19, 20 et 21 septembre : trois articles dans Le Monde, signés Nicolas Vichney, 

sur le thème PREMIER BILAN DU PLAN CALCUL

Ces articles bien informés proviennent vraisemblablement de sources peu complaisantes à l'égard de la direction de la CII en 1968. Le Plan Calcul, presque certainement trop ambitieux, a dû être amendé pour maintenir la continuité des grands utilisateurs déjà possesseurs ou prospects du 10070 (sous licence SDS). Par conséquent, si des efforts pouvaient être faits pour assurer la production de certains matériels et logiciels compatibles, il n'en reste pas moins que deux lignes de produits étaient nées. Aurait-il été possible de faire de P0, P1, P2 des modèles réduits du 10070 ? C'était probablement plus facile que de réunifier les machines 36 bits et 32 bits de Honeywell, mais le développement de tels modèles ne correspondait pas aux traditions des ingénieurs réticents devant l'imposition de standards nés à l'extérieur. L'adaptation à une technologie plus moderne que le 10070 n'aurait guère permis de réutilisation de matériel et les particularités de l'architecture du 10070 aurait grevé les coûts des machines d'entrée ainsi qu'elle se serait plus éloignée d'une compatibilité avec les machines de gestion IBM.
Ces articles sont erronés en ce qui concerne l'abandon du système P2 qui verra le jour sous le nom de Iris 65. On peut remarquer que des journalistes et certains architectes tenaient comme garanti et renouvelable par n'importe qui, l'exploit qu'avait réalisé IBM pour réaliser la série 360 avec 5 modèles compatibles. IBM ni personne d'autre ne le renouvellera pas et l'on ne saurait reprocher à une compagnie somme toute débutante d'avoir échelonné les modèles de la ligne P.

 

I. – Une aide américaine discrète (Le Monde daté du 19 septembre 1968)

En-tête :

" La Compagnie internationale pour l'informatique (C 2 I) va présenter très prochainement, en prélude au Salon des industries du commerce de bureau (SICOB) la première calculatrice électronique réalisée dans le cadre du " plan calcul " : P 1.

Cette première calculatrice P 1 – à laquelle on attribuera lors de son lancement une appellation plus commerciale – fait son apparition un peu plus de deux ans après qu'ont été définies les grandes lignes de l'action à entreprendre pour développer en matière d'ordinateurs une industrie nationale qui puisse résister à la concurrence américaine. Cette sortie intervient aussi un an et cinq mois après qu’ait été signée la convention entre l’État et la C 2 I, qui définissait l'importance de l'effort financier consenti par le gouvernement et par l'industrie, ainsi que les principales caractéristiques du matériel à réaliser. De tels délais paraissant normaux, voire même assez courts, le "plan calcul" donne donc l'impression de prendre un bon départ.

Il s'en faut, cependant, que l'on puisse dès à présent affirmer que l'orientation et l'ampleur des efforts fournis répondent exactement à ce qui avait été annoncé lors du lancement du plan. Depuis, les programmes ont "glissé", ce qui a entraîné une nouvelle orientation des objectifs. "

Texte de l’article :

Tel qu'il fut présenté le 13 avril 1967, lors de la signature de la convention liant l'État à la C 2 I, le plan calcul se proposait de conduire à la réalisation d'une gamme de quatre calculatrices : P 0, P 1, P 2 et P 3.

Tous ces matériels, dont on n’avait précisé ni les caractéristiques ni la date de livraison, devaient naturellement être compatibles les uns avec les autres et reposer sur des conceptions originales. En outre, leurs performances et leurs prix devaient leur permettre d'affronter avec succès la concurrence des ordinateurs américains. Sans prétendre leur arracher d'entrée de jeu tout le marché français, les calculateurs de la gamme P devaient opposer une première digue au raz de marée américain et éviter que l'expansion attendue de l'informatique en France ne repose exclusivement sur du matériel conçu outre-Atlantique.

Logiquement, la définition des objectifs s'accompagnait de la mise en place d'un certain nombre de moyens. L’État allait avancer quelque 420 millions de francs en cinq ans et fournir sa garantie pour un appel au crédit de 125 millions. De son côté, l'industrie fournirait un effort parallèle mais moindre : appel au crédit, augmentation de capital, facilités offertes par les sociétés mères de la C 2 I, autofinancement… En chiffre rond, c'était un milliard de francs que l'on allait mettre, mais à des titres très divers, dans l'affaire.

L’effort ne devait pas s'arrêter là. Pour réaliser les périphériques – ces équipements qui permettent d'introduire les données à traiter dans l'unité centrale de calcul et de recueillir les résultats, - l'État signerait une convention avec une autre société, la Sperac. Quant aux indispensables études de pointe, elles seraient confiées à un organisme scientifique créé tout exprès : l'Iria.

La mise en place de tout ce dispositif de combat avait été longue - la première idée d'un plan-calcul remonte à 1964 - et à maintes reprises on manqua de trébucher.

