Histoire Sperac

1967-1972


20 septembre : article signé G. Pasturel dans ÉLECTRONIQUE-ACTUALITÉS, intitulé :

La SPERAC se donne 4 ans pour jouer un rôle européen dans le domaine des périphériques d’ordinateurs

Le Plan Calcul lui confère la charge de promouvoir les principaux matériels français

La Convention conclue fin juin dernier entre les pouvoirs publics et la Sperac, pour les unités périphériques d’ordinateurs, constitue la suite logique de celle signée il y a un an entre l’État et la Compagnie Internationale pour l’Informatique (C.I.I.) .

La SPERAC ne se limitera pas à la promotion de ses propres productions en périphériques

C'est dans ce cadre que nous avons demandé à M. Guigonis de nous commenter les paroles de M. Galley, ministre de la Recherche Scientifique et chargé de l'informatique, selon lesquelles " Il ne s'agit nullement de conférer à la Sperac un monopole dans le domaine des périphériques ; elle sera, au contraire, appelée à jouer un rôle fédérateur vis-à-vis des autres fournisseurs de ces matériels et pourra même, le cas échéant, leur rétrocéder des marchés de recherche et d'études ".

Une convention qui fait appel à la coopération

Cette convention, même si elle fut contractée par l'État avec la seule société Sperac, concerne l'ensemble des fabricants français d'équipements périphériques d'ordinateurs. Les paroles de M. Guigonis sur le rôle fédérateur de la Sperac ne peuvent laisser aucune ambiguïté à ce sujet ; " le rôle de fédérateur de notre société consiste principalement à mettre en place un réseau de maintenance efficace et de l’offrir au service des produits de fabrication française ", devait-il nous déclarer.

" Il n'y a donc pas d'exclusive Sperac dans cette Convention, a-t-il ajouté ; notre société est destinée à développer certains produits critiques, c'est-à-dire des équipements périphériques français nécessaires au bon développement du Plan Calcul, d'une part, et, d'autre part, de prendre sur le marché une position originale en créant un réseau commercial et d'après-vente aussi vaste que possible. "

" La convention est faite pour nous y aider ", a-t-il ajouté.

Ainsi, comme le souligne la convention, c'est vers un rôle " pilote " que se dirige la Sperac. Tout en fabriquant ses propres produits, elle est devenue une sorte de société " conseil " pour ses partenaires français réalisant eux aussi des matériels périphériques d'ordinateurs.

Cette mission de conseil a un but bien précis : celui de développer un catalogue de produits importants où sera mis en évidence tous les équipements périphériques nécessaires au vaste complexe que comporte un réseau informatique, et provenant du maximum de sociétés françaises désirant collaborer avec elle.

C'est ainsi que la Sperac est actuellement en conversation avec des firmes comme la Sagem, I.E.R. et la Sintra. Les discussions sont principalement axées sur le type de matériels à intégrer au futur catalogue.

D'ailleurs, ce recueil de produits informatiques permettra en outre " de rechercher la masse critique des matériels nécessaires à un marché aussi étroit que le marché national, et, d'autre part, compte tenu de l'évolution de la télégestion, d'asseoir le réseau de maintenance indispensable à toutes les interventions de dépannage qui se devront d'être rapides et ceci afin que ce réseau ne devienne un gouffre d'argent ".

La réalisation d'un tel catalogue est une tâche immense. En effet, M. Guigonis a mis en évidence le fait que ces produits étant destinés à faire partie d'ensembles informatiques, une action de normalisation devra être menée. " Cette action de normalisation, a-t-il précisé, est complexe, elle se devra d'être réalisée par l'action de toutes les sociétés en s'imposant une doctrine commune ".

Trouver des débouchés en dehors du "Plan Calcul"

Une fois le catalogue établi et comprenant non seulement ceux étudiés et développés par la Sperac, mais aussi les équipements réalisés par une bonne partie des sociétés françaises de périphériques, " il est nécessaire dans notre politique de vente et d'expansion de trouver d'autres débouchés si nous voulons arriver à un niveau industriel satisfaisant ", nous a déclaré M. Guigonis.

