitation spécialisé ACP (Advanced Control Program, dérivé de SABRE).

De gros efforts architecturaux sont faits aussi bien par les constructeurs que dans la recherche. La motivation des constructeurs en la matière – que ce soient IBM ou la CII- est que chacun espère imposer son architecture de réseaux propriétaire, sans anticiper du tout le succès à venir du concept des systèmes ouverts.

Il faut maintenant mettre en lumière l’évolution rapide et novatrice du réseau ARPANET, ainsi que les gros investissements faits par la CII dans le domaine des réseaux, enfin le rôle de Xerox PARC dans la création des réseaux locaux.

Le réseau ARPANET.

ARPA (Advanced Research Project Agency) avait été créé en 1957 par le Pentagone pour rattraper le retard que les US estimaient avoir pris après le choc du lancement de Spoutnik par l’URSS. En 1964, Paul Baran propose de relier les labos de recherche américains par un vrai ‘Réseau’ décentralisé avec maillage et chemins d’accès alternés ; de plus les données à transmettre seraient découpées en paquets (ou datagrammes), un paquet étant susceptible d’être transmis en un seul coup d’un nœud à un autre, le suivant pouvant très bien prendre un autre chemin si besoin est, pourvu que l’ensemble des données transmises soit reconstitué correctement à la destination finale : c’est l’invention de la commutation de paquets (packet switching). Sur ces bases le réseau ARPANET est fondé en 1968. Outre les fonctions de sécurité, il permettait aux universités d’accéder aux supercalculateurs situés dans d’autres labos (resource sharing), accédés en Time Sharing. Un système de courrier électronique permettait aux chercheurs de communiquer entre eux. En 1972, les premières versions du File Transfer Protocol (FTP) apparaissent, de même que celles de TELNET (Remote Logging ou R-Logging).

Cyclades.

A l’INRIA, sous la direction de Louis Pouzin et de Hubert Zimmermann, est développé CYCLADES, copie expérimentale d’ARPANET ; de nombreux échanges entre les deux équipes sont effectués.

Les développements de la CII dans les communications.

Après l’expérience 10070, la CII se lance dans des développements importants autour de la ligne IRIS, en particulier dans le domaine des communications.

Elle développe la série de terminaux écrans Iriscope 200 et 300.

Elle développe sur base MITRA 125 la série de Datanets MCR (Moniteur de Contrôle Réseau): ce sont les processeurs frontaux et concentrateurs MCR1 en 1972, puis les MCR2 qui seront en plus commutateurs avec l’arrivée de la station de transport NNA (voir chapitre 4) en 1974, enfin les MCR3 en 1976, qui, après la fusion CII-HB, ajoutent le transport DSA ainsi que la passerelle DSA (voir également chapitre 4).

Les premiers terminaux de Remote Batch sont acquis de la SPERAC (SPS 5005), avant que la CII développe son propre terminal sur base MITRA 15.

Sur le système d’exploitation SIRIS, tout ceci est géré par les procédures de transmission TMM (Transmission Mode Message) : TMM/VU pour les terminaux Iriscope 300 (synchrones) ; TMM/UC pour les liaisons par ligne ordinateur-ordinateur, TMM/RB pour le Remote Batch. Le Time Sharing, le transactionnel STRATEGE, le système de bases de données et de requêtes SOCRATE, et le système documentaire MISTRAL complètent l’offre logiciel.

XEROX PARC pionnier des réseaux locaux.

Le Xerox PARC est en 1975 à l’origine de l’invention d’Ethernet, protocole de réseau local (LAN) simple et bon marché, dont les spécifications ne seront publiées qu’en 1981. Une suite de protocoles complète est aussi développée : il s’agit de XNS, qui ne se répandra pas en dehors de Xerox, laissant place à TCP/IP…On le retrouvera plus tard seulement dans l’offre de Novell  Netware (protocole de transport IPX).

HONEYWELL BULL.

La nouvelle compagnie hérite du Datanet 355, successeur du Datanet 30 venant de GE.

Honeywell a ses propres concentrateurs H316 et H516 à la fusion avec BULL ; une tentative de raccorder le H516 (rebaptisé Datanet 2000) au L64 aura lieu en 1976,qui n’aura pas de suite.

Comme chez IBM, l’OS GCOS3 est tridimensionnel : au batch s’ajoutent le Time Sharing TSO, le Remote Batch et le Direct Access. Le transactionnel restera encore un produit non intégré ; c’est par exemple le cas de l’application spéciale pour les Postes Norvégiennes développée par l’équipe de Michel Bertin, intégrée vers 1975 sous le nom de DM-IV-TP.

Le terminal VIP7200 est développé à Boston, géré en asynchrone, suivi du VIP7300. Le VIP7700 est proposé en mode message géré par la procédure VIP.

A noter que le réseau commercial France ouvre un service Time Sharing sur 635 sous GCOS 3, avec un certain succès.

Le développement du L64 sur MULTICS :

Le système de Time Sharing développé sur GE-645 au MIT a été utilisé intensivement pour le développement du L64 avec initialement une machine installée à Billerica. Un second GE-645 installé à Paris a même permis des développements croisés entre Billerica et Paris, en jouant sur le décalage horaire: même avec des temps de réponse parfois longs, electronic mail, compilateurs et simulateurs accédés localement ou à distance ont été des outils indispensables.

Les premiers L64 disposaient d’un contrôleur de communications intégré: le MLA (MultiLine Attachment) développé par l’équipe de Jean Akriche. Le moniteur software est BTNS (Basic Terminal Network Support) développé par l’équipe de René Homeyer ; rappelons qu’à l’origine, le L64 était un système moyen et bas de gamme ne justifiant pas de frontal de communications séparé. Les procédures de communications supportées sont la VIP, la TTY, et la BSC 2780.