Aujourd'hui, alors que la première machine du plan-calcul fait son apparition, où en est-on ? Si P 1 figure toujours bien au programme de la C 2 I, P 0 n'apparaîtra, semble-t-il, que sous les traits d'un P 1 " déshabillé " - c'est-à-dire simplifié. On parle toujours de P 3, mais P 2 a disparu. Comme en contrepartie, une nouvelle machine a fait son apparition, la 10.070.

Un double héritage

La C 2 I, on le sait, est née de deux sociétés, la C.A.E. (Compagnie d'automatisme européenne) et la S.E.A. (Société européenne d’automatisme). Elle a donc hérité, par la force des choses, des réalisations et des projets de ces deux firmes.

· Le matériel existant était hétéroclite. Il comprenait, d'une part en provenance de la C.A.E., des machines diverses, mais toutes construites en vertu d'un accord de licence avec la firme américaine S.D.S. - l'ordinateur à usage industriel 90-40, des petits ordinateurs de la série 10 000, – et d’autre part, en provenance cette fois de la S.E.A., des machines d’une conception originale, telle la 4000.

· L'héritage en matière de projets ne pouvait être plus cohérent. Les cartons de la C.A.E. recelaient des études sur une nouvelle gamme de matériel : la série M. La S.E.A., de son côté, disposait déjà d'une certaine expérience sur des machines nouvelles : 1500 et 15 000.

Comme bien on pense, l'usage de ce double legs s'est ressenti du poids respectif qu'ont acquis au sein de la C 2 I les deux sociétés qui l'ont constituée. Finalement la fusion s'est progressivement ramenée à une absorption : celle de la S.E.A. par la C.A.E.

Il n'était pas question pour la C 2 I de mettre à la ferraille tout le matériel dont elle disposait. Tout au contraire, c'est leur vente ou leur location qui allait lui permettre de subsister tandis que, grâce aux crédits dont elle allait bénéficier au titre du plan-calcul, elle entreprendrait la réalisation des ordinateurs de la gamme P. Vus par la C 2 I, les ordinateurs du plan-calcul devaient donc prendre progressivement le relais des machines existantes.

Mais, la prédominance prise par la C.A.E. sur la S.E.A. a fait que c'est surtout au matériel issu de la première - donc du matériel construit sous licence - que la C 2 I. s'est intéressée. Les réserves des diverses administrations françaises à l'égard du plan-calcul aidant, la 4 000 de la S.E.A. ne s'imposa pas. Et on paria sur une calculatrice prônée par la C.A.E., donc à construire sous licence. Il s'agissait d'une machine à usage scientifique et dont la sortie pour le deuxième trimestre 1968 avait été annoncée dès le S.I.C.O.B. de 1966 : la 10.070.

Même orientation pour le second lot de l'héritage : les projets. Comme on l'imagine, ils étaient rivaux. Certains ne s'en efforcèrent pas moins, pour définir la gamme P, d'en tenter une synthèse. Mais à la, S.E.A., où l'on se voulait original, on pouvait apprécier le temps nécessaire à la mise au point de machines nouvelles et l'on était enclin à prendre seulement rendez-vous avec la concurrence vers 1972. A la C.A.E., à l'inverse, on s'affirmait réaliste et, pour tenir compte des desiderata de certains clients, on se disait prêt à convenir d'un rendez-vous en 1968.

Or la date à laquelle apparaîtrait le matériel avait son importance. Techniquement, on pouvait imaginer de " faire l'impasse " sur la génération actuelle de calculateurs pour porter ses efforts sur la génération suivante, mais il parut financièrement difficile aux responsables de la C 2 I d'attendre trop longtemps les rentrées que procurerait la mise en circulation des nouvelles machines et politiquement délicat aux promoteurs du plan-calcul de ne promettre des résultats qu’à terme.

De plus, au nombre des intéressés au lancement d'un programme de production de calculatrices figuraient les militaires. Pour réaliser la bombe thermonucléaire, il fallait de puissants calculateurs, et les Américains, pendant un temps, refusèrent de nous en vendre... Il fallait aussi songer à l'équipement en moyens de calcul des sous-marins nucléaires. Et ici nécessité fait loi : la date de livraison du matériel et ses performances importent plus que l'originalité de sa conception.

Avec le temps, la nécessité de réaliser par nos propres moyens de puissants calculateurs scientifiques apparut moins impérieuse, et le gros ordinateur P 3 qu'on avait rêvé de produire en priorité perdit la vedette. Mais les autres impératifs demeurèrent.

La notion d'une certaine urgence s'imposa donc. La prédominance prise par la C.A.E. sur la S.E.A. fit le reste : admettant que le mieux était l'ennemi du bien, on choisit de donner le pas à la rapidité d'exécution sur l'originalité de la conception. Et, logiquement, on accepta de payer le prix de cette orientation : sans s'interdire de donner aux machines un certain caractère d'inédit, on ne refusa pas de s'inspirer des matériels existants et de demander l'aide des Américains.