" Dans son développement normal, a-t-il ajouté, la Sperac a prévu de réaliser 34 millions de francs en 1969, pour atteindre 135 millions en 1971 avec une année de retard certes (ce chiffre avait été prévu pour 1970), mais arrivant à 200 millions en 1972. "

Or, ces chiffres ne peuvent être atteints que si d'autres débouchés que ceux fournis par le " Plan Calcul ", c'est-à-dire l'équipement en périphériques des unités centrales C.I.I., P 0, P 1, 10 070, P 3, sont trouvés.

" C'est pourquoi, nous a confié le Président-Directeur général de la Sperac, une action commerciale va être menée conjointement sur deux plans : d'abord au niveau des autres fabricants, en particulier dans le cas où des matériels très performants et à des prix intéressants sont, comme il l'est envisagé, développés par la Sperac ; et ensuite au niveau des utilisateurs ".

La seconde action aura pour originalité de " coller le plus près possible aux besoins de l'utilisateur " en déployant une activité d'architecte en équipements périphériques d'ordinateurs avec l'avantage d'avoir une connaissance suffisamment approfondie des systèmes dans leur ensemble.

" Cette activité nous permettra de pénétrer plus profondément les désirs des clients en particulier dans le cas où ils envisageraient l'utilisation de la Télégestion, la C.I.I. étant évidemment le partenaire préférentiel de la Sperac pour la réalisation de tels systèmes ". " Toutefois, nous a précisé M. Guigonis, il n'entre pas dans le rôle de Sperac de conseiller ses clients sur le choix d'une unité centrale dans le cas où ils n'en posséderaient pas, celui-ci étant laissé à leurs soins, suivant, bien évidemment, la puissance nécessaire en l'espèce. "

Les matériels concernés par la Convention

Dans l'aide apportée par l'État à la Sperac, un certain nombre de matériels et d'études sont dès à présent spécifiés. En effet, en accord avec les Pouvoirs publics, la Sperac a décidé d'étudier et de développer les équipements qualifiés de " critiques " par M. Guigonis, et ceci suivant un planning à court terme et à long terme.

Ces produits considérés de première urgence et qui font partie du but à court terme, c'est-à-dire à développer au cours des années 1968, 1969, 1970 et 1971 sont ceux considérés comme nécessaires à la bonne marche de l'ensemble du Plan Calcul.

Ils sont de cinq types :

- Un terminal à clavier entrée-sortie, type 1005, dont la commercialisation est prévue pour le mois d'octobre de cette année. Cet équipement sera d'ailleurs présenté au prochain Sicob.

- Une unité de disques, type MD 17, comprenant 6 disques. Son temps d'accès sera de l'ordre de 70 à 80 ms. La mise au point de cet équipement aura lieu en février 1969. Il fera d'ailleurs l'objet d'une présentation au Sicob sous une forme non définitive.

- Une unité de commande-contrôle, type 5005, d'un système périphérique comprenant un lecteur de cartes (200 cartes/minute), une imprimante (200 lignes/minute) et sur option une machine à écrire, un lecteur de document et un lecteur de bande. Cette unité sera mise au point en avril 1969, et sa sortie aura lieu en octobre de cette même année.

- Une unité de visualisation, type 6 300, dont la caractéristique principale sera de posséder un rapport performance/prix élevé, le prix étant lui-même établi de façon à toucher une clientèle aussi vaste que possible. Cet équipement exclusivement réservé à des applications de gestion sera mis au point au mois d'avril 1969 pour sortir en série en décembre 1969.

- Et enfin, terminant la liste des produits à développer à court terme, un dérouleur de bandes magnétiques, type PN 9, qui sera exclusivement vendu aux fournisseurs de systèmes. Cette unité dont la mise au point sera terminée en avril 1970 sortira en série en octobre de cette même année.

Le programme à long terme de la Sperac, consigné dans une annexe technique de la Convention, montre d'abord un souci de développer la gamme des matériels réalisés à court terme et ensuite d'entreprendre des recherches évolutives susceptibles d’entraîner la réalisation de matériels de conception entièrement nouvelle.