L’équipe de René Homeyer développe également MCS, un environnement permettant de supporter les applications en COBOL CTG. Cet environnement requis par les normalisateurs ne sera que très peu utilisé.

CONTEXTE.

Cette période a été extrêmement active. Les chercheurs travaillent sur ARPANET, CYCLADES en France, mais aussi dans les labos d’ATT ; les constructeurs bâtissent leurs architectures réseau (SNA d’IBM, DNA ou DECNET de DEC, NNA de CII, puis DSA de CII-HB), et lançent les grands réseaux transactionnels, les organismes de normalisation (CCITT,ISO), les PTTs installent leurs premières offres normalisées de ‘réseaux numériques à intégration de services’ (RNIS alias ISDN).

ARPANET et CYCLADES : TCP/IP.

ARPANET, dont les performances ont été accélérées grâce à des lignes spéciales à 56 Kbps, a un succès qui déborde le cadre strict des labos de recherche et des universités : des mailing lists apparaissent, regroupant des abonnés sur des sujets non professionnels. TCP/IP naît de la collaboration transatlantique entre Vinton Cerf, Robert Kahn, et Louis Pouzin, ce dernier travaillant avec Hubert Zimmermann au réseau expérimental CYCLADES. Michel Elie participe aussi à cet effort. IP (Internet Protocol) est conçu pour permettre des communications à base de datagrammes sur des réseaux de structures différentes : c’est la création de Vinton Cerf. TCP (Transmission Control Protocol) fournit des communications fiables sur des datagrammes IP :c’est Louis Pouzin qui conçoit le contrôle de flux de TCP.

Dans les labos d’ATT.

AT&T Bell Labs ont investi dès le début d’UNIX. En 1978, ils inventent UNIX to UNIX Copy Protocol (UUCP). Sur UUCP, des universités créent USENET avec son service de news et ses mailing lists analogues à celles d’ARPANET. USENET débordera largement ce cadre initial : par exemple, en 1982,le European Unix Network (EUNET) utilisera avec succès UUCP et USENET.

IBM/SNA.

IBM lance son architecture de réseaux, après avoir rattrapé les idées ‘en l’air’ du modèle en couches ; très hiérarchisé, il distingue les Physical Units (PU : centraux, frontaux, nœuds de réseaux, concentrateurs distants, terminaux inintelligents, et plus tard intelligents) et les Logical Units (LU : couches réseaux et applicatives) ; le routing dans SNA est contrôlé par les PU-5 des hôtes (mainframes au début sur lesquels tourne SSCP ); VTAM fournit l’interface communications aux applications tournant sur les mainframes. L’administration reste sur le central.

Notons aussi qu’IBM lance son protocole de réseaux locaux basé sur Token Ring.

DECNET .

DEC promeut son architecture DNA (‘Decnet’) sur VAX/VMS. Pour ses réseaux locaux, DEC promeut aussi Ethernet qu'il avait contribué à développer. Les systèmes VAX sont largement distribués dans les labos et les universités, comme l’ont été auparavant les PDP 7 et PDP 10. Cela explique en grande partie qu’Ethernet sera adopté dans les futurs réseaux locaux de machines UNIX.

La CII et NNA.

Comme il a été dit plus haut, la CII a investi lourdement dans les communications. En parallèle avec les développements hardware et software, une équipe d’architectes (Claude Boulle, Alain Bron, Michel Bourguignon, Charles de Bourbon, Michel Elie ) a mis au point NNA, sur un modèle en couches pur, utilisant les datagrammes comme Arpanet et Cyclades. Cet effort aboutit en 1975, à peu près à la date de la fusion avec Honeywell-Bull. Cette équipe travaillera à la normalisation ISO, puis sur DSA et ISO/DSA dans le cadre CII-Honeywell Bull.

La normalisation : CCITT et ISO.

Les PTTs s’accordent dans le cadre du CCITT(Comité Consultatif International pour le Téléphone et les Télécommunications) autour de la norme X25, des circuits virtuels et de la commutation de paquets.

Des procédures de communications sont proposées, et IBM, promoteur de SDLC, impose plus ou moins HDLC. X25 sera la pierre angulaire de l’ISO/OSI (Open System Intercommunications), et à la base de nombreuses offres de RNIS par les PTTs. Une autre norme, X21, basée sur la commutation de circuits, sera aussi légitimée ; elle sera adoptée pour le réseau nordique NPDN, et le réseau canadien Datapac.

En 1977, un certain nombre d’architectes travaillant dans les comités ISO spécifient OSI, norme basée sur le modèle à 7 couches (physique, link, réseau, transport, session, présentation, application). Hubert Zimmermann sera un de ces contributeurs importants, ainsi que Charlie Bachmann. Les spécifications finales du modèle de référence OSI ne seront publiées qu’en 1980.

Le divorce est consommé entre d’une part les tenants des Circuits Virtuels (OSI), c’est à dire les PTTs, le CNET, les architectes de CII-Honeywell Bull (abandonnant ainsi le support des datagrammes qu’ils avaient implémentés dans NNA à la CII), et DEC, et d’autre part les tenants des datagrammes (IP). En 1983, ARPANET s’imposera la généralisation des datagrammes IP(et donc de l’ensemble TCP/IP) à l’exclusion de tout autre protocole de transport. Les motivations de chaque camp étaient différentes : les PTTs soutenaient les Circuits Virtuels, car elles voulaient offrir des liaisons sécurisées de bout en bout, à la manière du Telex, alors que les supporters des datagrammes étaient plus soucieux de performances et de flexibilité (par exemple pour les applications transactionnelles avec liaisons spécialisées si besoin était). Notons pourtant que les datagrammes étaient aussi bénis par l’ISO...