P 3 ou Sigma 7

D'où les caractéristiques des diverses machines du plan-calcul :

- P 1 sera un ordinateur destiné à la gestion mais utilisable en principe à des fins industrielles, ce qui permettra de le qualifier " d'universel ". Bien que conçu par la C 2 I, il sera doté d'une unité centrale qui s'inspire davantage des réalisations d'I.B.M. que de celles de S.D.S. mais ses périphériques seront du modèle utilisé par la série 10.000 de S.D.S. Il s'agira d'une machine moderne dotée de circuits intégrés dont la puissance se situera entre celles de l'I.B.M. 360-50 et 360-40. Date de livraison prévue : 1er juillet 1969 ;

- P 0 sera une P 1 simplifiée, d'un tiers moins " performante " et utilisable soit seule soit comme machine annexe d'un système P 1. Date de livraison : le 1er août 1969.

- D'une conception moderne et munie aussi de circuits intégrés, P 2 devait être utilisable à la fois pour des travaux de gestion et pour des travaux comptables. Date de livraison prévue : le 1er août 1969.

- P 3 avait été conçu comme une calculatrice exclusivement scientifique. Mais, d'entrée de jeu, il avait été convenu que S.D.S. participerait à son élaboration, en procédant à des études techniques de base et à la définition de la machine, le tout moyennant un versement de 3 millions de dollars, ce qui fait que P 3 ressemble fort, selon certains,. à une machine de S.D.S. : le Sigma 7. Date de livraison : le 1er décembre 1969.

A cette gamme civile, dont les divers éléments devaient être compatibles entre eux, s'ajoutait une gamme militaire : P 0 M et P 2 M, cette dernière machine étant plus particulièrement destinée aux sous-marins nucléaires.

Toutes ces caractéristiques et ce calendrier témoignaient d'une stratégie que certains qualifièrent d'ambitieuse - on ne peut chasser deux lièvres à la fois - mais que d'autres trouvèrent raisonnable - il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. On allait s'attaquer à la fois au marché de la gestion et à celui du calcul scientifique. Pour la gestion, c’est P 1 qui ferait la percée. Aux utilisateurs intéressés par une machine plus puissante, on offrirait ensuite P 2. En matière de calcul scientifique, on lancerait d'abord P 3, dont la puissance limiterait sans doute les débouchés, mais ensuite on mettrait une machine moins puissante - P 2 - à la disposition des scientifiques pour lesquels P 3 constituerait une charge trop lourde.

Un tel plan de bataille ne prenait sa véritable signification qu'intégré dans le programme d'ensemble de la firme, compte tenu donc du rôle que l'on entendait faire jouer à la 10.070. Machine à usage scientifique et en principe la première à pouvoir être livrée, on lui demanderait de jouer dans son domaine le même rôle que P 1 en matière de gestion : ce serait le fer de lance de la C 2 I sur le marché du calcul scientifique. Elle s'effacerait ensuite pour faire place à un ordinateur d'une puissance en première analyse comparable : P 2.

Ainsi non seulement la conception d'une des trois machines du plan-calcul, P 3, reposait sur la coopération américaine, mais encore le lancement des trois ordinateurs sur le marché s'ordonnait selon une politique qui reconnaissait un rôle important à une calculatrice intégralement conçue outre-Atlantique, la 10.070.

On était déjà loin des propos tenus officiellement lors du lancement du plan-calcul, mais il s’en fallait que l'on fût pour autant assuré du succès : bien qu'on ait préféré mettre l'accent sur la sûreté du matériel et l'observation des délais plutôt que sur l'originalité de la conception, il restait, de l'aveu même des techniciens de la C 2 I, deux paris à faire... et à gagner : la livraison aux dates voulues des machines P 1 et P 3 (ce que l'on appelle dans le jargon de l'informatique le hardware) et la mise au point, aussi dans les temps voulus, de leurs modes d'emploi (le software).

Hélas, aucun de ces paris ne put être tenu. Pis : avant même que l'on ait eu à consentir des nouveaux délais pour la réalisation de P 1 et de P 3, la 10.070 " glissa " : au lieu de pouvoir la lancer au deuxième trimestre de 1968, la C 2 I ne pourra entreprendre la production de la tête de série qu'au milieu de l'année prochaine. Un retard d'un an, donc, qui fit boule de neige et aboutit à modifier profondément les objectifs du plan-calcul.

II. – Retards en cascade (Le Monde daté du 20 septembre 1968)

En tête :

" Pour expliquer pourquoi ils ont dû consentir à retarder d’un an la mise en service de la calculatrice 10.070 construite cependant sous licence et destinée à servir d'éclaireur aux ordinateurs du plan-calcul, les techniciens ne manquent pas de raisons. "

Texte de l’article :

Ils invoquent d'abord toutes les difficultés qu'ils durent surmonter pour disposer du matériel nécessaire. Même copier simplement un ordinateur peut soulever des problèmes quand on ne dispose pas d'un environnement comparable à celui dont bénéficie les firmes américaines, et leur permet d'utiliser au plus vite et à meilleur prix tous les composants nécessaires.