Il est en effet prévu d'augmenter la gamme des unités de disques, type MD 17, en réalisant de grosses mémoires à plusieurs disques et de petites à deux disques. Il est ensuite permis de penser que la Sperac développera un système d'interrogation-réponse très élémentaire quant à ses possibilités mais d'un prix inférieur à 5 000 francs. Cet équipement aura pour but de pénétrer les petites et moyennes sociétés.

La Sperac va, d'autre part, entreprendre un certain nombre de recherches particulièrement axées dans les domaines suivants : enregistrement magnétique, mémoire optique, lecture optique de documents, reconnaissance vocale, et mise au point d'une nouvelle génération de systèmes de visualisation à écran plat utilisant les phénomènes optoélectroniques et photochromiques.

La transmission de données absente de la Convention…

Comme il est possible de le remarquer dans l’énumération des produits informatiques concernés par la convention État-Sperac, les équipements de transmission de données ont été laissés de côté.

Questionné à ce propos, le directeur-général adjoint de la Sperac, M. Pauli, nous a répondu qu’il " n’était pas dans la vocation de sa société de développer des matériels de transmission de données, ceci relevant du domaine des Télécommunications ; cependant la Sperac, de par son rôle même de " pilote " en équipements informatiques, les met en œuvre et se doit d’être au fait du problème ".

" D’ailleurs, a-t-il précisé, le catalogue Sperac comportera de tels matériels provenant d’autres constructeurs français et en particulier ceux de la Thomson. "

Rappelons à ce propos que vient d’être créé au ministère des P.T.T. un département téléinformatique chargé d’étudier les possibilités optimales d’implantation de réseaux de transmission de données en France. Il n'est donc pas exclu que sous son égide et celle de la Délégation à l'Informatique une autre convention concernant ce problème soit signée dans les prochains mois.

...Mais un rôle Software important

En dehors de l'activité purement " hardware ", la Sperac s'est vu confier par la Convention une mission " software " très importante. Cette activité aura d'abord pour but de fournir une aide à la conception des propres produits de la Sperac (dans les domaines de simulation, de l'implantation et de mise à jour des dossiers). Ce travail sera en partie sous-traité à la SEMA.

La Sperac devra ensuite mettre au point des programmes de simulation de réseaux téléinformatiques et d'optimisation de ces réseaux. Il lui est, d'autre part, confié une activité " software " de systèmes. Elle devra, en effet, non seulement étudier le software accompagnant ses propres périphériques et en particulier les unités 5500 et 6300,mais aussi celui des systèmes concentrateurs-diffuseurs de la C.I.I. type 10010 et 10020.

Ce rôle consiste en fait à étudier l'adaptation et les programmes des petits calculateurs appelés à devenir ou devenus des unités périphériques de centres de calcul plus puissants.

La position de carrefour de la SPERAC

Il est à remarquer que la convention État-Sperac fut très longue à intervenir, bien qu'aucune hésitation quant au principe lui-même ait jamais eu lieu. Logiquement, elle aurait dû, en effet, suivre très rapidement celle passée avec la C.I.I. pour les unités centrales.

Ce retard semble principalement dû au fait que la Sperac est située à un carrefour. Celui-ci s'établit à deux niveaux : celui de ses rapports avec la C.I.I. en tant que partenaire de cette société au sein du Plan Calcul et celui des relations qu'elle aura à avoir avec les autres constructeurs français d'équipements périphériques d'ordinateurs, en tant que " pilote " des unités périphériques en France.

Une dualité peut exister pour la Sperac. Elle est, en effet, concernée par les systèmes ou plus exactement par les sous-systèmes et de ce fait même se trouve en rapport étroit avec la C.I.I. pour déterminer à quel niveau exact se situe la frontière entre ceux-ci.

Elle est, d'autre part, en devenir d'être en relation étroite avec d'autres firmes françaises réalisatrices de matériels périphériques qui ont toujours cherché à se voir directement concernées par la convention. Dans le second cas, comme dans le premier, ces problèmes semblent avoir été définitivement résolus par la convention.