Quant IBM, sa politique de participation défensive tendait à retarder de fait toute normalisation, dangereuse à ses yeux, car forçant l’ouverture de ses réseaux.

TRANSPAC et le MINITEL.

Transpac, lancé par les PTTs françaises, avec Philippe Picard comme patron, est le premier service fiable de transfert de données (RNIS) fourni aux entreprises. Les PTTs avaient expérimenté les Circuits Virtuels sur le réseau Caducée. Transpac est également basé sur les Circuits Virtuels.

Les PTTs lancent aussi en France le Minitel pour le grand public, sur la norme TELETEL, avec l’annuaire comme premier service. Une foule de serveurs apparaîtra sur des machines départementales aussi bien que les gros serveurs. Ce succès durable se limitera à la France, à la différence de Datapac, de Ceefax et de Prestel ; cela en grande partie grâce à la gratuité du terminal Minitel pour l’usager et à la facilité d’accès du ‘kiosque’ (3615,…). Le kiosque permet aux PTTs, en situation de monopole, de se rattraper financièrement en faisant payer l’accès à des services pour la plupart gratuits chez d’autres fournisseurs…

Le rapport NORA-MINC.

En janvier 1978 paraît le rapport Nora-Minc. D’une inspiration résolument colbertiste, il préconise une initiative forte de la part du gouvernement français pour promouvoir la ‘Télématique’ dans la société : les écoles, les universités, et le grand public. Impliquant des terminaux écrans, il n’avait pas anticipé l’arrivée proche des micros, et les profonds changements culturels induits. Tel quel, il a suscité une certaine prise de conscience, elle aussi de nature culturelle, et a probablement contribué au succès du Minitel, et au fait que les PTTs et les fournisseurs (Alcatel, Thomson, Sagem,…) ont commencé à s’intéresser à l’informatique. .

CII-HONEYWELL BULL.

DSA et le Datanet.

DSA, proche du modèle OSI tel que défini à l’époque, est l’œuvre de l’équipe réseaux de l’ex-CII, avec forte participation de Charlie Bachmann  et de l’équipe d’ architectes de John Couleur à Phoenix. Le circuit virtuel est en fait la ‘session DSA’.

L’équipe Réseaux de l’ex-CII (sous la direction de Claude Boulle) est chargée par le Planning Central (DCP, dirigé par François Sallé) de développer un frontal unifié pour les lignes 64 (modèles haut de gamme) et 66, en liaison avec Boston, Phœnix, et Paris. Ce frontal devra implémenter l’architecture DSA, pour l’imposer face à SNA. L’administration de réseau sera sur le frontal.

Il reprendra le nom de Datanet, dont les premiers modèles (DN 71XX) sont basés sur le MINI 6 inventé et fabriqué à Boston. Le logiciel du Datanet, développé sur machine nue sous la direction de Pierre Meunier, est DNS (Datanet System). Une factory sur Motorola 68000 est développée par Jean-Pierre Mieville.

Phœnix fournit l’interface canal (via DIA) adéquat sur le 66, ainsi que la session DSA et VCAM minimum sur GCOS 66. Ce ne sera que bien plus tard, avec TP8, que l’interface VCAM sera utilisée. DNS préservera les anciennes interfaces GRTS pour TSS ainsi que la foule d’utilitaires réseaux écrits en GMAP, et impossibles à reprendre immédiatement

Sur le 64,l’interface canal est développé par l’équipe Boulle (André Hald). Sur GCOS 64, le Datanet est géré par FNPS (le pendant de BTNS pour le MLA - d’ailleurs BTNS / MLA ne respectent que de façon approchée les couches basses ISO). La session OSI/DSA est fournie sur VCAM, donc dans le central, ce qui pêche quant à l’orthodoxie architecturale, qui la situe dans le frontal tout comme le transport et les couches basses. FNPS et VCAM sont développés par René Homeyer. Au départ de René Homeyer en 1979, les développements de FNPS et de VCAM seront repris par Alain Tourne.

Le Datanet évoluera avec les modèles du DPS 6. Le parc installé atteindra 4500 systèmes. Le dernier modèle avant la génération suivante de frontaux sera introduit en 1991 : ce sera le Datanet 7500, basé sur le DPS 6 MRX/A, multiprocesseur.

Sur le Mini 6, DSA est supporté directement par GCOS 6; les développements sont faits par l’équipe de Gérard Lauzel.

Les derniers terminaux introduits par CII-HB.

Boston lance en 1980 son dernier terminal de la série VIP, le VIP 7800 synchrone et asynchrone, supportant la couleur.

CII-HB (équipe FRançois Mescam) lance le Qustar 200 couleur, et les concentrateurs TCU associés.

L’existence simultanée de ces deux lignes de terminaux entraîne des surcoûts dans les logiciels de communications des systèmes (procédures, formes, etc…).

Ce seront les derniers terminaux inintelligents (‘dumb terminals’) développés dans la compagnie, les générations suivantes étant achetées en Extrême Orient (WYSE).

Les applications de communications.

Sur 66 comme signalé ci-dessus, peu d’applications sont vraiment intégrées à ce moment. Le nouveau transactionnel TDS66, qui est aussi conforme COBOL 74, se voit doté d’un logiciel de présentation sous-traité à une SSII hollandaise pour gérer les nouveaux terminaux VIP 7700, et plus tard 7800 couleur.