Le choix des " périphériques " a constitué une autre source de retard. La 10 070 étant appelée à voisiner dans les catalogues de la C 2 I avec les ordinateurs du plan-calcul et à frayer la voie à. certains d'entre eux, on a songé, pour mieux " accrocher " la clientèle, à doter toutes les machines de périphériques voisins. C’était s'obliger à employer des matériels dont les constructeurs américains de la 10 070 n'avaient pas toujours prévu l'emploi. D'où la nécessité de réaliser de nouvelles unités de couplage… Mais c’était aussi arrêter d'entrée de jeu la nature des périphériques dont seraient munis les ordinateurs de la gamme P : la Sperac, qui était en principe chargée de réaliser dans le cadre du plan-calcul des équipements périphériques, n'avait rien à offrir et, faute de mieux, il fallut bien se tourner vers le matériel nouveau que l'on pourrait développer à la C 2 I et surtout le matériel étranger, américain notamment : il était acquis que les éléments d'entrée et de sortie des quatre ordinateurs P 0, P 1, P 2 et P 3 ne seraient guère originaux et français accessoirement.

Mais il faut aussi tenir compte d'un autre facteur : la fusion entre les deux entreprises appelées à constituer la C 2 I ne s’opéra pas sans heurts ni difficultés. Pendant une année il régna dans la nouvelle firme un climat dont le moins que l'on en ait dit est qu'il ne constituait pas un stimulant pour le travail, et il y eut des défections. Si la situation, depuis, s'est améliorée, un temps précieux n'en fut pas moins perdu.

Les conséquences du retard de la 10 070 furent, oserait-on dire, incalculables.

La disparition de P 2

Puis, il y eut un manque à gagner. Or la C 2 I dispose, dans ses grandes lignes, de deux sources d’argent : le produit de la vente et de la location des matériels C.A.E. et S.E.A. et les marchés d’études passés par le gouvernement. Le chiffre d'affaires obtenu grâce au matériel C.A.E. et S.E.A. n’atteignant pas les prévisions, et les dépenses ayant plutôt tendance à augmenter, il fallut songer à développer la subvention... Aujourd'hui, soit deux ans après le démarrage du plan-calcul, et alors que la première machine fait tout juste son apparition, le total des subventions gouvernementales que touche annuellement la C 2 I a déjà été augmenté de 10 %, pour atteindre quelque 130 millions, alors que le chiffre d'affaires proprement dit s'élève à quelque 200 millions, taxes comprises.

Enfin, il y eut télescopage.

L'échéancier initial avait fixé à deux années le décalage entre la sortie de la 10 070 et de l'ordinateur du plan-calcul qui lui succéderait auprès de la clientèle scientifique intéressée par les puissances moyennes : P 2. La 10 070 ayant pris un an de retard, il ne restait plus, à supposer que P2 sorte à l'heure, qu'une année pour placer la machine S.D.S. sur le marché. Ce n'était pas assez. On abandonna donc P 2 mais tout en poursuivant et même en accélérant la production à des fins militaires de P 2 M.

La solution était logique ; elle n'en revenait pas moins à faire sauter le maillon intermédiaire gamme, P 2.

Mais la disparition de P 2 engendra aussi une réaction en chaîne. Cette machine avait été conçue non seulement pour prendre la suite de la 10 070 sur le marché du calcul scientifique, mais aussi pour assurer le relais de P 1 après que cet ordinateur eut effectué une première percée sur le marché de la gestion. P 2 disparaissant, comment pourrait-on exploiter un succès de P 1 ? De plus, la disparition de P 2 risquait de peser sur la réussite de P 1, car les acquéreurs seraient moins tentés de se munir d’un ordinateur auquel ils ne pourraient pas, le moment venu, en substituer un autre de la même famille mais plus puissant. Pratiquement le retard de la 10 070 et, par ricochet, la disparition de P2 faisait planer une lourde menace sur la place que la C 2 I pouvait occuper sur le marché de la gestion.

Une politique de choc

On pouvait croire que, chargée de mettre en œuvre le plan-calcul, la délégation générale à l'informatique s'attacherait surtout, après avoir participé à la définition du premier programme, à en surveiller l'exécution ; qu'elle veillerait aussi à aplanir toutes les difficultés qui s'opposent à l'expansion de l'informatique en France ; qu'enfin elle s'efforcerait de déterminer l'orientation à venir des techniques du traitement automatique de l'information pour conseiller utilement l'industrie. En fait on s'attacha plus au présent qu'à l'avenir.

Les États-Unis possédant en matière de traitement automatique de l'information une avance considérable sur tous les autres pays, à l'exception peut-être de la Grande-Bretagne, le souci d'élaborer une politique à long terme de développement de l'informatique aurait pu conduire à étudier avec soin l'évolution passée et à venir de la situation américaine. Il s'effaça devant la préoccupation de prendre immédiatement place sur les marchés que la politique extérieure de la France paraissait devoir nous ouvrir : ceux des pays de l'Est.

