17 ans de telecom chez Bull
Je souhaite partager quelques souvenirs de 17 ans passés chez Bull toujours plus ou moins en relation avec les telecom et les Telcos. En ces périodes troublées, connaître lhistoire est parfois utile. Dautant plus que les faits dactualité y plongent souvent leurs racines.
DRCG
Bull en 1984 voulait encore se comparer à IBM avec des grandes ambitions. Marqué par mes expériences précédentes à FT (TRANSPAC, X25, etc ) jétais heureux dentrer dans le combat anti SNA pour les systèmes ouverts OSI, etc.. .. qui était lune des grandes croisades de Jacques Stern. Cest lui qui mavait fait venir chez Bull. Je dois dire quil avait été (avec son DG Jacques Arnould) mon professeur et maître en intégration de systèmes lui en tant que fournisseur à la tête de SESA, moi en tant que maître douvrage du projet TRANSPAC (je nétais que sponsor, le power-sponsor étant alors un certain Gérard Thery). Jai vécu et appris dans leffort acharné ce quétait le cycle de vie dun grand projet.
Jai pris la succession de Claude Boulle lui-même passé à Massy pour développer les télécom du Q400, des micros et bientôt dUNIX: je ne peux que me féliciter des conditions de la passation de pouvoirs entre nous. La fusion entre CII et Honeywell Bull datait de 7/8 ans mais les blessures étaient intactes. DRCG était le refuge et lhéritier de léquipe SIRIS 8 et les " gens den face ", ceux de la " Colline de Gambetta " étaient encore lennemi, plus ou moins allié objectif dHoneywell dans ses tropismes pro-SNA . La fracture nétait pas encore entièrement résorbée quand jai quitté DRCG en 1990. Les fossés culturels ont la vie dure !
Le premier événement auquel jai participé était la sortie de la release majeure DNS 300 qui cumulait les difficultés : une très grande complexité liée à la convergence au chausse-pied des versions française et US, des spécifications pléthoriques: intégration des DPNS, ISO +/- bricolé avec la fameuse PID, combinatoire des chaînes de liaison, etc... En plus, le réseau commercial voyait la vente de cette version plus comme une contrainte que comme un instrument de conquête.
De cette époque, jai tiré quelques enseignements certains étant encore dactualité :
Nous avons vécu quelques autres aventures sympas, telles que STUDICOM, une JV avec feu JS Telecom qui, bien quun échec sur le plan business a permis à certains dentre nous dapprendre un peu de téléphonie et télécom couches basses performantes. La réussite ultérieure de nombreuses affaires chez France Telecom a hérité de ce savoir-faire. Il y a aussi eu la création dOSITEL avec Spie Batignolles pour monter dans le train très branché à lépoque du câblage pour immeubles intelligents.
De cette époque, jai apprécié de travailler avec une vraie équipe dont Jean Pierre Dray, Pierre Meunier, Michel Elie, Charles Zimmermann, Francis Touzin, Dominique Lafage, Philippe Chailley, Michel Ordas, Henry Vialar Goudou, jen oublie certainement. Léon Surleau nétait pas directement dans léquipe, mais nous nous pratiquions souvent et avions déjà largement eu loccasion de polémiquer !
Certains de ces noms sont familiers même aux plus récents dentre vous dans la Compagnie.
En 1989, à loccasion dune des nombreuses réorganisations de Bull (jen ai vécu à peu près une tous les deux ans), jai été rattaché à Christian Joly qui portait tout lhéritage culturel de Bull (Angers et Gambetta). Je ne faisais pas partie de la famille mais jai apprécié dêtre immergé dans une équipe de vrais professionnels ayant vécu toute la saga de la conception de gammes dordinateurs qui était au cur de la culture historique de Bull. Cétait dailleurs intéressant de voir " lennemi " dhier de lintérieur !
DIRTEL
Fin 1989, Francis Lorentz, qui avait identifié limportance du business TELCO et des relations avec FT (Christian Mitajvile venait de repartir à France Telecom) ma fortement incité à faire le saut et de passer à DCF. Jai défini le job avec Jean Antier, le patron de DCF millésime 89 mais cest Albert Levy Soussan qui est devenu le patron de DCF en 90. Lidée a été la création dune entité (DIRTEL) regroupant tout ce qui concernait telecom et réseaux à DCF.Jai négocié avec André Maarek le transfert (du moins la partie telecom) de léquipe commerciale PTT pilotée par Christian Delgrange.
Vous avez sans doute remarqué quavec Christian nous ne sommes pas câblés de la même façon, mais nous avons tout de même réussi à cohabiter efficacement pendant 3 ans.
En fait, au début je nai pas tellement plongé dans le commerce à proprement parler (à lépoque Christian avait les rênes sur une bonne trentaine dICs et une vingtaine dITC et Chefs de projet). Et puis entrer dans le DCF de lépoque était un vrai choc culturel quand on nétait pas du sérail.
Je me suis plus concentré sur quelques autres activités :
Le SI Telcos
Le développement de lactivité sur FT passait nettement par les projets, les marchés détude et le SI .