Sur 64, TDS64 est d’emblée basé sur FORMS et VCAM. Conçu au départ par Michel Jabstravsky et Maurice Lesimple, il recevra de grosses extensions (notamment pour les besoins de l’EDF) par l’équipe TDS dirigée successivement par Philippe Picot et par Violette Cohen. TDS est livré pour la première fois en pilote sur la release 1C en 1977 chez les Chaussures Jourdan, à Romans.

De même que TDS, IOF (Interactive Operating Facility, le Time Sharing du 64), et QUERY (plus tard IQS, système de requêtes du 64) sont intégrés d’emblée dans GCOS 64. Ils seront livrés en 1978 sur la release 1D. IOF est développé par les équipes de Jean-Pierre Onimus et de Guy Hiot ; QUERY par Jean-Jacques Laclaverie.

Le développement d’un Remote Batch est décidé sur GCOS 64  en fin 1977, sous la pression de DCP; ce sera RBF, développé sur lien VIP par Jean-Pierre Moularde et son équipe, bien intégré à IOF, pour gérer des terminaux Remote Batch Mini 6. Un transfert de fichiers FTF complète ce développement. Il évoluera vers 1985 en UFT, qui sera aussi porté sur DPS 6, DPS 8, et IBM.

Sur le Mini 6, plusieurs développements de transactionnels sont effectués: l’un à Paris, par Guy Le Bourhis, un autre par Honeywell UK à Hemel : c’est TPS 6, qui sera le support de l’application de l’American Express.

Les premiers grands réseaux clients.

Face aux grands réseaux transactionnels tels que SITA (réservation aérienne et gestion de bagages), Esterel (réseau français des agences de voyages), et SWIFT (réseau interbancaire), développés sur matériels concurrents, CII-HB commence à installer ses premiers clients transactionnels.

Pour le 66 : Credito Italiano, Swiss Life, KOP, Douanes Danoises, Postes Françaises, Postes Norvégiennes, Banco de Sabadell, Kansalis Osake Pankki, Australian Telecoms.

Pour le 64 : HCL, FIAT, Taxes Suédoises (pour lesquelles une grosse RPQ est développée pour supporter X21), EDF (également grosse RPQ à la fois pour CII-HB et IBM afin que des mêmes transactions développées en COBOL s’intègrent aussi bien sous TDS 64 que sous CICS).

Pour le Mini 6 : réseau de compensation interbancaire de la Banque de France, et respectivement dans les grands réseaux de 64 et de 66.

A noter que pratiquement aucun réseau (mis à part le réseau interne de la Compagnie ) ne fera communiquer 64 et 66.

CONTEXTE.

Cette époque a vu l’apparition du PC d’IBM, de Microsoft, et du Lisa de Apple. D’abord non connectés, les PC se connectent ensuite aux ordinateurs en émulation terminal.

Les premières machines bureautiques sont d’abord non connectées (traitement de texte, par exemple le Displaywriter d’IBM).

A signaler en 1985 la décision de la Cour Fédérale de Justice des États Unis de saucissonner AT&T, favorisant la concurrence.

Des lignes sur support fibre optique commencent à être tirées. Les transferts de données à débit acceptable se rentabilisent sur les réseaux PTT, jusqu’à 56 Kbps (T1 aux US, E1 en Europe).

La progression d’UNIX.

UNIX continue de se développer dans les universités américaines. En 1983,la version 4.2 BSD (Berkeley Software Distribution) est livrée. Financée par le DoD, qui finançait aussi Arpanet, cette version doit supporter uniquement TCP/IP, avec le r-logging (Telnet), UUCP, et FTP.

Désormais, plus ou moins tous les constructeurs, voulant se doter d’une offre de systèmes départementaux compétitifs, développeront ou acquerront des machines UNIX, dont le coût baisse grâce aux microprocesseurs Motorola 68000 et Intel 286. TCP/IP se répandra ainsi tout naturellement. Son évolution se fera de façon souple et rapide à coups de RFC (Requests For Comments), dont la RFC 1006, permettant de porter des applications ISO sur transport TCP/IP. De nombreuses souches portables TCP/IP se feront concurrence en fonctionnalités et performance, la communauté UNIX faisant son marché.

Rappelons que pendant quelques années encore, les systèmes VAX avec l’OS VMS de DEC resteront les plus répandus des systèmes départementaux dans la recherche et la gestion.

Les applications distribuées.

La distribution des applications commence dans la gestion. La coexistence de plusieurs centraux dans les grandes entreprises (sur le même site ou dans des sites différents) permet le back-up de données à coup de transferts de fichiers et l’utilisation simultanée de systèmes transactionnels répartis grâce au transactionnel à 2 niveaux (LU 6 d’IBM), puis transactionnel coopératif symétrique (LU 6.2). Les clients ne vont que de façon très prudente dans l’utilisation de ces mécanismes, qui leur laissent la responsabilité de la cohérence de l’ensemble.

CII-HONEYWELL BULL (BULL A PARTIR DE 1983).

Pour ce qui concerne le domaine des communications, les développements, les acquisitions et les coopérations se font dans plusieurs directions, notamment avec les fusions avec SEMS et Transac.

Les micros et stations de travail. .

R2E, acquis en 1978 par CII Honeywell-Bull, développe le Micral  30, sous le système d'exploitation Prologue. Le BM 30 (son nom commercial) est vendu à partir de 1984. Prologue continuera d’être commercialisé sur les ordinateurs Micral jusqu’en 1987, date à laquelle il sera définitivement remplacé par MS/DOS. R2E sera rattaché à Bull Transac en 1987.