La tentative n'alla pas sans déboires. Par exemple, on avait trouvé des raisons de croire qu'il serait possible de prendre pied en Tchécoslovaquie. Mais, ô surprise, si les Tchèques se montrèrent effectivement intéressés par le matériel français, ils se détournèrent de celui de la C 2 I et affirmèrent leur préférence pour une proposition de... Bull General Electric. Ce qui n'étonna pas outre mesure les ministères français des affaires étrangères et des finances puisqu'ils s'étaient faits les avocats du concurrent de la C 2 I.

Sur le marché français, la politique de choc suivie par la délégation générale à l'informatique n'était pas sans inconvénient : en se substituant au secteur privé pour remplir une fonction commerciale, l'État n'aiderait pas l'industrie à atteindre à la maturité et, d'une manière plus générale, il redonnerait une certaine actualité à des mots oubliés, interventionnisme, dirigisme... Mais, en contrepartie, on pouvait espérer réserver à la C 2 I les débouchés offerts par les administrations et portant tout particulièrement sur des machines de gestion.

La 10 070 entre dans le plan-calcul

Cependant même sur un marché réservé il est difficile d'imposer un matériel inconnu, dont certains disent qu'il faudra éventuellement accepter de le payer jusqu'à 10 % au-dessus du prix de la concurrence et qu'il ne pourra être remplacé le moment venu par un matériel plus puissant. Il fallait donc, à toute force, donner une suite à P 1. Ce qui revenait, P 2 ayant disparu, a chercher un " substitut ". On trouva la solution à la fin de l'année dernière : bien qu'elle ait été conçue à des fins scientifiques, on pouvait imaginer de mettre au point une version " gestion " de la 10.070. Tout comme la disparition de P 2, une telle décision - qui fut arrêtée en décembre 1967 - était logique, mais comme elle, elle présenta des conséquences.

Vouloir faire de la 10 070, machine scientifique, un ordinateur de gestion, c'était moins en modifier la technologie que la doter d'un nouveau mode d'emploi : un nouveau software. L'opération appelait des dépenses substantielles et la délégation dut consentir des crédits spéciaux. De droit comme de fait, remplaçant P 2 en gestion et soutenue par l'argent du gouvernement, la 10.070 entrait dans le plan-calcul : la première série de matériel – on ne peut plus parler de gamme – qu'il offrait allait donc comporter une machine intégralement américaine.

Et c’est avec une telle machine que la C 2 I va tenter sa percée sur le marché de la gestion. D'après les plans initiaux, c'est sur P 1 que l'on comptait pour réaliser l'opération. Mais la 10.070 ne fut pas la seule machine de la C 2 I dont la production a glissé dans le temps. Il en fut de même de P 1. Sans doute va-t-elle faire incessamment sa première apparition publique, mais pour qu'elle puisse être livrée dans de bonnes conditions aux utilisateurs à partir du 1er juillet 1969, comme il avait été prévu, il aurait fallu que le software complet de la machine soit prêt dans les premiers mois de l'année prochaine. En fait, il ne sera pas disponible avant la fin de 1969. Compte tenu des délais de mise au point, et alors que les premières 10.070 en version gestion feront leur apparition, au moins symbolique, vers le milieu de 1969, c'est seulement durant le premier trimestre de 1970 - soit avec un an de retard - que P 1 pourra être livré à la clientèle dans des conditions compétitives. Ainsi la version gestion de la 10.070 reçoit-elle en pratique une double mission : soutenir P 1 en offrant à ses futurs utilisateurs des possibilités plus étendues et frayer le chemin à ce même P 1.

De ce dernier point de vue, réaliser un software de gestion pour la 10.070 constitue une opération intéressante : elle permet de former le personnel à la rédaction de modes d'emploi avec lesquels il n'est pas familiarisé. Mais c'est aussi une opération coûteuse. On pense que, dans sa version scientifique, la 10 070 pourra se placer à une quinzaine d'exemplaires. Les estimations sur ses débouchés actuels en gestion sont d'un même ordre de grandeur, encore que certains les estiment pessimistes. C'est donc, mettons, sur une vingtaine de 10.070 " gestion " qu'il faudrait amortir, au moins en théorie, le coût du software, alors que la concurrence procède à l'opération similaire sur des centaines d'exemplaires. Il est bien difficile, dans ces circonstances, d'espérer atteindre à une réelle compétitivité.

L'attaque du marché de gestion paraît donc devoir se dérouler dans des conditions délicates.

A l'assaut du marché de gestion

Un succès dans ce domaine importe pourtant d'autant plus qu'une réussite dans celui du calcul scientifique paraît moins certaine.

D'après les plans initiaux, la C 2 I devait tenter de prendre pied sur le marché de l'ordinateur scientifique à l'aide de trois machines : la 10 070 - hors plan-calcul, - P 3 et P 2. Mais actuellement, si la première demeure, la dernière a disparu. Et, de plus, comme la 10 070 et comme P 1, P 3 a pris du retard.