Les constructeurs de périphériques sont intéressés à voir leurs matériels figurer dans le catalogue Sperac " des produits informatiques de périphérie français " cependant que la C.I.I. a l'assurance que la Sperac, comme nous l'a précisé M. Guigonis, " ne se présentera jamais en maître d'oeuvre devant elle "

La SPERAC attache une grande importance à son activité système

M. Guigonis nous a toutefois bien fait comprendre que sa société attachait une très grande importance à son activité " système ". " Cette activité est aussi importante que notre rôle de fédérateur ", nous a-t-il confié.

" En effet, précise-t-il, si nous ne nous préoccupions pas de ce problème nous laisserions le terrain libre à d'autres. "

Les sous-systèmes de traitement de l'information sont en effet appelés à trouver de larges débouchés dans les différents centres informatiques reliés à une unité centrale, en permettant de pré-traiter les informations avant de les transmettre à l'unité centrale.

L'avenir européen de la SPERAC

M. Guigonis ne nous a pas caché l'intention de la Sperac de pénétrer de façon très sensible le marché eu ropéen. " Cette vocation européenne est particulièrement valable pour notre société car possédant un ca talogue de produits informatiques très divers, la formule de coopéra tion sera facile à établir ".

Cependant, avant de chercher à s'allier d'une façon ou d'une autre avec des sociétés étrangères déjà fortement établies dans ce domaine, la Sperac se devra de s'affirmer et de se consolider pour être à même de discuter à armes égales.

" L'année de consolidation de notre société sera 1969, devait d'ailleurs nous déclarer M. Guigonis, et il est possible de dire que 1970 sera celle de la vocation européenne de la Sperac. "

Evoquant les relations que sa société avait avec les pays de l'Est, sous l'égide du Plan Calcul, M. Pauli, directeur adjoint de la Sperac, nous a confié que celles-ci étaient nombreuses et déjà importantes. L'U.R.S.S., en particulier, et divers pays de l'est européen, souhaiteraient étudier avec la Sperac, la possibilité d'établir une coopération à long terme. Il est bien entendu trop tôt pour donner la tendance de l’évolution de ces contacts.

La SPERAC regroupe ses différents bureaux à Vélizy

Le premier souci de M. Pauli fut, lors de son arrivée à la Sperac, de regrouper ses moyens dispersés dans la région parisienne. Ceux-ci vont être dans un esprit de rationalisation et d'efficacité réunis à Vélizy, l'avenue Kléber restant l'antenne commerciale à Paris.

Vélizy ne sera cependant pas une unité de fabrication ; en effet, M. Pauli nous a précisé que " dans un premier temps les principaux efforts de la Sperac porteront sur les études et l'implantation des réseaux commerciaux et d'après vente ".

Le second, celui de la fabrication qui jusqu'alors sera très largement sous-traitée, n'interviendra que bien après, c'est-à-dire dans le courant de l'année 1972.

En attendant, il est cependant probable qu'une grande partie de cette sous-traitance sera confiée soit à la Thomson-Brandt, soit à la C.D.C.

 

Beau programme qui n’aboutira pas. Empruntons ici au livre FRENCH ORDINATEURS le passage sur la Sperac, page 59 :

" La SPERAC ? " Ce sont les recalés du Plan Calcul " diront à l’époque de sa création les mauvaises langues. Elles n’auront pas tort. Écoutons l’un des principaux protagonistes qui a vécu cette affaire de très près. " C’était l’opération anti-industrielle par excellence. La Compagnie des Compteurs et Thomson se sont comportés de façon éhontée. La SPERAC a été leur dépotoir… Les deux actionnaires lui ont apporté – au prix fort – tout ce dont ils ne voulaient pas. Ils ont refusé de mettre les hommes nécessaires. Ils promettaient… sans rien donner. Bref, rien n’était top moche pour la SPERAC. Dès que quelque chose était un tant soit peu valable – hommes, programme – elles le conservaient jalousement. "