Un contrat avec Convergent Technology en 1982 apporte le CORAIL, développé sur Intel 8086 et vendu sous le nom de B4000 (il était vendu auparavant par SEMS, alors dans le groupe Thomson ).

Un deuxième contrat porte sur l’acquisition par Bull Transac du Questar 400, qui sera vendu comme station bureautique multipostes principalement dans les banques (BNP), les assurances (UAP, Touring Club Suisse), et l’industrie (usine de roulements à billes allemande Kugelfischer, câbleries Cortaillaud en Suisse), et équipera toutes les équipes commerciales de BULL. Le système d’exploitation CTOS du Questar 400 reçu de Convergent recevra des modifications à Paris dans l’équipe de Claude Boulle(notamment le support de l’ISO/OSI) ; cela créera en permanence un certain retard dans la mise sur le marché des nouveautés d’origine du Questar 400, notamment vis à vis d’Unisys, qui le commercialise concurremment.

Un contrat précédent conclu en 1979 par CII- HB Petits Systèmes avec la compagnie américaine CPT, avait apporté le TTX 80, évoluant en TTX 90 en 1983 ; cette station bureautique autonome pleine page sera vendue et largement utilisée dans les secrétariats de la Compagnie. TTX 80 et 90 étaient des close gaps qui ne pouvaient communiquer que par transferts d’images de disquettes. BULL développera le TTX 35, station autonome demi-page, moins chère que – mais incompatible avec - les TTX 80/90. Le TTX 35 sortira en 1985 et n’aura qu’un succès limité.

Les premiers systèmes UNIX de BULL/SEMS.

Ils proviennent de 2 origines : en bas de gamme c’est la machine SM90 du CNET commercialisée sous le nom SPS 7; en haut de gamme c’est la machine provenant d’un contrat avec Ridge Computers commercialisée sous le nom de SPS 9. De technologies (68000 vs RISC) et d’OS (dialectes différents d’UNIX) incompatibles, elles peuvent difficilement coexister sur site, et les applications ne sont compatibles qu’au niveau du source…
Ils supportent TCP/IP exclusivement.

JANUS (OSF SNA/DSA).

La coexistence de centraux au sein des réseaux BULL et IBM des grands clients nécessitera le développement de Janus (vendu sous l’appellation OSF/SNA) sur le Datanet par une équipe Réseaux dirigée par Jean Claude Lamache. Janus est une passerelle SNA/DSA permettant de connecter des systèmes Bull  frontalisés par Datanet; et aussi de connecter directement le Datanet sur le canal IBM. Les terminaux VIP ou Questar peuvent accéder à CICS et IMS/DC; de même, les terminaux du réseau IBM (3270) peuvent accéder à TDS, DMIV-TP ou TP8 (qui est la dernière évolution en date du transactionnel sur DPS8 supportant le multiprocesseur). L’émulation des fonctionnalités respectives du VIP et du Questar pour les centraux IBM, et du 3270 pour les centraux BULL, est réalisée sur Datanet par des émulateurs appelés ‘Mappers’. UFT est porté sur IBM. JANUS aura un grand succès commercial chez les grands clients BULL (BNP, Credito Italiano , Bell Canada, EDF, Kugelfischer), et sera en plus une source appréciable de services de conseils et de RPQs. On dénombrera jusqu’à 350 installations.

L’environnement PID/STID(OSF ISO/DSA).

C’est un environnement créé pour permettre à des applications ISO s’appuyant sur un sous-ensemble des couches 3, 4, 5 (réseau, transport, session) du modèle OSI, de communiquer avec le monde DSA. Les STID (stations ISO/DSA) sont d’abord implémentées sur Questar 400/CTOS à partir de 1983, puis sur MICRAL/DOS. Elles rassemblent les fonctionnalités du Terminal Manager, de l’UFT, et des UA(‘user agents’) de messagerie (voir chapitre 6). Sur les Datanets puis les centraux DPS7, les STID se connectent aux PID (Prises ISO/DSA) pour compléter la traduction.

Les applications distribuées.

La coexistence de centraux BULL entre eux et avec IBM entraîne le développement de XCP1 (compatible LU 6), puis de XCP2 (compatible LU 6.2) sur TDS et TPS 6. Au-delà de requêtes lancées à partir des terminaux (ou micros en émulation terminal), il n’y a pas encore réellement de bases distribuées, du fait des coûts de communications prohibitifs générés par les trafics induits.

Le succès du Minitel en France entraîne le développement de plusieurs moniteurs Videotex  sur les transactionnels de DPS7 et DPS8 (GAV acquis de Télésystèmes, Moscatel développé par l’opération commerciale de Bordeaux) et surtout sur DPS6 où Steria et Cap Gemini développeront leurs propres logiciels..

CONTEXTE.

Alors que le réseau Internet, dont Arpanet est à l’origine, se répand aux US et traversent l’océan pour communiquer avec les labos et universités européennes, les constructeurs (généralistes ou spécialisés) investissent dans la bureautique distribuée, et dans les infrastructures pour les applications clients distribuées. La concurrence devient féroce avec la diffusion de la micro et d’UNIX, sur microprocesseurs de plus en plus compétitifs. L’offre pléthorique combinée avec les débuts de la crise économique fait que le client devient roi, et que la fidélité à son constructeur n’est plus la règle.

Les infrastructures de réseaux locaux (LANs).