Il avait été prévu de réaliser deux versions de P 3 : une version en " monoprocesseur " – une solution classique déjà - et une version en " multiprocesseur ", - ce qui soulève des problèmes qui n'ont même pas été résolus actuellement de façon satisfaisante par les Américains. On ne peut donc s'étonner que la mise au point de cette seconde version souffre d'un certain retard : dix-huit mois, estime-t-on actuellement. Par contre, la version en " monoprocesseur " aurait dû être prête à l'heure. Il n'en est rien : le software ne sera au point qu'en août 1970, après avoir, il est vrai, été rodé sur la 10.070 mais alors que les livraisons à la clientèle auraient dû commencer à la fin de 1969. D'où un délai supplémentaire d’une année ce qui affaiblit malheureusement la position sur le marché.

Le plan-calcul est issu du désir d'assurer l'indépendance française dans deux domaines où un retard en informatique risquerait d'être lourd de conséquences : le domaine militaire et celui de l'exportation des grands ensembles industriels. On ne peut concevoir un armement moderne, de dissuasion ou conventionnel, sans disposer librement d’un bon matériel informatique. De même demain tous les ensembles industriels seront automatisés et, faute de calculateur industriel, il sera difficile d'en vendre. Quant aux ordinateurs de gestion, on admettait qu'ils revêtaient d'un point de vue national une moindre importance.

Il n'en demeure pas moins que, d'un point de vue commercial, et sauf exception brillante, seule la gestion donne à une société d'informatique ses lettres de noblesse. C'est elle qui la fait connaître et lui permet d'acquérir expérience et puissance.

Le plan-calcul a donc pris le départ dans une certaine ambiguïté. On songeait aux calculateurs industriels. Mais la C 2 I ne peut innover en la matière, les ordinateurs en temps réel étant l'apanage d'une autre société, de laquelle d'ailleurs relevait la C.A.E., la Citec, et demeurant ainsi hors du plan-calcul. On entendait partager ses efforts entre le marché du calculateur scientifique et celui de la gestion. Mais, par la force des choses, il a fallu se laisser entraîner vers ce dernier.

Et c'est indirectement le retard pris par la 10 070 et ses conséquences en chaîne qui poussèrent au virage. Paradoxalement, c'est pour avoir rencontré dès le début des difficultés là où elle n'aurait pas dû en trouver que la C 2 I entreprit de faire porter l'essentiel de ses efforts sur le marché où la concurrence était la plus redoutable et sa position la moins forte.

III – Un avenir incertain (Le Monde daté du 21 septembre 1968)

En-tête :

" Qu'elles soient plus ou moins originales, qu'elles fassent leur apparition avec un retard plus ou moins grand, qu'elles promettent de se placer bien ou mal sur leurs marchés respectifs, les calculatrices du plan-calcul demandent à être produites.

La Compagnie internationale d'informatique (sic) a donc établi des programmes de fabrication. Ils définissent bien l'importance de l'outil de production dont la C 2 I entend se doter, la place qu'elle entend effectivement occuper sur le marché et, au-delà, la nature de l'impact qu'aura le plan-calcul sur les développements de l'informatique en France. "

Texte de l’article :

Pour P 1, l'objectif est d'atteindre une cadence de production de dix machines par mois, ce qui correspond à la fabrication d'ici à 1972, date d'achèvement du présent plan-calcul, de quelque deux cent cinquante ordinateurs de gestion dont une cinquantaine peut-être seront livrés sous la forme simplifiée, P 0. En ce qui concerne P 3, les débouchés sont limités par la puissance, relativement imposante, de la machine : on escompte en placer entre trente et trente-cinq exemplaires. On connaît déjà les prévisions faites à l'égard de la 10 070 : une quinzaine dans la version scientifique et davantage en gestion.

Ces chiffres doivent être rapprochés des prévisions sur l'évolution escomptée du nombre des ordinateurs installés en France. D'après un rapport établi pour le compte du Conseil économique par M. Lhermitte, ce parc comprendra au 1er janvier 1971, c'est-à-dire un an avant l'achèvement du présent plan-calcul : 2 500 ordinateurs de gestion commerciale, 1 358 ordinateurs de gestion professionnelle, 462 calculateurs scientifiques et 200 calculateurs industriels.

Le premier type de matériel correspond plutôt à la P 0 et le second à P 1, ainsi qu'à la 10 070 dans sa version gestion. Les calculateurs scientifiques ne sont représentés dans le plan-calcul que par P 3. Quant aux ordinateurs industriels, on sait qu'ils n'ont pas été inscrits pour le moment au programme.

10 % du marché

C'est définir la place respective qu'occuperont les ordinateurs du plan-calcul : 50 sur 2 500 pour la gestion commerciale ; 200 environ pour la gestion professionnelle sur 1 358 ; 35 sur 462, pour la recherche et, pour l'industrie, 0 sur 200. Soit, sur un ensemble prévu de quelque 4 500 machines, un total de 300 ordinateurs, auxquels il faut ajouter les 10 070 que l'on pourra vendre en version gestion. Toutes ces évaluations ne portent pas sur des dates semblables et compte n'est pas tenu de ce que la C 2 I pourra sans doute exporter une partie de sa production. En les rapprochant cependant, ce qui avantage la position de la C 2 I, on aboutit à un pourcentage quelque peu inférieur à 10.