Vers 1988, lun des problèmes de Bull était le taux de sous-traitance trop élevé dans les équipes de R&D, doù la chasse aux compétences. Par ailleurs, Bull voulait être un constructeur " pur et dur " sans faire concurrence aux SSIIs. Bull Ingénierie (alors filiale de Bull et CAP SESA) devait être le seul centre de vente et de réalisation des grands projets. Cest comme ça que DRCG a récupéré une partie des équipes de DAS avec ses projets (dont le télégramme) et ses produits comme les COMDAS. En fait, très peu dingénieurs ont migré vers les développements standard et au contraire, cette équipe a été un premier centre pour développer le SI dans les Telcos, avec le programme CCITT N°7, base de la grande réussite de 1996 avec le programme Messagerie Vocale 1G pour Itineris.
Cest vers 91/92 que des filières importantes furent gagnées : le célèbre CE2G en continuation de BASTION initié dès 1989, le CI2G (pour lannuaire électronique), les PCS, lOSV, etc . En fait, à lexception du CE2G, nous étions encore pratiquement toujours à la remorque dune SSII, principalement CAP SESA.
La doctrine dalors était que les grands projets en maîtrise duvre devaient être vendus et gérés par DIMO, animé par Charles de Bourbon. Convoqué pour indiscipline par Jacques Weber, alors responsable de " Group System Integration and Services " je lui ai expliqué que le problème stratégique chez FT était la vente de grands projets, plutôt que lélevage du parc GCOS. Finalement, jai obtenu une dérogation pour poursuivre le mode de fonctionnement sous réserve que les projets soient gérés correctement.
En 1993, Charles Zimmermann, qui travaillait pour Jacques Weber et à qui nous avions récemment confié une revue sur un sujet bizarre : " lexport des solutions Bastion / CE2G " nous a rejoint pour commencer à structurer les équipes de SI avec des chefs de projets ou de filières comme Dominique Lafage, Michel Ordas, Jean Pierre Onimus, Philippe Chailley, Francis Touzin, plus la coordination avec les équipes des Clayes pilotées par Claude Gouin et Michel Hualde.
1995 a été loccasion de se renforcer dans un nouveau domaine en accueillant avec " armes et bagages " Léon Surleau et son équipe de RnD. Les PagesJaunes (la première fois où nous battions CAP sur son terrain), lOSS WANADOO, WANAMAIL ont été gagnés en grande partie grâce à cette " acquisition ". A lépoque, javais eu du mal à convaincre Bruno de Saint-Chamas de lopportunité de récupérer cette équipe.
Cest ce dernier et Hervé Mouren, qui ont eu lidée du pôle télécom : rapprocher le SI DIRTEL et Bull Ingénierie sous le management de Philippe Destison et, pour réussir lopération, me nommer président de Bull Ingénierie. Ce qui fut dit fut fait. En 1997 nous dépensâmes beaucoup dénergie pour rapprocher les deux équipes: la distance qui séparait les deux cultures était nettement plus grande que les 5 à 6 km séparant Louveciennes du Pecq et la mayonnaise na pas vraiment pris. Finalement la DG de Bull a décidé de réintégrer les différentes filiales et le pôle télécom (qui avait comme fond de commerce le domaine interbancaire, les Telcos et la sécurité) avait vécu. Je nai pas beaucoup protesté en tant que président contre la disparition de BI. Ca naurait rien changé mais jaurais dû mexprimer plus fortement ! En tout cas la suppression de BI aura entraîné la disparition de beaucoup de forces vives.
1998 a été loccasion de mettre en place une organisation conforme à mon idée :
Bien entendu, il fallait un patron pour piloter la BU SI. En 1996, Jacques Reboul, considérant que je commençais à me faire vieux, mavait en arrivant fixé un objectif : recruter un successeur si possible X telecom. Cest comme ça quEric Eteve sest installé dans le couloir 5C début 1997. Après avoir fait du " pur commerce " (qui pouvait aller jusquà rédiger une proposition de billing LHS pour TESAM), Eric a pris en charge la BU SI TELCO mi 98.
Il y a un adage qui dit que " les prédécesseurs sont des incapables et les successeurs des ingrats ou des traîtres ". Lui et moi avons réussi, je crois, à en limiter la portée pratique, même si ce nest, par principe, pas facile : Eric avait été recruté comme successeur potentiel et il sest sans doute impatienté de ne pas me voir libérer le terrain assez vite !
La BU Telco France qui compte aujourdhui environ 250 personnes a donc su au fil du temps intégrer et valoriser de nombreuses équipes et cultures, venant principalement des " études " et de BI (notamment léquipe SITA). La dernière " acquisition " fut le CITB, début 2000, décidée peu temps après son arrivée par Yves Veret. Intégrer cette " intra PME " nest pas lexercice le plus facile !
La BU TELCO a une bonne réputation sur le marché : cest ce qui lui permet de gagner des grands projets comme Platine ou FT Mail, y compris hors frontières. Et à ce jour, elle est profitable. Pourvu que cela dure ! et je lui souhaite bonne chance pour son nouvel environnement !