Pour supporter le travail en groupes (workgroups), l’offre LAN se structure principalement en réseaux Ethernet à 5 Mbps nominaux, sur cuivre en paires torsadées blindées (Shielded Twisted Pair STP) ou non (Unshielded Twisted Pair UTP), avec une tête de grappe qui communiquera avec l’extérieur. De nombreux protocoles de réseaux locaux existent : TCP/IP est le principal, mais il y a aussi IPX de Novell, LAN Manager de Microsoft (pour MS/DOS), son pendant pour UNIX LMX, l’offre de Retix, 3COM avec son logiciel 3+OPEN (3COM fait vite machine arrière en revenant à son business d’origine dans les équipements matériels de réseaux). IBM continue à soutenir le protocole de réseau Token Ring, notamment autour des AS/400 lancés en 1987, qui constituent l’offre départementale d’IBM la meilleure avant la génération UNIX.

Des machines spécialisées bâties à base de microprocesseurs performants permettent l’interconnexion des réseaux locaux directement ou à travers des WANs : ce sont les concentrateurs (HUBs), les ponts agissant au niveau de la couche réseau (bridges), les routers multiprotocoles agissant au niveau de la couche transport, les combinés bridges/routers. De nombreuses start-ups proposent ces équipements (3COM, Cisco, Synertics, NSC -plus tard acquis par Storagetek-, …).

Le trafic aux nœuds d’interconnexions pouvant maintenant devenir le goulot d’étranglement, on voit apparaître les liaisons en fibre optique normalisées sur anneaux FDDI à 100 Mbps nominaux permettant de réaliser les ‘backbones’ des réseaux d’entreprises.

On en arrive au câblage structuré en bureaux, immeubles, campus, et à la notion ‘d’immeubles intelligents’.

La bureautique distribuée.

Un grand nombre de compagnies se lancent dans le développement d’offres de bureautique distribuée destinées à tourner sur des stations regroupées en grappes sur LAN et exploitées en workgroups. Wang et Xerox proposent des offres spécialisées, tandis qu’IBM propose PROFS, et surtout DEC qui, avec ALL-IN-ONE, présente une offre intégrée que Bull prendra comme modèle. Les fonctionnalités couramment fournies sont : le traitement de texte, la gestion de documents et la PAO, un agenda électronique, une messagerie électronique dotée d’un annuaire, une passerelle Télex, et, pour les offres intégrées, des ponts avec la gestion des bases de données.

Des standards naissent laborieusement : X400 (CCITT et ISO) pour la messagerie, ODA (Office Document Architecture) pour les documents, EDI (Échange de Documents Informatisés), utilisé pour les échanges interbancaires et la monétique .

Des réseaux à valeur ajoutée (Value Added Networks) permettent de gérer des messageries sectorielles, comme par exemple GALIA (réseau spécialisé pour les flux de pièces détachées d’automobiles).

Les architectures à 3 étages (3-tier architectures).

Une étude de consultants anglais connue sous le nom de ‘Kerney Report’ circule dans les grandes entreprises (avec le relais bienveillant des constructeurs…), qui tend à démontrer qu’il existe une corrélation forte entre le succès des entreprises sur leur marché et leur maîtrise dans la circulation de l’information interne et externe.

Les grands constructeurs aidés des gourous justifient alors une architecture en réseau à 3 étages pour la totalité du traitement de l’information dans l’entreprise : l’étage ‘corporate’ dans lequel seront situés les centraux porteurs des données et des applications stratégiques, l’étage départemental avec les minis traitant les applications locales dans une agence ou une petite filiale : c’est le domaine des VAX, des systèmes UNIX, des AS/400 ; enfin l’étage ‘office’ avec ses PCs ou stations bureautiques.

Si cette architecture de riches a fortement impressionné, elle a été rarement implémentée dans sa totalité, car très rapidement il est apparu au gré des fusions et restructurations d’entreprises qu’une souplesse bien plus grande était nécessaire ; de plus, le ‘commit’ généralisé des bases de données et des transactions entre station de travail, étages départemental et corporate s’est avéré trop compliqué à implémenter et trop cher en termes de trafics générés sur le réseau. C’est ainsi que l’UAP, qui s’est lançée dans une architecture 3-tier en 1988, fait machine arrière en 1991.

BULL.

Tous les développements de BULL de cette période (en particulier pour les communications ) ont été regroupés dans le paradigme marketing BlueGreen : bureautique distribuée, relationnel, 3-tier architecture.

Affinity.

Affinity est un développement sur Questar 400 et PC destiné à donner accès aux bases de données (relationnelles, CODASYL, et textuelles) sur centraux DPS 7 et DPS 8, ou départementaux (DPS 6 et UNIX) par l’intermédiaire de requêtes générées et transmises. Les données rapatriées (par Kermit au début, puis par TEMPUS LINK développé sur licence de la société canadienne MicroTempus) peuvent alors être traitées localement, par exemple par tableur. Dans le jargon BlueGreen, Affinity est le ‘User Agent’(UA) ou ‘client’ local des applications accédées sur ‘Server’ distant. Affinity s’intègre complètement dans l’architecture et les applications workgroup de BULL. C’est un développement de l’équipe de Jean-Jacques Laclaverie.

Les PCs sont reliés aux hôtes via des concentrateurs TCU, ou directement par cartes intégrées (Kortex ou Micromatics par exemple).

DOAS (Distributed Office Automation System).

L’offre normalisée bureautique de BULL est regroupée dans DOAS : messagerie X400 avec UA sur Questar 400 et sur PC, et serveurs de messagerie et de classement de documents (conformes ODA) sur DPS 6 et DPS 7 (DFA6 et DFA7). Mistral est ponté avec DOAS, et accessible sur PC et Qustar 400 via Affinity.

Affinity et DOAS ont été installés en pilote très tôt à la BNP, qui les a utilisées par la suite de façon intensive dans ses agences.

Le support des WANs.