Cette évolution est à rapprocher de la part du marché français prise avant le lancement du plan-calcul par les deux sociétés qui ont constitué la C 2 I. Toujours selon le rapport au Conseil économique, ces pourcentages s'élevaient à 3,1 pour la S.E.A.. et 1,1 pour la C.A.E., soit au total 4,2.

Évidemment, ces résultats peuvent conduire à des interprétations très différentes.

Un premier pas ou déjà un échec ?

Pour les uns, il faut d'abord reconnaître que le plan-calcul aura permis la mise en place d'un instrument : une société française spécialisée dans la réalisation des calculateurs a été constituée, et ce ne fut pas une mince affaire... Cette nouvelle entreprise aura conçu et construit un calculateur moderne (P 1) et mis à la disposition des utilisateurs une machine puissante (P 3). La production des ordinateurs militaires se présente bien, et quant à P 2, qui a disparu, peut-être la reverra-t-on un jour faire surface.

Pour réussir à fabriquer tous ces matériels, on aura commencé à produire en France des composants, notamment des circuits intégrés de haute qualité : le plan-calcul a conduit au lancement du plan composants. Et on aura entrepris d'intéressantes études de " software ". Au total, tout cet effort aura permis en cinq années de doubler la place qu'occupent sur le marché national les ordinateurs réalisés par une firme française.

Pour les autres, on doit constater que la nouvelle société a dû enregistrer des retards importants et qu'elle va maintenant s'attaquer directement aux plus puissantes firmes de calculateurs, alors qu'elle doit en même temps construire les machines, mettre au point le software et créer un réseau commercial. Encore n'offrira-t-elle aux utilisateurs - et grâce à d'importants crédits gouvernementaux – que trois machines dont une, la 10070, est entièrement américaine, dont une deuxième, P 3, a été réalisée avec le concours d'une firme d'outre-Atlantique. L'effort sur les périphériques est faible, et quant au plan-composants, s'il a bien été lancé grâce au plan-calcul, il n’en déborde pas.

Au total, après avoir fait dépenser au contribuable quelque 500 millions et mobilisé une masse d'argent frais s'élevant au total à 1 milliard, on aboutira seulement à faire prendre à du matériel copié ou inspiré des Américains une place sur le marché qui sera sensiblement inférieure à 10 %.

Ainsi, pour les uns, les réalisations à inscrire à l'actif du plan-calcul peuvent et doivent être considérées comme un premier pas vers l'éclosion future d'une grande industrie française des calculateurs, tandis que pour les autres il faut douter que l'entreprise atteigne tous ses objectifs.

Le cheval de Troie

Quoi qu'il en soit, deux faits s'imposent, dont le rapprochement ne manque pas d'être préoccupant. Il est évident, d'abord, que le plan-calcul a magnifiquement réussi à attirer l'attention des utilisateurs français sur les possibilités du traitement automatique de l'information : l'expansion que connaît actuellement l'informatique en France lui est due pour une bonne part. Dès à présent, il apparaît que, pour ce qui est de l'usage des calculateurs, la France se rangera au troisième rang dans le monde, derrière les États-Unis et la Grande-Bretagne.

D'autre part, il est certain que, de quelque manière que l'on apprécie l'effort fourni au titre du plan-calcul, ses prolongements restent dans les limbes.

Sans doute a-t-on entrepris à la C 2 I des études technologiques sur les composants des futures machines, mais aucun calculateur nouveau, encore moins aucun système informatique inédit, n'est sérieusement à l'étude. Compte tenu des délais nécessaires à la réalisation d'un matériel, on a tout lieu de craindre qu'en 1972, date à laquelle, pour faire face à la concurrence attendue, les machines de l'actuel plan-calcul devraient céder la place à d’autres ordinateurs, rien ne sera prêt : il y aura un " trou " d’au moins un an.

Il reste peu d'espoir, aussi, à nourrir du côté des autres organismes intéressés au plan-calcul : à la SPERAC, on paraît marquer le pas et à l’IRIA, où l’on aurait pu entreprendre l’étude d’une éventuelle P 4, rien de vraiment sérieux ne se passe. Tout au plus, y a-t-on contracté des habitudes universitaires qui paraissent peu faites pour aider à un quelconque développement industriel.

Un point discuté est celui des entreprises spécialisées dans le software. Elles se plaignent de ne pas avoir été appelées à constituer les lieux géométriques où s'élaboreraient les modes d'emploi des machines du plan-calcul, et regrettent de ne pouvoir accumuler tout le savoir - et tout l'argent - qui leur sera nécessaire pour affronter la concurrence ou résister à la tentation du rachat par une entreprise américaine. Mais à la C 2 I on affirme faire de son mieux pour les alimenter en commandes et on fait, non sans quelque apparence de raison, remarquer qu'aux États-Unis ce sont les producteurs qui définissent eux-mêmes les processus d'emploi de leurs machines.