Un concentrateur X25 est acheté à Telematics et installé à des centaines d’exemplaires dans les grands réseaux (Credito Italiano).

ARES est lancé sur la ligne DPS 7 en 1987 (à l’annonce de BlueGreen). Il est doté (avec un retard de un an) d’un frontal intégré, le ‘Microfep’ (commercialisé sous le nom de CNP7) ,développé par l’équipe Réseaux de Louveciennes sur Motorola 68000, dont l’OS baptisé CNS écrit en C reproduit intégralement les fonctionnalités du Datanet.

Le BULL CABLING SYSTEM (BCS).

Le BCS est un ensemble de produits et de services lancés à cette époque par une équipe de l’organisation producteur(Henri Vialard-Goudou) en liaison avec les réseaux commerciaux.

L’ensemble de produits est constitué de prises normalisées pour équiper les bureaux, de câbles Ethernet et FDDI également normalisés, d’armoires de répartition, de répéteurs, de HUBs et de ponts/routeurs acquis auprès de la compagnie anglaise BICC. Le tout s’accompagne de règles de câblage structuré , notamment pour l’anneau FDDI équipant les backbones des campus. Des équipes d’ITCs spécialisés fournissent les services d’installation associés. BCS a eu un succès certain en France, au Bénélux, dans les pays nordiques, et aux US (où les produits BICC étaient remplacés par les produits 3COM). La tour BULL a été, dès son achèvement en 1989,la vitrine de BCS.

 

UNIX et la normalisation ISO.

De gros investissements continuent à être effectués sur UNIX, dont la Direction Générale veut faire le fer de lance de sa stratégie d’ouverture et de standardisation. En particulier, à côté des souches portables TCP/IP acquises auprès de petits fournisseurs spécialisés, l’équipe de développement de Grenoble (Pierre Maximovitch),se lance dans le développement d’un stack ISO dont les premières versions livrées s’avéreront de performances insuffisantes.

Notons que des petites SSII françaises ont déjà développé des liaisons OSI/DSA entre systèmes UNIX et DPS7 et DPS8.

DCM utilise l’architecture client-serveur, et investit principalement sur UNIX pour les nouveaux services : OpenTeam comme serveur de réseaux locaux fournissant par exemple une passerelle Affinity vers les mainframes, le transactionnel Tuxedo (sur lequel l’équipe de développement de Hemmel ajoutera une interface COBOL – ce sera d’ailleurs son dernier développement), dictionnaire de données distribué dérivé de PCTE/Emeraude , serveur de sécurité basé sur Kerberos.

Enfin ISM, Information System Management, qui donnera lieu à de gros efforts de normalisation, et qui sera finalement le seul vrai succès de DCM, tant du point de vue notoriété, que de services générés. ISM sera développé et activement promu par Denis Attal et son équipe. ISM permettra d’administrer l’ensemble des produits BULL, et son ouverture autorisera l’insertion de produits hétérogènes.

Le support de l’ISO.

BULL continuera relativement tard à investir sur ISO. Un stack ISO portable et performant sera enfin implémenté sur UNIX par l’équipe de Grenoble ; ce stack fera partie de l’accord de coopération sur UNIX signé avec IBM en 1992.

A la demande de l’EDF, désireuse de remplacer son architecture réseaux RETINA, une qualification de l’offre BULL (réseau ISO, systèmes DPS 7 avec Datanets, et serveurs UNIX entourés de PCs avec OpenTeam) sera effectuée avec succès dans le cadre du projet Arpose. De même HFSI demandera une démonstration ISO de serveurs UNIX autour de DPS 8 pour satisfaire les règlements GOSIP, effort qui s’avérera inutile. ISO sera enfin supporté à 100% par le nouveau frontal Mainway.

MAINWAY.

Le Datanet arrive en fin de parcours avec l’arrêt définitif de la ligne DPS 6. En 1990 et 1991,on envisage sérieusement d'implémenter un nouveau frontal sur UNIX. Ce projet sera arrêté pour raisons de non-fiabilité du système, de performances insuffisantes pour concentrer des réseaux transactionnels lourds, et aussi de non-continuité de service en cas de panne (UNIX pas encore multiprocesseur à cette époque), enfin de non-compatibilité avec l’existant Datanet.

Mainway est alors développé sur une architecture distribuée ouverte. Le cœur de Mainway est un Hub de très haut débit acheté à Synernetics , société spécialisée dans le haut de gamme des équipements réseaux locaux. En cours de projet, Synernetics sera rachetée par 3COM.

Du côté mainframe, des cartes d’interface sont développées sur Motorola 68XXX . Ce sont les FCP7 et FCP8, respectivement connectés au canaux du DPS7 et du DPS8. A la connexion canal près, FCP7 et FCP8 sont identiques. Ils comportent les deux transports: TCP/IP, souche portable en C achetée à un fournisseur spécialisé (Lachman), et ISO (et son avatar ISO/DSA) provenant du développement de Grenoble. La sortie de FCP7 et FCP8 est une sortie FDDI qui se raccorde au Hub cœur de Mainway. Cela permet de réaliser des réseaux locaux FDDI structurés autour de DPS7 et DPS8 ou FDDI-Ethernet en utilisant la fonction pont du Hub.

La fonction support WAN est réalisée par un développement également sur Motorola 68XXX. Le système CNS du processeur intégré Microfep du DPS7 est porté sur ces processeurs WAN. Le support de la session TCP/IP sur WAN est ajouté ensuite. Autant de cartes WAN que nécessaire (jusqu’à un maximum de 8) peuvent équiper Mainway.

Le Hub cœur de Mainway supporte des connexions FDDI, TCP/IP et ATM.

Les redondances et la qualité des composants du Hub assurent à Mainway une fiabilité et une évolutivité sur site qui n’avaient pas pu être atteintes sur Datanet.

Tel quel, Mainway est installé en clientèle à partir de 1994. Il atteint dès le début la fiabilité du Datanet 7500 en fin de vie, grâce à la fiabilité intrinsèque des composants hardware et un développement logiciel fait essentiellement de réutilisation, avec des techniques de génie logiciel modernes (gestion automatique des modifications, gestion automatique des configurations, langage C portable ).

Mainway est le résultat d’un développement des équipes hardware/software de Claude Camozzi et Claude Rolland.

L’accord avec 3COM.

3COM devient un acteur majeur dans le domaine des équipements réseaux. 3COM avait absorbé BICC (qui fournissait la majeure partie de l’offre du Bull Cabling System BCS) en 1992 ; 3COM achète Synernetics en 1993 ; puis US Robotics fournisseur de modems-fax-répondeurs.

BULL conclue en 1993 un accord avec 3COM portant sur l’ensemble de son offre pour mise au catalogue BULL et fourniture de services d’installation associés.

La filialisation du réseau interne de BULL.

Suivant une tendance générale de diversification vers la vente de services, et vers la mesure et donc la diminution des coûts internes, BULL conclue avec France Telecom un accord au terme duquel le réseau interne IBT est filialisé en 1995 dans une entité commune, qui vendra des services d’accueil pour les grands clients, en particulier ceux ayant besoin de liaisons internationales.

 

CONTEXTE.

La dérégulation des PTTs s’accélère. Une directive européenne agit dans ce sens (sauf pour le Portugal et la Grèce). France Telecom est partiellement privatisée ; plusieurs opérateurs sont désormais en concurrence sur l’ensemble des territoires.

Les communications par satellite permettent d’équiper en téléphonie cellulaire les pays en voie de développement, par un saut technologique de plusieurs décennies.

L’annonce récente de la technologie ADSL (Asymetric Digital Subscriber Line) promet de bientôt transférer des données cent fois plus vite (1.5 Mbps nominaux) qu'avec les modems actuels, sans investissements nouveaux en lignes, en empruntant les fils téléphoniques existants. Le principe d’ADSL est d’exploiter la totalité de la bande passante disponible, en particulier les fréquences inaudibles. Microsoft, Intel, Compaq, Alcatel se rallient à ADSL.

La maturité d’Internet.

Internet est maintenant une technique de communication mûre, pour laquelle se pose désormais le problème de la régulation et de la protection des données. Au début de 1998, Francis LORENTZ a remis au gouvernement un rapport sur le commerce électronique sur Internet. Jacques STERN (et d’autres) étudient en ce moment le problème du cryptage des données sur Internet.

.L’évolution du paysage Constructeurs. La domination de "WINTEL"

Le tandem Microsoft-Intel domine le marché des microprocesseurs, des PCs, des serveurs (avec Windows/NT version 4.0 et le Transaction Server sortis en 1996/1997), et des logiciels. Transaction Server, en même temps que le succès des Networks Computers (voir paragraphe suivant) pourraient bien démoder le Client/Serveur.

Microsoft est entré dans le capital de Apple , et se rend incontournable pour les utilisateurs de Office (Word et d’Excel ) sur Mac, c’est à dire presque tous.
Un moment contesté sur Internet qu’il a abordé avec un certain retard, Microsoft se rétablit, et va même jusqu’à regrouper Internet Explorer dans Windows. Des procès pour prise de monopole abusif sont intentés aux USA et en Europe à Bill Gates, qui pour l’instant s’en sort .

D’une façon générale, la survie des constructeurs ‘classiques’ passe par l’alliance avec des sociétés d’équipements ou des opérateurs de télécommunications, des leaders du multimédia ou de l’entertainment’, ou une évolution vers la fourniture de solutions clés en main.

On assiste à un certain déclin de Apple, et avec le rachat de Digital par Compaq survenu en janvier 1998 , on pressent la disparition prochaine de Digital…Compaq se fera plus tard racheter par Hewlett-Packard qui essaie de maintenir sa place dans la compétition avec Dell et le chinois Lenovo.

Les NETWORK COMPUTERS.

Larry Ellison, patron d’Oracle, essaye de contester cette domination en lançant le concept de Network Computer (NC), PC léger à prix (fixé à moins de 5000 FF) et à fonctionnalités réduites, ses applications étant téléchargées à partir du serveur auquel il est connecté. Le NC est destiné en priorité au marché des entreprises (‘intranet’), car il tend à réduire fortement les coûts internes d’une équipe bureautique. Les spécifications du NC sont publiées. Et Oracle ‘bénira’ les implémenteurs de ces spécifications.
SUN (inventeur du langage JAVA) est le principal développeur de NC, avec sa ‘Netbox’, boîtier Internet se connectant sur le téléviseur, attaquant donc le marché grand public .
A l’heure actuelle, le succès du NC ne s'est pas avéré, tant le rapport coût/performance des PCs diminue.

BULL

BULL se transforme peu à peu en prestataire de services et de solutions clé en main, bien que le chiffre d’affaires et le résultat positif de 1997 proviennent encore des grands serveurs.
BULL a négocié avec NEC un accord de commercialisation des serveurs Express 5800 tournant sous Windows/NT
ISM continue à être une source notable de services dans le cadre de la filiale Evidian.
BULL Electronics remporte de nombreux marchés de développement de cartes à puces et de lecteurs associés: c’est l’entité de BULL qui dégage actuellement le meilleur profit.

©1998 Claude Rolland