Même si en France la situation au point de vue software est meilleure que celle en hardware - le matériel proprement dit, – il faudrait encore l'améliorer. Or une crainte naît : en popularisant l'usage de l'informatique, mais en ne fournissant pas un effort suffisant pour que des calculatrices authentiquement françaises prennent une place significative sur notre marché, le plan-calcul ne va-t-il pas créer une demande qui ne pourra être satisfaite que par une offre étrangère ? Conçu pour donner à la France son indépendance informatique, ne risque-t-il pas d'accroître en valeur absolue sinon en valeur relative notre dépendance, notamment à l'égard des États-Unis ?

Une solution européenne

Pour mieux assurer son avenir, la C 2 I pourrait d'abord songer à nouer une solide alliance avec une grande firme américaine. Elle y gagnerait au moins l'assurance de demeurer techniquement à la page et de pouvoir à son contact se former. Pour être acceptable, cette solution exigerait en contrepartie que l'on fournisse du côté français un effort soutenu pour ne pas conduire à la dépendance. Et il reste à savoir si elle serait acceptée : le plan-calcul a été lancé pour lutter contre la suprématie américaine, et si l’on a bien dû tolérer une certaine coopération il n'est pas évident que l'on admettra pour le moment de faire preuve d'une plus grande souplesse.

On ne peut non plus s'empêcher d'envisager des solutions européennes. Ainsi l’idée a-t-elle fait surface à Bruxelles d'unir les efforts du vieux continent pour construire un super-calculateur qui pourrait affronter les futures machines géantes américaines. Mais ce serait fuir le problème plutôt que le résoudre : les débouchés seraient limités tandis que l'effort à consentir serait énorme ; il faudrait y consacrer une bonne part de ses moyens intellectuels et financiers, le reste du marché, sa presque totalité en fait, étant abandonné à la concurrence. On ferait ainsi le lit des Américains.

On a songé encore à nouer, sous une forme ou une autre, des alliances avec d'autres firmes : avec I.C.L. en Grande-Bretagne, qui est la seule entreprise au monde à avoir réussi à affronter avec succès la concurrence américaine et dispose pour le moment sur son marché national d'une place enviable : 35 % ; avec Philips aux Pays-Bas, la seule société européenne à s'intéresser à l'informatique qui ait les reins assez solides pour entreprendre avec des chances de succès une action à long terme ; peut-être avec Siemens, en Allemagne.

Une telle formule serait infiniment préférable. En fait, ce serait la meilleure. Mais les unions ne sont possibles qu'entre des partenaires dont la taille ne soit pas trop dissemblable et dont les taux de développement demeurent proches. Et il faut tenir compte des alliances plus ou moins étroites que les uns ou les autres ont pu nouer avec des Américains et qui peuvent s'exclure. Si souhaitable qu'elle puisse paraître, une solution européenne ne paraît donc pas proche. Mais il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre...

Que l'on en vienne, en aménageant profondément l’état d'esprit qui a présidé au lancement du plan-calcul, à envisager une entente poussée avec une firme américaine, que l'on s'oriente vers une solution européenne ou que l'on en reste à une formule purement nationale - dans la mesure du possible - dans tous les cas, l'avenir de la C 2 I, et au-delà celui du plan-calcul, repose sur le dynamisme et la compétence dont elle fera maintenant preuve. Son succès n'est pas acquis, mais qui oserait avancer qu'il n’est déjà plus dans le domaine du possible ? Une réussite en tout cas, serait méritoire.

Il faut admettre que la tâche de la C 2 I n'est pas aisée. C’est encore une petite entreprise. Elle a hérité d'un passé difficile pour se heurter ensuite à des difficultés qu'une entreprise plus expérimentée aurait surmontées plus facilement mais qui ont retardé son effort. Peut-être, pour mieux s'infiltrer sur le marché, s’est-elle complu à de trop nombreux aménagements de sa politique de produits. Mais que l'on admette qu’elle a pris un bon départ ou que l'on redoute qu'elle n'en ait pris un moins bon, il demeure qu'elle s'est mise en route. Il est donc trop tôt pour la condamner, trop tôt aussi pour la porter aux nues.

L'idée que les problèmes de la C 2 I ont pu faire naître chez certains de mettre un terme au soutien dont elle bénéficie doit donc être écartée. De même que devrait l'être celle qui consisterait, au cas où les choses ne prendraient pas une bonne tournure, à lui insuffler d'une manière ou d'une autre des crédits supplémentaires, pour ne pas avoir à avouer un échec.

Ainsi l'État, sans l'appui duquel l'entreprise eût été évidemment impossible, comprendrait-il bien son rôle de promoteur en n'acceptant pas que les difficultés soient déguisées et les objectifs gonflés, cesserait-il de donner l'impression qu'à la base du plan-calcul il y a eu... une erreur de calcul.